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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le style Talon


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logoAprès près de deux mois d’exercice du pouvoir, les Béninois découvrent un président vraiment différent. Patrice Talon ne ressemble en rien à Boni Yayi.

On connait l’ancien président : verbeux, adepte des éclats et des effets d’annonce, omniprésent dans les médias comme dans tous les discours officiels. Du temps du changement, l’une des missions des communicants de la présidence était de rappeler discrètement mais alors fermement aux ministres et autres DG, l’obligation qui leur était faite de  citer le nom du chef de l’Etat, chef du gouvernement, président de la République, Docteur…Tant et si bien que le titre de Docteur, jadis inconnu dans les appellations officielles, s’est mis à fleurir sur toutes les lèvres. Tous ceux qui ont dégotté un troisième cycle quelque part, se sentaient alors pousser des ergots et vivaient comme une grave injure de n’être pas appelés Docteur. C’était l’ère du dieu flagornerie qui avait ses prêtres (Allassane Djimba, Barthélémy Kassa et consorts), ses disciples  qu’étaient les directeurs généraux et autres seconds couteaux du régime, mais aussi ses fous (Frédéric Béhanzin et consorts). Le culte de personnalité érigé en dogme remplaçait une philosophie de l’Etat, carence fondamentale d’une gouvernance  faite de bric et de broc. Le rafistolage idéologique en somme.

A rebours de cette overdose médiatique à la gloire d’un homme, nous voyons un style nouveau. Sous le régime Talon, ce qui frappe aux yeux, c’est l’absence presque totale du culte de la personnalité. Cela confine parfois à la timidité d’Etat, tant les nouvelles autorités et surtout Patrice Talon, lui-même, s’ingénient à éviter tout bling-bling. Il est désormais rare de voir en ville un cortège ministériel avec sirènes et gyrophares. Même le chef de l’Etat n’en utilise pas. Pas même les motards qui font depuis toujours la solennité de la personne présidentielle. Ici, le président de la République préfère un cortège restreint qui en impose bien entendu, mais qui n’importune pas les usagers. Même sans gyrophares, tout le monde sait qu’il s’agit du chef de l’Etat. Dans ses déplacements ordinaires, Patrice Talon est apparu bien souvent même sans aucun dispositif particulier d’annonce, même si l’on sait qu’il est toujours accompagné de militaires en armes. Par-dessus le marché, on ne voit le premier des Béninois que très rarement à la télé et depuis son accession au pouvoir, il n’a presque jamais accordé d’interview à la presse nationale.

Cette “discrétion ostentatoire” s’est affichée vendredi lors de la représentation de la pièce « Kondo le Requin » au Palais des Congrès, représentation à laquelle le chef du gouvernement avait invité les   institutions du pays. Stupeur dans la salle, lorsque Patrice Talon   s’est installé avec son épouse dans la foule, loin des premières loges, comme un citoyen ordinaire.  La plupart des invités se demandaient si ce président était vraiment un homme normal.

Je relis encore ce message de l’un de mes amis de Porto-Novo, qui a posté ceci sur page Facebook vendredi dernier : « Hier à 17h c’était le branle-bas à coté du collège Robert Djidonou au quartier Houinmè. Motif : le président Talon était venu voir les siens, la maison de son oncle maternel qui l’a vu grandir. Deux faits ont attiré mon attention : le premier : la route passait,  tout le monde circulait comme si de rien n’était. Ensuite le grand attroupement autour des lieux remplis d’élèves, de zem et autres curieux. On voulait voir le président. Le deuxième fait non moins anodin c’est la voiture qu’il a prise : un Range Rover plaque blanche. Donc, il n’a pas fait une visite privée avec un moyen de l’Etat. Et même si c’était le cas, qui l’aurait condamne ? A mon avis,  c’est la marque des grands. »

En clair, cette discrétion plait au bas-peuple. Elle ressemble en tout cas au style de vie qu’a mené l’ex-roi du coton béninois, qui a bâti sa fortune à l’abri des caméras.  Mais la question se pose de savoir si Patrice Talon pourra gouverner un Etat comme le nôtre en étant aussi médiatiquement effacé. S’il pourra même continuer à rester loin des médias, sans faire les fameuses “tournées” qui mobilisent l’attention des médias.

Pour le moment, le style du président plait au bas-peuple qui applaudit, en attendant les premières gaffes.  Politiquement, il lui sera impossible de maintenir ce style, une fois que seront lancées les réformes promises et qui occasionneront forcément des grincements de dents.

Par Olivier ALLOCHEME

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