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Théophile YAROU, Président du parti LNA, invité de « Sous l’arbre à Palabre » de l’Événement Précis : « Patrice Talon s’est beaucoup amélioré »

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Théophile YAROU, Président du parti LNA

Nouvel invité de la rubrique phare ‘’Sous l’Arbre à Palabre’’ du journal L’Événement Précis pour le compte de cette année 2022, l’ancien Secrétaire exécutif national adjoint  du parti FCBE et ex ministre de la Défense de Boni Yayi, Théophile YAROU,  fait le point du parcours ayant conduit à la formalisation  de l’existence légale du parti La Nouvelle Alliance dont il assume la présidence. Il se dit déjà avec les siens, partants pour les prochaines législatives 2023 sous les couleurs de cette nouvelle formation politique.  Au cours des échanges avec les journalistes, le président de  LNA n’a pas manqué de souligner la particularité de son parti qui   ne se réclame ni de l’opposition, ni de la mouvance, encore moins du centre. Ce parti prône plutôt le Social-Libéralisme et se positionne comme une « alternative crédible à l’écoute du peuple béninoise ». Réagissant à propos de la gouvernance de Patrice Talon, l’invité de l’Événement Précis avoue que le Chef de l’Etat s’est beaucoup amélioré, faisant allusion aux différences mesures sociales et autres initiatives qu’il entreprend depuis quelques temps pour soulager les peines des populations. Lisez plutôt.  

Et si on en parlait !

Votre parti LNA a récemment obtenu son récépissé définitif. Quels sont vos sentiments ?

Avant de répondre à votre question, il est important de faire remarquer qu’après une période très agitée de la vie politique de notre pays, j’ai, ensemble avec certains camarades, pris du recul pour mieux apprécier la situation afin de mieux nous repositionner sur l’échiquier politique national. En effet, le parti LNA est né à la suite d’un certain nombre d’événements au sein des FCBE. Ces événements ont été provoqués par les différences de vues liées essentiellement à la conviction, à l’éthique à la morale et la façon des uns et des autres de faire la politique. Ainsi, ne partageant et convaincus de la noblesse de la cause que nous défendons, nous avons décidé de créer un autre cadre politique totalement indépendant en vue de promouvoir les valeurs qui nous sont chères, à savoir la justice sociale, la

morale, l’éthique, l’égalité devant la loi et l’égalité sociale, la répartition des richesses et le panafricanisme.

A la création du parti, nous avons proclamé que nous sommes un parti social libéralisme qui en l’état actuel des choses n’est ni de l’opposition ni de la mouvance.

Nous sommes nés pour pouvoir trouver des hommes et des femmes partageant les valeurs du social libéralisme et le panafricaniste. Nous sommes heureux de pouvoir accomplir toutes les formalités requises par la loi régissant les partis politiques dans notre pays et d’obtenir ce fameux récépissé. Et il normal de s’en réjouir lorsqu’on connait le contexte politique de notre pays.

Le contexte politique actuel de notre pays nous amène à pousser un ouf de soulagement à l’obtention du récépissé.

De quel contexte parlez-vous ?

Je ne voudrais pas rappeler les événements malheureux qui ont conduit à l’exclusion de l’opposition aux élections législatives de 2019. Je veux parler de ce fameux certificat de conformité a fait couler beaucoup d’encre et de salive.

L’obtention du récépissé définitif du parti LNA n’a pas été du tout facile. En plus du contexte socio-politique caractérisé par la peur, l’incertitude et la méfiance, il faut également braver les obstacles liés à la loi sur la charte des partis politiques en République du Bénin. En effet la loi a rendu difficile la création des partis politiques afin de réduire considérablement le nombre de partis politiques. C’est une réforme du gouvernement que nous approuvons en partie dans la mesure où elle vise à créer de grands ensembles politiques dans notre pays. Pour moi, cela ne devrait pas constitué un prétexte pour interdire la création des partis politiques. La réduction viendra à l’épreuve des réalités du terrain. Nous sommes donc pour la création de grands ensembles politiques qui s’imposent dans la durée en tant que formations politiques hégémoniques et non pas décréter des grands ensembles politiques.

Vous comprenez maintenant pourquoi l’obtention du récépissé définitif du parti LNA est une grande joie pour moi et pour tous les camarades du parti. J’en profite pour remercier tous ceux qui ont fait ce parcours avec nous. Ce fut un parcours de combattant.

Visiblement, vous soupçonnez quelque chose ?

Non. Je dis simplement que cela a été difficile et exagérément dispendieux. Le législateur a certainement voulu que ce soit ainsi. Je crois personnellement que l’esprit de la loi ne devrait pas être de rendre difficile et coûteux la création des partis politiques. Si l’objectif est de limiter le nombre des partis, les dispositions relatives à la question des 10%, à l’interdiction des alliances de partis politiques ainsi que celles relatives à l’obligation qui leur est faite de participer à deux élections législatives consécutives sont largement suffisantes. Par principe j’ai toujours été légaliste. Autrement dit, sans être entièrement d’accord avec une loi, je peux de m’y conformer en attendant d’être en position de pouvoir la modifier ou la remplacer. C’est pour cela qu’hier, nous n’avons pas soupçonné les formalités de mise en conformité mise en place par le gouvernement. Au sein du parti FCBE, nous étions d’accord pour le certificat de conformité mais, nous soupçonnions une volonté d’exclure. Nous sommes au Bénin et en politique, on ne se fait pas de cadeau.

C’est grâce à vous que le FCBE a eu son récépissé et que le LNA a également son récépissé, selon nos informations…

Oui c’est j’y ai contribué pour beaucoup. Mais je n’étais passe seul ! Il y avait les autres anciens amis. En effet, au regard de la loi, le parti FCBE avait perdu son existence juridique le 17 mars 2019 et j’avais compris qu’avec le régime en place il était très risqué d’animer la vie politique dans l’illégalité. Malheureusement, tout le monde ne l’entendait pas de cette manière. C’est leur point de vue ; et je le respecte. Mais, il y avait la réalité du moment doit-il fallait tenir compte. Ainsi, il fallait tout simplement satisfaire aux exigences de l’administration chargée de délivrer le récépissé afin de pouvoir recouvrer notre légalité et nous protéger ainsi des risques liés à l’exercice de l’activité politique à un moment où les portes de Missérété étaient grandement ouvertes. Il n’y avait pas d’autres alternatives que de se plier à la volonté du ministère. Malheureusement, la méfiance, la suspension et les conflits de leadership ont vicié l’ambiance au sein du parti. Nos émotions ont eu le dessus sur notre capacité à apprécier objectivement la réalité des choses. Finalement, arriva ce qui ne devrait pas arriver : « la division et la cassure du parti ». Ce que je n’ai pas compris par la suite, est pourquoi les mêmes qui nous ont taxé de traîtres pour avoir accepté de nous plier aux « injonctions » du ministère de l’intérieur ce sont eux-mêmes conformés aux mêmes injonctions afin d’obtenir leur récépissé ?

LNA ne se réclame ni de l’opposition, ni de la mouvance et même pas centriste. N’est-ce pas une position ambigüe, voire suspecte ?

Elle peut être ambigüe ; mais pas suspecte. La coutume politique du Bénin a réparti l’environnement politique en deux blocs antagonistes : le bloc de l’opposition et celui de la mouvance. La déclaration à l’appartenance à l’un de ces blocs est facultative. Elle ne s’impose pas aux partis ! Une telle classification à mon sens est trop simpliste et ne clarifie pas totalement l’environnement politique dans notre pays. La preuve en est que les deux blocs de la mouvance actuelle, à y voir de près, sont pratiquement opposés du point de vue idéologique. Et l’avenir nous le confirmera.

Nous pensons que ce n’est pas un bon référentiel dans la mesure où lorsqu’on parle d’opposition et de mouvance, dans le concept béninois et africain en général, cela traduit un état de conflit. Autrement dit, cette manière de simplifier l’organisation politique du pays occulte les vrais débats et ne permet pas de percevoir les propositions alternatives des uns et des autres. Nous pensons qu’être dans la mouvance, c’est approuvé le projet de société du parti au pouvoir et que de faites votre parti n’a pas d’autres solutions à proposer en dehors de celles du gouvernement en place. En un mot, votre parti ne constitue pas une alternative par rapport au pouvoir. De l’autre côté, l’opposition, c’est ne pas se retrouver dans le projet de société du parti au pouvoir. Vous comprenez par là qu’un parti peut être opposé à un autre sans que ce dernier ne soit au pouvoir. Par exemple, de par notre idéologie ; le social-libéral, nous sommes opposés au parti communiste. Ainsi pour nous, la véritable classification, celle qui permettra de distinguer les partis politiques, doit se fonder sur leur approches et sur leurs idéologies et non pas par rapport à la marmite nationale.

Au Bénin par exemple, les défis à relever ont un nom. Ils s’appellent, la pauvreté, le changement climatique, le retard technologique, le manque d’infrastructures, un tissu industriel quasi inexistant, une éducation et une formation inadaptées, etc. Les débats autour de ces questions devraient permettre aux citoyens électeurs, de faire le choix du parti qui propose les meilleures solutions. Il n’existe quasiment pas d’espace public qui permet aux différents partis politiques de confronter leurs idées face aux différentes situations. C’est pour cette raison que notre parti a fait le choix de n’être ni de la mouvance ni de l’opposition. S’il y a donc ambigüité, cela est forcément due au fait qu’il n’y pas de débats politiques. En revanche, il n’y rien de suspect dans notre déclaration dans la mesure où nous avons dit que nous ne sommes pas de la mouvance. Cela voudra dire que nous ne nous reconnaissons pas à travers le projet de société de ceux qui sont au pouvoir. Pour faire simple, on pourrait dire que nous sommes opposés à ceux qui sont au pouvoir. Nous avons dit également que nous ne sommes pas de l’opposition. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous ne voulons pas être un parti opposé à un homme. L’enjeu n’est pour nous, n’est de s’accrocher à nos égos mais, de défendre la cause des populations. Sur ce point nous avons des difficultés à distinguer au sein de l’opposition actuelle ceux qui servent les intérêts d’individus de ceux qui défendent la cause de nos braves populations.

Qu’est-ce qui se pratique aujourd’hui ?

