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Le HCPC s’unit avec les élèves et étudiants contre le fléau
Nouvel invité de la rubrique « Sous l’arbre à Palabre » de l’Evènement Précis, Olivier-Charles Bernardin Attindéhou, Secrétaire Général du Haut-Commissariat à la Prévention de la Corruption (HCPC) dévoile les grandes missions assignées par le Chef de l’Etat Patrice Talon à cette nouvelle institution qu’il a créée pour mieux combattre ce fléau. « Parvenir, humblement, à permettre à chaque béninoise, à chaque béninois d’abord de comprendre et de donner une autre définition de l’intérêt général et du bien public » est l’une desdites missions sur laquelle, Mr Olivier-Charles Bernardin Attindéhou a beaucoup insisté lors de cet entretien. Une conscience nouvelle, des acteurs nouveaux, allant dans le sens d’une croissance économique et du bonheur de chacun et de tous… Le HCPC s’emploie à déployer de grandes actions pour atteindre ses objectifs. L’une de ses cibles majeures est la jeunesse, selon l’invité de l’Evènement Précis. Lisez plutôt.
« Afficher le visage des acteurs de la corruption sur les panneaux publicitaires »
« Le Bénin est sur une bonne voie en matière de prévention de la corruption »
Depuis l’installation du Haut-Commissaire, il a entamé les rencontres avec les présidents et autres responsables d’institutions publiques. Quelles en sont les raisons ?
Le Haut-Commissariat a pensé que lorsqu’on est une institution de loi organique surtout, une institution de la République, une institution qui naît, il est de bon ton d’aller se présenter à des institutions qui existent déjà dans la République. Qu’il s’agisse d’institutions constitutionnelles, d’institutions de loi organique, ou des ministres, il faut toujours aller se présenter, et leur dire que nous existons, voilà ce que nous faisons, voilà notre direction, quels sont vos conseils, vos recommandations, vos avis sur ce que nous présentons en termes d’objectifs stratégiques. Pourquoi ? Parce que n’oublions pas, autant que nous sommes, nous sommes engagés pour l’intérêt général, le bien collectif pur. Voilà le sens de ces visites.
Le Bénin a connu des institutions en termes de lutte contre la corruption avant le Haut-Commissariat. Qu’est-ce qui différencie cette structure des autres ?
Je veux encore vous remercier parce que le sens de votre question mérite que je vous demande de m’accorder un peu de temps. Lorsqu’on parle d’OLC (Organisme de lutte contre la corruption), il y a des variantes en fonction de la stratégie choisie ou adoptée. Hier sous Kérékou, on parlait de moralisation de la vie publique, par le biais de la Cellule de moralisation de la vie publique. Après, on a eu à parler de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption. Ce n’est pas une spécificité béninoise. En Guinée, au Sénégal, ça existe parce que le mot « lutte contre la corruption » ne fait que reprendre la terminologie de la Convention des Nations Unies, des protocoles de la CEDEAO, et de l’Union africaine, de la Charte des Nations-Unies. En Côte d’Ivoire, on parle de bonne gouvernance. Donc pour la première fois au Bénin, on a choisi le mot prévention. En tant que juristes, nous faisons la différence entre l’action préemptive et l’action préventive. Nous avons dans l’action préemptive, ce qu’en droit on entend par droit déterminateur. Il y a des règles qu’il faut respecter dans la société. Un exemple concret. On dit : vous n’allez pas détourner. Lorsque vous détournez, il y a une sanction, un emprisonnement et ainsi de suite. L’idée de l’action préemptive, c’est de développer des mécanismes pour empêcher la survenance des événements. C’est un peu ça. On dit : on va mettre en place des instruments et des mécanismes contre le terrorisme. Mais ça n’a jamais empêché les « zinzin » de se livrer à ce type d’ignominie. L’action préventive, elle coûte beaucoup plus chère, elle est un peu plus dense, elle demande beaucoup plus de temps, de moyens, et donc beaucoup plus d’hommes et d’investissements. Et je vais vous expliquer pourquoi. Dans l’action préventive, il est question d’identifier clairement les causes, les moments, les situations susceptibles de constituer, de générer, de mettre en place ce que nous voulons éviter. De l’autre côté, on met des lois. Sauf qu’on constate, quand bien même le législateur a une bonne volonté, que la loi en elle-même, en tant qu’instrument, est insuffisante pour endiguer, pour éliminer le problème. Or, dans l’action préventive, si nous arrivons à détecter les causes, les sources, les situations, les moments qui génèrent le pacte corrupteur, ça va nous conduire à travailler à l’origine. Qu’est-ce qui est à l’origine, qui met en place ce que l’individu utilise pour se livrer à la corruption? Raison pour laquelle, au lieu de parler de moralisation on parle de prévention. Moraliser c’est bien. Mais si vous moralisez quelqu’un, vous pourriez parler continuellement sans résultat probant. Je dis, par exemple : tu ne voleras point, ne vole pas, ce n’est pas bien. Mais la personne va voler. Mais si vous conduisez une personne à penser qu’elle-même, dans sa conscience, est intégrité, la personne va produire de l’intégrité. Voilà le sens profond de l’action préventive. Et là, il faut remercier son géniteur en la personne du Président Patrice Talon.
