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Le triomphe de la vérité

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Edito: Méfiez-vous!


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logo journal2+2=5. C’est un slogan utilisé par les propagandistes soviétiques en 1931 lorsque ceux-ci se sont rendus compte de l’échec retentissant du programme d’industrialisation lancé par Staline trois années plus tôt.Inspiré par son griot attitré Iakov Guminer, des posters géants avaient été positionnés partout et clamaient: 2+2=5, avec ce commentaire « le résultat arithmétique du plan financier industriel plus l’enthousiasme de l’ouvrier ». Pour dire que le succès du programme quinquennal avait permis de faire en quatre ans, ce qui avait été prévu pour cinq ans. Ce mensonge institutionnel a nourri l’un des chapitres du roman intitulé 1984 publié en 1949 par le romancier Georges Orwell. Le héros, Winston Smith, se demande dans son journal si l’État a le pouvoir de définir comme exacte la formule « deux plus deux égale cinq ». Et il se fait rétorquer par le chef du parti qu’en fait, le parti peut décider de dire que 2 + 2 = 5 dans certaines circonstances. Et que le pragmatisme révolutionnaire recommande que la vérité officielle donnée au public corresponde à la doctrine politique, même si les ingénieurs militaires utilisent des théories correctes dans leur travail. Cette contradiction apparente n’est qu’un aspect de ce que Orwell a lui-même nommé la « double pensée ». Disons-le simplement : la vérité politique est différente de la vérité en elle-même.
Lorsque Donald Trump avait commencé sa fulgurante ascension aux Etats-Unis en battant un à un ses principaux challengers du parti républicain, le New York Times avait publié un éditorial intitulé «Trump and the End of Truth » (« Trump et la fin de la vérité ») dans lequel Roger Cohen s’inquiétait ouvertement de la disparition de l’ère de la vérité. Tandis que les médias ne cessaient d’alerter les électeurs des mensonges grotesques dont le futur président truffait ses discours de campagne, celui-ci réussit à détourner l’attention du public de ses propres mensonges pour en faire « LA » vérité, tout en ridiculisant les médias accusés alors d’être au service de la manipulation. Il réussit même à discréditer des faits avérés, soulignant par exemple que le changement climatique est un canular inventé par les Chinois et que s’il ne payait pas ses impôts, c’était parce qu’il était intelligent. Le mensonge, plus c’est gros, plus ça marche, dira-t-on. Mais ce qui est constant, c’est que même au pouvoir, Trump et son équipe n’ont pas cessé d’abreuver les Américains de contre-vérités absurdes applaudies cependant par leurs supporters. Roger Cohen affirmait que «les faits ressemblent à cette charmante sensation de gueule de bois, au lendemain d’une époque où le discours rationnel dominait. Des petits désagréments dont on se débarrasse facilement».La vérité a perdu son pouvoir de matériau neutre. Elle n’existe plus en politique.
Nous sommes à l’ère des « faits alternatifs » pour parler comme Kellyane Conway, cette conseillère de Donald Trump qui a admis que l’on peut parfaitement travestir les faits à son gré. Et Sean Spicer, porte-parole du Président américain d’enfoncer le clou : « Parfois, dit-il, nous pouvons être en désaccord avec les faits » (« Sometimes, we can desagree with the facts »).
Ce qui se passe aux Etats-Unis ressemble à bien des égards à ce qui se passe en Europe, et principalement sur la scène politique française. La réinvention constante du réel par la patronne de l’extrême droite, Marine Le Pen,connait un certain succès auprès de l’électorat. La présidente du Front National est en tête des sondages depuis quelques jours. On fait fi de ses mensonges.
Tout ceci n’est pas sans rappeler les manipulations grossières qui ont lieu au Bénin et dans lesquelles les citoyens sont enfarinés à volonté. C’est encore pire en effet dans un pays où l’oralité, le bouche-à-oreille est de tradition. Les rumeurs y construisent l’opinion publique. Et les acteurs politiques ont compris. On a pu voir l’année dernière de célèbres animateurs des réseaux sociaux distiller dans l’opinion des contrevérités évidentes, en les enveloppant dans des montages grossiers. Ce n’est pas l’intention manipulatrice qui est grave en elle-même, mais la foi du public en ces rumeurs qui défient notre propre faculté à raisonner. Notre refus de voir la réalité.
Dans cette ère de propagation des fausses nouvelles, seul l’individu peut déterminer SA vérité en la questionnant à la lumière de la réalité. Sinon, il devient la proie facile des marchands d’illusion qui ont tôt fait de le transformer en marionnette. Le temps de vous méfier est arrivé.

Par Olivier ALLOCHEME

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