Par exemple quand j’étais encore FCBE, j’ai déclaré officiellement que je ne suis pas de la résistance. Pourquoi ? Parce que pour moi, la résistance voudrait dire le déni total du système qui est en place. Il faut tout rejeter, tout peindre en noir, insulter sans ménagement pour mériter d’être appelé opposant. Par ailleurs la résistance voulait dire également ne participer à aucune élection sur la base des lois votées et promulguées par le parlement en place. Nous n’étions pas d’accord avec cette façon de voir les choses ; ce qui a fait de nous l’ennemi public numéro 1. La résistance pour nous, c’est lorsqu’on est en état d’occupation ou lorsque la forme républicaine du pays est menacée. Nous disions en son temps que, nous serions prêts à résister à tout système politique qui voudra remettre en cause la forme républicaine du Bénin même si ce régime était élu démocratiquement.

Nous avons fait l’option d’une opposition raisonnable, disposée à envoyer des représentants au parlement pour y porter de la contradiction et éviter ainsi les lois opportunistes. C’était plus stratégique à notre avis surtout lorsque nous avons en face régime de la rage et de la ruse.

Malheureusement, nous été incompris par beaucoup qui pensaient certainement que la solution à la crise se trouverait dans le chaos. Gloire et louange à Dieu ! tout ceci est désormais derrière nous et le Bénin peut se donner la chance de redorer son blason grâce à l’effort de tous.

J’en appelle ainsi au sens de patriotisme des uns et des autres afin que les prochaines élections législatives soient l’occasion pour les béninois de fumer le calumet de la paix et de la réconciliation. C’est donc pour réaffirmer cette conviction que notre parti a fait le choix de n’être ni de l’opposition ni de la mouvance. Nous avons voulu nous mettre au-dessus de la mêlé, au-dessus du clivage opposition/mouvance afin que nos critiques et nos analyses soient les plus objectives possibles. Et comme vous le savez vous-même, au Bénin, lorsque vous vous déclarez de l’opposition ou de la mouvance, du coup, la population vous regarde d’un autre œil. Que vous disiez la vérité ou pas, la population vous juge en fonction de votre position tranchée. Je comprends que ce soit encore difficile au Bénin, de faire le choix n’appartenir ni à la mouvance ni à l’opposition. Ce qu’il faut comprendre, pour rester dans le carcan habituel, nous sommes un parti de l’opposition par rapport au pouvoir actuel et ce, jusqu’à nouvel ordre. D’un autre côté, nous voulons faire autrement l’opposition sans tomber dans le radicalisme ni céder aux compromissions.

Quelle manière ?

Il y a deux manières. Il y a l’extrémisme et la compromission. Nous sommes prêts nous à faire des compromis lorsqu’il s’agit de faire avancer le pays sans céder aux compromissions.

Quand vous parlez de l’extrémisme, est-ce que vous avez des cas que vous pouvez partager avec nous ?

Les propos du genre « on ne discute pas avec le dictateur ». Regardez ce qui s’est passé en 1990 dans notre pays. Pourtant, pour beaucoup, KÉRÉKOU était un dictateur.

Un exemple de compromission ?

Je ne peux vous donner des cas ni citer de auteurs. Vous devez vous-même connaître ces comportements de discours de compromission.

Est-ce que vous connaissez un parti qui ne soit ni de l’opposition ni de la mouvance ?

J’ai appris que comme nous, le parti La Nouvelle Force Nationale a dit, bien avant nous, qu’il n’est ni de l’opposition ni de la mouvance.

Concernant LNA, cette position sera évolutive ou elle est actée définitivement ?

Justement c’est parce qu’elle sera évolutive que nous nous sommes mis dans cette posture. Nous faire évoluer les critères de clarification vers paramètres plus significatifs. D’un autre point de vue, nous sommes prêts à nous mettre ensemble avec un parti au pouvoir ou avec un parti de l’opposition qui partage les mêmes valeurs que nous. Notre seule préoccupation est d’être en phase avec les valeurs morales et éthiques que nous défendons.

Si par exemple, le gouvernement du président Talon entre dans les champs du social-libéralisme que sont la solidarité, la justice sociale, la répartition équitable de la richesse nationale, l’égalité, bref en mettant l’accent sur l’humain, la pauvreté, alors il se pourrait que notre parti révise sa position et décide d’examiner les possibilités de travailler le gouvernement. Puisque nous sommes là pour le développement. Nous ne sommes pas là seulement pour servir d’instrument de la division.

Vous parliez tantôt des contradictions internes au parti FCBE, des contradictions que vous n’acceptiez pas à l’époque. Dites-nous aujourd’hui qu’est-ce qui a suscité votre départ ?

Malheureusement, j’ai dit que je ne ferai pas de tabou sur les sujets que vous allez aborder dans ce débat. Mais je ne voudrais personnellement pas évoquer les raisons. Je voudrais rappeler ici que nous sommes des légalistes. Nous sommes prêts à faire des compromis, pas des compromissions. Le parti FCBE dans la douleur est allé aux élections de 2020. Et j’avais la ferme conviction que malgré les difficultés avec lesquelles nous avions participé à ces élections, nous étions en mesure de pouvoir réunir au moins 16 maires sur les 77 que compte notre pays. Malheureusement à la fin, nous n’avons eu que 6 et demi. Puisque le septième était parti très tôt. La question qu’il faut se poser est de savoir si FCBE est fondé présenter un candidat à l’élection présidentielle. Les juristes nous aiderons à répondre à cette question. Ce débat, tous les partis politiques de l’opposition l’ont connu. Malheureusement tous, ou presque tous ont succombé à la tentation, que dis-je à la naïveté. Ce n’est donc pas une situation qui est propre au FCBE. Je suis donc parti pour des raisons de convenance personnelle.

C’est vous seul qui êtes parti. Personne ne vous a suivi en dehors d’une ou deux têtes.

Ah bon ? Donc le secrétaire général de LNA, le Premier et le Deuxième Vice-président de LNA, madame la ministre GBEDJI et tous les élus locaux et communaux qui sont partis après moi ne sont personne ? Vous avez raison puisque c’est de cette manière que nous avons traité. Vous savez, j’ai pitié de ceux qui traitent leurs semblables d’inutiles. C’est encore plus grave en politique.

Qu’est-ce qui a suivi ?

Eh bien ils sont allés vers des partis qui connaîtront leurs valeurs en l’occurrence, les partis au pouvoir qui malgré leur position de force vont à la recherche d’autres militants. Cela s’appelle de l’expérience. Dire à gens qui sont faits élire une fois dans leur vie qu’ils ne sont des menu-fretins, ne relève pas d’une bonne communication. La preuve, les grands bateaux que sont l’UP et le BR se sont empressés d’aller pêcher ces menu-fretins. En politique, il faut faire très attention. En politique, c’est de l’addition et de la multiplication ; jamais la soustraction. Dès qu’on commence par enregistrer des soustractions, il faut vite réagir et accourir vers ses menu-fretins au lieu de les laisser partir pour devenir plus grands ailleurs. Même le fou est important en politique. Parce que le fou peut guérir un jour. Même dans son état de folie il peut être utile. Un fou peut par exemple ramasser le logo d’un et commencer par faire de la publicité autour de ce logo de manière totalement inconsciente. Cela pourrait amener certaines personnes à croire à une prémonition et les amener pour ce parti. C’est pourquoi je dis que je ne comprends pas que des leaders politiques minimisent des citoyens qui ont une expérience politique. Ceux qui se comportent ainsi sont généralement des gens qui n’ont jamais été élus quelque part. Vous comprenez ça ? Je ne voulais même pas aborder ces questions avec vous parce que la posture que nous avons aujourd’hui, ne nous autorise pas à retourner dans le passé. Nous voulons aller de l’avant.

Vous voulez dire que vous n’aviez pas été victime d’un gangstérisme politique, vous qui aviez été téméraire au point de lutter contre l’ancien président d’honneur du parti jusqu’à faire obtenir le récépissé ?

Je n’ai jamais lutté contre l’ancien président d’honneur du parti FCBE. Ce que nous avons fait n’était dirigé contre personne encore moins contre l’ancien président d’honneur. Vous savez, il y avait beaucoup de conflits d’intérêts autour de l’ancien président d’honneur. Des conflits de leadership, de recherche de privilège, de bonne grâce, de pain et de recherche d’aura. Chacun y allait à sa manière en fonction de son éducation, de sa position et surtout en fonction des concurrents en présence. Tous savaient ce qu’il faut dire pour susciter la colère du président d’honneur contre x ou y. Tout le monde a été victime de ce méli-mélo autour de l’ancien président d’honneur, YAROU y compris. C’est tout ce que je peux dire. Comme je vous l’ai dit, nous sommes partis de quelque chose. Le président Boni Yayi est un Chef d’Etat que nous respectons, c’est notre père, c’est notre grand-frère et fut surtout président de tous les béninois. Il sait quel rôle chacun a joué dans la création, l’organisation et le fonctionnement du parti FCBE.

Je n’ai jamais voulu de la cassure du parti comme vous sembler l’insinuer, sinon pourquoi dès son retour, j’aurais obligé tous les collègues de l’ail HOUNKPE (comme on nous appelait à cette époque) à aller vers la réconciliation ? Par simple question de problème de conscience ? Certainement pas ! Au point où nous en étions. Le plus simple pour moi, après la façon dont nous avions été traités, était d’aller faire allégeance à la mouvance pour en finir définitivement avec la polémique.