Il faut le dire parce que j’ai eu la chance, peut-être qu’on en viendra, j’ai eu la chance récemment au nom de HCPC de représenter le Bénin à Vienne en Autriche, dans le cadre du mécanisme d’examen de l’application de la Convention des Nations-Unies contre la corruption. J’ai discuté avec beaucoup de délégations. J’ai discuté avec beaucoup d’acteurs, j’ai discuté même pour la première fois avec un représentant de la Suisse etc. Nous avons échangé. Ils estiment que le Bénin est sur une bonne voie. Quand bien même nous étions absents à un moment donné, ils disent aujourd’hui : les gens peuvent médire ce que vous faites, mais dans 5 ans, 10 ans, 20 ans, cela construit une société. Cela va faire des femmes, des béninoises, des hommes, des béninois nouveaux qui, au lieu qu’on vienne les moraliser, au lieu de mettre en place des instruments pour dire qu’on va lutter contre, eux-mêmes, ils sont des instruments déjà qui empêchent la chose.
Comment se décline votre mission et quels sont les résultats attendus ?
Les missions, si je veux prendre la loi 2020-09 du 23 avril 2020, en une ligne, c’est suivre la mise en œuvre au sein des institutions administratives de la République, que ce soit le secteur privé, le secteur public, des politiques de prévention de la corruption.
Quand on dit ça, on ne dit rien parce que tout le monde pense que c’est la même chose, partout dans le monde. La mission du HCPC, c’est de parvenir, humblement, à permettre à chaque béninoise, à chaque béninois d’abord de comprendre et de donner une autre définition de l’intérêt général et du bien public.
Pour le dire ainsi, on constitue un groupe, une bande, on l’appelle la morphologique sociale en sociologie. Si nous choisissons, chacun, de nous entendre sur un objectif commun et que personne n’en dévie, c’est le bonheur de la structure. En gros, je viens de schématiser la mission de l’HCPC : Parvenir à ce que chaque béninoise, chaque béninois puisse intégrer l’idéal commun. Bien sûr, quand on dit intégrer, qu’est-ce qu’ils vont intégrer? Ils vont intégrer quoi ? Une conscience nouvelle, ils vont intégrer les lois qui existent déjà, ils vont intégrer le fait de ne pas se livrer à la corruption mais ça ne va jamais exister. Quand on le dit, on dit aussi que c’est une utopie. Donc véritablement la mission du HCPC, c’est de faire des acteurs nouveaux, allant dans le sens d’une croissance économique et du bonheur de chacun d’entre nous.
Quel état des lieux peut-on faire aujourd’hui de la lutte contre la corruption au Bénin ?
Le HCPC est né d’une loi que je viens de rappeler, mais surtout il y a le décret d’application. Entre la loi et le décret d’application, il y a eu 4 ans. Ça veut dire qu’il y a eu un temps de matérialisation d’une volonté. On a pris le temps de penser véritablement à comment l’institution va fonctionner, qui va trancher de ce qu’il faisait pour ne pas commettre une erreur.
