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Le « hautement social », socle de la nouvelle mandature du Chef de l’Etat Patrice Talon, peine à prendre de l’envol. C’est du moins le constat fait par le Président du Mouvement Populaire de Libération (MPL), Expérience Tèbè, malgré les efforts consentis par le Gouvernement et son chef pour alléger la crise qui sévit au Bénin. « Nous aurions voulu voir notre gouvernement réagir plus promptement avec des mesures concrètes face à cette situation. Ce que nous tardons à voir alors que nous attendons du hautement social », déclare-t-il lors de son passage dans la rubrique phare de L’Evénement Précis, Sous L’Arbre à Palabre, le dimanche 11 juillet 2021. Au cours de ces échanges avec les journalistes, l’invité n’a pas manqué de donner des nouvelles sur la santé de son parti, les raisons de son absence à la dernière présidentielle, la désignation de Paul Hounkpè comme chef de file de l’Opposition et bien d’autres sujets qui défraient l’actualité.
Et si on en parlait
Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a eu une vague d’arrestations il y a quelques jours à l’ANaTT. Est-ce que c’est la preuve de la lutte du gouvernement pour la bonne gouvernance selon vous ?
C’est avec un cœur serré que j’aborde en ce moment cette question qui anime l’actualité nationale, où un jeune cadre se voit plongé au milieu d’un scandale qui pousse tout le monde à l’étonnement. Mais de là à demander si c’est une preuve de la lutte pour la bonne gouvernance, je dis que cela ne suffit pas. Parce que sous le régime précédent, on a vu même des ministres, des DG, aller en prison pour des questions de détournement dans le cadre de cette lutte-là. Mais cela n’a pas suffi pour qu’on dise que ce régime a eu la palme d’or de la lutte pour la bonne gouvernance. Je ne vais pas dire que c’est un épiphénomène. Seulement, la situation précise, puisque c’est de l’ANaTT que vous parlez, me dérange un peu parce qu’il s’agit d’un jeune. Vous savez, j’interviens ici en qualité de responsable d’une formation politique qui se réclame de la jeunesse. Et de notre côté, le changement que nous souhaitons au niveau de la gouvernance dans le pays, nous voulons que les jeunes soient plus associés à la gestion de l’Etat. Nous voulons qu’aux postes de responsabilité que ce ne soit plus les mêmes personnes. Mais si l’occasion est donnée à certains jeunes qui, au lieu de montrer le bon exemple, vont s’empêtrer dans des scandales du genre, vous comprenez ma difficulté à parler de cela. Et moi je profite pour inviter tous les jeunes qui ont eu la chance d’être nommés à des postes de responsabilité qu’ils ont l’impérieux devoir de bien se comporter. Qu’ils fassent de sorte à être les meilleurs afin de permettre à d’autres jeunes d’avoir également la possibilité. C’est important pour nous et surtout pour moi personnellement. Parce que jeune, j’avais occupé des postes de responsabilité dans l’administration publique. Si aujourd’hui, je me plais dans ma peau d’opposant au régime, c’est parce que je n’ai pas de casserole. Parce que, ces questions-là, lorsqu’on est jeune, il faut être très prudent quand on vous confie la gestion. Ce qui me dérange dans cette affaire aussi, est que la structure concernée a un conseil d’administration et un ministre de tutelle. Je ne comprends pas comment on a pu laisser faire pour que la situation ait pu durer autant et soit aussi profonde. De toutes les façons, ils sont au niveau de la justice et les responsabilités seront situées. Mais pour ma petite expérience, je pense que si les structures de contrôle faisaient leur travail en amont, il n’y aurait pas autant de gap. Par exemple, ce qui choque les populations, c’est la question des 34millions de boissons. C’est certainement inscrit dans leur budget. Et ils font ça chaque année. Et le conseil d’administration n’a pas vu cette irrégularité, encore moins le ministre de tutelle et cela passait et a pu faire 5ans avant qu’on n’en parle maintenant. C’est cela qui est regrettable pour nous. Il faut qu’à tous les niveaux les structures de contrôle travaillent en temps réel pour que les situations du genre ne perdurent. Ce n’est qu’à ce prix qu’on pourra parler de bonne gouvernance.
Pourquoi le MPL a disparu juste avant les élections présidentielles ?