Malheureusement, le processus de réconciliation a été plombé par ceux qui de chaque côté n’y avaient pas intérêt. La suite vous la connaissez. Encore une fois, je rappelle que la réconciliation, c’est nous qui l’avions demandé. C’est dire que notre combat n’était dirigé contre personne. C’était juste pour que nous puissions être reconnus légalement et continuer le combat sans prendre le risque de se retrouver en prison ou en exil. Notre combat, plus particulièrement mon combat était dirigé contre l’être extrémisme en notre sein, l’utilisation de certaines méthodes révolues de luttes politiques. Beaucoup pensaient qu’il fallait adopter une position de non négociation. Je ne sais pas s’il y a des crises dans le monde qui se sont résolues sans un dialogue avec l’adversaire. Vous voyez ce qui se passe entre l’Ukraine et la Russie ? Pendant qu’ils sont en guerre, d’autres discutent afin de trouver un terrain d’entente autour d’une table. C’est ça, le monde moderne. C’est un problème de communication et surtout de confiance entre les membres du parti qui a malheureusement conduit le parti à la cassure. L’adversaire a tout simplement profité et exploité cette faille. Mais aujourd’hui tout ça est passé et chacun de nous doit avoir fait sa propre autocritique. Chacun a certainement tiré leçon de cette expérience. Sans prétendre avoir une quelconque raison, j’ai la ferme conviction que les combats politiques sont plus efficaces lorsqu’ils se mènent au sein des instances de décision à travers des débats constructifs que lorsqu’ils se font par médias interposés ou dans les rues…

En réussissant à écarter l’opposition du parlement, celle-ci devrait changer sa changer sa stratégie. C’est pourquoi nous avions décidé d’aller aux élections communales afin de nous éviter la mort politique. Voyez-vous ce qui se passe actuellement sur le terrain ? Les deux blocs prennent allègrement de l’avance. Qui l’aurait cru il y a deux ans ? C’est la nature qui est ainsi faite.

Certains ont pensé qu’on pouvait faire autrement. Je ne dis pas qu’ils n’ont pas raison ! Peut-être même que cela aurait pu réussi. Mais je doute fort que l’échec de l’opposition puisse s’expliquer par le départ de Yarou de la résistance. Ce n’est pas mon départ qui peut avoir comme conséquence l’échec de l’opposition entre 2019 et 2021.

A l’ère de la réforme du système partisan qui prône le regroupement des partis, pensez-vous qu’il était utile de créer votre propre parti ou vous aurez pu intégrer un parti ?

Oui, il était véritablement utile de créer notre propre parti politique parce que je vous ai dit que nous avons pris suffisamment de recul lors de notre vacance politique afin de réfléchir et de prendre une option en vue de notre repositionnement. Savez-vous pourquoi nous nous sommes chamaillés au sein des autres partis ? Simplement parce nous n’avions pas atteint la phase de brassages et de symbiose nécessaire pour s’entendre sur une cause. Chacun avait sa conviction, ses valeurs et ses certitudes. Le parti n’étant pas créé sur la base d’une idéologie, nous avions manqué d’idéal autour duquel s’accorder.. Il y avait parmi nous, des anciens communistes, des anciens républicains, démocrates, marxistes, socialistes, etc. Donc ce qui nous unissait, c’était la conquête et la jouissance du pouvoir. On était un groupe hétérogène qui cherchait à conquérir le pouvoir par le jeu de la majorité démocratique sans idéologie consensuelle. C’est ça le problème. D’où nous avons dit, qu’il faut faire les choses autrement. Cela veut dire qu’il faut des repères. Le Bénin doit revenir sur les partis qui ont des offres politiques concrètes à proposer au peuple. C’est pour ça que nous avons créé ce parti. Le seul parti créé sur la base d’une idéologie reste le parti communiste du Bénin. Voilà que nos convictions contrastent avec l’idéologie du parti communiste. C’est pourquoi nous ne sommes pas allés dans le parti communiste. Nous avons lu les projets de société de presque tous les partis politiques : l’UP, le BR, Les démocrates, etc. Nous avons lu tous ces projets et nous nous sommes dit qu’il fallait créer notre propre parti.

On vous assimilait au parti PCB

Je n’ai jamais été militant du PCB. Toutefois, dans les années 1988-1989, nous avons aidé ce parti à ventiler les tracts. C’était une époque où toutes les masses populaires en avaient marre du gouvernement révolutionnaire du Général Mathieu KÉRÉKOU. Tout le peuple béninois s’était levé comme un seul homme contre le PRPB. Le parti communiste a joué un important dans cette lutte du peuple. C’est dans ce cadre que, en ma qualité de responsable d’association d’élèves au Lycée, que le parti communiste m’a sollicité pour ventiler des tracts. Cela ne fait pas de moi un militant du Parti communiste. En revanche, je n’ai jamais regretté d’avoir participé à cette lutte aux côtés du parti communiste du Bénin que je respecte beaucoup. Il faut que cela soit clair. Le premier parti politique auquel j’ai appartenu fut le Fard-Alafia.

D’autres estiment que Yarou a créé le parti LNA pour confirmer son leadership dans son électorat de référence, le Borgou ou bien est-ce par revanche ?

Non ce n’est pas une revanche ; Yarou n’a pas créé le parti LNA. C’est un ensemble de personnes qui ont créé le Parti. Savez-vous? Quand vous êtes animé par une force intérieure, une idée ou une forte conviction, rien ne vous arrête. Nous pensons que le Bénin peut être dirigé autrement. Nous pensons que le Bénin doit être gouverné autrement sur la base des repères politiques bien définies. Ces repères doivent intégrer la spécificité de son histoire, de la diversité des nations qui le compose et de la répartition géographique de ses potentialités. Les fondateurs du parti LNA veulent d’u Bénin prospère, solidaire où règne une justice au service de tous. C’est ce qui justifie le social libéralisme comme idéologie du Parti.

Et aujourd’hui avec l’existence des partis d’envergure nationale au Bénin, est-ce que le parti LNA peut faire vraiment le combat sur le terrain?

Excusez-moi, je vais demander pardon pour ce que je vais dire. Il est un peu trop de dire que ces partis ont une envergure nationale. C’est circonstanciel. Ces partis ne peuvent pas dire qu’ils sont d’envergure nationale s’ils ne confirment pas cette tendance après la fin du 2ème mandat du Président Talon. S’ils ne confirment pas cette tendance et n’étendent leur hégémonie après le régime qui les a vu naître, on pourra pas dire qu’ils sont d’envergure nationale. Donc, un parti né en cours de mandat, ne peut pas se proclamer le plus grand parti politique. Cependant, je souhaite vivement qu’il en soit ainsi.

Vous pensez qu’ils sont éphémères ?

Non, je n’ai pas dit qu’ils sont éphémères. Je dis qu’ils doivent confirmer cette tendance pendant des années encore pour que moi je puisse les appeler partis d’envergure nationale. Je considère que LNA a les mêmes chances aujourd’hui que n’importe quel autre parti politique pour devenir un parti d’envergure nationale.

LNA doit avoir beaucoup d’adversaires, Démocrates, Républicains, Progressistes, Fcbe ?

Ce que nous souhaitons est que les élections soient démocratiques et ouvertes. Qu’on n’assiste plus à ce que nous avons pu voir dernièrement. Si le pouvoir ou les partis politiques actuels laissent le jeu démocratique se jouer dans les urnes, on verra bien le résultat.

Comment le parti LNA se prépare-t-il pour les législatives de 2023 ?

Nous avons dit que nous irons aux législatives effectivement. Mais comment ? Le bureau politique se réunira pour en décider. Pour l’instant, je ne peux rien vous dire, car le bureau politique peut décider autrement si les conditions ne sont pas réunies pour assurer notre participation. Il peut aussi décider d’y participer si les conditions nécessaires sont réunies.

Qui finance votre parti ?

Les militants à travers les cotisations, les souscriptions volontaires. C’est ce qui est légalement et statutairement prévu. Le parti ne dispose d’aucune autre source de financement occulte. Pour l’instant, le parti n’a reçu de dons d’aucune bonne volonté pas plus qu’il ne bénéficie de financement public. Sur cette dernière possibilité de financement, nous pensons que tout parti régulièrement inscrit devrait bénéficier d’un minimum de financement public pour lui permettre d’animer la vie politique à travers un accès égalitaire aux médias.

Il me semble que c’est ce qui était retenu au dialogue politique. L’animation de la vie politique est une mission constitutionnelle dévolue aux partis politiques. Le financement public des partis politiques tel qu’il est accordé en ce moment devrait essentiellement servir à financer la participation aux différentes élections des partis ayant déjà des élus aux niveaux local et national.

Maintenant, à la question de savoir qui finance le parti, j’ai répondu que personne ne finance le parti en dehors des cotisations de ses militants. Vous pouvez vous renseigner. Le Parti LNA est en train de restaurer le militantisme au sein des formations politiques.

Nous sommes sous l’arbre à palabre…

Tout à fait. Je réaffirme que le parti est financé par ses propres membres. C’est pour la première fois depuis plus de 20 ans que j’ai réussi à faire comprendre aux militants que les sources principales et légales du financement des partis politiques restent les cotisations et les souscriptions de leurs membres. Une opération de souscription volontaire est actuellement en cours au sein du parti et nous serions heureux de recevoir la vôtre.

C’était la coutume à FCBE ?

Je ne suis pas de FCBE

Vous y étiez ?

Je ne le suis plus. Mais en ce qui concerne mon parti LNA, c’est la règle.

Bientôt le parti lancera des demandes de dons et legs de toute nature. C’est une opération légale et statutaire. Avis donc aux personnes physiques et morales de bonne volonté. Ils n’auront pas à craindre des représailles parce l’opération garantira l’anonymat à tous.

Mais avant de naître, vous avez franchi des étapes, établi des dossiers, légalisé des actes de naissances et autres pour plus de 1000 personnes. C’est un budget important aussi ?

Oui, 1555 personnes pour être précis. Mais, je dois dire que j’ai toujours été vexé par ces genres de questions. Comment peut-on croire que des personnalités comme nous ne soyons pas en mesure de mobiliser des ressources pour financer nos projets fussent-ils politiques. Même si vous croyez qu’à priori nous n’avons autant de moyens, comment pouvez-vous douter de notre capacité à mobiliser les ressources nécessaires à nos projets ? Pourquoi les Béninois sont ainsi ? Vous pensez que Théophile Yarou et ses camarades ne trouvent peut-être même pas à manger au point de trouver de l’argent pour financer la constitution des dossiers de leur parti ? Vous pensez cela vraiment ? De toute façon, il n’est interdit à personne de faire recours aux amis et autres donateurs sous forme de prêts ou de dons pour financer un projet politique. Encore une fois, ce qu’il faut éviter ici, c’est la compromission et les deals qui ont pour but de tromper le peuple et abuser de sa confiance.

Avec quels partis vous pourriez vous amener à vous allier si cela vous paraissait nécessaire ?