Pourquoi je dis ça ? Le Haut-commissaire a prêté serment le 22 juillet 2024. Ma pauvre personne et le directeur de cabinet, nous avons été nommés en Conseil des ministres le 25 septembre 2024. Mon analyste qui est là, a démarré le 02 septembre 2024. Mon chef de service chargé entre autres de politiques de bonne gouvernance, d’éthique et d’intégrité a commencé en octobre. Donc, c’est pour dire quoi ? Nous sommes le 05 décembre 2024, ce serait prétentieux de notre part d’affirmer que nous avons une cartographie réelle et définitive de ce qui se fait et de comment nous pouvons l’exploiter pour faire autre chose.
Vous êtes venus trouver une situation. Quelle est votre appréciation ? Est-ce qu’il y a eu des avancées par rapport à tout ce qui est fait? Qu’est-ce que vous êtes venus trouver ?
En science politique, on affirme que l’État est une continuité. L’administration, aussi, s’entend ainsi. Il ne faut pas, lorsqu’on parle véritablement de cohésion nationale, estimer que ce que les autres ont fait, est nul : « Circulez, il n’y a rien à voir. » Non ! En toute objectivité, il faut essayer, si on veut avancer, de prendre ce que l’on peut prendre de positif, quitte à l’améliorer. Je vais parler de façon concrète. Entre autres nous sommes là, nous préparons la journée nationale de lutte contre la corruption le 8 décembre et la journée internationale le 9 décembre 2024. Pourquoi j’en parle avant de revenir à votre question ? Nous avons observé dans nos discussions que le Bénin est le seul pays, en Afrique, si je m’abuse, à consacrer une journée nationale de lutte contre la corruption, avant même qu’il y ait une journée internationale de lutte contre la corruption. Le 9 décembre 2008 et le 8 décembre, au Bénin, c’était en 2006. Bon, c’est vrai que ce qu’il fallait comme instrument pour édifier l’institution, c’était en 2007. Et qu’est-ce qui s’est passé en 2007 ? Il y a eu quelque chose de très grand qu’on n’a vu nulle part ailleurs qu’au Bénin. Une marche verte, une marche citoyenne contre la corruption. Ce qu’on entendait est ce qu’on gaspille, ce qu’on perd par le pacte corrupteur ; si on l’utilisait pour nos écoles, pour les centres de santé, les infrastructures ainsi de suite, imaginez-vous où on serait , ce qu’on devrait faire depuis. La marque 229 existe désormais. Même les Camerounais qui nous riaient au nez en 2016-2017, aujourd’hui, ils font notre éloge. C’est pour dire que les choses ont démarré, même si ce n’est pas au mieux de ce que nous espérons, nous avons constaté qu’il y a un héritage. C’est au HCPC maintenant de tirer telle fibre, telle autre substance pour essayer de trouver une bonne synthèse de ce qui a été fait de pas bien, de ce qui a été fait de très bien et de dire que désormais « chères sœurs, chers frères, nous pourrons aller dans ce sens-là pour que l’État puisse percevoir ce qu’il doit percevoir pour l’investissement dans les réformes. »
Depuis 2016, il y a un Chef d’État qui est là avec les réformes, avec beaucoup de courage et on sait qu’en matière de corruption, il y a quand même de la frayeur aujourd’hui. Les gens ont peur de toucher les fonds publics. Est-ce qu’on peut dire de votre observation que depuis huit ans, la corruption a reculé au Bénin, qu’elle est devenue plus grande ou qu’elle est devenue stable ?