On n’a pas disparu. C’est que l’opinion était habituée à la fougue des jeunes du MPL, aux déclarations. Vous savez, dans la vie, il faut évaluer ce que vous faites et réajuster à temps. Sinon vous irez dans le décor. Tirant donc leçon des législatives de 2019, après les communales de 2020, pour aborder le virage de 2021, la direction du parti a défini un certain nombre de stratégies. Parce qu’on s’est retrouvé sans élu pour avoir de parrain. Donc pour pouvoir régler cette question, parmi les stratégies qui avaient été retenues, c’était d’éviter les déclarations à l’emporte-pièce et de travailler en sourdine pour aller toucher la situation de parrainage. Donc, la priorité était de travailler pour obtenir ces parrains-là. Alors, après les communales, nous avons saisi les deux partis qui détenaient les parrainages pour pouvoir entrer en discussion avec eux. Malheureusement, ils sont rentrés dans le dilatoire pour ne pas créer le cadre de discussion qu’il faut pour obtenir cela.
Cela vous a empêché d’aller aux présidentielles….
C’est ce qui s’est malheureusement passé. C’est la seule chose qui nous a bloqués. Et nous avons évité d’étaler à la place publique tout ce que nous avons fait dans ce sens. Parce que nous avons eu à discuter avec les élus individuellement. Nous avons entendu des choses.
Et qu’est-ce que ces élus-là ont dit ?
Nous avons eu des promesses de certains élus qui à la dernière minute ont tous désisté.
Par peur ?
Je ne sais pas. Vous leur poserez la question après.
Votre parti a suivi les secousses de la présidentielle du 11 avril 2021. Selon vous, y avait-il eu exclusion de certaines candidatures ?
Tout le peuple béninois dans son entièreté a vu qu’il y a eu exclusion programmée de certaines candidatures. Et ça, il faut avoir le courage et l’honnêteté de le dire. Nous avons perçu ça dès lors qu’au niveau de l’Assemblée nationale, l’opposition n’a pu participer aux élections législatives en 2019. En 2020, après cette situation de 2019, il y a eu un dialogue qui a accouché d’une révision du code électoral, de la constitution, instituant désormais le parrainage qui est une pièce maitresse pour aller à la présidentielle. C’est alors que pour anticiper sur cette situation que nous avons vécue, nous nous sommes battus des pieds et des mains pour pouvoir participer aux communales. C’est justement à ce niveau que nous n’avons pas été compris par beaucoup. Notre position à l’époque était simple. Nous avons estimé qu’on nous a déjà imposé le code électoral. La constitution l’a déjà rendu obligatoire. On n’avait plus de marge de manœuvre. La seule marge de manœuvre qui nous restait, c’était de répondre présent aux communales, avoir des maires pour pouvoir participer en toute tranquillité aux présidentielles. C’était notre position. Parce que nous avons déjà vu le mal venir. Si nous-mêmes, on ne détient pas des maires, tout peut arriver. Finalement vous avez vu tout ce qui s’est passé.
Pendant que le MPL n’a pas déposé sa candidature sans le parrainage, d’autres l’ont fait et ont été recalés après. Vous auriez pu poser l’acte et on saura que vous êtes contre les dispositions du code électoral….
Qu’il vous souvienne qu’après le dépôt des candidatures, nous avions tenu une conférence de presse au Chant d’Oiseau pour fustiger les collègues de l’opposition qui sont allés déposer les dossiers. En ce moment encore, nous n’avons pas été compris. Nous savons les dispositions qui régissent les élections à la magistrature suprême dans notre pays. Ces dispositions du code électoral précisent qu’il faut avoir des parrains. Nous (l’opposition) n’avons pas pu avoir ces parrainages. Les autres candidats ont eu le même problème que nous. Ils ont eu des promesses fermes, mais à la dernière minute les gens se sont rétractés. Maintenant que vous n’avez pas eu le parrainage, vous allez déposer un dossier incomplet. Vous rendez la tâche facile à la CENA qui a rejeté le dossier comme étant incomplet. Conséquence, vous avez validé le processus auquel vous n’avez pas réellement pris part. C’est pour cela qu’au MPL, nous avons décidé de ne rien déposer. C’est vrai que les militants tout comme d’autres nous ont mis la pression en pensant qu’en allant déposer, il pourrait y avoir un miracle après ou qu’on s’assèye et dire qu’on va enlever ces dispositions. C’était leur point de vue. Mais c’est faux. Il ne faut pas être dupe. C’est pour ça que nous avions condamné ceux qui ont fait ainsi. Si vous déposez un dossier incomplet, vous avez validé le processus. Nous avions pensé qu’il aurait été plus opportun pour l’ensemble de l’opposition de ne pas mettre pied là-bas, de laisser simplement les candidats de la mouvance y aller et à nous de nous réunir une énième fois pour dénoncer le processus, pour dire : « Voilà, nous sommes exclus, on a institué une disposition de parrainage sachant bien que l’opposition n’a aucun parrain. On nous a dit que les élus de la mouvance peuvent nous parrainer. Ils ont tous refusé, et voilà. C’est ce qui s’est passé. » Nous, nous n’avions pas déposé et nous avons dénoncé ceux qui l’ont fait.
