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Le collège des ministres-conseillers pose plus de problèmes qu’il n’en résout. La nomination de ces acteurs politiques dont la plupart sont des recalés des législatives de 2023, laisse des impressions mitigées. Soit cette institution vise à trouver un strapontin à des fidèles alliés n’ayant pas vraiment trouvé leur place, soit elle vise à préparer 2026. Une chose est sûre, elle ne sert pas à renforcer l’efficacité des ministères. Rares sont les ministres conseillers qui sont des experts avérés de leurs domaines.
Prenons donc le deuxième bout de ce qui semble probable : préparer 2026. Mais alors une question se pose : Comment peut-on prétendre à une renaissance politique en réutilisant des figures déjà désavouées par le suffrage populaire ? Ce choix de casting ne fait-il pas fi de la volonté exprimée par le peuple béninois lors des dernières élections ? En 2024, alors que la démocratie béninoise est à un carrefour, la nomination des ministres-conseillers ressemble à un coup d’épée dans l’eau. Les Béninois ayant déjà voté contre certains de ces personnages, voient dans cette nomination un affront, un pied de nez aux urnes. On pourrait dire que Talon joue aux échecs avec des pions déjà tombés, espérant peut-être un miracle ou une réhabilitation par la force du temps. Mais l’histoire nous enseigne que le temps n’efface pas toujours l’encre des votes.
Les critiques fusent de toutes parts. Ce que nous entendons de-ci de-là, ce sont les métaphores faisant état de “recyclage politique” où les déchets électoraux sont transformés en conseillers. C’est un procédé qui, loin de purifier l’air politique, semble plutôt l’encrasser davantage. Ces nominations sont perçues non pas comme un pas vers la modernisation ou la réforme, mais comme un retour en arrière, une tentative de recréer l’ancienne garde sous un nouveau titre. Il suffit de regarder l’âge moyen des personnalités nommées. Les jeunes acteurs politiques qui s’attendaient à être positionnés, sortent déçus et dégoûtés.
Si l’objectif de Talon était de former une équipe robuste pour les échéances de 2026, on peut donc dire que c’est un coup dans le vide. Les Béninois ont de la mémoire et les échecs électoraux marquent les esprits. Nommer des ministres-conseillers qui n’ont pas su incarner les espoirs et les rêves du peuple, c’est comme essayer de construire une maison avec des briques déjà fissurées. La fondation de ce projet pour 2026 semble déjà vaciller sous le poids de l’incompréhension et de la déception publique.
C’est donc la première hypothèse qui semble tenir la route. Récompenser ceux qui se sont distingués par leur fidélité au régime, même s’ils ont subi un revers électoral en 2023. Vu sous cet angle, le procédé employé par Patrice Talon est beaucoup plus compréhensible. Seulement, il laisse dubitatif au moment où les sacrifices les plus rudes sont demandés au bas-peuple. Au moment où l’on ferme des entreprises et offices publics sous le couvert de la bonne gouvernance, c’est-à-dire, au moment où l’on met des centaines voire des milliers de citoyens au chômage au nom de la bonne gouvernance, comment expliquer aujourd’hui à ces mêmes Béninois que l’on érige des postes ministériels juste pour récompenser une certaine fidélité politique ? C’est une pratique qui défie tous les discours auxquels la Rupture nous a habitués jusqu’ici. Ce n’est pas le Patrice Talon que nous connaissons, celui qui traque dans les administrations les moindres gaspillages.
Mais alors aujourd’hui, si ce n’est pas du gaspillage organisé, c’est quoi ?
Les ministres-conseillers, censés épauler le président, apparaissent comme une cour d’opportunistes, plus attachés à leurs privilèges qu’à une quelconque mission de service public. Sur le plan symbolique, ces nominations envoient un message glaçant : l’avis du peuple importe peu. Ce qui compte, c’est le bon vouloir du chef, qui fait fi des rejets exprimés dans l’isoloir. Ces pratiques s’apparentent à une monarchisation rampante du pouvoir, où le président distribue faveurs et titres à sa convenance, ignorant les règles fondamentales de la démocratie.
La préparation de l’élection présidentielle de 2026 devrait s’appuyer sur des personnalités porteuses d’espoir et de dynamisme. À la place, miser sur une armée de recalés politiques, plombe toute tentative de mobiliser une base électorale élargie. Cette stratégie produit déjà un effet boomerang : la colère et le ressentiment d’un peuple qui attend de s’exprimer.
Olivier ALLOCHEME