Quand je veux formuler ce type de réponse, une réponse sincère, les gens s’imaginent que chaque soir je dîne avec le Président. Mais non, il faut sortir, observer et apprécier. Les gens aujourd’hui ont peur. Avant, il était notoire de voir certaines personnes dans notre pays s’afficher fièrement et être contents de dévier, de détourner les recettes de l’État. Demandez à quelqu’un s’il peut s’afficher aujourd’hui. Le mot commun c’est « Missérété direct ». Le week-end dernier, par curiosité, je suis allé à Missérété et j’ai dit que je vais voir par quel chemin on prend pour aller à la prison. Je me suis arrêté à quelques mètres et j’ai dit : « Ah, je comprends. » Vous savez, il faut faire de sorte que chaque Béninois, chaque Béninoise ait peur de se livrer à la corruption et le Président Talon a réalisé ça. J’ai discuté avec la délégation ghanéenne en Autriche. Ce pays a eu des avancées, grâce à qui ? Quelle était sa méthode ? Qu’est-ce qui a été appliqué là-bas ? On dit oui, le Chef de l’État a affiché « zéro corruption », mais ça existe toujours, etc. On est arrivé à faire reculer les comportements tendant à vider les caisses de l’État. Vous regardez sur le terrain, nous avons des choses qui se passent dans le pays, en termes d’investissement qu’on n’avait jamais vues. Personnellement, j’ai eu 47 ans le 12 Juillet dernier. Je venais régulièrement en vacances au Bénin, je suis venu rester au Bénin pendant 4 ans et demi. Mais ce que je vois aujourd’hui, je ne l’ai jamais vu. Et ce n’est pas qu’à Cotonou, il faut se déplacer, il faut sortir ; et il faut le dire. Même si on est contre l’individu, il faut dire : « je suis contre lui, mais il a fait ci, il a fait ça. Ces gens-là, je suis contre eux parce qu’ils sont un peu bizarres, mais ils ont fait ci, ils ont fait ça ». Je suis un peu épicurien. Épicure dit : « un aveugle de naissance n’a pas la notion de la couleur ». Je vois, et ça me suffit.
Conformément à votre mission, vous envisagez descendre dans les écoles et universités pour la sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la corruption. Parlez-nous un peu de votre projet.
Il y a deux aspects de ce projet. Le premier aspect revenait à profiter du lancement de l’activité du HCPC pour aller à l’École Nationale d’Administration (ENA), échanger avec les étudiants parce que ce sont eux les administrateurs de demain. C’était ça, le premier aspect de la chose. Mais actuellement, dans le cadre de la célébration de la journée du 8 et du 9 décembre, nous allons effectuer, à partir du 9, des descentes à l’ENA, au Lycée Coulibaly, et une école primaire à Ouidah. L’idée fondamentale, c’est une causerie-débat. Expliquer juste ce que c’est que le HCPC partant des différentes cibles : des étudiants, des lycéens, des élèves du secondaire, des écoliers du primaire. L’idée, c’est d’échanger et de mesurer au travers de ce qui sera reçu, ce que le HCPC peut piocher pour parfaire sa politique de sensibilisation qui comporte un gros volet en 2025. Nous avons trois différents programmes dans ce secteur-là. Il y a un premier programme consacré exclusivement à l’éducation, un autre consacré à la sensibilisation et un autre consacré à la vulgarisation des textes. Pour ce qui est du volet sensibilisation, nous avons environ 12-13 activités. L’idée fondamentale de ces activités, au-delà de partager une compréhension commune, c’est de dire qu’en République du Bénin, vu ce qui a été fait depuis 2016, ou bien si vous voulez avant 2016, il est bon pour nous tous de garder cette dynamique, d’améliorer nos comportements, mais surtout d’élever notre conscience, parce que tant que nous n’aurons pas cette conscience élevée, nous ne pourrons jamais changer nos comportements. Les anciens disent souvent que le comportement dérive du but existentiel. Le but que vous vous assignez, c’est ce qui fait que vous vous comportez de telle façon. Donc, il faut aller dire, il faut aller sensibiliser cette base-là. La couche juvénile nous intéresse énormément parce qu’il y va même de la profondeur, de l’essence du mot prévention. Pour prévenir, il faut commencer à la base, c’est encore frais, donc ça peut recevoir ce que nous entendons, au HCPC, en termes de culture d’intégrité. Nous, adultes, si on parle de culture d’intégrité, nous convenons qu’il faut être propre, qu’il faut être transparent, qu’il faut être juste, qu’il faut respecter la chose publique. On l’entend, on sait ce que cela veut dire en français, on peut même le traduire dans nos langues nationales mais nos comportements ne reflètent pas ce que nous voulons. Alors, si nous commençons par les plus jeunes, nous aurons le résultat espéré. Hélas, comme la sève même de l’action préventive, il faut attendre quelques années pour mesurer concrètement les résultats de ce que nous allons démarrer maintenant.
