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D’abord, même si la mouvance le voulait, elle ne pourra pas réviser la constitution sans l’opposition. Et pour une raison toute simple. Examinons à ce sujet l’article 154 de la constitution qui dit ceci : « Pour être pris en considération, le projet, ou la proposition de révision, doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale. » Autrement dit, pour que même le projet ou la proposition de révision de la constitution puisse être examiné par le parlement, il faut 82 députés qui soient d’accord. Actuellement, la mouvance dispose de 81 députés. Où trouvera-t-elle la voix manquante ? Auprès de l’opposition, si elle le veut.
Laissons même cet article 154. Car l’article 155 est plus contraignant. Il dit ceci : « La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée parréférendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a étéapprouvé à la majorité des quatre cinquièmes des membrescomposant l’Assemblée nationale. ». Ainsi, il faut qu’au moins 87 députés l’acceptent pour qu’il y ait une révision. Là encore, ce ne sera pas possible sans l’opposition. Bien entendu, si la mouvance n’y parvient pas, elle peut recourir au référendum, c’est-à-dire passer au suffrage universel. Et à ce niveau, chaque Béninois aura la capacité de dire directement s’il accepte ou non le projet ou la proposition.
Dans un cas comme dans un autre, si la mouvance veut une réforme constitutionnelle, elle est obligée de parvenir à un compromis avec les 28 députés de l’opposition. Et compromis veut dire négociation sur la libération des prisonniers politiques, ce dont le chef de l’Etat ne veut pas entendre parler. Aller jusqu’à même parler de référendum, serait un pur suicide pour la mouvance. Ce serait offrir une revanche à l’opposition pour préparer 2026. Si vous avez regardé la mobilisation autour de Boni Yayi ce dimanche 14 janvier 2024 à Dogbo, sur les terres mêmes de la mouvance, vous comprenez qu’un référendum sera totalement contreproductif pour la mouvance aujourd’hui. Il se transformerait facilement en un référendum pour ou contre Talon, avec le risque ultime de se faire Hara Kiri.
Pour toutes ces raisons objectives, je ne vois pas Patrice Talon s’engager sur la voie d’une révision constitutionnelle aujourd’hui. Mais il ne faut rien exclure. Les acteurs politiques nous ont déjà prouvé par le passé leur sens de la volteface. L’égotisme, ce venin de la superpuissance de ceux qui gouvernent, peut raffluer à tout moment.
Seulement, à quoi servirait aujourd’hui une éventuelle révision de la constitution ? A un troisième mandat ? Pensez-vous franchement, je dis bien franchement, que s’il voulait un troisième mandat, Patrice Talon aurait mis des verrous à toute révision allant dans ce sens ? La constitution révisée indique que nul, de sa vie, ne peut faire plus de deux mandats. Or, au moment où il avait un boulevard devant lui pour amender le texte constitutionnel à la hauteur de ses rêves d’éternité, il ne l’avait pas fait. Alors question : Pourquoi le ferait-il aujourd’hui où il ne dispose pas d’une majorité qualifiée ?
Je suis donc convaincu que le chef de l’Etat ne tentera pas le coup d’un troisième mandat. Par contre, il a tout intérêt à ce que le pouvoir ne tombe entre les mains de l’opposition. Mais ça, c’est un autre débat.
Par Olivier ALLOCHEME