Mais les partis d’opposition tels que FCBE et la dynamique RLC ont eu le parrainage …
C’est des questions douloureuses pour nous. Tout ça relève d’un passé que nous essayons de conjuguer et de prendre toutes nos dispositions pour l’avenir, parce que ne nous voilons pas la face. Le peuple souffre, et je sais que vous le savez autant que nous, que la situation n’est pas du tout reluisante dans notre pays, et il faudrait que nous acteurs politiques qui nous réclamons de l’opposition, qu’on se prenne un peu plus au sérieux. Il est nécessaire qu’on se prenne plus au sérieux afin de corriger le tir.
Voulez-vous dire que les candidats de la FCBE et de RLC n’ont pas été sérieux ?
Non, ça c’est vous qui le dites. Ce que je dis plutôt, je parle de l’opposition en général, sans nommer, pour dire qu’il est important qu’on se prenne plus au sérieux. Il est important que nous puissions regarder de plus près la misère du peuple que nous défendons, que nous puissions nous départir de nos intérêts personnels, de nos égos pour répondre réellement au sacerdoce de défendre les plus démunis, défendre la misère que nous observons, que de faire des jeux de mots. C’est important pour nous au MPL. Et c’est pour ça que nous sommes mal compris de nos aînés et même d’une partie de la population, parce que pour nous ce qui importe, nous croyons en notre capacité à nous organiser et à changer le cours des choses. Pour nous, contrairement à ce qui est véhiculé, la peur, tout le monde est tétanisé, la peur a réussi à gagner tout le monde, et aujourd’hui, on pense qu’il s’agit d’un régime invincible. On ne peut rien faire, il vaut mieux croiser les bras, il faut regarder, non. Nous, nous pensons que si l’opposition se prend plus au sérieux et offre un spectacle plus digne des oppositions qu’on connait ailleurs, on arriverait à changer le cours des choses. Et c’est ce que nous nous préparons à faire les semaines, les mois à venir.
Est-ce que selon vous, c’est les exclusions qui sont à la base des violences électorales ?
Lorsqu’une bonne partie de la classe politique est exclue des compétitions électorales en 2019, en 2021 couronné par ce que l’on sait, comprenez que la somme des frustrations combinée aux émotions de certains peut facilement amener des situations de violences. C’est pour ça que même à la veille des présidentielles, nous avons appelé nos militants à beaucoup de circonspections, parce qu’il ne faut pas qu’on se laisse aller aux émotions. On savait que l’opposition avait perdu d’avance, et qu’en face de la machine qu’on nous imposait, les rapports de force n’étaient pas à notre faveur. Donc, il ne fallait pas aller l’affrontement inutile.
Qui a organisé les violences selon vous ?
Dans cette situation, il est difficile d’indexer X ou Y comme étant auteur de violences. Ce que je disais tantôt, ce sont les frustrations de ceux qui se voient faibles, ceux qui se voient opprimés combinées à une mauvaise lecture de la situation qui ont provoqué ça.
Quelle est votre appréciation par rapport à la tenue de ce scrutin, trois mois après ?
Ce qu’on peut dire, c’est que nous avons perdu une bataille, et pour nous au MPL, nous n’avons pas perdu la guerre. La guerre va continuer en peaufinant nos stratégies. L’Opposition a perdu une bataille. Nous l’avons souvent dit. Ça fait mal parfois, mais c’est la vérité. Nous étant jeunes, on n’est pas dérangé de dire ce que nous croyons être vrai. Si un certain Talon était de l’opposition, et qu’on imposait cette disposition qui exclut là, pensez-vous qu’il n’aurait pas pu obtenir ces parrainages-là ? Honnêtement, nous tous, nous connaissons la vérité. Alors, si nous opposants d’aujourd’hui, on n’a pas pu infiltrer ce dispositif, on n’a pas pu faire exploser ce dispositif comme nous l’avons promis, c’est parce que quelque part, nous n’avons pas été à la hauteur de la ruse qu’on nous a opposée. Pour nous, il faut être honnête et reconnaître ça. On nous a opposé une ruse et tout, on nous a brimés, mais nous n’avons pas été à la hauteur de l’affaire. Pour nous, c’est ça et il faut qu’on tire toutes les leçons et nous organiser pour que ça ne nous arrive plus.