Alors quand on parle de Haut-Commissariat à la Prévention de la Corruption, dans l’entendement populaire, Haut-Commissariat signifie que c’est plus haut que les commissariats que nous avons d’ordinaire. Quelles sont les mesures coercitives que l’institution va utiliser pour réellement prévenir les citoyens Béninois ?
Lorsque vous dites mesures coercitives, vous parlez de politiques répressives. Effectivement, par Haut-Commissariat, le nom de l’institution peut s’entendre comme si nous étions une institution judiciaire ou même policière. Non, non, non, non, non. Le HCPC n’a absolument rien à voir avec une telle interprétation. Le HCPC, au terme de la Convention nationale contre la corruption, on peut être qualifié d’organisme de lutte contre la corruption, OLC. En ce sens que le mot corruption, je viens de le dire, n’exclut pas la répression. Au contraire, et là, vous allez me permettre de prendre un peu de temps pour expliquer comment le HCPC a organisé intellectuellement sa démarche. Il y a trois niveaux de prévention. Le niveau primaire, en fait, le niveau bas de la chose, c’est une cartographie des risques. C’est toute situation ou moment de cette vie qui permet à ce que le corrompu et le corrupteur se rencontrent ou qu’il y ait un facilitateur qu’on appelle dans le jargon technique le tiers. Le deuxième niveau dans notre démarche de prévention, c’est le niveau secondaire qui revient à produire des efforts en termes d’éducation, de sensibilisation, de vulgarisation, à agir sur le côté psychologique, le mental. Au HCPC, nous estimons qu’une infrastructure mentale nouvelle est propice au changement de comportement. Donc, là, il y aura des renforcements de capacité, des modules de cours, par exemple sur l’intégrité et un nouveau regard du biens public, etc. Et enfin, j’en reviens à votre question, le troisième niveau de la chose de la démarche de prévention, c’est le niveau tertiaire. Dans ce niveau tertiaire, nous avons aussi trois piliers. Le premier pilier, c’est l’individu. Il faut répercuter ce que nous venons de faire au niveau secondaire, sur la psychologie. Faire comprendre à l’individu que s’il se comporte bien, si nous nous comportons tous bien, nous allons faire, en grand, positivement, ceci ou cela. Pourquoi? Parce que la cohésion, l’adhésion des uns et des autres à une compréhension commune de la chose publique, de la vie publique, va agir sur tout le collectif, parce qu’on a tendance à développer des mesures, des principes préventifs individuels, qui sont consacrés à des responsables publics et puis de l’autre, on pense à des instruments, des mesures qui sont consacrées, je veux dire, à tous les autres qu’on ne voit pas tous les jours. Ceci est une mauvaise démarche. C’est le pire héritage du libéralisme économique. Parce qu’il faut rappeler quelque chose. Toute la logique républicaine, législative ou non, afférente à ce dont nous parlons, découlent de la morale imposée par le libéralisme économique. D’où le volet répressif qu’on a connu à forte dose depuis tant d’années où on pense que la loi vient tout régler. Donc, pour répondre à votre question, le HCPC estime qu’il faut actualiser ce qui existait déjà. Un exemple concret, le décret portant loi sur la transparence dans la gestion des affaires publiques, c’est le décret 2015-035 du 29 janvier 2015. Nous estimons que vu comment le pays a changé, nous devons actualiser ces textes. Nous devons même être très ambitieux sur la notion de transparence et dire clairement qu’on doit associer cela à une culture d’intégrité. Mais à côté de cela, nous devons aller encore plus loin. Quand nous voudrions comparer, nous prendrions juste la bande côtière, c’est-à-dire, le Nigeria, le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire ainsi de suite. Quel est le pays dans lequel le mot famille ou le mot collectivité est très fort ? C’est le Bénin, et par extension le Ghana. Je n’exclus pas les togolais, mais il y a une particularité qui est au Benin et au Ghana, qu’on ne retrouve pas partout.
