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Le triomphe de la vérité

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Edito: La révolution numérique


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C’est sur l’espace réputé ludique des réseaux sociaux qu’a eu lieu l’action citoyenne ayant permis d’annuler l’augmentation des tarifs internet. Tous ceux qui pensaient que les réseaux sociaux ne sont que des outils de divertissement, vont définitivement se rendre à l’évidence : c’est un outil médiatique qui commence à surpasser les médias traditionnels.
Le hashtag « taxepasmesmo » mis en place par l’association des bloggeurs du Bénin a eu en quelques jours, un retentissement national et international qu’aucune chaîne de télé, de radio ou même un journal de presse écrite ne peut revendiquer dans notre pays. En dehors de son caractère spectaculaire, il a pris l’allure d’un phénomène social qui s’est rapidement répandu dans tous les ménages et les cercles de discussion. Pour avoir attentivement observé le phénomène jeudi, vendredi et samedi, je peux témoigner que l’emballement a pris possession de la toile, en en excluant tout autre sujet sérieux. Ce fut un feu de forêt impossible à maîtriser.
Et il fallait s’y attendre. On peut même se demander comment les autorités n’ont pas vu venir la révolte.
Depuis les révolutions arabes qui ont renversé des dictateurs en Tunisie en 2010 et en Egypte en 2011, presque personne ne banalise la capacité de nuisance de ces nouveaux médias. Pour vous rafraichir la mémoire, il faut peut-être rappeler qu’à l’époque, les citoyens empêchés de se réunir sur les places publiques, et dans un contexte où les médias traditionnels avaient été totalement muselés par les pouvoirs publics, ont eu recours à l’internet. Le web a permis de faire circuler les mots d’ordre et surtout les informations que les médias traditionnels ne pouvaient pas diffuser. On a vu comment quelques hashtags ont permis de rassembler des centaines de milliers de manifestants sur la place Tahrir au Caire, au moment même où les autorités croyaient avoir muselé toute voix discordante.
On a vu à Cotonou comment les autorités ont empêché une manifestation prévue vendredi dernier par les internautes à la place du Souvenir. Ce regroupement aurait été le début d’une action politique, s’il n’avait pas été interdit. Car, si la crise persistait, le gouvernement pouvait expérimenter l’extraordinaire pouvoir de rassemblement des médias sociaux qui, à bien des égards, sont des armes insurrectionnelles. Nous assistons clairement à l’émergence d’un cinquième pouvoir détenu, cette fois, par le peuple des réseaux sociaux, ceux qui sont partout et sont prêts à mener des actions citoyennes d’envergure.
Tout compte fait la cyberrévolution à la sauce béninoise a donné des résultats tangibles. Le gouvernement a été contraint de reculer.
Ce n’est pas une moindre victoire dans le contexte actuel. Reste maintenant la question que se posent tous les observateurs : y aura-t-il des conséquences politiques ?
Pour y répondre, il suffit de voir comment les FCBE et l’USL ont tenté d’opérer une récupération politique, en orchestrant des actions médiatiques dont la portée reste à mesurer. Ils espèrent bien sûr, tirer les dividendes de cette crise afin d’affaiblir le gouvernement dans la perspective des élections de 2019. Vous comprenez pourquoi il n’était plus politiquement possible pour Patrice Talon de continuer à maintenir sa décision impopulaire, sauf à laisser le champ libre à l’opposition qui cherchait déjà des motifs de mobilisation électorale. Parallèlement, son propre camp s’est retrouvé asphyxié par la houle populaire, par le mécontentement généralisé. C’est facile de le dire aujourd’hui, après la crise, mais il y a beaucoup d’acteurs de la mouvance qui ont été déboussolés par la tournure de la révolte. Et il est clair que la plupart se demandent encore quel langage ils pourront tenir devant leurs électeurs après une débâcle aussi monumentale.
Ce que Talon ne devrait jamais faire, c’est d’aggraver la crise en s’en prenant automatiquement aux ministres des finances et de la communication ainsi qu’aux responsables de l’ARCEP. Leur limogeage donnera des ailes à l’opposition qui attend impatiemment de tirer les dividendes de la crise, en l’amplifiant à ses profits. Pour le moment, le Chef de l’Etat a réussi à couper l’herbe sous le pied de l’opposition en lui arrachant un thème de campagne potentiellement incendiaire.

Par Olivier ALLOCHEME

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