Qu’est–ce que le MPL pense des arrestations de Madougou, Aïvo et autres qui sont des acteurs de l’opposition ?
D’abord, dame Réckya Madougou a été arrêtée le 3 mars 2021, et déjà le 4 mars, nous sommes la première formation politique à réagir par un communiqué, fustigeant cette arrestation. Nous avons trouvé que quel que soit ce qu’on lui reprochait, dans les circonstances où ça se produisait, cela n’était pas de nature à favoriser la paix, et que ça pouvait créer des situations conflictuelles. Nous avions publié ce communiqué avant même que le parti qui voulait la présenter ne réagisse bien plus tard. Nous avions demandé que diligence soit faite au niveau de la justice pour qu’on expose les faits de façon claire, et que très vite elle recouvre sa liberté et sa famille, parce que nous on a pensé qu’on a besoin de tous les enfants du pays pour apporter leurs petites touches à la construction de la Nation. Aujourd’hui, les choses sont lancées, ça traine. Il y a eu d’autres arrestations. On évoque des faits suffisamment graves dont on n’a pas connaissance, même les avocats des intéressés n’ont pas accès au dossier. Vous convenez avec moi que nous devons prendre un peu de retenue pour aborder cette question.
C’est-à-dire que des militants MPL n’ont pas été arrêtés ?
Nous avons quelques-uns.
Que leur reproche-t-on ?
Je suis peiné de l’avouer, mais nous avons été les pionniers surtout en 2019 dans la contestation violente qu’il y a eue. La main-d’œuvre, les stratégies, tout ce qui s’est passé, c’est nous. Mais après cela, on a fait le point. Nous avons trouvé que ça a été contre-productif. Nous avons perdu en face de la machine qu’on nous a opposée. Et c’est depuis lors que nous avons pris un peu de recul par rapport aux revendications violentes. Certains parmi nous continuent de croire que c’est la voie à suivre. C’est ainsi que de façon isolée certains parmi nous ont posé des actes qui, malheureusement ont fait que aujourd’hui, nous avons des gens en détention et d’autres en exil.
Donc vous ne répondez pas de ces actes ?
Non. On ne peut pas répondre de ces actes puisqu’il s’agit d’initiatives personnelles. Parce que nous, responsables du parti avons appelé nos compatriotes à s’abstenir de poser certains actes. Lorsque nous sommes venus aux encablures de la présidentielle, nous avons saisi les autres formations politiques de l’opposition. Il y avait le Front pour la restauration de la démocratie, Les Démocrates et toutes les entités de l’opposition. On les a contactés aux fins d’échanger pour adopter une conduite commune en face de ce qui voulait se passer. A cette rencontre, le président Houdé a répondu dans les 24h. Il y avait tous les responsables des organisations. Nous leur avons dit ceci: « Nous, nous avons épuisé nos cartouches. Nous savons aussi que la solution ne peut être que dans la concertation et dans l’ensemble. Nous sommes relativement les plus jeunes. Ce que nous voulons, sans rentrer dans la stratégie de ce qui veut se passer, nous nous mettons à la disposition de l’ensemble de l’opposition pour être solidaire de tout ce qui va se passer. Donc en prenant la décision de faire quoi que ce soit, informez-nous quelques heures à l’avance. Dîtes-nous le rôle que vous souhaitez que les jeunes jouent et nous, on se met en ordre. Nous sommes prêts à tout. Mais malheureusement, on n’a pas eu de retour de ce qui est à faire. Donc la veille des élections, on a demandé à nos militants de rester chez eux. Parce que nous avons encore en notre sein, les vestiges de 2019.
Juste après les arrestations de Réckya Madougou et autres, il y a eu un calme plat dans le pays. Est-ce que ça n’explique pas que quelque chose s’est passé ?
Nous, nous ne sommes pas surpris par cette situation. Nous l’avons dit, en politique comme partout ailleurs, lorsque les rapports de forces ne sont pas en votre faveur, vous faites attention aux actes que vous posez. Si on engageait une contestation violente, est-ce que ce serait en notre avantage ? En réalité, ces arrestations ont davantage instauré la peur au sein des populations. Ce qui a amené les gens à se rétracter dans leur coin. Déjà les gens ne trouvent pas le minimum qu’il faut pour survivre. Et maintenant vous leur demandez d’aller se retrouver dans les liens de la détention ? Non. C’est ce qui explique le calme plat dont vous parlez.