Les alliances sont prescrites par la loi. Mais nous sommes disposés à travailler avec n’importe quel parti au pouvoir.

Même le PCB ?

Non. Nous ne pouvons pas appartenir à un gouvernement formé le PCB au pouvoir. Nos idéologiques ne sont pas les mêmes. Mais, je vais souligner que j’ai de très bons amis communistes.

Pouvez mener la résistance contre le pouvoir en place ?

Non, pas du tout. Je refuse la résistance, parce que je refuse la politique de la chaise vide. En revanche lorsqu’un pouvoir voudra remettre en cause la forme républicaine du pays, alors oui.

Mais aujourd’hui, FCBE, la nouvelle équipe qui est là, se réclame d’une opposition constructive. Certainement dans la même logique que vous ?

Je ne sais pas quelle est leur logique. En tout cas nous avons la nôtre.

Il faut dire que si la loi n’autorise plus les alliances elle n’interdit pas les fusions.

Vous avez vu le cas de l’UDBN qui récemment s’est fondu au BR. Si les militants de LNA décident que le parti se fondre au BR ou à l’UP, FCBE et autres, on le fera sans souci.

Il y a les 10 % qui inquiètent aussi des partis. Vous avez vu ce qui est arrivé au PRD par exemple aux dernières élections ?

Je ne veux pas comparer notre parti à un autre, mais je sais que si on nous laisse librement aller aux élections, nous aurons les 10%.

C’est parce que c’est libre que vous avez pu avoir le récépissé ?

Oui, et j’ai salué cela. Je n’ai pas cessé de dire que cette fois-ci le ministère de l’intérieur a joué pleinement sa partition.

Aviez-vous espéré qu’avec le second mandat, le président Talon allait changer un peu les donnes en ce qui concerne sa gouvernance ?

Je l’aurais bien voulu. Il faut dire que les choses commencent par s’améliorer même s’il reste beaucoup à faire sur plusieurs plans. Paris ne s’est pas construit en un jour, dit-on. Il a certainement un objectif à atteindre.

C’est quoi son objectif, selon vous ?

Son objectif sur le plan de la gouvernance politique est de réduire considérablement le nombre de partis politiques au Bénin. Il l’a bien dit ; et il s’est engagé à faire en sorte que nous ayons moins d’une dizaine, d’envergure nationale. C’est un objectif tout à fait louable, mais qu’il ne faut chercher à atteindre par la brutalité.

Il y a un an que Patrice Talon a entamé son second mandat. Pensez-vous que sa nouvelle gouvernance a changé par rapport à celle du premier mandat ?

En tout cas, pour ces trois ou quatre derniers mois, nous avons commencé par avoir des signes d’espoir, surtout du point de vue de la gouvernance économique. On ne change pas du jour au lendemain, on peut s’améliorer. C’est pourquoi, nous voulons être indépendants et libres dans nos opinions. Il y a eu beaucoup d’améliorations tant sur le plan économique que sur le plan politique.

Sur le plan politique notamment, nous observons une certaine accalmie après la tempête de mai 2021. Le ministère de l’intérieur a délivré les récépissés à tous les partis qui ont rempli les formalités nécessaires à son obtention. Ce n’était pas évident il y a quelques mois. Espérons que cela dure dans le temps.

Sur le plan social, nous avons appris que le gouvernement a l’intention de relever les salaires des travailleurs. Au cours du premier mandat, on n’avait pas entendu ces genres de propos. Cela voudrait dire que le gouvernement commence par penser au social et aux conditions de vie des travailleurs. Récemment encore, par rapport à la flambée des prix sur le marché, le gouvernement a pris des mesures d’atténuation et de régulation.

Même si personnellement, je pense que ces mesures ne sont ni suffisantes ni opérationnelles sur le terrain, elles constituent néanmoins des bons signes. Il faudra que le gouvernement puisse aller plus loin afin de soulager les consommateurs. En tout cas, nous saluons ce qui est déjà fait.

Mais il y a eu emprunt obligataire encore aujourd’hui ?

L’emprunt obligataire fait partie des mécanismes de mobilisation des ressources de l’État sous forme de prêts remboursables. Il est régi par des directives communautaires et des standards internationaux. Recourir à l’emprunt obligataire n’est pas un problème en soi. Le plus important pour nous, est de pouvoir mettre en place des réformes structurelles permettant d’assurer la bonne affectation et la bonne utilisation des ressources ainsi mobilisées. Ces ressources devraient prioritairement être affectées aux investissements productifs afin de garantir leur remboursement. Si le gouvernement reste dans les normes et autres standards internationaux, nous allons accompagner.

Sur le plan économique, vous notez avec satisfaction un certain progrès. Au plan politique, il y a aussi eu des arrestations et des emprisonnements ?

Il faut regretter cela. Je pense que même le président lui-même doit pouvoir regretter cela. Si ce n’est pas le cas aujourd’hui, ce sera le cas demain. En effet, l’histoire retiendra qu’au cours de son mandat il y a eu beaucoup d’arrestations politiques.

Moi, ce que je préconise, est que les différents protagonistes enterrent la hache de guerre et qu’un mécanisme de règlement du conflit soit trouver en vue de parvenir à un règlement à l’amiable du différend. Je suggère vivement au Président de la République de régler ce problème avant la fin de son mandat 2ème mandat. Il est le père de la nation. Les filles et les fils de ce pays doivent se pardonner mutuellement à commencer par celui qui est le père de la nation. Ceux qui se sont sentis brimer également doivent pardonner. C’est cette capacité du béninois à pardonner qui a été appelé « le génie béninois ». C’est ce génie qui a conduit à la conférence des forces vives de la nation de février 1990 où d’anciens ennemis se sont assis sur la même table au nom de la paix et de la réconciliation pour décider de la destinée du Bénin. Le Bénin n’a pas connu de commission vérité réconciliation à cause de ce génie béninois, à cause de notre capacité à pardonner sans passer par un règlement de compte. Un proverbe juif dit : « Dans l’amitié, ménage une petite place pour la brouille ; et dans la brouille, une autre pour la réconciliation ».

Est-ce que vous préconisez une loi d’amnistie pour certains cas d’acteurs politiques en prison?

Une loi d’amnistie serait la bienvenue à mon sens. La loi d’amnistie relève de l’initiative des députés. Il serait quasiment impossible au parlement actuel de prendre une loi d’amnistie compte tenu de sa spécificité sans l’accord du gouvernement. Sinon, prendre une loi d’amnistie pour effacer les charges et les sanctions retenues contre ceux que l’on peut appeler détenus politiques seraient une très bonne chose. A défaut, le Chef de l’Etat peut user de ses prérogatives constitutionnelles pour gracier les intéressés. Cela leur permettra tout au moins de recouvrer leur liberté. Tout ceci ne peut se faire sans un minimum de dialogue ou de compromis. Dans une situation comme celle-ci, il faut éviter que l’une des parties ne perde la face surtout celle qui accorde la grâce présidentielle ou l’amnistie. C’est très important. Je sais que les militants et autres soutiens ne sont pas de bons conseillers en pareille circonstance.

Quels sont aujourd’hui vos rapports avec le président Yayi que vous aviez servi au poste de ministre de la défense ?

Je suis fier d’avoir servir le Président Boni YAYI. Fier de l’avoir soutenu de 2003 à 2016 sans jamais décevoir pendant qu’il avait besoin de moi.

Aujourd’hui, ça fait longtemps que je n’ai plus de ses nouvelles. Je ne suis plus en contact avec lui. Je pense qu’il vaudrait mieux laisser le président Boni YAYI se reposer comme il le fait en ce moment plutôt que de toujours vouloir l’instrumentaliser à des fins inavouées. Je m’adresse surtout à vous, les journalistes qui ne cessent de vouloir titiller la sensibilité des gens. Le président Boni Yayi, tout comme le président Nicéphore SOGLO, mérite respect et reconnaissance pour les bons et loyaux services rendus à la nation. Quand on a été président de tous les béninois, on l’est également en tant qu’ancien président.

Depuis qu’il était allé voir le président Patrice Talon, comment vous l’aviez pris ?

Je vous ai dit que je suis toujours très heureux de voir des belligérants se parler. Donc quel que soit la raison pour laquelle il s’est présenté là-bas, pour moi, c’est un point positif. On devrait le voir très souvent là-bas. Le fait d’aller voir son adversaire politique ne fait pas de lui un adepte de ce dernier. C’est ce que beaucoup de Béninois doivent comprendre. Le Président Patrice Talon comme le Président Yayi, sont de grandes personnalités politiques de notre pays. Quand on a la chance d’exercer la plus haute fonction de l’Etat, on devient utile ad vitam æternam pour son pays. Si un jour, les béninois nous accordaient la chance d’exercer cette haute fonction, l’une des réformes politiques et institutionnelles à mettre en œuvre sera la création d’un haut conseil consultatif composé d’anciens Chefs d’Etat, d’anciens présidents d’institutions (assemblée nationale, Cours constitutionnelle, Cours Suprême, etc) afin de profiter de leurs expériences.

En conseil des ministres le 30 mars dernier, le gouvernement a nommé trois anciens militaires aux grades de généraux. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Vous savez, la nomination au grade de général relève du pouvoir discrétionnaire du Chef de l’État ; sauf que le candidat au poste de général doit remplir les conditions d’expérience, de grade, et d’ancienneté. Donc si ces conditions sont remplies, le président peut nommer n’importe qui parmi ceux qui remplissent ces conditions. J’ai tout simplement à féliciter les heureux récipiendaires. Personnellement, pour avoir été ministre d’Etat au département de la défense, j’estime que le Bénin doit de plus en plus élevé ses cadres aux grades les plus élevés. Très rarement, les candidats remplissent les conditions de nomination au grade de Général de Division. Cette situation fait perdre des positions au Bénin dans les instances de commandement au niveau régional et international.

Comment vous avez vécu ces nominations ?

J’ai été très heureux pour eux. Mais ils doivent savoir que cette nomination implique des responsabilités. Le Chef de l’Etat, Chef Suprême des armées nomme au nom du peuple. Je me permets de rappeler à leur mémoire cette fameuse phrase du Général Mathieu KÉRÉKOU, je cite : « Ce n’est pas mon armée, c’est l’armée du peuple béninois ».

Certains parmi eux ont esquivé les élections de 2019 ?

