Views: 54
Alors que le nouveau président sénégalais s’installe aujourd’hui, la question que l’on se pose au Bénin est celle-ci : est-ce que cette révolution est possible au Bénin ? Autrement dit, est-ce que ce miracle de Sonko et de son ami Bassirou Diomaye Faye, est possible ici chez nous ? Je m’en vais vous répondre tout de suite : c’est non. En tout cas, tant que Talon sera au pouvoir.
Pour une raison simple. Sonko a réussi son coup parce qu’il est crédible. A son poste en tant que fonctionnaire, il a eu sous les yeux les chiffres vertigineux du pillage des finances publiques de son pays. Au prix de sa liberté et de ses droits les plus élémentaires, il a choisi de mener le bon combat. A contrario, au Bénin, la plupart de ceux qui ont dénoncé la mauvaise gestion ces dernières années, émanent de l’opposition, notamment du parti Les Démocrates. C’est là où le bât blesse. Ce parti dirigé par Boni Yayi n’est pas crédible pour parler de bonne gouvernance au Bénin. D’autant plus que ceux qui dénoncent Talon ont tous pris par ici. On les a tous vus à l’œuvre à divers postes. Et les Béninois ne sont pas tous amnésiques. On a vu les ONG il y a quelques années, réclamer à cor et à cri la publication des contrats de marché entre l’Etat et les entreprises, notamment dans le secteur portuaire et des infrastructures.
Dans ce secteur comme dans la plupart des autres, l’opacité est de règle. Mais peu de Béninois croient encore aux ONG encore moins aux médias, quand ceux-ci dénoncent la corruption sous Talon. Il est vrai que la mise en place de la CRIET a notoirement permis de limiter la petite corruption au sein de l’administration et sur les grands axes routiers. Quant à la grande corruption qui a lieu dans les marchés d’infrastructures, l’opacité ambiante ne permet à personne d’avoir des preuves palpables. Et donc, ne rêvez pas d’une révolution à la manière Sonko ici.
Plus encore, sur le plan politique, la situation est plus complexe qu’au Sénégal. Le seul parti d’opposition pouvant faire pièce à la Rupture s’appelle Les démocrates. Est-ce que vous voyez Boni Yayi laisser le leadership de SON parti à quelqu’un d’autre ? Jamais de la vie ! Soit c’est lui ou le parti n’a qu’à disparaitre. Pendant longtemps (peut-être jusqu’à maintenant), il a travaillé à détruire tout leadership proéminent dans son fief que constitue une partie des Collines et du Borgou-Alibori. Tant qu’il vivra, il fera exactement comme le PDG du PRD. Adrien Houngbédji a préféré voir son parti mourir plutôt que d’accepter céder sa place à de nouvelles têtes qui pourraient lui ravir la première place dans Porto-Novo et sa région. Joël Aïvo avait pensé le dribler en s’attaquant à la forteresse imprenable. Quand il avait commencé son aventure politique, conscient de ce qu’il faut d’abord se construire un fief avant tout, il avait tout fait pour maitriser Porto-Novo. Il en a les ressources. Mais au moment où il avait le plus besoin des manifestants de la capitale pour protester après son arrestation, c’est le PDG en personne qui a désactivé patiemment et rigoureusement tous les mouvements qui pouvaient lui être utiles. Dire que Maitre Houngbédji est très heureux du sort de son ancien directeur de cabinet, est un euphémisme. La condamnation du professeur a beau être la preuve d’une justice aux ordres, vous ne verrez pas les foules de Porto-Novo déferler dans la ville pour réclamer sa libération.
Et puis regardez vous-même ce que le parti Les Démocrates voulait proposer aux Béninois en 2021 : d’élire Réckya Madougou ! Même quand vous y réfléchissez bien, pensez-vous vraiment que les Béninois sont stupides au point d’aller donner leurs voix à une femme dépigmentée ? Toufé toufé….Et tout le monde sait pourquoi Boni Yayi a préféré son ancienne ministre qui n’avait jamais milité au sein du parti.
Le vote massif qu’on a vu le 25 mars dernier au Sénégal est le résultat d’un combat républicain sain. Les jeunes qui se sont lancés contre Macky Sall, savent que Sonko et Diomaye Faye n’appartiennent à aucune des chapelles politiques douteuses ayant déjà fait leurs preuves dans le pays. Ceux qui engagent aujourd’hui la révolte au Sénégal, ce sont des hommes neufs crédibles et surtout prêts à tous les sacrifices.
Olivier ALLOCHEME