Selon vous, quel a été le rôle de l’ancien président Boni Yayi dans cette affaire ?
Je ne suis pas son porte-parole. Je ne suis pas de son parti et je ne sais le rôle qu’il a joué.
Vous aviez été empêché entre temps de faire le congrès de votre parti à Tchaourou
Ce sont des questions que nous ne souhaitons plus aborder parce que l’ensemble de toutes ces choses nous a conduit à la situation que nous vivons aujourd’hui. Ce qui nous intéresse aujourd’hui au sein du parti MPL, c’est comment nous en sortir. Si nous ne trouvons pas des solutions à la situation que nous vivons aujourd’hui, d’ici à là, ce serait compliqué. Ce sera un échec pour la jeunesse parce que quand ça devient dur, c’est les plus jeunes qui doivent prendre le devant et dire non. Les ainés ont essayé de faire de leur mieux. Nous ne pouvons pas leur jeter la pierre. Maintenant, si nous ne pouvons pas être capables de nous organiser pour trouver des solutions aux maux qui nous minent, ce serait un échec. C’est ce que nous refusons de permettre et c’est pour cela que nous commençons par nous organiser.
En suivant votre développement, on a comme l’impression que le pays est en crise
Les gens vivent dans des situations de résignation où ils ne peuvent plus dire ce qu’ils veulent exprimer. Pour nous, il y a bien une crise. Il revient à l’exécutif de trouver les voies et moyens de dégel et de ramener au sein du peuple une cohésion, une harmonie et toute chose nécessaire au développement que nous souhaitons.
Que pensez-vous de la désignation de Paul Hounkpè comme chef de file de l’opposition ?
Nous avons été surpris par cette désignation, au même titre que le peuple béninois, de voir un décret pris par le conseil des ministres pour nommer Paul Hounkpè comme chef de file de l’opposition. Un chef de file de l’opposition doit se faire reconnaitre dans un travail de discussion avec les partis de l’opposition. S’il est vraiment chef de file, il doit pouvoir réunir toute l’opposition, échanger avec elle, définir les stratégies idoines pour sortir de la crise dans laquelle nous sommes.
Vous voulez dire qu’à aucun moment Paul Hounkpè n’a pris contact avec vous ?
A aucun moment mais je le dédouane d’une chose. Quand nous tenions notre conseil national il y a quelques semaines, nous avions invité tous les partis politiques de l’opposition et il s’est fait représenter.
Vous attestez qu’à la dater d’aujourd’hui, il n’y a eu aucune relation entre le chef de file de l’opposition et le MPL ?
Aucune relation.
Vous pensez qu’il n’a pas la caution de ce qu’il fait ?
C’est ce que vous comprenez. Même si Paul Hounkpè bénéficie d’une certaine légalité, nous savons tous que la légitimité n’y est pas. Qu’est ce qui lui a permis d’être nommé chef de file de l’opposition ? Est-ce que l’opposition a réellement été aux dernières élections ? C’est des réponses que nous connaissons mais pour nous, il est inutile de nous attarder sur ces questions parce qu’elles ne nous apporteront rien. Ce qui nous importe aujourd’hui, c’est les échéances de 2023. Nous sommes souvent à l’avant-garde des situations. La clé de la situation dans laquelle tout le peuple s’est empêtrée est les législatives de 2023. Et pour ça, l’opposition doit se préparer dès à présent, se donner les moyens de ne plus être brimée de quelque manière que ce soit sinon, la situation va perdurer.
Lors de son investiture, le chef de l’Etat a appelé à faire taire toutes les querelles et à faire face à l’ennemi commun qu’est la pauvreté. Qu’en dites-vous ?
Il est dans son rôle. Il lui revient de trouver solution aux problèmes que nous rencontrons. Mais, il a beaucoup à faire pour pacifier le pays, à réunir le peuple béninois toutes tendances confondues pour qu’on puisse se refaire confiance, espérer se mettre sur les rails du développement que nous souhaitons.
Le président Talon a également promis faire du hautement social
Nous attendons toujours.
Donc il n’a pas encore commencé ?
