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Gafarou do Rego est un des rares entraineurs béninois de boxe ayant goûté à la joie d’avoir un poulain champion d’Afrique. Eloigné de tout, l’ex entraineur de Aristide « Sowéto » Sagbo, Georges Bocco, Sévérin Oloubi, Anges Adjaho, Théodore Lokossou,… tous champion d’Afrique dans les années de gloire de la boxe béninoise, parle. Lisez plutôt !
L’Evénement précis: Vous êtes entraineur de boxe. Sous vous, plusieurs boxeurs béninois ont décroché des titres africains. Vous confirmez cette information ?
Gafarou do Rego: Bien sûr. J’ai entrainé tous les champions d’Afrique béninois. Que ce soit Sowéto, Georges Bocco, Sévérin Oloubi, Ange Adjaho, Théodore Lokossou, Timothée Sèhou. Ils ont tous pris par mes mains. Avec eux, j’ai parcouru presque toute l’Afrique. Je dirai que c’était la belle époque de la boxe béninoise.
Coach, avant toute autre question, dites-nous, pour avoir été l’un de ceux que feu Aristide Sagbo, alias Sowéto a le plus côtoyé, comment vous êtes devenu son entraineur et ce que vous gardez de lui comme souvenir ?
Sowétooooo ! (Profonde respiration). Son cas est un peu spécial. C’est un monsieur très difficile à maitriser. Vous savez, dans le temps, pour préparer ses combats, Sowéto sortait du Bénin. On l’envoyait au Ghana. Mais, après mon examen d’entraineur et en tant que major de ma promotion, le manager de Sowéto (ndlr Barthélémy Adoukounou) s’est rapproché de moi. Il a dit qu’avec ma manière de travailler, il pense que je peux bien préparer le boxeur. Sans hésiter, j’ai accepté. Et c’est comme ça, Sowéto n’a plus été envoyé à l’étranger pour se mettre en jambes pour ses combats. C’était vers 1988 quand on a commencé l’aventure. Mes premières séances avec lui n’ont pas été faciles du fait de la complexité de Sowéto. Il était un monsieur qui ne s’efforçait pas. Quand il est fatigué, il ne poursuivait plus l’entrainement. Alors j’ai été obligé de rentrer dans sa peau pour comprendre comment il vit. De quoi il a besoin. Bref, je suis devenu plus que son coach. Je dirai un confident. Il me parlait de lui, de ce qu’il vivait, de ses problèmes, de ses rêves, de ses ambitions. Ce que je partageais et gérait avec lui. C’est à partir de là qu’il a commencé par me faire confiance et s’est adapté à ma méthode de travail. De peur de me décevoir, il allait toujours au bout des exercices que je programmais pour chaque séance. Il a complètement changé et s’adonnait plus au travail. Et à partir de ce moment, les résultats ont commencé par être enregistrés. On a boxé contre un champion de France au Sénégal. Ce n’était pas facile. Mais Sowéto a gagné de fort belle manière. On a été félicité. Et depuis ce combat jusqu’à sa mort (paix à son âme), il a gagné tous les championnats auxquels il a participé. Son dernier combat, je crois, c’est en 2000 ici à Cotonou. Il était face à un redoutable boxeur qu’il a battu contre toute attente. Je n’ose pas parler de la suite.
Vous voulez parler du drame ?
Oui. C’est très douloureux pour moi.
Alors coach, parlez-nous de votre parcours dans la boxe.
Avant cela, permettez-moi de vous dire que je suis juriste de formation. Une formation qui ne m’a pas empêché de me consacrer à ma discipline préférée qu’est la boxe. Ainsi, je dirai que j’ai été boxeur, puis arbitre international. Après cela, j’ai passé mon examen d’entraineur de boxe. Après quoi, j’ai commencé par prendre des boxeurs que je préparais pour des combats. Au nombre de ces boxeurs, tous ceux que j’ai cité plus haut. Mais, permettez-moi de vous dire que de tous, c’est Sowéto qui était le premier que j’ai gardé et qui m’a révélé. C’est pourquoi après son décès, la mort de ce grand boxeur que j’ai connu et avec qui on est resté ensemble pendant près de 20 ans, j’ai été beaucoup affecté au point où j’ai, dans un premier temps, décidé de quitter le domaine. Mais, des gens m’ont parlé et m’ont convaincu pour que je reste. C’est alors que je suis devenu secrétaire général dans le bureau du président Espérant Noutaï. A la fin de son mandat, j’ai tenté de briguer le fauteuil, mais cela n’a pas marché.
Et qu’êtes-vous devenu ? Parce que depuis un bon bout de temps, on n’entend plus parler de vous.
Je suis là et j’observe.
C’est-à-dire ?
Depuis les élections, j’ai fait la remarque que des gens ne veulent pas voir ma tête. Peut-être parce qu’elle détient des connaissances qu’ils n’ont pas. Et qui sûrement me permettront de leur ravir la vedette quand je serai en collaboration étroite avec eux et le nouveau président Mèhinto. Ce n’est pas un défi que je leur lance. Mais, j’ai souhaité qu’on me permette d’apporter mon savoir-faire à la discipline bien qu’étant battu aux élections. Ce que le président a accepté. Mais son entourage ne me le permet pas. Ce qui m’a conforté dans la position que j’avais quand Sowéto m’a quitté. Et je me suis retiré pour observer.
Coach, le Bénin a participé récemment au tournoi qualificatif aux jeux olympiques avec zéro qualifié. Qu’en dites-vous ?
Je déplore simplement comme tout Béninois.
Qu’est-ce que vous pensez qui n’a pas marché ?
Vous savez, pour avoir des champions, il faut travailler à la base. L’échec à cette qualification a été possible tout simplement parce que la base n’est pas bien préparée. Je pense qu’il reste encore beaucoup de choses à faire à ce niveau. Je parle bien sûr des encadreurs. Je trouve qu’ils n’ont pas les rudiments nécessaires pour conduire les enfants qui pour moi sont des talents à qui il faut apporter juste encore un peu de connaissances et ils vont faire des choses exceptionnelles. Pour ceux qui sont déjà professionnels, il faut des encadreurs qui ont un niveau intellectuel donné. Si moi j’ai réussi avec mes boxeurs, c’est parce que j’avais un bagage intellectuel qui me permettait de vite comprendre les situations qui se présentaient et de vite les corriger. C’est-à-dire qu’il ne suffit pas de connaitre le fondamentaux de la boxe pour se dire entraineur. Il faut se faire former et actualiser ses connaissances.
Quel conseil avez-vous à l’endroit du comité exécutif ?
Je leur demanderai de revoir ceux-là qui ont travaillé et qui ont fait parler la boxe béninoise ; les solliciter pour qu’ils apportent leurs connaissances. Je voudrais également demander que l’on cesse d’écarter les gens. Bien que j’ai émis la volonté d’apporter ma pierre à l’édifice, j’ai été mis de côté. Pareil pour plusieurs autres. Enfin, je proposerais qu’on organise les assises sur la boxe afin de permettre aux anciennes gloires de venir partager leurs expériences. C’est en faisant de la sorte que le succès peut-être au rendez-vous.
Entretien réalisé par Anselme HOUENOUKPO