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Le triomphe de la vérité

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Enquête/Mauvaise gestion du secteur énergétique: Le sort de Maria Gléta en débat


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La turbine à gaz de Maria Gléta construite de 2008 à 2013

Les turbines à gaz de Maria-Gléta pourraient être réhabilitées sous peu. Le gouvernement tente de corriger les erreurs techniques de ce projet de grande envergure, malgré les coûts additionnels que cela induit.

« Maria Gléta est coûteux en termes de gestion. Les équipements utilisés sont très consommateurs de jet A1 et d’autres combustibles spécifiques…Le coût d’exploitation est exorbitant ». C’est d’un air dépité que ce cadre en service au ministère de l’énergie et fin connaisseur du dossier Maria-Gléta, fait un diagnostic sans concession du projet qui a vu la construction d’une turbine à gaz dans cette localité de la commune d’Abomey-Calavi. Ayant requis l’anonymat, il dit les choses telles qu’il les pense : « Maria-Gléta est la manifestation de l’incompétence des cadres béninois, affirme-t-il. C’est aussi le symbole de la déstructuration des différents corps de l’Etat sur les grands projets du pays ». Pour lui, si le Chef de l’Etat savait à l’époque que c’était des turbines aéro-dérivatives qui allaient être installées, il aurait peut-être demandé à réduire le nombre commandé. En mars 2016, au plus fort de la campagne électorale comptant pour la présidentielle de cette année-là, le président de la République avait indexé nommément des cadres, avant de déclarer : « Malheureusement, le choix technologique, selon les dernières conclusions, est mauvais. Ce choix a été fait par nos cadres techniciens. C’est pourquoi notre président Kérékou, paix à son âme, continue de dire que les cadres de notre pays sont dangereux ».Tout compte fait, le contrat signé par l’Etat béninois avec la société américaine Combustion Associates Inc. ( CAI)le 24 août 2007, prévoyait que les travaux démarrés le  09 avril 2008 soient achevés le 09 octobre 2009, au plus tard, soit une durée d’un an et demi. Mais les dernières turbines n’ont été réceptionnées officiellement qu’en 2013, soit un retard de près de quatre années.« Maria-Gléta, c’est un fiasco », lance le ministre béninois de l’énergie, Dona Jean-Claude Houssou. Les problèmes qu’il relève sont notamment la cherté du combustible nécessaire à son fonctionnement, la cherté des combustibles spécifiques et de nombreux problèmes de maintenance. « C’est une installation qui n’est pas viable », conclut-il, lapidaire. Ayant été ministre de l’énergie durant quatre années, au moment de l’exécution des travaux, Sacca Lafia ne se souvient pas avoir jamais vu un dossier d’appel d’offre sur Maria-Gléta. « Je ne savais pas sur quelle base on l’avait choisie », nous a-t-il confié en parlant de CAI. Du reste, en conclusion à son troisième rapport d’étape datant de mai 2009, l’ingénieur conseil de l’Etat béninois qu’est le  BNETD (Bureau national d’études techniques et de développement), a pu écrire ceci : « Les tergiversations de CAI nous amènent à penser qu’elle n’a jamais exécuté de projet similaire d’une part et d’autre part qu’elle ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour une meilleure conduite du projet. » Le 07 janvier 2013, une explosion de la turbine 3 eut lieu, et faillit coûter la vie à l’ingénieur principal du projet. Et comme si tous ces écueils ne suffisaient pas, le gaz sur lequel les concepteurs du projet comptaient, n’a jamais été disponible de manière régulière. Tout compte fait, l’infrastructure a fini par être réceptionnée en 2013, devenant  ainsi la propriété du gouvernement béninois. Ce sont huit turbines de 10 mégawatts chacune et de type dual, fonctionnant à base de jet A1 et de gaz. Sa production reviendrait à une moyenne de 260F le kilowattheure, plus du double des prix actuellement pratiqués par la SBEE.  Sans compter les multiples problèmes de maintenance que pose l’infrastructure, ce problème tarifaire seul est largement dissuasif.

Une adaptation nécessaire

Pour ne pas perdre entièrement les 46 milliards de FCFA environs investis dans le projet, le ministère de l’énergie a choisi d’adapter l’infrastructure.  Mais la centrale n’a jamais fonctionné à plein régime. Utilisée de façon ponctuelle en cas de nécessité, elle fait face à de grands risques liés à de longues périodes d’inactivité. « C’est presque un crime de laisser non fonctionnelle une turbine à gaz », nous a confié un ingénieur en génie électrique qui a requis l’anonymat.   Le coût de la maintenance étant réellement élevé, le gouvernement béninois a fait le choix de la transformation des turbinesen une centrale fonctionnant au gaz et au fuel lourd. Il s’agira également avant la fin 2018, d’étendre la capacité de l’infrastructure pour la porter à 120 mégawatts. La centrale sera exploitée  dans le cadre d’un Partenariat Public-Privé (PPP) sous forme de production privée d’électricité pour une durée de 20 ans. Selon le ministre de l’énergie, Dona Jean-Claude Houssou, il a été prévu de mettre en place une unité flottante de stockage et de regazéification aux larges de Cotonou, afin d’alimenter en gaz non seulement la centrale construite par CAI, mais aussi toutes les autres centrales en cours d’installation actuellement sur le site de Maria-Gléta.  C’est du moins la parade qui a été trouvée pour sauver de la ruine un investissement massif qui a alimenté les illusions pendant plusieurs années.

Olivier ALLOCHEME 

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