Nous n’avons encore rien vu de social. Plus encore ces jours qui passent où il y a une inflation des prix de produits de première nécessité et une cherté sans précèdent du cout de la vie. Et il n’y a encore eu aucune réaction conséquente de la part du gouvernement. Même si c’est une situation qui dépasse les frontières, nous avons vu ailleurs des actions qui tendent vers le social. Nous aurions voulu voir notre gouvernement réagir plus promptement avec des mesures concrètes face à cette situation. Ce que nous tardons à voir alors que nous attendons du hautement social.
Qu’attendez-vous à voir comme mesure ?
Il y a une panoplie de mesures
Mais il y a l’interdiction de l’exportation des produits vivriers…
C’est une mesure basique et c’est ce qui est fait à chaque situation. Nous sommes tout le temps sur le terrain. J’ai vu au niveau de certaines zones frontalières, les dispositions qui ont été prises pour éviter que les produits vivriers aillent vers l’extérieur. Mais, ce n’est pas encore ce qu’on veut. Cette mesure à elle seule ne suffit pas pour endiguer la situation que nous vivons. Nous avons quelques contributions à faire par rapport à cette situation et un comité est mis en place pour réfléchir sur cette contribution. La situation est grave, le peuple souffre réellement et il faut agir. Nous ne sommes pas au pouvoir. Il y a une équipe qui est là et qui prend les décisions. C’est sur les questions politiques qu’ils sont imperméables et il ne faut pas que nous, partis politiques de l’opposition, chantions tous les jours pour dénoncer les problèmes du code électoral, de la charte des partis. Il faut penser au quotidien des Béninois, quitte à eux d’aviser ou non. Nous avons constaté que la classe politique de l’opposition ne critique que sur les aspects liés à la politique.
On dirait que quelque chose a changé dans votre vision d’opposant ?
Cela m’amène à vous rappeler la première recommandation issue de notre conseil national : le parti reste profondément ancré dans l’opposition dans laquelle elle est née, suivant les orientations du congrès de Savè, le parti reste dans l’opposition. S’agissant des changements auxquels vous faites allusion, quand on fait quelque chose, il faut faire le point en avançant. Nous avons expérimenté des méthodes qui n’ont pas connu des résultats. Aujourd’hui, nous avons décidé d’aller plus en profondeur des situations. Ce n’est pas par la violence que nous pourrons obtenir des résultats. Une chose est sûre : nous ne pouvons rien obtenir sans dialoguer. En premier, nous avons souhaité que le chef de l’Etat discute avec toute la classe politique. Nous l’avions dit à l’époque mais il y a des chefs de partis d’opposition qui ne voulaient pas l’entendre de cette oreille parce que selon eux, on ne discute pas avec un dictateur et on ne peut aller aux élections avec lui. Maintenant que tout a pourri, il faut qu’on s’asseye pour parler. Ce que nous pensons, c’est de peaufiner des stratégies qui peuvent nous apporter des résultats.
Une fois réélu, le président a reconduit la totalité de son équipe pour aller plus loin dans les réformes. Qu’en dites-vous ?
Le Chef de l’Etat est dans son rôle. Il est dans son rôle sauf que pour nous, nous avons trouvé ça bien curieux, parce que presque partout dans le monde entier, nous sommes habitués après les élections à ce que les présidents élus recomposent leurs équipes. Parce qu’il y a des gens qui, certainement, n’ont pas donné satisfaction. Ça, c’est à son bon vouloir. Peut-être qu’ils estiment que tous ont donné de résultats, c’est pour ça qu’il les a reconduits. Pour nous, cela importe très peu. La question qui nous préoccupe, c’est le quotidien des Béninois, c’est le chômage des jeunes, c’est la misère, la précarité dans laquelle vivent les Béninois. C’est ça qui nous importe. Qu’il nous règle ces problèmes-là le plus rapidement possible, et qu’on cesse de rester dans les annonces.
A part vos quelques points critiques, est-ce que Talon a fait quelque chose de bien depuis 5 ans ?
Il n’est pas de mon rôle de venir relever ce qu’il a fait de bien. Il y a des gens dans la République qui sont payés pour ça. Et je crois qu’ils le font si bien. Moi, ma préoccupation, c’est les problèmes que je pose et qui n’ont pas encore trouvé de solution. C’est sur ça que je m’appesantis.
Donc la dématérialisation des services administratifs, l’asphaltage et tout ça vous laissent indifférent ?