Le HCPC estime que dans cette politique répressive, nous devons apprendre à pratiquer ce qui s’est fait ailleurs. Je le dis souvent en anglais, mais je vais le dire en français aujourd’hui. C’est une autre manière de faire de la dénonciation publique, qui existe déjà, à la cellule d’analyse et de traitement des plaintes et dénonciations. Mais nous allons faire évoluer la chose. Prenons un exemple concret. Monsieur X ou madame Y a été convaincu(e) de s’être livré(e) à des infractions de corruption. La justice a fait son travail. La collectivité doit faire son travail parce que ce monsieur ou cette dame a décidé de briser ce qui va dans le sens de l’évolution.
Il y a de l’argent détourné, des pots-de-vin, ainsi de suite. Pourquoi ne pas afficher son visage sur les panneaux publicitaires et spots, mettre le nom de famille en gras de sorte que sa propre collectivité puisse le récupérer comme ça existe dans certains villages, dans les pays comme le Malawi, le Zimbabwe et autres, où on vous met sur la place publique et on vous fouette ? Bien entendu, cette approche qui paraît extrême, doit se comprendre par l’exigence d’une justice sociale.
Si nous faisons ça, petit à petit, ça va changer. C’est dissuasif. Lorsque vous arrivez à imprimer un rythme à l’esprit, le corps change. Mais si vous voulez imprimer un rythme au corps, l’esprit ne va pas changer. Voilà à mon sens, ce que nous pouvons apporter.
Sinon à côté de ça, il y aura l’actualisation de manuels de procédures et autres. La rédaction de procédures de signalement. Nous allons commencer à discuter de sorte que les agents de la fonction publique puissent disposer de code de conduite. Il y aura le code des usagers en 10 points, de sorte que même nos parents, ne sachant ni lire, ni écrire, puissent désormais savoir (nous allons le faire dans nos langues) que si un policier vous réclame ne serait-ce que 300 francs pour non port de casque, vous dites donne-moi l’amende je vais payer. C’est une manière de contribuer à la dynamique qui est en cours.
D’aucuns estiment qu’en s’investissant dans la dématérialisation de l’administration publique, le gouvernement pose de grands pas dans la lutte contre la corruption. Qu’en dites-vous ?
C’est purement vrai. C’est une réalité aujourd’hui vais-je dire, même une loi universelle. Beaucoup d’États partie à la Convention des Nations Unies contre la corruption sont en train de le faire. Le Koweït n’est pas béninois. Mais le Koweït a un programme très ambitieux. La République Dominicaine non plus, ni le Brésil. Je peux vous en citer plein. J’y étais et on a discuté. C’est quoi l’idée ? C’est d’éliminer ou de réduire l’intervention humaine. Parce que nous avons constaté qu’avec la machine, tu ne peux pas voler. Tu cliques ! Quand c’est oui, c’est oui. Quand c’est non, c’est non.
Vous savez, en réalité, le contact humain installe l’envie ou l’ambition ou la justification de la corruption ou de l’acte corruptif. Si nous éliminons ou réduisons ce contact humain, on a gagné. Donc, personnellement, j’encourage, je félicite même notre gouvernement pour cette politique publique. C’est fort, ce que nous avons fait.
Avez-vous aujourd’hui la possibilité de chercher à voir clair dans les nombreuses passations de marché qui ont lieu sous le régime Talon ?
Oui. Mais mieux, il existe déjà l’ARMP. L’Autorité de régulation des marchés publics, c’est son travail. Et elle fait partie des institutions avec laquelle on n’a pas encore eu une séance de travail directe.
Nous avons le temps, ça va se mettre en place. Et vous allez apprendre beaucoup de choses très bientôt. Le Haut-Commissariat à la prévention de la corruption a la capacité juridique, parce que nous sommes dans un État de droit, de s’autosaisir si nous estimons que dans cette structure, dans cette institution, quelque chose ne va pas bien. C’est largement possible. Il faut lire l’AOF, le décret n° 2024-1004 du 26 juin 2024.
La CRIET, son impact dans la lutte contre la corruption. Votre appréciation ?
Énorme. Personnellement, j’apprécie. Parce que je fais partie de ces personnes qui estiment que si vous ne mettez pas en place des instruments et des mécanismes susceptibles de dissuader et de ne pas briser la dynamique nationale, vous n’arriverez à rien du tout. La preuve on voit la différence aujourd’hui. Certaines personnes parlent de rigueur, d’autres parlent de sévérité, mais on voit que le changement de méthode a produit des fruits. Et tout le monde en bénéficie.
