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Le triomphe de la vérité

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Edito: Ce mal qu’on nous a fait


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J’entends encore l’ancien Président Nicéphore Soglo sur la RTI 1, ce samedi 08 juillet 2017 : «C’est le sang des Noirs qui a permis de bâtir le château de Versailles ». De par ma formation d’historien, j’en ai entendu et appris sur un pan de cet héritage atroce. Quatre siècles de déportation, près de 100 millions de vies dispersées aux Amériques, beaucoup jetées en haute mer, une bonne partie torturées et tuées dans les plantations de café, de canne, de coton, de tabac… Et c’est pour que la mémoire humaine n’oublie jamais cette tragédie pire que l’holocauste, qu’est né le projet La Route de l’Esclave. Il y a aujourd’hui Gorée au Sénégal où tout cœur se fend de larmes, Cape Coast au Ghana où même l’onde du soir ne peut vous empêcher d’entendre encore ces millions de cris des Noirs étouffés par les vagues de l’océan, et Ouidah, Ouidah de nos ancêtres marqués aux fers rouges. Il y aura aussi Lomé, Brazzaville et bien d’autres sites qui nous diront de ne jamais oublier ce qui fut le commencement des douleurs.
Et il y a des initiatives tout à fait insolites. Telle celle de Nona Faustine, photographe new-yorkaise, qui a posé toute nue début juillet, sur des sites historiques liés à l’esclavage dans sa ville natale. Ceci a donné naissance à l’exposition « White Shoes » (« Chaussures Blanches »), autoportraits présentés dans de nombreuses galeries d’art et de photographie où elle tente de mettre en lumière l’impact de l’esclavage sur la psychologie des gens aujourd’hui. Là où l’on apprend que Wall Street s’est bâti sur un ancien marché aux esclaves et que l’hôtel de ville de New York repose sur un site où des esclaves étaient enterrés. « Il y a des blessures qui ne sont pas encore complètement cicatrisées, et les conséquences négatives de cette histoire sont toujours avec nous », affirme la photographe noire interviewée par le magazine Dodge and Burn.
Et c’est là où toutes ces initiatives devraient réveiller les Africains. Car, contrairement à ce que l’on peut croire, les séquelles des guerres esclavagistes restent encore vivaces aujourd’hui. Peu de Nago de Kétou peuvent aujourd’hui dire pourquoi leurs parents sont si réticents à les voir se marier avec des Fons. Dans les Collines, l’opposition latente mais réelle entre les communautés Idaasha et Mahi est un vestige de l’esclavage, habilement exploité par les hommes politiques. Ces exemples peuvent être multipliés dans nos communes. Les peuples qui ont souffert des exactions de jadis en ont gardé des souvenirs de méfiance répétés de générations en générations. L’esclavage a planté au cœur de nos communautés des soifs de vengeance, des dégoûts séculaires qui façonnent même la vie sociale de nos jours.
Ne prenons pas seulement l’impact sociologique, regardons l’énorme contrecoup économique. Ces millions de bras valides furent sans doute des Cheikh Anta Diop jetés en mers, des Cheick Modibo Diarra réduits en esclavage, ce furent certainement à des, des Jean-Baptiste Satchivi, des Barack Obama ou des Wolé Soyinka auxquels une civilisation rassasiée mais toujours avide, ôtait l’excellence. Nous en sommes tous témoins. Ce mal qu’on nous a fait est une des raisons fondamentales de nos problèmes.
Et regardons aussi comment quatre siècles d’esclavage accompagnés de plusieurs décennies de colonisation, nous empêchent de voir ce que sont aujourd’hui nos bourreaux et surtout de les prendre comme tels. Il existe encore aujourd’hui des sociétés prospères pour lesquelles l’idéologie esclavagiste et impérialiste a asservi et tué nos ancêtres. Elles sont encore à Cotonou, certaines de celles qui ont entièrement bénéficié de la tragédie. Elles se sont enrichies durant des siècles et continueront à le faire encore, parce que plus personne ne s’en souvient. Ceux que l’on frappa, que l’on jeta par-dessus bord dans les océans, que l’on enchaina dans les cales des bateaux négriers, que l’on déshumanisa, sont oubliés. Leur sacrifice fut vain.
Aujourd’hui, que constate-t-on ? Qu’en dehors des bavardages institutionnels et des discours convenus dont le but est de pavaner de conférences en séminaires, nous ne nous sommes nullement appropriés ce pan d’histoire pour construire notre avenir. L’esclavage devrait nous servir à nous poser la seule question qui vaille : que faisons-nous pour le futur, en améliorant le présent ? Autrement dit : qu’apportent à demain nos complaintes d’aujourd’hui, si elles ne nous servent pas à construire une identité réellement unitaire ? Quand cesserons-nous de nous poser en victimes des autres?
Je me pose la même question ; et je n’ai encore aucune réponse…

Par Olivier ALLOCHEME

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