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Le triomphe de la vérité

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Editorial:Au milieu de la polémique militaire


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L’armée servira-t-elle de force tampon entre les travailleurs et le pouvoir ? Au lendemain du brillant défilé qu’elles ont offert lundi, les Forces armées béninoises (FAB) risquent de soulever la polémique en se mettant à jouer le rôle que le Chef de l’Etat veut leur faire jouer dans la crise sociale qui accable son gouvernement. En clair, il leur est demandé de mater les grévistes tout en soutenant le Président de la république dans sa volonté de mettre fin à la fronde sociale.

Soutenir le président et réprimer les travailleurs, voilà de quoi les opposer aux civils et faire d’eux les boucs émissaires idéals d’une confrontation à laquelle nos hommes ne devraient avoir aucune part. Après cinquante-et-un ans d’existence, les FAB sont conviées par Boni Yayi à assurer une mission qui se situe à mille kilomètres de ce que le peuple leur a demandé lors de la conférence nationale.

La constitution elle-même, en leur confiant des tâches de défense et de sécurité est un prolongement de la volonté populaire exprimée lors de cette conférence. L’appel lancé à la haute hiérarchie militaire pour utiliser la force publique contre les grévistes sonne donc comme une mise en berne de tout l’idéal républicain construit lors de la conférence nationale et incarnée par la constitution du 11 décembre 1990. En obligeant les forces armées à rester dans leurs casernes et à assurer la défense du territoire ainsi que la sécurité des personnes et des biens, les délégués à la conférence nationale avaient pris la mesure qu’il fallait.

Eloigner les hommes et femmes en uniforme de toute participation à la vie sociopolitique, sans pour autant les priver d’assurer des tâches de développement. Décision chargée d’histoire, elle reposait sur l’expérience éprouvée des errements du passé. Que les hauts gradés imbus de leur nouvelle notoriété s’emparent des principaux leviers du pouvoir pour « sauver la nation en danger » comme ils l’ont dit pendant longtemps, n’est pas dans l’ordre de l’impossible. Cela s’est déjà vu. Que le peuple lui-même désemparé par l’embrouille de la scène publique en appelle à une intervention des hauts gradés, est encore plus plausible dans un contexte de confrontation exacerbée. C’est du déjà vu.

C’est pourquoi, le recours aux militaires pour régler une crise sociale de quelque ampleur qu’elle soit, constitue en soi une manœuvre désespérée de maitrise d’une situation qui échappe à l’autorité. Ayant perdu le contrôle de l’administration, la gouvernance du Chef de l’Etat risquait à tout le moins de sombrer dans le chaos au moment même où il entendait lui donner une nouvelle orientation. Et dans cette tourmente, ce fut une tentative dangereuse et malhabile qui à terme ne pouvait que se retourner contre l’autorité elle-même.

Dans la réalité, les militaires invités sur la scène publique n’ont aucune unité d’action. Ils ont les mêmes travers que les civils, les mêmes tentations et les mêmes appétits. Pire encore, transformant l’arène publique en un théâtre d’opération, leurs différends se règlent à la force de la baïonnette. C’est alors une soldatesque aux ordres de ses chefs alléchés par les ors du pouvoir. Les risques de déstabilisation de l’Etat deviennent très difficiles à juguler.

Autant il est facile de faire donner la troupe pour charger quelques travailleurs révoltés, autant il est impossible d’éliminer les généraux de la vie publique une fois qu’on les y a invités pour écraser des élans démocratiques trop poussés. Il ne faut pas s’étonner que quelques hauts gradés prennent fait et cause pour l’option présidentielle. Au sein de la grande muette comme dans l’administration publique, la mode est à l’aplatissement des cadres devant leurs supérieurs hiérarchiques de qui dépend leur sort. Le carriérisme rampant et l’opportunisme y font rage.

On ne peut rien attendre de mieux qu’un fiasco des militaires face à la hargne des travailleurs moulés dans la lutte syndicale. L’irruption des hauts gradés dans l’arène publique et surtout dans une fronde sociale exacerbée n’est en définitive que le premier pas vers un délitement politique de grande ampleur.

Olivier ALLOCHEME

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