Écoutez, je ne veux pas faire de commentaire en ce moment où j’appelle à la réconciliation. J’essaie d’expliquer que la nomination au grade de général relève de la discrétion du Chef de l’État.

En tant qu’ancien ministre de la défense, vous avez suivi un peu la montée de l’extrémisme islamique violent à nos frontières. Comment appréciez-vous la réaction de nos forces armées?

D’abord, je voudrais dire que l’extrémisme islamique ou le terrorisme international constituent des phénomènes difficiles à combattre en raison de leur caractère asymétrique. La sous-région ouest africaine connaît ces phénomènes depuis fort longtemps, ils se sont complexifiés avec la chute de Kadhafi, le changement climatique et les changements intervenus dans la géopolitique internationale. Le Bénin semblait être épargné jusqu’ici. Toutefois, l’armée béninoise participait déjà aux opérations de lutte contre le terrorisme et le crime transfrontalier. Le Bénin est présent dans la force régionale de lutte contre Boko Haram et dans MINUSMA.

La question du terrorisme est une question sérieuse parce que cela concerne une forme de guerre à laquelle les militaires ne sont pas habitués. L’ennemi peut vivre avec vous et frapper au cœur de votre dispositif. Ce n’est pas une guerre conventionnelle ou vous avez l’ennemi à vue. Pour répondre à votre question, je dirai que l’armée béninoise a fait des exploits. Et vous savez pourquoi ? Quand vous ne pouvez identifier l’ennemi que lorsqu’il a fini de frapper alors, il devient difficile de faire des exploits. Malgré les moyens limités, l’armée béninoise est parvenue quand même malgré tout à mettre hors d’état de nuire un certain nombre de djihadistes. Cela est à saluer. Il faut déplorer les pertes en vies humaines. A ce propos je demande au gouvernement de mettre immédiatement à la disposition de l’armée les moyens techniques et logistiques nécessaires tels que décidés lors d’un conseil des ministres. Le gouvernement devra mettre l’accent sur le renseignement et les échanges d’informations avec les autres partenaires. Il faut mettre également l’accent sur une bonne coordination des forces en jeu. J’espère bien qu’il le fera parce que ce qui manque aux soldats béninois ce sont les moyens.

Est-ce que vous êtes pour une installation d’une base militaire française au Bénin ?

C’est une question délicate à laquelle je ne souhaiterais pas répondre de suite. J’aime la France, mais elle devra revoir sa politique extérieure surtout vis-à-vis de ceux qu’elle appelle ses anciennes colonies. Je regrette les difficultés rencontrées par l’armée française au Burkina et au Mali.

En tant qu’ancien ministre de la défense. Pensez-vous que l’ennemi peut dormir avec vous en donnant suffisamment de moyens pour financer cette guerre-là ?

Ecoutez, c’est très complexe tout ce qui se passe là. Je ne veux pas y revenir en détail. Ce qu’il faut savoir, est que l’ennemi n’est jamais loin dans ses genres de situations. L’ennemi peut effectivement dormir avec vous sans laisser d’indice. Les réseaux de terroristes recrutent parmi les jeunes désœuvrés qui vivent avec nous. C’est pourquoi il faut établir une parfaite collaboration entre les forces de sécurité et de défense et les populations.

Talon a été désigné à la tête de la conférence des chefs d’Etat de l’UEMOA et a placé son mandat sous le signe des réformes. Qu’en pensez-vous?

Je pense plutôt que c’est une très bonne chose pour le Bénin. Le président Talon étant un homme d’affaire, il connaît les déterminants sur lesquels il pourra s’appuyer pour faire des réformes salvatrices au sein de l’institution. Ce que je lui souhaite, c’est de pouvoir mettre en œuvre ses réformes telles qu’il le souhaitera pour faire avancer l’institution. Il y a plusieurs domaines de réformes. Vous avez le secteur de l’agriculture. Depuis toujours, tout le monde s’accorde pour dire que l’agriculture constitue la base de l’économie de l’espace UEMOA. Paradoxalement, c’est le secteur qui le plus exclu des systèmes financiers traditionnels. Les institutions n’ont pas de produits adaptés à l’activité agricole. Voilà quelques exemples de pistes de réformes.

D’autre part, il faut mettre l’accent sur le secteur privé. Comment encourager et soutenir les entreprises privées dans leur rôle principal de créateur de richesses et d’emplois ? Il y a beaucoup de pistes de réformes. Je sais que le président Talon a toutes les capacités mieux que quiconque pour faire des réformes au sein de cette institution. Bonne chance au Président dans ses nouvelles fonctions.

Un mot pour conclure cet entretien

Je remercie tous les journalistes de l’Evènement Précis et son directeur, le peuple béninois et tous militants du parti LNA. Je présente d’ores et déjà mes excuses à tous ceux à qui mes propos auraient causé de tort. La diversité de nos opinions n’implique pas une adversité des uns envers les autres. Le Bénin a besoin de la diversité des opinions pour faire progresser sa pensée philosophique. Le débat politique dans une démocratie est ce qu’est le sang dans l’organisme humain.

Les opinions exprimés dans cette émission « arbre à palabres » s’inscrivent strictement dans le cadre des conditions d’organisation de cette émission qui ne prévoit pas une préparation préalable. Je ne prétends pas avoir la science infuse ni même avoir dit toute la vérité et rien que la vérité sur toutes les questions qui m’ont été posées, mais les réponses sont sincères.

Enfin, je voudrais appeler les militants à la sérénité, à faire confiance à leur parti et à nous soutenir dans tous les combats.

Le militantisme béninois qui jusqu’ici exclut la participation financière des militants doit être réinventé.

Carte d’identité: Dire la vérité en politique

Théophile Yarou a un parcours tout à fait atypique. Inscrit en Physique-chimie à l’Université après son Bac série C, il était déjà en deuxième année lorsqu’une bonne volonté lui conseille de s’inscrire à l’Ecole nationale d’administration (Ena) pour faire trois ans et aller vite travailler. Il passe donc le test de recrutement et sort major de la promotion Administration générale des finances et du Trésor en 1997. Après un peu moins d’un an de chômage, il est recruté comme animateur de projet par le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud), alors même que l’on recherchait un profil de sociologue. Animateur pour le compte du Pnud à Nikki sur le Projet d’appui au développement local, il commence sa carrière professionnelle en 1998, une carrière qui l’amènera ensuite à servir dans un projet financé par la Banque mondiale. Celle-ci avait en effet lancé un concours pour son Projet pilote d’appui au monde rural. Ses cours de comptabilité lui ont permis d’être retenu comme comptable du projet, où il a fait quatre bonnes années. Durant cette période, la Banque mondiale, dans le souci d’avoir des spécialistes en la matière sur le terrain, avait formé des cadres béninois en matière de passation de marchés. Devenu comptable spécialiste en passation de marchés, il gagnait un salaire équivalent à deux fois ce que pourrait gagner un député béninois de l’époque. Mais le 31 décembre 2002, son contrat étant terminé, il devait envisager d’autres horizons. L’Union européenne cherchait un spécialiste en finances locales. Il fut recruté et mit son expertise au service des communes du Bénin. « Dans ce projet, dit-il, j’ai formé tous les maires, tous les préfets, tous les chefs des services Administration et finances des préfectures de l’époque, sur la comptabilité communale, la gestion budgétaire communale, la fiscalité communale etc. ». Durant la période, le Pnud le rappelle pour servir au Programme d’appui au développement des communes de l’Alibori, en tant qu’expert en finances. De ce poste hautement technique, il est nommé en mai 2009, comme directeur des ressources financières et du matériel au ministère de la Décentralisation. Après trois ans au poste, il passe ensuite au poste de directeur général du Centre de formation pour l’administration locale. Ce fut le premier directeur de cette école d’où il a été nommé ministre d’Etat en charge de la Défense le 22 août 2014.

Mais qui donc est cet homme ?

Théophile Yarou naît officiellement en 1969 d’un père et d’une mère originaires de la commune de Bembèrèkè. Mais c’est à l’âge de 10 ans qu’il commence l’école primaire, à Béroubouay. Il obtient son Cep à Kandi, en 1984, le Bepc à Bembèrèkè quatre ans plus tard et le Bac, série ST (ou C) au Lycée Mathieu Bouké de Parakou et entre à l’Université nationale du Bénin, à Abomey-Calavi où une autre aventure l’attend.

Politiquement, ce cadre du Fard Alafia était de toutes les luttes de ce parti à la création duquel il a pris part en 1994. Même s’il dut observer plus tard une trêve pour respecter les clauses des institutions internationales pour lesquelles il travaillait, Théophile Yarou est resté fidèle à son parti par lequel il fait son retour à la politique en 2006 pour faire élire Boni Yayi. Les remous internes ont conduit à la cassure du parti, mais son engagement politique est resté intact. Elu en 2015 aux élections législatives, c’est un homme qui vient de loin. Ancien  collaborateur clandestin du Parti communiste du Bénin, il fit aussi partie des effectifs du parti Notre cause commune (Ncc) d’Albert Tévoédjrè. « Le communisme n’était pas ma conviction parce que je n’y comprenais pas grand-chose. Ma conviction c’était plutôt la liberté, la justice sociale et l’égalité puisque j’étais réfractaire à tout ce qui est répression », soutient-il. « Je suis en fait un socio- libéral  de profondeur » avoue-t-il. Cette idéologie,  il a essayé de la faire adopter par son ancien parti, Fcbe qui a  préféré adopter plutôt la sociale démocratie. Malgré cela,  il ne s’en formalise pas outre mesure : « Je me sens à l’aise par rapport à cela et je me dis qu’au-delà de tout, ma conviction, c’est l’importance de l’homme. C’est-à-dire qu’il faut mettre l’homme au centre de tout et laisser l’homme s’exprimer », explique l’ancien ministre de Boni Yayi. Théophile YAROU a en fait décidé de faire la politique autrement, en son âme et conscience. « C’est pour cela que dans tout ce que je fais, je refuse de mentir et si on me demande de mentir, je refuse. Si je sais et que c’est établi, quelle que soit la personne, je refuse. Je pense qu’on peut faire la politique en disant la vérité », selon lui. Après la mise en conformité du parti  en septembre 2019, il  maintient son poste de Secrétaire exécutif national Adjoint du parti  FCBE alors que le poste de Secrétaire Exécutif National lui revenait d’office. Mais en juillet  2021, suite à des divergences sérieuses avec  certains de ses anciens camarades, il démissionne du  parti pour créer sa propre formation politique.  Ce sera  La Nouvelle Alliance (LNA), un parti dont il devient le président et  qui a obtenu son récépissé définitif de  reconnaissance  officielle le mois dernier. 

