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Le triomphe de la vérité

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Hygiène hospitalière au Bénin:Les déchets biomédicaux, un péril sanitaire ignoré


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Au Bénin, les centres de santé ne riment pas toujours avec sécurité et santé. Nids de déchets biomédicaux mal gérés, ils constituent des sources de nombre d’infections pour leurs animateurs et leurs usagers.

Jean-Claude DOSSA

Laboratoire de l’hôpital de l’enfant et de la mère (HOMEL) à Cotonou, la métropole du pays. En cette matinée du mercredi 13 juin 2012, l’agent du service d’hygiène hospitalière, Abel Cossivi sillonne, comme à son habitude, les différentes salles de soins et allées du laboratoire. Il y traque les déchets biomédicaux (DBM) et déchets solides susceptibles de mettre à mal l’hygiène des locaux.

Consacré hôpital de référence après sa certification à la norme de qualité environnementale ISO 9001-2008, cette formation sanitaire dédiée à la santé de la mère et de l’enfant, fait de la promotion de l’hygiène hospitalière l’un de ses objectifs prioritaires, confie le laborantin Maxime Assogba. Si cet hôpital de référence manifeste un souci pour la propreté dans ses locaux, il n’en est pas encore ainsi pour la plupart des formations hospitalières du Bénin. Privées ou publiques, elles souffrent de la gestion approximative de leurs déchets biomédicaux.

Un problème de santé publique

« Deux fois par semaine, nous venons ici ramasser ces sachets noirs contenant les déchets du centre de santé pour aller les verser dans notre dépotoir à Agla avec les ordures ménagères que nous collectons dans différents foyers abonnés à nos services », confie, le front moite de sueur après des va-et-vient entre sa vieille brouette de ramassage d’ordures et les locaux du centre de santé privé Jesugnon d’Abomey-Calavi, Barthélemy Anagonou de l’Association Gbédokpô Finamin.

A l’instar de cette structure de collecte de déchets ménagers installée dans la banlieue de Cotonou, nombre d’autres Ongs sont sollicitées par des centres de santé pour la gestion de leurs déchets biomédicaux. « La majorité des établissements producteurs de déchets biomédicaux dans notre pays n’ont aucun accès pratique à une méthode d’élimination efficace, et finissent par traiter ces déchets d’une manière apparentée à celle qui est utilisée pour les ordures ménagères », se désole Urbain Lontchédji, Chargé de suivi évaluation à l’Ong Bethesda, structure privée œuvrant dans le domaine environnemental au Bénin.

Prenant appui sur une étude menée par l’Institut Africain des gestions urbaines, il dresse le constat de la gestion des DBM ”désespérante, chaotique” dans nombre d’hôpitaux du Bénin. « Les membres amputés, placenta, organes ou tissus, compresses, bandes, poches de sang, aiguille, lame de bistouri…y sont enlevés aussi banalement que les déchets solides ménagers (DSM) avant d’être mélangés avec ces derniers dans le même emballage pour la même destination finale », se désole-t-il avant de faire observer qu’ils constituent un danger pour l’homme et son environnement.

 Or, rappelle le Point Focal Déchets biomédicaux (DBM) du Ministère de la santé du Bénin, Djivo Pie, la règle en la matière est claire. « Il faut d’abord procéder au tri qui consiste à séparer les déchets biomédicaux des autres déchets aussitôt qu’ils sont générés ». Car, selon ses propos, les DBM constituent un plus grand problème aussi bien pour la santé publique que pour l’environnement.

Ainsi, repartis en déchets anatomiques humains, déchets non anatomiques et déchets infectieux par le Décret N° 2002-484 du 15 novembre 2002, les DBM (flacons de bouteilles, seringues, aiguilles, sang etc.) exposent au quotidien, usagers et animateurs à de graves infections dans les hôpitaux, cliniques, laboratoires, cabinets dentaires, cliniques vétérinaires…

Au centre de santé de Djougou, localité située à environ 450 kilomètres au Nord du Bénin, agents de santé et usagers dressent le constat d’une prise de conscience progressive sur l’enjeu d’une gestion rationnelle des DBM. « Nous disposons désormais de boîtes de sécurité pour recevoir les objets piquants et tranchants tels que les perfuseurs, les sachets de seringue, les boîtes à aiguilles ainsi que d’un service pour l’hygiène hospitalière.

Pour nos déchets, nous disposons d’un incinérateur et pour les liquides que nous désinfectons avec l’eau de javel, d’un grand trou », se réjouit Madeleine Nkoa Kouagou, aide-soignante. Cette femme, au regard débonnaire, d’une cinquantaine d’années, ajoute que « Lorsque l’un des agents se fait piquer par une aiguille par exemple, il fait un test de diagnostic rapide (TDR) qui permet sa prise en charge ».

