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Le triomphe de la vérité

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Edito: Un devoir de paix


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Il serait illusoire de penser que ceux qui ont incendié  Cotonou et Tchaourou ne reviendront pas à la charge dans quelques jours. La violence électorale induite par des appels à manifestation qui n’ont pas suffisamment insisté sur le devoir de préserver la paix, est à la base de ce déchaînement passionnel. Qu’on le veuille ou non, le droit de manifester est différent du droit de détruire. Mais pour une frange importante des opposants, manifester sa colère c’est avant tout saccager et incendier. Et quand certains vandales emportent des motos, des ordinateurs et d’autres biens privés, après avoir incendié des maisons, des sociétés ou détruit tout ce qui peut l’être, ce n’est plus de politique qu’il s’agit. Mais de perversion.

Il y a ceux qui pensent que l’armée et la police auraient dû laisser les vandales continuer à perpétrer leurs saccages. On aurait dû utiliser les moyens classiques de dissuasion auxquels les manifestants, notamment les délinquants, sont devenus insensibles : matraques, gaz lacrymogène…Il y aurait certes des blessés mais pas autant de morts. Il y a ceux qui au contraire pensent que la force publique doit, à un moment donné, utiliser la manière forte, y compris en ayant recours aux balles réelles. Surtout que parmi les vandales, certains brandissaient des armes et que beaucoup étaient là pour mettre fin au régime. Ce ne sont plus vraiment des manifestations classiques, mais le début d’exécution d’un coup de force.

C’est la deuxième option qui a fini par être prise, avec les drames que cela devrait induire. Si à Tchaourou, Savè, Kilibo ou Parakou, les autorités ont résisté jusqu’au bout à l’utilisation d’armes létales, il n’en fut pas de même pour Cadjèhoun.  Je persiste à croire que les protestations auraient continué et rassemblé plus de monde s’il n’y avait pas eu les incendies et saccages qui ont entretenu un climat de terreur dans tout Cotonou. Nous étions au début de l’irréparable. D’autant que ceux qui manifestaient avaient en tête des rumeurs et non pas des faits. Rumeurs d’une pseudo-tentative d’arrestation de Yayi Boni. Jusqu’ici, personne n’a pu prouver que la police était entrée même dans la rue de Yayi ou même toqué à son portail. A peine le dispositif policier avait-il commencé à être déployé sur la grande route que l’alerte a été donnée. Sur la foi d’une rumeur, le feu est parti et l’embrasement a suivi. A vrai dire, l’idéal démocratique suppose une population éveillée, consciente de ses devoirs comme de ses droits. Il y a perversion lorsque nous ne sommes plus capables d’identifier clairement la limite de nos droits et l’étendue de nos devoirs de citoyens libres.

Ceux qui sont morts ne reviendront plus. Et je lis encore l’ode poignante de larmes écrite par Habib Dakpogan hier, pour dire tout son effondrement face à la tragédie de cette dame morte d’une balle perdue, alors que dans la nuit sauvage de Cadjèhoun, elle était partie à la recherche de son enfant. Sept orphelins déjà de père, se retrouvent sans mère. « Est-il si loin le temps où nous étions humains ? » se demande le poète. Quel écho donner aux cris de ces enfants trop tôt livrés à la cruauté d’une vie de misère ?

Il y a mieux que la violence politique. Dans son essence, elle est aveugle et passionnelle. Autant il faut condamner les commanditaires et les exécutants débridés, autant il faut dénoncer cet usage de la force publique qui plonge des familles entières dans le désarroi pour la vie. Car, j’en suis convaincu, bientôt les acteurs politiques se réconcilieront et passeront par pertes et profits tout le chaos de la semaine dernière. Même si les mouvements reprenaient, on finira par voir, comme par le passé, des solutions qui permettront aux protagonistes de se parler. Et le jeu des alliances auquel notre scène politique est habituée, reprendra. Nous sommes dans une arène volatile dont les acteurs jouent à la perfection le jeu des compromis et des compromissions.

Ceux qui ont perdu leurs biens pourraient bien les reconstruire si l’Etat les y aide. Mais ceux qui ont perdu leurs vies ne reviendront plus. Celui qui a perdu un bras est définitivement handicapé. Même ceux qui appellent à la violence ne seront pas épargnés si le déferlement de haine embrase le pays. Le devoir de paix est aujourd’hui le seul ultimatum valable.

Par Olivier ALLOCHEME

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