Intimité: Attaché à l’honnêteté

Théophile Yarou est marié et père de sept enfants dont l’ainé aura bientôt 22 ans. « Je reste très attaché à des hommes qui sont sincères. Je n’aime pas du tout le mensonge et je n’aime pas la trahison » confie-t-il. En bon Bariba, il adore l’igname pilée à la sauce sésame et à l’aubergine. Son sport favori reste la marche, et sa boisson de toujours l’eau.

LA RÉDACTION

Le Président du FONAC et ancien président de l’Anlc, Jean-Baptiste Elias, « Sous L’Arbre à Palabres » à L’Evénement Précis: « La lutte contre la corruption a reculé »

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Lean-Baptiste ELIAS

Très connu dans la dénonciation des gros scandales financiers au Bénin, le président du Front national de la lutte contre la corruption (FONAC) et ancien président de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (ANLC), Jean-Baptiste Elias a saisi l’occasion de son entretien avec les journalistes de L’Evénement Précis pour revenir sur la lutte contre la corruption au Bénin. Selon lui, le Bénin ne dispose encore d’aucune structure officielle de lutte contre la corruption. « On a une cellule qui ne fait ni la prévention, ni la lutte contre la corruption. Elle ne fait que recevoir les dénonciations, or, la dénonciation, ne fait pas le travail ni de la prévention, ni de la sensibilisation », explique-t-il. La création de la Cellule d’analyse et de traitement des plaintes et dénonciations puis du Haut Commissariat à la prévention de la corruption, la lutte contre l’impunité sous le régime Talon, rien n’a échappé aux échanges du mercredi 23 mars 2022 dans la rubrique ‘’Sous L’Arbre à Palabres’’.

Et si on en parlait?

Le gouvernement a mis en place une Cellule d’analyses et de traitement des plaintes et dénonciations. Que pensez-vous de cette initiative ?
Je voudrais vous rappeler que le problème de la corruption a fait l’objet de préoccupation du monde entier. D’abord, les Chefs d’Etats de la CEDEAO ont pris ce sujet à bras le corps. Ils se sont réunis le 21 décembre 2001 à Dakar pour signer le protocole de la CEDEAO sur la lutte contre la corruption. Les Chefs d’Etats et de gouvernements de toute l’Afrique se sont réunis le 11 juillet 2003 à Maputo au Mozambique pour signer la convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. Enfin, les Chefs d’Etats et de gouvernements du monde entier se sont réunis à MERIDA au Mexique en octobre 2003 pour signer la convention des Nations Unies contre la corruption. C’est dire que le problème de la corruption constitue une préoccupation majeure du monde entier. A la date du 23 mars 2022, 189 Etats sont parties à la convention des Nations Unies contre la corruption, sur les 193 pays membres des Nations Unies. Les 189 Etats ont pris à bras le corps le sujet. La convention des Nations Unies contre la corruption, tout comme les autres textes, à savoir la convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, le protocole de la CEDEAO, ont demandé à ce que chaque Etat puisse prendre les dispositions pour la mise en place des structures devant permettre à ce que l’on puisse s’occuper de la prévention et de la répression de la corruption. Le Bénin, en prenant ces textes, a mis en place des structures de lutte contre la corruption. C’est ainsi que vous avez entendu parler de l’Observatoire de lutte contre la corruption en 2004 puis renouvelé en 2008, l’Autorité nationale de lutte contre la corruption en 2012 après le vote de la loi 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin et, le 23 avril 2020, l’Etat béninois a mis en place le Haut-commissariat à la prévention de la corruption. Mais, la même convention dispose expressément que chaque Etat peut créer des structures pour lutter efficacement contre la corruption. C’est ainsi que le 19 janvier 2022, il a été décidé de la mise en place de la cellule dont vous parlez. La mise en place de cette cellule est une bonne chose puisque la convention permet à chaque Etat de créer des structures. La seule chose que nous avons évoquée à l’époque quand le communiqué du conseil des ministres du 19 janvier 2022 a été rendu public, était le risque d’un conflit d’attributions entre cette cellule et le Haut-commissariat à la prévention de la corruption. Quand le décret 2022-40 du 19 janvier 2022 portant création à la Présidence de la République de la cellule de traitement des plaintes et dénonciation est sorti, les attributions ont été recadrées. Aujourd’hui, en prenant le Haut-commissariat à la prévention de la corruption créée par la loi 2020-09 du 23 avril 2020 et la cellule de traitement des plaintes créée par le décret 2022-040 du 19 janvier 2022, en principe, il ne doit plus y avoir de conflit d’attributions. Donc, c’est une bonne chose. Il est à souhaiter que cette structure puisse travailler pour le bonheur de la population de notre pays et surtout que les objectifs fixés pour cette institution soient atteints.

Voulez-vous dire que vos craintes se sont dissipées ?
Aujourd’hui, les craintes de conflit d’attributions n’existent plus. Le communiqué du conseil des ministres du 19 janvier avait donné des attributions qui s’apparentaient à celles de la loi 2020-09 du 23 avril 2020 portant création du Haut-commissariat. Il fallait donc attirer l’attention des autorités sur le fait qu’il faudrait éviter les conflits d’attributions entre les deux structures. Il est toutefois à regretter que les dénonciateurs n’ont plus la protection légale avec l’abrogation de la loi 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin.

Mais le Haut-commissariat n’est pas encore installé ?
Oui. Nous espérons qu’un jour le Chef de l’Etat et son gouvernement prendront la mesure de cette structure et vont l’installer. Je n’ai pas applaudi à l’annonce de la création du Haut-commissariat puisqu’en regardant la convention des Nations Unies contre la corruption, la convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, le protocole de la CEDEAO et en voyant la responsabilité du Haut-commissaire, son encrage avec le Président de la République, sa nomination directe par le Président de la République, je ne peux pas applaudir pour la simple raison que son indépendance posera problème. Que vous le vouliez ou non, on regardera toujours derrière pour faire attention à celui qui a nommé. La convention des Nations Unies contre la corruption et surtout le protocole de Jakarta ont prévu que les structures de lutte contre la corruption doivent être totalement indépendantes. Rien ne me prouve que la corruption ne se retrouvera pas dans les sillages ou les couloirs de la Présidence de la République. De ce point de vue, je ne peux pas applaudir puisque le Haut-commissaire est nommé directement par le Président de la République. Il prête serment devant le Président de la République, il est obligé de faire ce qu’on lui dira de faire, le Haut-commissaire ne peut pas faire un appel à candidature pour le recrutement de ses collaborateurs. Il est bien inscrit que c’est le gouvernement qui nommera ceux avec qui il va travailler. Donc, son indépendance est limitée. Je vais souhaiter bonne chance au Haut-Commissaire qui sera nommé pour que son travail puisse être bénéfique pour le Bénin.

On a connu l’ANLC et aujourd’hui, la cellule. Est-ce à dire que les précédentes structures ont échoué ?
A priori, on ne peut pas répondre dans le vide puisque comme vous le savez, une structure mise en place qui a travaillé pendant longtemps, nécessite une évaluation. On n’a jamais évalué les activités menées par l’Observatoire de lutte contre la corruption, ni celles de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption, encore moins celles de la Cellule de moralisation de la vie publique au Bénin. De ce point de vue, c’est difficile de dire que les autres structures ont échoué ou pas.

Pour vous qui avez été président de l’ANLC, pensez-vous avoir échoué ?
Non, pas du tout. Je peux vous remettre le rapport des trois années de mandat de président que j’ai eu à faire à la tête de l’ANLC. Il n’y a pas échec. La corruption est un phénomène qui existe depuis la nuit des temps. Quand vous prenez la Bible, la Tora, le coran, vous verrez qu’on a parlé de la corruption bien avant même l’avènement de toutes ces religions. Le FONAC a eu, à l’époque, à réunir tous les chefs religieux même des religions endogènes pour leur demander de regarder dans les préceptes de leur religion pour sortir les éléments nécessaires devant sensibiliser la population sur la lutte contre la corruption. Les vodunons, les chrétiens, les musulmans ont sorti de leurs textes les éléments pour parler de la corruption et dire ce qu’il faut faire pour la réduire sensiblement dans notre pays. C’est difficile pour quelqu’un de dire qu’il a vaincu la corruption en trois ans, en cinq ans ou en dix ans. Ce n’est pas vrai.

Quelle comparaison peut-on faire de la lutte contre la corruption de Yayi et à Talon ?
Chaque personnalité choisit sa méthode de lutte pour atteindre les objectifs à savoir : réduire sensiblement la corruption. Certains ont choisi de mettre en place les textes conformément aux dispositions des accords, des protocoles et conventions que le Bénin a signés et ratifiés. Ainsi, l’Observatoire de lutte contre la corruption a été le fruit de la convention des Nations Unies contre la corruption, la convention de l’Union Africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption et le protocole de la CEDEAO sur la lutte contre la corruption. Même chose pour l’Autorité nationale de lutte contre la corruption et le Haut-commissariat à la prévention de la corruption. Tous les régimes depuis 2000 ont respecté les textes signés par le Bénin. Maintenant, certains ont mis en place des structures à savoir : l’Observatoire de lutte contre la corruption et l’Autorité nationale de lutte contre la corruption. Le régime Talon a laissé, pour son premier mandat, courir l’ANLC jusqu’au 19 mars 2020 qui a cédé la place au Haut-commissariat créé le 23 avril 2020. De cette date à ce jour, le Haut-commissariat n’a pas encore été installé. Aujourd’hui, 23 mars 2022, si les Nations Unies demandent au Bénin, de lui montrer sa commission ou structure officielle de lutte contre la corruption, le Bénin ne pourra pas le faire. Parce que le Haut-commissariat créé n’est pas encore opérationnel. On a une cellule qui ne fait ni la prévention, ni la lutte contre la corruption. Elle ne fait que recevoir les dénonciations, or, la dénonciation, ne fait pas le travail ni de la prévention, ni de la sensibilisation. Souhaitons que la méthode utilisée par le Président Talon puisse donner de bons résultats. A l’évaluation, on verra si cette méthode est meilleure que celle que les autres ont utilisée. Tant qu’on n’aura pas fait la mise en œuvre et évalué, on ne pourra pas dire laquelle des méthodes est la meilleure.

