Entretien avec Moukaram A.M. Badarou au sujet de la modification du code électoral: « Finir avec les partis politiques en pièces détachées, ce n’est pas entretenir une crise »

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Le vote à l’Assemblée nationale le 05 mars dernier du nouveau code électoral défraie la chronique. Si pour les uns, les nouvelles dispositions mises en place visent à renforcer la réforme du système partisan, l’opposition crie à ‘’l’exclusion’’. A travers cette interview, le Directeur adjoint de cabinet du président de l’Assemblée nationale, Moukaram A.M. Badarou et ancien Préfet des Départements de l’Ouémé et du Plateau apporte des clarifications. Lisez plutôt !

Moukaram A.M. Badarou, Directeur adjoint de cabinet du président de l’Assemblée nationale

L’Evènement Précis : Mardi dernier, les députés ont amendé le code électoral. Ont-ils les prérogatives d’aller au-delà des consignes   données la Cour constitutionnelle ?

Moukaram Badarou : Effectivement le mardi 05 février 2024, la représentation nationale a procédé à l’amendement du code électoral qui était en vigueur jusque-là. En le faisant, les députés sont bien sûr dans leurs prérogatives constitutionnelles qui essentiellement,  consistent à voter les lois. La révision d’un code électoral n’est pas un fait nouveau au Palais des Gouverneurs. Ça se fait depuis le renouveau démocratique et à chaque fois où le besoin s’est fait sentir, ils l’ont toujours fait. Quant aux consignes de la Cour constitutionnelle, elles ont été prises en compte par les honorables députés qui en ont profité pour mieux faire. Ils sont restés rigoureusement dans leurs rôles à savoir, légiférer.

Vous avez parcouru le Code reformé. Est-ce que les exigences de 20% par circonscription électorale qui viennent  s’ajouter à celle des 10% de suffrages au plan national ne sont  pas exagérées ?

Les exigences de 20% par circonscription électorale qui viennent renforcer  les 10% de suffrages au plan national ne sont  pas exagérées. Les 20% concernent tout au moins les 3/5 des Circonscriptions électorales c’est à dire, 15 des 24 que compte  notre pays. Il s’agit ici de renforcer le système partisan, de donner des  forces aux partis politiques. Il s’agit de faire en sorte qu’à l’arrivée, nous ayons des partis politiques qui couvrent véritablement toute l’étendue du territoire national. Il s’agit de mettre fin à l’émiettement des forces politiques pour avoir véritablement des partis politiques dignes du nom à l’instar des partis politiques tels le PDP ou APC au Nigéria ou l’ANC en Afrique du Sud.

Le parrainage à capitaliser par les partis politiques, cela ne ressemble-t-il pas à la confiscation de la liberté du député ?

Confiscation avez-vous dit ? Pas du tout. L’objectif visé par la représentation nationale est de renforcer les partis politiques et de sécuriser les positions politiques. Finir avec la littérature sur la transhumance politique et d’arriver réellement à y mettre fin. Il faut sécuriser le vote des militants des partis politiques et éviter que le Député puisse prendre de direction contraire à la volonté de son parti politique ou de son obédience politique. Cela dit, la liberté du Député n’est pas entamée, bien au contraire. Aucune liberté ne doit contrarier la volonté de ses mandants. La voyoucratie ou le banditisme politique est une mauvaise chose. Il faut impérativement y remédier.

Pourquoi le législateur pense-t-il qu’un président qui n’est affilié à un parti est plus mauvais qu’un président issu d’un parti politique ?

La vision de la majorité parlementaire est claire, c’est donner aux partis politiques toute la place qui est la leur. Libre à quiconque qui a la volonté de briguer la magistrature suprême d’adhérer à un parti politique de son choix afin de disposer d’une équipe partisane et d’une vision de gestion pour le pays. L’objectif ici, c’est d’éviter qu’un quidam débarque avec ce que vous savez et arrive à conquérir le pouvoir d’Etat sans pour autant disposer d’une base politique pour donner de meilleures orientations à notre pays. Adhérer à un parti de son choix et y militer ne coûte rien, donc chaque citoyen peut trouver sa voie. À défaut d’adhérer, créer un parti politique et réussir à lui donner la dimension requise, c’est humainement possible.

Le multipartisme intégral au Bénin est-il aujourd’hui devenu une chose à combattre et pourquoi ?

Le multipartisme reste intégral et il suffit de respecter les normes en la matière pour espérer son récépissé après la création de son parti politique. Mais il s’agit de donner des moyens politiques aux partis politiques pour qu’ils soient plus forts dans l’exercice de leurs missions. C’est clair qu’il faut mettre fin aux partis politiques de d’arrondissement ou de communes et tendre sérieusement vers les partis politiques à dimension nationale.

Dans l’ensemble, est-ce que le nouveau code ne va raviver la crise politique au Bénin ?

Pas du tout. Le Bénin est une démocratie et il faut savoir s’arrimer aux normes démocratiques. Il n’y a pas de place à une crise parce qu’au cas où il y en a qui ne seraient pas d’accord, les voies de recours existent. C’est vrai que la démocratie, ce n’est pas de l’unanimisme. C’est plutôt un jeu des idées, une dictature des textes où règne la voie de la majorité. Vouloir finir avec les partis politiques en pièces détachées, ce n’est pas entretenir une crise. Vouloir finir avec la transhumance, ce n’est pas entretenir une crise. Jouer son rôle constitutionnel à l’Assemblée nationale, ce n’est pas entretenir une crise. Les normes démocratiques sont claires, il faut savoir les respecter pour une démocratie au sens du mot et dans l’intérêt de tous. Le code voté est valable pour toute la classe politique. Ces contraintes le sont pour tout le monde. N’oubliez pas que j’étais un Président de parti politique. Mes camarades et moi, nous avons pris acte de la nouvelle donne politique dans l’intérêt de la démocratie et de notre pays. Nous voici dans une formation beaucoup plus grande et plus porteuse  pour le développement de notre pays.

En Europe, il s’observe un recul du bipartisme. Au Bénin, on fait l’impossible pour en faire un modèle. N’y a-t-il pas quelque chose qui cloche !

Ici c’est le Bénin. Ici c’est le continent africain. Pas de mimétisme béat. Chaque pays cherche et trouve la voie qui lui permet de se construire. Après la conférence nationale et le parcours qui est le nôtre, on est en mesure de tracer nos propres voies en fonction des réalités qui sont les nôtres et en fonction de nos aspirations. Le contraire serait une insulte à notre peuple et à l’âme profonde de notre pays.

Un mot pour conclure cet entretien

Je vous remercie pour l’intérêt et je tiens à préciser que la représentation nationale n’a fait que son devoir et que l’essentiel des objectifs, c’est de renforcer les partis politiques et de chercher à mettre fin au nomadisme politique. L’errance politique est dangereuse pour la démocratie et même pour la paix dans un pays. La démocratie pluraliste, la sécurité du vote des électeurs, des partis politiques à dimension nationale et un travail acharné pour le développement du Bénin, tel doit le leitmotiv de chacun d’entre nous.

Je vous remercie.

Interview réalisée par L’Evènement Précis

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