Le gouvernement béninois est conscient de l’importance d’une gestion écologique, rationnelle et concertée des DBM, selon Djivo Pie. C’est pourquoi, explique-t-il, « le Décret N° 2002-484 du 15 Novembre 2002 portant gestion rationnelle des déchets biomédicaux en République du Bénin rend tout producteur de déchets responsable de l’élimination des déchets qu’il produit » et en fait une condition pour l’ouverture de centres de santé privés.

C’est d’ailleurs ce qui a conduit le ministère de la santé à initier les Comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) dans les formations sanitaires publiques du pays. Ce souci est partagé par la Banque mondiale. Elle a fait de l’élaboration d’un plan d’actions pour la gestion rationnelle des DBM dans les centres de santé une exigence pour le financement du Projet Multisectoriel de Lutte contre le Sida (PMLS) 2.

 Ce projet d’une durée de cinq années et d’un montant de 37,45 millions de dollars US (environ 17.500.000.000 de francs CFA) vise à appuyer le Bénin dans l’exécution de son Cadre Stratégique de lutte contre le VIH/SIDA en contribuant à ” accroître et à améliorer la couverture et l’utilisation des services de prévention, les services de soins et traitement…”.

Le Bénin s’est approprié cette exigence. Elle a fait de construction de fosses septiques et d’incinérateurs, d’acquisition de matériels de protection des agents de santé et des usagers tels que les bottes, gants etc. un axe stratégique dans la mise en oeuvre du projet, à en croire Djivo Pie de la Direction de l’Hygiène et de l’Assainissement de Base (DHAB), structure chargée de la mise en application de la politique sanitaire nationale en matière d’hygiène et d’assainissement de base.

Une foire aux maladies nosocomiales

Le regard triste, le secrétaire général du Syndicat des travailleurs de l’Homel (Syntra-HOMEL), Maxime Assogba se souvient avec émotion des conditions de décès de son ami, le Dr N.D, gynécologue au Centre hospitalier départemental de l’Ouémé (CHDO) de Porto-Novo, la capitale politique du Bénin. Victime de la seringue dont il venait de faire usage pour le traitement d’une patiente malade d’hépatite B et infecté à la suite de l’opération, ce médecin a rendu l’âme des suites de sa contamination à l’hépatite B fulminante. « Ces accidents d’exposition au sang (AES) nous exposent au quotidien à diverses maladies comme les hépatites virales B et C, la tuberculose et surtout les infections sexuellement transmissibles (IST) comme le SIDA », explique Maxime Assogba.

Ce cas d’AES n’est pas inédit dans les formations sanitaires du Bénin. « Il y a environ un an qu’après une visite à un parent ici, je me suis fait malencontreusement piqué par une aiguille qui trainait dans les allées de la salle de chirurgie du centre de santé communal. Plus tard, on m’a appris que j’avais contracté l’Hépatite B », confie dame Lucienne Sohou.

La quarantaine environ, cette commerçante ambulante à Bohicon -localité située à environ 112 km de Cotonou- traine depuis lors son mal en témoignage des multiples risques encourus par les populations dans les formations sanitaires. Le jeune Norbert Djagou n’a pas été plus chanceux. Agent d’entretien au Centre de santé communal de Zè, à une cinquantaine de kilomètres de Cotonou, il a été accidentellement infecté par le VIH Sida à la suite de manipulation de seringues. Dans cette formation sanitaire dont les locaux riment avec vétusté, explique l’agent d’environnement Yvette Assogba, ”le traitement des DBM ne remplit plus les conditions hygiéniques”.

Doté de deux (02) vieux incinérateurs, il doit son salut à l’incinérateur de type Monfort que l’âge et le manque d’entretien ne parviennent pas encore à priver d’activités à l’instar de celui de type DHAB. ”Pour l’incinération des DBM, nous ne bénéficions pas toujours des matériels adéquats comme les bottes et les gants; ce qui nous expose constamment aux infections”, fait-elle observer. La situation du centre de santé communal d’Allada n’est pas plus réluisante.

Salles de soin prisonnières des toiles d’araignée, murs décrépis, séringues, aiguiles, lits vétustes…négligemment laissés à même le sol, il offre au quotidien les conditions d’infection à ses usagers et aux agents de santé qui y opèrent. Alassane Mohamadou, électricien bâtiment d’une quarantaine d’années peine pour sa part, à faire fuir les mouches attirés par l’insalubrité des locaux du Centre d’isolement des malades de tuberculose de Djougou où il est interné depuis deux mois. ”

Je prie tous les jours d’échapper aux odeurs et au harcèlement des souris”, confie-t-il. Or, fait observer le juriste Serge Prince Agbodjan, la constitution béninoise du 11 décembre 1990 dispose en son article 27 que « toute personne a droit à un environnement sain, satisfaisant et durable… ».