Avez-vous l’impression que le régime actuel a mis fin à l’impunité ?
Non, pas du tout. Je voudrais prier tous les ‘’Klébés’’ du régime de faire attention et de ne plus dire que le régime actuel a mis fin à l’impunité. Ce n’est pas vrai. Si on a mis fin à l’impunité, on n’aurait plus connu de scandales. Je prends pour exemple le scandale ANaTT qui est actuellement devant les tribunaux. Si le régime actuel avait mis fin à l’impunité, sachant bien qu’il y a une structure de lutte contre la corruption, structure créée avant la mise en place de l’ANaTT, le rapport qui est fait sur eux n’est pas blanc comme neige. A partir de ce moment, il y a problème. Si je donne cet exemple, c’est que le FONAC a fait des investigations au niveau de l’ANATT. Et nous avons rencontré le directeur général de l’ANaTT qui est aujourd’hui gardé en prison à Missérété. On a fait une séance de travail avec eux pendant des heures. Des dossiers ont été traités où des agents de l’ANaTT ont empoché l’argent de l’immatriculation des véhicules à deux roues. Ça c’est connu. Les agents ont reconnu les faits. Ça fait des millions. On nous a dit que les agents indélicats ont remboursé. Même s’ils ont remboursé, la faute est commise. Donc, nous avons proposé un certain nombre de recommandations que les gens doivent mettre en œuvre. Malheureusement toutes ces recommandations n’ont pas été suivies quand le Bureau d’analyse et d’investigation est passé par là. Vous connaissez la suite. Quelqu’un qui vous dit aujourd’hui qu’avec l’arrivée du président Talon, on a mis fin à l’impunité, je dis modestement, ce n’est pas vrai. Parce que si nous disons que c’est vrai, on va endormir les responsables au haut niveau. Il faut continuer à travailler. Il faut continuer à sensibiliser. Il faut continuer à prendre des mesures de prévention et de répression pour qu’à défaut de cesser la corruption puisse diminuer sensiblement.

Vous avez estimé que si les institutions internationales demandaient au Bénin de présenter une commission, qu’on a zéro commission de lutte contre la corruption. On ne peut présenter parce que le Haut-commissariat à la prévention de la corruption n’est pas installé. Donc, on ne pourra pas le faire. Mais aujourd’hui, le régime actuel fait de la répression. On a beaucoup d’acteurs politiques qui sont jugés et jetés en prison. Est-ce qu’un jour on ne doit pas en arriver là que de passer tout le temps à sensibiliser ?
Très bien, vous voulez faire allusion à la CRIET. Est-ce que c’est de ça qu’il s’agit ? Oui, la CRIET et tout le reste. D’abord la création de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) n’est pas une invention du Bénin. La convention des Nations Unies contre la corruption a prévu que les Etats peuvent créer des structures spécialisées. La CRIET est donc une cour spécialisée. Ne dites plus une cour spéciale. Si on a le temps, je vous donnerai l’exemple de 40 pays qui l’ont fait avant le Bénin. Je vous donne tout simplement le cas de Madagascar. N’oubliez pas que j’ai été pendant plusieurs années président du conseil de l’Union Africaine pour la lutte contre la corruption. Les 54 Etats, je les ai maitrisés et je sais ce qui se passe dans ces 54 Etats en matière de corruption et de lutte contre la mauvaise gouvernance. J’ai été à Madagascar et j’ai vu. Ils ont créé leur cour avant nous et le même problème qui s’est posé à notre CRIET première formule s’était posé également. Ils ont corrigé comme le Bénin a aussi corrigé. Par ailleurs, savez-vous que la CRIET ne peut pas juger le Président de la République ? Aucun ministre n’est justiciable devant la CRIET. Les députés non plus. Faut-il faire comprendre à vos lecteurs que le fait d’avoir la CRIET suffit pour qu’on dise que la lutte contre la corruption a pris de l’essor ? Ce n’est pas vrai. Rien ne prouve aujourd’hui que la corruption ne se trouve pas dans les couloirs de la présidence de la République, dans les allées de tous les ministères, dans les environs des 83 députés. Et voilà que ni les députés ni les ministres et ni le Président de la République ne peuvent passer devant la CRIET pour être jugés. Et donc, la CRIET ne constitue pas l’étape qui permet de dire que la lutte contre la corruption a pris de l’essor. Deuxième élément important, nous disons que la CRIET est là pour juger rapidement les cas de corruption.

Mais de par ses actions, la CRIET a semé une psychose dans la tête des Béninois.
Pas du tout. S’il y avait une psychose dans la tête des acteurs qui s’adonnent à la corruption, il n’y aurait pas le cas de l’ANaTT. Le directeur général et les agents de l’ANaTT ne vont pas commettre tout ce qui leur est reproché. Mieux, le dossier du régisseur des impôts Adohouannou, est là. Il y a beaucoup d’autres dossiers qui sortent aujourd’hui. On dit que la CRIET va juger les cas de terrorisme. Bien, depuis qu’on a mis la CRIET en place, regardez vous-même beaucoup de dossiers de trafic de drogue qui sortent. Depuis ma naissance jusqu’à ce jour, c’est la première fois que j’ai entendu qu’au Bénin, on a pu faire un trafic de drogue de plus de 2 tonnes à la fois. Je n’ai jamais entendu ça. Et pourtant la CRIET existait avant la découverte de ce trafic. Cette affaire de 2 tonnes montre que ça ne fait pas peur. Les gens allaient avec 10 kilo, 20 kilo, 100 kilo etc. Mais la CRIET est là en place. On sait très bien que si on te prend tu iras devant la CRIET et pourtant les gens ont osé mettre 2 tonnes et demi dans le circuit. Si ça faisait peur, on n’allait pas prendre ce risque-là. Les gens sont prudents aujourd’hui dans l’administration publique. Il y a les réformes sur la décentralisation qui sont en cours. Avec les secrétaires exécutifs, le maire n’est plus ordonnateur du budget. Prenons l’exemple des mairies. Ce sont des réformes qui seront mises en place. A ce jour, on n’a pas encore mis en place cette réforme-là. Essayons la réforme et nous saurons si ça a pu donner les résultats escomptés ou pas. Quand vous mettez en place une structure, vous la laissez fonctionner pendant un temps, vous l’évaluez et si l’évaluation ne donne pas les résultats escomptés, vous corrigez pour continuer. Donc, personne ne sait comment ça va se passer.

Certains soupçonnent que la mission de la CRIET consiste à régler des comptes politiques aux adversaires du pouvoir. Est-ce votre avis ?
Tant que je n’ai pas de preuve matérielle, j’ai du mal à me prononcer. J’entends les gens le dire. J’écoute ceux qui en parlent et disent que c’est ceci. Mais moi je n’ai pas les preuves. Et nous au FONAC, quand on n’a pas les preuves de quelque chose, il ne faut pas le dire. Si je n’ai pas les preuves c’est difficile de me prononcer. Ce que moi je vais dire c’est qu’il y a des juges, des magistrats de haut rang qui sont nommés à la CRIET. Je veux croire que ces juges ont une conscience. Je veux croire que ces juges bien formés s’adonnent à ce que dit la loi pour juger. Une fois que ces juges ont leur conscience, leur conviction et s’appuient sur la loi pour juger, ils vont se sentir à l’aise pour dire : « j’ai jugé en mon âme et conscience conformément à la loi. »

Le dernier classement de Transparency International met le Bénin à la 78ème place mondiale, une nette avancée par rapport aux classements précédents.
Il faut toujours faire des comparaisons scientifiques. Je vais vous donner le classement du Bénin sur les 10 dernières années. Je ne prends pas seulement les 5 ans ou 6 ans du président Talon pour que vous ayez une comparaison. En 2012, le Bénin a eu 36 points sur 100 et était classé 94ème sur 180 pays. En 2013, il est resté statique avec 36 points sur 100 et est resté 94ème sur 180. En 2014, il a eu 39 points donc 3 points gagnés sur 100 et classé 80ème sur 180. Vous avez vu 3 points gagnés et 14 places du point de vue classement. De la 94ème place, on est arrivé à 80ème place. En 2015, le Bénin a chuté, il a eu 37 points sur 100. Il a perdu 3 places au lieu de 80ème place, il est venu 83ème . En 2016, le Bénin a chuté encore (36 points sur 100) et est devenu 95ème. On a perdu 12 places. En 2017, il a eu 39 points. Donc, on a gagné 3 points encore et on a gagné 10 places. De la 95ème place, on est arrivé à la 85ème place. En 2018, 40 points. Donc, 1 point de plus sur 100. Et on est resté toujours 85ème . En 2019, le pays a 41 points sur 100 et progressé de 5 places. On est venu à la 80ème place. En 2020, il est resté statique avec 41 points et a perdu 3 places. 83ème place sur 180 et enfin en 2021, 42 points sur 100 et classé 78ème sur 180. Ça veut dire qu’entre 2020 et 2021, le Bénin a gagné 1 point. Je vais profiter pour vous dire ce que beaucoup de gens ne savent pas. Transparency International est de notoriété publique. Cette structure mondiale fait le classement qui est pris en compte par les partenaires techniques et financiers. Que vous le vouliez ou pas, c’est ça. 180 pays sont évalués, mais quand je parle souvent de ça, les gens ne comprennent pas et disent qu’il y a souvent quelque chose qui ne va pas. Je vais vous dire sur la base de quoi Transparency International évalue. Il y a six indicateurs sur la base desquels on attribue les notes à tous les 180 Etats. Le premier indicateur, c’est la représentation et la responsabilité. Le deuxième indicateur c’est la stabilité et l’absence de violence ou de terrorisme dans le pays. Le troisième indicateur, c’est l’efficacité du gouvernement. Le quatrième indicateur, c’est la qualité de la réglementation. Le cinquième indicateur, c’est l’état de droit. Le sixième et dernier indicateur, c’est le contrôle de la corruption. Donc pour évaluer les 180 pays dont le Bénin sur la perception de la corruption, voilà les 6 indicateurs que l’on prend en compte.