Non, je ne peux pas dire que ça me laisse indifférent. Nous voulons le meilleur. Par exemple, par rapport à la dématérialisation. C’est une bonne chose. Les gouvernements précédents ont scandé ça. Mais qu’on passe des slogans aux faits, aux réalités et que tout le peuple béninois puisse vivre ces faits qu’on évoque. Par exemple, au niveau de l’ANIP, moi-même j’ai fait l’expérience. On a dit qu’on est dans la dématérialisation, on est dans la célérité, mais les cartes biométriques qu’on demande, j’ai demandé ça depuis des mois, je ne l’ai pas encore obtenue ; d’autres sont dans des rangs interminables tous les jours devant l’agence sans même avoir la chance d’être reçu. C’est de ça qu’il s’agit. C’est-à-dire qu’on laisse les slogans et qu’on passe aux actes concrets. « On a pensé ça, on a voulu ceci, on a voulu ça ». C’est bien beau. Ou « le développement, ça y est. On est en train ». Tout ça c’est beau, mais que les béninois vivent dans leur quotidien les retombées de ces slogans. S’il y a développement, il faut que tout le monde soit heureux, soit content, qu’on rencontre tous les béninois heureux dans la rue. C’est le développement. Si la résilience que le Bénin a pu obtenir en face des effets Covid-19 est effective, que cela se ressente au niveau des béninois. C’est ce que nous voulons, c’est ce que nous demandons. C’est tout.
Quelles sont les grandes recommandations issues du conseil national de votre parti ?
Au premier plan des recommandations, c’est que le parti reste profondément ancré dans l’opposition. Entre autres encore, il a été recommandé de prendre langue avec les autres formations politiques pour amener tout le monde à s’asseoir pour discuter. Il a été aussi recommandé au directoire de prendre toutes les mesures idoines pour la participation effective du parti aux législatives de 2023. Il nous a été également recommandé de demander aux institutions de la République de jouer effectivement leurs rôles. On a vu ces derniers jours le Médiateur de la République qui a commencé quelque chose. Ça fait partie de nos souhaits pour que réellement le dégel de la crise latente que nous vivons soit effectif. Que les rancœurs qui animent les uns et les autres puissent cesser, et qu’on puisse s’asseoir et discuter.
Qu’est-ce qui explique ce changement rapide à la tête du parti?
Pourquoi vous trouvez ça rapide ?
C’est le parti qui a changé le plus rapidement de tête depuis 1990 …
Peut-être oui, parce que c’est aussi le parti qui apportera beaucoup de choses à notre pays. D’abord, c’est le parti sur qui peuple compte beaucoup. Les attentes sont énormes. Et deux, nous sommes convaincus que c’est nous qui allons également apporter des solutions concrètes aux problèmes que nous vivons aujourd’hui. Retenez ceci en résumé : nous, on n’attend pas. Nous avons pris des engagements …
Monsieur Tèbè, j’ai l’impression que Monsieur Korogoné a tué le parti et vous a filé la patate chaude …
Non, pas du tout. Le MPL est plus que vivant. Nous allons continuer par vous surprendre. Tout ce que vous avez observé comme changement au niveau du parti participe d’une stratégie bien mûrie que nous mettons en œuvre. Et aujourd’hui, de façon globale sans même aller dans les détails, ce que je peux vous dire, tout ce que nous avons à faire, c’est faire en sorte qu’en 2023, vous voyez le MPL sur la ligne de départ.
Quel est le statut de Korogoné aujourd’hui au sein du parti ?
Il n’est pas sorti du parti.
Quel est son statut ?
Nous avons le même statut. Nous sommes tous des militants.
Simplement ? Quitter le poste de président pour devenir un simple militant …
Ce n’est pas exactement cela.
Quelles sont les malversations qu’il a commises ?
Non. Il n’a pas commis de malversations.
Etes-vous sûr que demain on ne va pas entendre cela ?
J’en suis sûr. Ça je peux vous rassurer. Il n’y a pas eu de malversations.
Ou il y a eu une crise à l’interne ?
Aucune crise à l’interne.
Mais vous n’avez pas attendu un congrès avant de procéder à ce changement ?
Nous avons suivi exactement les règles de notre parti. Tout ce que nous faisons, nous suivons les textes de notre parti. Nous avons fait ce changement par rapport aux possibilités que nous offrent les textes du parti.
Vous semblez miser sur les législatives de 2023. Or vous êtes un parti qui n’a aucun élu, on ne vous a jamais vu à une élection. Qu’est-ce qui vous donne autant d’assurance ?
Ce que nous regrettons le plus au MPL, c’est notre non-participation aux communales de 2020. Sinon, aujourd’hui, il y a certaines questions qu’on ne poserait plus. Quand on parle de notre participation aux législatives de 2023, c’est beaucoup plus sérieux pour nous que ce que les gens voient. C’est ce qui explique les stratégies qui sont en train d’être mises en œuvre.
