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Le triomphe de la vérité

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Editorial:L’échec qui sauve


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L’échec des négociations gouvernement-syndicats est une bonne chose. Les grèves cycliques qui vont en découler à partir de demain vont, sans doute, allumer le front social, mais c’est un moindre mal face aux menaces d’effondrement économique qui pèsent sur le pays si l’on appliquait toutes les mesures réclamées par les syndicalistes.

Soyons d’abord clair. Si l’on ne prend que les syndicats enseignants, ils ont mille fois raison de réclamer ce qu’ils réclament. D’évoquer le dilatoire et les stratégies de blocage mises en œuvre par l’exécutif pour que les négociations échouent. Et elles ont bien échoué. Dans l’impasse aujourd’hui, elles ne peuvent réellement plus prospérer.

 En fait, ce qui est en cause, c’est la capacité réelle du Bénin à faire face aux augmentations salariales promises l’année dernière. 25% d’augmentation pour toute la fonction publique, ce fut une gageure, une véritable pantalonnade que rien ne pouvait expliquer. En supposant un seul instant que l’Etat disposait des moyens pour faire bondir sa masse salariale avec cette ampleur, il faut se demander si les concessions du gouvernement ont tenu compte des possibilités des entreprises privées.

 Dans un contexte où le secteur privé est piétiné au Bénin, une augmentation de cette ampleur dans la fonction publique donnerait des idées aux PME dont les agents se feraient fort de réclamer pour eux aussi (et ils en ont le droit), des mesures du même genre. Et lorsqu’on sait qu’en dehors des trafiquants de drogue, très peu d’entreprises ont encore une bonne surface financière, cette mesure ne devrait déboucher que sur l’asphyxie du secteur privé.

Mais elle ne peut provoquer que des chocs telluriques dans la fonction publique elle-même. Les 25% d’augmentation projetés échappent, en effet, à toute rationalité économique. Où donc l’Etat entendait-il trouver les moyens nécessaires pour faire face à cette promesse ? C’est d’autant plus curieux que depuis 2008, le Bénin n’a affiché que des croissances faibles (moins de 3%) et qu’il s’est régulièrement aligné parmi les derniers de la sous-région.

 Même cette année, les prévisions de croissance les plus optimistes n’atteignent même pas la moyenne africaine qui se situe entre 5 et 6%. Ces chiffres devraient, en réalité, préoccuper les syndicats. Ils devraient interpeller le gouvernement, et surtout le Chef de l’Etat sur ces contre-performances. Parce qu’en définitive, elles traduisent l’échec d’une gouvernance. Du même coup, les politiques de lutte contre la pauvreté sont entrainées dans cette spirale de l’échec. Le taux de pauvreté stagne au lieu de reculer. Il appartient aux syndicats ainsi qu’à toute la société civile d’inciter le gouvernement à sortir le pays de cette impasse.

Ce que l’on voit au contraire, c’est l’accentuation de la pauvreté combinée à des choix économiques mal inspirés. On ne peut comprendre autrement ce qui arrive à notre économie qu’en secouant la pratique gouvernementale faite de complaisance politique à tous les niveaux et d’une bonne dose d’improvisation. Je peine à comprendre le mutisme des syndicats sur ces thèmes majeurs de gouvernance.

Car, s’il est vrai que la politique salariale est d’abord une politique sociale, elle ne découle pas moins de la situation économique réelle. A preuve, les engagements souscrits de façon hasardeuse par le gouvernement face aux syndicats l’année dernière, se sont révélés impossibles à mettre en application, même avec les rééchelonnements. On ne peut donner ce qu’on n’a pas.

Le Chef de l’Etat a beau clamer son incapacité à payer, il ne sera pas entendu de si tôt. C’est lui et lui seul qui aurait dû freiner les ardeurs des uns et des autres pour tenir ou faire tenir par le premier ministre un langage de vérité aux syndicats. Même s’il est dur à avaler. L’impasse actuelle est le résultat du sentimentalisme voulu et exploité à fond par les organisations syndicales.

Mais elle est préférable à la déconfiture économique que prépare l’augmentation mal réfléchie de la masse salariale. Sortir de ce mauvais pas ne sera pas une sinécure. Tout dépendra désormais de la force de proposition du chef de l’Etat qui a tout intérêt à revenir sur ces accords inapplicables.

Olivier ALLOCHEME

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