Et à l’extérieur, tout le monde applaudit. Quand je suis revenu de mission en Autriche, je racontais à mes collaborateurs ce qui s’est passé avec le chef de la délégation du Royaume du Maroc, qui a dit être venu en 2010 au Bénin, mais qu’il a vu, parce que c’est un ancien diplomate, des images, des photos, des vidéos, et que le pays est en chantier mais c’est devenu beau, magnifique.
Et que, est-ce que nous pouvons nous arranger pour notre première collaboration, pour la première visite, pour que lui il vienne au Bénin. Je dis, bon, ça, s’il me demande comme ça, c’est de la corruption. Moi, je préfère faire un retour, on verra qui va voyager en premier. Ça veut dire qu’il apprécie tout ce qui est fait. Voilà.
Quels sont vos rapports avec la structure le FONAC ? Est-ce que vous collaborez avec cette structure, parce que c’est le même domaine ?
Bien, c’est le même domaine en parlant de corruption. Il me sied de nous rappeler que dans Fonac, je ne vois pas le mot prévention. Donc la méthode, la démarche méthodologique, c’est tout autre chose.
Dans le HCPC, je vois le mot prévention. Les objectifs sont assez clairs, la stratégie est nette, connue. Je veux parler comme la chef de la délégation du Brésil. Aujourd’hui, beaucoup d’organismes de lutte contre la corruption ont une défiance vis-à-vis de certains acteurs de la société civile. Et cette défiance se justifie. En disant ça, je ne parle de rien. Je réponds à votre question. Notre ambition, c’est de collaborer avec tous les acteurs de la société civile. D’ailleurs, nous le faisons. Nous recevons plusieurs personnes de la société civile. Oui, par exemple, Social Watch. En interaction, en échange, mais aussi en réunion, téléphone, ils participent à beaucoup de choses. Tout le reste aussi, on peut le mettre en place.
Vu les priorités, nous n’avons pas encore eu le temps de recevoir et d’échanger avec les autres acteurs de la société civile. Mais là il faut le dire, qui parle d’acteurs de la société civile, doit automatiquement chercher à être précis. Précis sur ce que nous voulons combattre ensemble et est-ce que nous avons plus ou moins la même intention de faire la même chose. Pourquoi je dis ça ? Parce qu’en droit, il y a intention et intentionnalité. Voilà, je vais m’arrêter là si vous me le permettez.
Alors dans un pays comme le Bénin, un pays qui n’est pas assez développé, est ce que selon vous il est possible d’éradiquer la corruption ?
En 2022, le Parlement européen, c’est une enquête qui avait commencé en 2021, sorti de ce qu’on peut appeler pandémie mondiale, le Parlement européen a fait une grosse enquête, qui a eu des suspicions sur certaines activités du Qatar en Europe. Et le Parlement européen a estimé qu’il faut analyser, checker, sonder les pays. Et parmi ces pays, il y a eu la France. Le chiffre de la corruption en 2022 dans l’Europe, c’est en ligne, c’est plus 900 milliards d’euros. En France, ce fut plus de 127 milliards d’euros.
Allez voir sur le site d’Anticor et vous saurez. Qu’est-ce que je veux dire par là ? Tant qu’il existera l’humain, dans sa bassesse et dans sa grandeur, nous devons nous attendre à ce type de pathologie.
Jusqu’à quand vous estimez qu’on peut commencer par récolter les fruits de votre mission ?
En l’an 59 avant Jésus-Christ, il y a eu la première loi qui pénalise la corruption.
Chers messieurs, nous sommes en 2024 et on parle encore de corruption. Cela veut dire quoi ? Revenons à la nature du mot. Corrumpere, c’est altérer, briser, détruire. rumpere, c’est rompre. L’humain a cette double facette, les Chinois l’appellent le yang et le ying, il y a la lumière, il y a l’obscurité, l’obscurantisme, tout ce que vous voulez.