C’est pour ne pas disparaître de la carte politique ?
Tout à fait. Ce que vous dites compte beaucoup. Si nous ne participons pas aux législatives de 2023, c’est que nous sommes morts. Alors, si le challenge est à ce niveau, comprenez qu’aucun sacrifice n’est de trop pour qu’on y arrive. C’est vrai, c’est pour 2023, mais ça se prépare maintenant. Vous verrez les jours à venir, nous allons dévoiler la feuille de route du directoire par rapport à tout cela.
Vous allez faire de nouveaux recrutements ?
Des recrutements massifs sont déjà en cours, et il y a de profondes mutations qui vont s’opérer au niveau du parti. Tout ça pour pouvoir simplement tenir les engagements pris depuis le congrès de Savè. Nous ne voulons pas que d’ici à là, on retrouve également ces jeunes qui ont promis faire des miracles, qu’on n’ait pas pu finalement relever le défi. C’est des questions qui fouettent aussi l’égo de certains parmi nous. Il faut qu’on réussisse.
Et s’il vous était donné de conclure cet entretien, que diriez-vous ?
Ce que je dirai surtout, c’est une adresse à l’endroit de la jeunesse de mon pays. Je leur demanderai de ne pas désespérer, de garder espoir surtout de savoir que c’est notre travail quotidien qui va nous libérer. Et qu’il n’y a aucune possibilité de laisser place à la paresse et d’espérer s’en sortir. J’ai constaté que de nos jours, nos jeunes frères s’adonnent beaucoup plus à la facilité. Moi ça me dérange et je veux que la jeunesse de mon pays prenne conscience que nous devons redoubler d’ardeur au travail et que le travail nous aide à relever les défis de notre pays. En tant que responsable d’un mouvement politique, je demande à tous mes compatriotes de s’apprêter pour qu’on se donne la main et relever notre plus grand défi. Je souhaite que la jeunesse de mon pays mette son ingéniosité en œuvre pour pouvoir faire une révolution pacifique qui va amener les jeunes valeureux qui ont des compétences à prendre les devants de la scène et montrer qu’on peut faire mieux autrement.
Carte d’identité: Un ingénieur en politique
Expérience Tèbè est né à Savalou plus précisément à Tchètti, le 12 janvier 1977. Ingénier civil de formation, il est cadre au ministère de l’enseignement supérieur depuis 2002. Tout ce parcours, il l’a fait à Cotonou. Parti de l’Ecole Primaire Nouveau Pont où il fait le CEP, pour le Ceg Godomey où il a eu le Bepc en 1994, il décroche le BAC série D au Lycée Descartes en 1997. A l’université, il fait le génie civil au Collège Polytechnique Universitaire (devenu EPAC), sous l’impulsion de son père. Cadre de l’administration béninoise, celui-ci lui a imprimé des valeurs de rigueur, d’efficacité dans le travail et de loyauté. C’est en 2003 qu’il devient ingénieur en génie civil, Plus tard, il obtient un master en économie des transports et un autre en gestion de projets. Mais il l’avoue lui-même, Expérience TEBE détestait vraiment la politique jusqu’à ce qu’il commence sa vie professionnelle. En tant que cadre au ministère de l’enseignement supérieur, il a surtout supervisé les projets financés par la BID et la BADEA ainsi que d’autres financements arabes pendant un long moment. En 2013, il devient directeur des infrastructures de l’équipement et de la maintenance au niveau de son ministère. En 2014, il entre à l’Agence béninoise des grands travaux comme conseiller technique du Président de la République. L’agence est dissolue en 2016. Secrétaire général du Mouvement Populaire de Libération à la création du parti en 2019, il en devient président en juillet 2021. Quand on lui demande quels conseils il peut donner aux jeunes qui veulent s’engager en politique, il n’hésite pas : « Moi je ne souhaite pas que quelqu’un qui n’a pas l’ambition d’aider les gens et qui n’a pas les reins solides s’aventure à dire qu’il veut prendre position dans la politique. »
Intimité: Une vie d’ascète
Marié et père de trois enfants dont l’aîné est déjà à l’ENAM, Expérience TEBE mène une vie d’ascète. Il dort très peu et mange une fois par jour. Une conséquence de ses années d’élève et d’étudiant assidu et studieux. Son plat préféré ? La pâte et la sauce.
La Rédaction