Des issues de secours pour l’avenir

Le bilan mitigé de la gestion des DBM au Bénin n’est pas une fatalité, selon Urbain Lontchédji de l’Ong Bethesda. « Des voies et moyens existent pour inverser la tendance actuelle », fait-il observer. Il faut que « l’Etat poursuive sa politique de renforcement des formations sanitaires en incinérateurs pour l’élimination de leurs déchets, la promotion des bonnes pratiques observées sur le terrain et aussi la formation des agents de santé en hygiène sanitaire », explique-t-il tandis que la mise en place de centres de traitement et d’élimination des déchets biomédicaux, constitue aux yeux de l’agent d’hygiène Abel Cossivi une voie de salut.

 Pour Pie Djivo cependant, malgré ses imperfections, le Décret °2002-484 du 15 novembre 2002 pose les jalons de l’amélioration de la gestion des DBM dans les formations sanitaires du pays à travers plusieurs principes. Il s’agit de « la séparation obligatoire des déchets anatomiques humains, déchets non anatomiques infectieux et des déchets infectieux pointus et tranchants, la destination des déchets à des récipients appropriés identifiables par leurs couleurs différentes, la séparation des biomédicaux d’avec les autres types de déchets durant l’entreposage avec un temps de stockage inférieur ou égal à 48 heures… ».

Cependant, face aux conséquences environnementales des incinérateurs, Urbain Lontchédji promeut comme alternative au recours aux incinérateurs le broyage-stérilisation pour la destruction des déchets biomédicaux. « Le broyage-stérilisation est une technique écologique, rapide et efficace qui traite environ 90 kg en 45 minutes, 85% de l’ensemble des déchets biomédicaux seront détruits par cette nouvelle technique.

Actuellement, une partie des déchets biomédicaux sont détruits par des incinérateurs artisanaux de petite quantité fonctionnant lentement (20 kg de déchets en 4 heures) et dégageant beaucoup de pollution dans l’air ». Dans ce même sillage, la réadaptation du cadre juridique constitue, à ses yeux, une condition de succès dans la gestion des DBM au Bénin. « L’état de dysfonctionnement avancé du système actuel de gestion des déchets biomédicaux est en partie dû à un certain nombre de lacunes dans les textes juridiques.. »

A titre d’exemple, il pointe du doigt la Loi n°87 015 du 21 Septembre 1987 portant code d’hygiène publique. « Elle n’a pas suffisamment pris en compte le caractère spécifique de la gestion des déchets biomédicaux », fait-il observer avant d’inviter à prévoir des sanctions à l’encontre des formations sanitaires responsables de mauvaise gestion des DBM. Or, se désole-t-il, « le Décret n°2002 -484 du 15 Novembre 2002 portant gestion rationnelle des déchets biomédicaux manque de mécanismes de sanctions ».

Faisant sien le slogan de l’Alliance mondiale pour la sécurité des patients « un soin propre est un soin plus sûr », Marianne Branco, responsable de la structure Afrique Santé Services (A2S), œuvrant dans le domaine du traitement des déchets biomédicaux préconise la formation des Ongs de ramassage des DBM et autres associations environnementales pour soustraire les populations des risques d’infection liées aux DBM.

La protection des agents chargés de l’hygiène à travers le port de gants, masque, souliers protecteurs et combinaison étanche…est, selon Marianne Branco, une des réponses à privilégier face aux risques encourus. Pour sa part, l’anesthésiste-réanimateur, Jérémie Orou estime que la solution au problème réside dans l’élaboration et le respect d’un protocole de gestion des DBM au Bénin.

En attendant, Yvette Assogba du service d’hygiène du centre de santé de Zè, sillonne sans répit les sept (07) formations sanitaires de la commune de Zè pour y prêcher la bonne parole de l’hygiène en milieu sanitaire. ”Nous ne désespérons pas de voir un jour la peur des DBM disparaître au sein de nos visiteurs”, lâche dans un grand soupir, cette femme d’une trentaine d’années.

Enquête réalisée grâce à l’appui de l’Association des Journalistes d’Investigation du Danemark sur financement de l’IMS.

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2 thoughts on “Hygiène hospitalière au Bénin:Les déchets biomédicaux, un péril sanitaire ignoré

  1. ARABA Benjamin

    la gestion des déchets biomédicaux est un véritable problème de santé publique.Elle est décrite comme le processus visant à garantir l’hygiène des établissements de soins,la sécurité du personnel de santé de la communauté.le centre de d’Agbokou dispose d’un incinérateur mais ces déchets sont gérées par le gardien qui n’a aucune formation dans la gestion des DBM.

  2. Nicolas Miclo Environnement

    Nous avons la solution pour que vous puissiez gerer les dechets biomedicaux et nous sommes prêt a vous aidez ou vous accompagner dans la mise en place pourque le Benin devienne l’exemple Africains en gestion des risques infectieux
    A votre disposition pour en discuter
    Ordialement
    NICOLAS

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