Il nous faut respectivement, nous donner mutuellement la part de lumière en chacun de nous. C’est ce qui manque à l’humanité. Ce n’est pas une spécificité béninoise. Au contraire, au Bénin, nous sommes sur la bonne voie. Je ne puis quantifier sur l’échelle du temps quand nous allons parvenir à faire cela. Si je vais vous donner une échelle, je dirais que les enfants qui vont naître dans 5 ans seront des béninois et béninoises nouveaux.
Carte d’identité
Un parcours entre rigueur et humanisme
Né le 12 juillet 1977 dans le quartier Sainte-Rita à Cotonou, Olivier-Charles Bernardin Attindéhou est bien plus qu’un fonctionnaire au parcours classique. Sa trajectoire, marquée par des choix audacieux et des valeurs fortes, est celle d’un homme engagé, rigoureux et attaché à des idéaux d’intégrité. Aujourd’hui, Secrétaire général du Haut-Commissariat à la Prévention de la Corruption (HCPC) au Bénin, il partage avec sincérité son itinéraire singulier et sa philosophie de vie. Au départ, c’était un enfant rebelle mais brillant. Parlant de son enfance, Olivier-Charles Attindéhou se décrit comme un enfant hyperactif, souvent perçu comme turbulent. « On m’a dérivé… de la Côte d’Ivoire vers le Bénin, » raconte-t-il avec humour, évoquant son premier contact avec l’école à Sètovi. Cependant, son potentiel ne tarde pas à émerger. De retour en Côte d’Ivoire, il obtient son BEPC au collège Saint-Jean Bosco de Treichville, un établissement canadien réputé, où l’excellence était la règle. « C’était un collège sélectif ; il fallait avoir une mention et des moyens financiers conséquents pour y accéder » se rappelle-t-il. Olivier-Charles Attindéhou ne s’arrête pas là. Bien qu’il n’ait jamais fait de terminale, il décroche son Bac A dès la classe de Première, un exploit qu’il attribue au soutien d’un professeur de philosophie, Monsieur Dossou. « Il a détecté ce qu’il appelait une fulgurance en moi, » confie-t-il, soulignant l’impact de cet enseignant visionnaire. Après le lycée, Olivier-Charles entame des études en économie, droit, science politique et sociologie. « J’ai commencé ici, au Bénin, puis j’ai fui par mes propres moyens pour me retrouver en France, » explique-t-il, témoignant de son esprit d’initiative. Parallèlement à ses études, il explore sa passion pour l’écriture, publiant des ouvrages tels que Les merveilles de l’intelligence, Et Si j’étais fou. Ces créations, dit-il, sont le reflet de sa réflexion sur l’humanité et ses paradoxes. En France, Olivier-Charles Attindéhou intègre l’Université Lyon 3, où il devient enseignant-chercheur avant même de soutenir sa thèse. Ce parcours académique solide lui ouvre les portes du HCPC. « Ce qui m’a valu ce poste, c’est la rigueur et la compétence, » affirme-t-il, insistant sur l’importance de l’éthique dans sa mission. Pour lui, travailler dans une structure de lutte contre la corruption exige de vivre en accord avec des valeurs telles que la tolérance, la fraternité, la solidarité et l’humilité. « Je lutte au quotidien, en esprit, en corps et en âme, pour ne pas dévier de ces principes. » Revenu au Bénin exclusivement pour occuper ses fonctions au HCPC, Olivier-Charles Attindéhou incarne l’exemple d’un homme prêt à relever des défis. « J’aime relever les défis, c’est mieux que de simplement les aimer, » déclare-t-il. Avec une vision claire et des principes solides, il travaille chaque jour pour un Bénin plus juste et plus intègre.
INTIMITE
Amateur de rugby
Père de trois enfants, répartis entre le Canada, la France et le Bénin, Olivier-Charles Attindéhou n’est pas marié mais accorde une grande importance à sa famille. Sur le plan personnel, il cultive une hygiène de vie stricte, notamment par un régime sans sel. Dans ses loisirs, il se distingue par son amour pour les sports authentiques comme le rugby. « Ce n’est pas comme certains footballeurs qui crient au moindre coup. Le rugby, c’est vrai et respectueux, » dit-il avec admiration. Amateur de vin qu’il qualifie de « molécules de joie », il sait également apprécier les plaisirs simples de la vie.