Aujourd’hui, est-ce que ce classement est conforme à la réalité?
Absolument, oui. Le premier indicateur (représentation et responsabilité), est la mesure dans laquelle les citoyens du pays peuvent participer aux choix du gouvernement. Niveau de liberté d’expression. Niveau de liberté d’association et niveau de liberté des médias. C’est cela qu’on apprécie pour donner les points. 2ème indicateur c’est la possibilité que le gouvernement soit déstabilisé ou non par des moyens anticonstitutionnels ou violents. Si on retrouve dans un pays qu’il y a des possibilités de déstabiliser le gouvernement par des moyens anticonstitutionnels violents, on note un point négatif pour ce pays. Troisième chose, l’efficacité du gouvernement. On regarde l’excellence des services publics et civiques, la qualité de la formulation et de la mise en œuvre des politiques, l’engagement du gouvernement en faveur des politiques déclarées. Quatrième chose, la qualité des réglementations: capacité du gouvernement à formuler et à mettre en œuvre des politiques judicieuses qui permettent et favorisent le développement du secteur privé. L’État de droit est la mesure dans laquelle les agents se fient aux règles de la société et s’y conforment notamment la qualité de l’exécution des contrats, les droits de propriété, la police, les tribunaux, ainsi que le risque de criminalité et de violence. Enfin, le sixième qui est le contrôle de la corruption est la mesure dans laquelle le pouvoir public est exercé à des fins privées ainsi que les captures de l’État par les élites et les intérêts privés. Exemple : on dit Etat de droit. Respect des juridictions.

Aujourd’hui, est-ce qu’il y a une loi de lutte contre la corruption au Bénin?
Il n’y en a plus malheureusement. Que personne ne me dise que les dispositions de la loi 2011-20 du 12 octobre 2011, portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en République du Bénin sont contenues dans un autre texte ailleurs. Ce n’est pas vrai. C’est faux. J’ai des preuves de ce que je dis. Aujourd’hui nous sommes à reculons. Nous avons comparé ce qui est dit dans le code pénal avec ce que la loi 2011 prévoyait : c’est du recul total. Exemple, aujourd’hui, il n’y a plus rien du tout, concernant les conflits d’intérêt. Aujourd’hui, le délit de corruption, je dis bien, le délit de corruption qui dans la loi 2011 -20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption était prescrit à 20 ans et les 20 ans commencent le jour où on a constaté le délit. Aujourd’hui il est prescrit à 6 ans dans le code pénal. Autrement dit, en avril 2016, le président de la République Patrice Talon est arrivé au pouvoir, si dans son entourage, quelqu’un commet un délit de corruption le 30 avril 2016, et qu’on ne l’a pas pris au 30 avril 2022 prochain, c’est terminé. Si on découvre cela après, on ne peut même plus le poursuivre. C’est cela que vous appelez avancée ? Moi je l’appelle recul. On a fait une étude comparative de ce que dit la loi 2011-20 du 12 octobre 2011 et ce qui se trouve aujourd’hui dans le code pénal, il y a recul.

Mais il n’y a pas de loi contre la corruption en France par exemple ?
Non, vous faites erreur, outre les conventions, Protocoles et accords bilatéraux qui lient la France avec d’autres Etats, outre le code Pénal Français qui inflige la :
Sanction Pénale de la corruption passive et du trafic d’influence commis par des personnes exerçant une fonction publique (art 432-11).
Sanction pénale de la corruption active et du trafic d’influence commis par les particuliers (art 433- 1).
Sanction pénale de la corruption active et passive de fonctionnaires communautaire ou appartenant aux Etats membres de l’Union Européenne et d’agents publics étrangers (art 431-1 et suivants) la France s’est dotée de plusieurs loi de lutte contre la corruption notamment.
La loi 88 – 227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique.
La loi 90-55 du 15 janvier 1990 relative à la limitation des dépenses électorales et à la clarification du financement des activités politiques.
La loi 91-3 du 3 juin 1991 relative à la soumission des procédures de passation de certains contrats à des obligations de publicité de mise en concurrence.
La loi 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.
La loi SAPIN 2 du 09 décembre 2016 relative à la transparence, l’action contre la corruption et la modernisation de la vie économique.
Cette loi a créé l’Agence Française Anti-corruption.
Il y a certainement d’autres lois que je n’ai pas citées. C’est dire que contrairement à ce que vous avez dit, la France a bien des lois contre la corruption.

Est-ce qu’au Bénin on respecte les décisions de justice ?
Je vais vous apporter la preuve contraire. Sur les papiers en-tête utilisés dans les ministères, vous trouverez qu’on a mis les couleurs du drapeau du Bénin (vert-jaune-rouge) de travers. Comment ces couleurs sont-elles disposées? De façon verticale. Un citoyen a saisi la Cour constitutionnelle pour dire que cette façon de disposer ces couleurs n’est pas bonne. La Cour constitutionnelle par décision Dcc 17-057 du 9 mars 2017 a jugé contraire à la constitution cette façon de disposer les couleurs sur les papiers en-tête, sur les cartes de visite des ministres, sur les enseignes… A ce jour, on continue de faire la même disposition. Vous le savez non? Mieux, en quittant ici tout de suite, allez devant la Cour constitutionnelle elle-même qui a pris cette décision-là et regardez l’enseigne. Les couleurs sont disposées exactement comme sur les papiers en-tête, et autres. Et ça, c’est le drapeau du Mali. Quand c’est comme ça, n’attendez pas qu’on vous donne les points. Parce qu’il y a non-respect de décision de justice. Je ne vais pas loin pour parler de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dont on connaît tous les sentences qui ont été prononcées et que le Bénin a refusé d’appliquer. État de droit et vous ne respectez pas les décisions de justice ? Maintenant, allez au tribunal de Cotonou. Vous trouverez qu’ils ont bien disposé comme il faut les couleurs sur l’enseigne du tribunal. C’est pour vous dire que d’autres ont bien disposé. Donc ce n’est pas une affaire de design. Voilà la situation. C’est sur les six indicateurs avec des sous indicateurs que je viens de vous citer qu’on donne des points. Et c’est le total de ces points qui donne ce que vous avez. C’est comme cela que le travail se fait par Transparency International.

Faudrait-il désespérer quand on suit comment se passe le contrôle de l’action du gouvernement par l’Assemblée nationale?
Je dis qu’il ne faut pas désespérer. D’abord, l’Assemblée nationale a pour rôle de voter les lois et de contrôler l’action du gouvernement. C’est le principe. Même avant et dans beaucoup de pays, le contrôle de l’action du gouvernement le plus souvent se solde par des recommandations. Lesquelles recommandations ne sont pas d’application obligatoire. Et donc, on a fait le contrôle de l’action du gouvernement. On a mis en place une commission d’enquête. On a mis en place un groupe parlementaire pour aller voir telle ou telle chose que le gouvernement a eu à faire. Nous concluons que le gouvernement a mal fait. Mais vous ne pouvez que faire des recommandations au gouvernement. Ces recommandations n’ont aucun caractère contraignant. Depuis le 1er août 1960 à ce jour, tous les gouvernements qui se sont succédés avec les parlements et autres avaient seulement des parlements multipartites pour faire les recommandations au gouvernement. Et la constitution et les autres textes disent que c’est des recommandations qui n’ont aucun pouvoir contraignant. C’est d’abord le principe. Dans le cadre précis où nous avons un parlement qui est totalement monopartite, puisque c’est un parti à deux têtes, vous comprenez que c’est encore plus simple. Effectivement on voit de moins en moins l’interpellation du gouvernement sur tel ou tel sujet de grandes préoccupations des populations. Peut-être que la méthode leur a permis de dire nous rencontrons périodiquement les dirigeants, nous discutons avec eux périodiquement, ils nous expliquent telle ou telle action périodiquement, donc ce n’est plus nécessaire de faire officiellement l’interpellation du gouvernement sur tel ou tel sujet. C’est possible. Si non, normalement, c’est ce qui devrait se faire. Ça ne se fait pas. Et quand bien même cela se faisait avant, c’est toujours soldé par des recommandations qui n’ont aucun pouvoir contraignant. Il y a lieu de voir dans quelle mesure on pourra réellement faire le contrôle de l’action du gouvernement avec des décisions contraignantes. Pour que quand on constate quelque chose qui aurait été mal conduit, au niveau du gouvernement, que le gouvernement accepte de corriger.

Pensez-vous vraiment que sous Talon l’argent sale ne circule plus, comme il le dit lui-même ?
Qu’appelez-vous «l’argent sale»? L’argent volé, détourné?…Si c’est cela que vous appelez argent sale, il est à souhaiter que les gens ne volent plus l’argent. C’est cela non? Est-ce que c’est vrai que les gens ne volent plus l’argent de l’État ? C’est difficile de le dire. Je n’ai pas les preuves matérielles de ça. Le FONAC non plus n’a pas les preuves matérielles de ça. Seulement voilà, nous constatons un certain nombre de choses qui se font, hélas, et qui font des doutes dans l’esprit de chacun de nous. Exemple concret: la convention des Nations Unies contre la corruption à son article 10, dispose que le gouvernement de chaque État doit mettre la transparence dans ce qu’il fait. Le Bénin a pris une loi en 2015 portant transparence. Pour voir clair dans la situation, les organisations de la société civile ont écrit au ministre des Finances pour dire : « donnez-nous les informations concernant le leasing. » Vous connaissez le problème du leasing non? C’est quoi le leasing? Le leasing, c’est le fait pour le gouvernement béninois de ne plus acheter de voiture, mais de faire un contrat avec les concessionnaires de véhicules pour qu’ils mettent à la disposition de l’État (des véhicules loués en quelque sorte), moyennant un coût journalier de tel montant par véhicule. On a écrit au gouvernement pour dire de nous donner les contrats qu’ils ont signés avec Bénin Contrôl pour s’occuper des problèmes de douanes à l’aéroport, au port et au niveau des frontières. On a écrit pour demander au ministre du cadre de vie de nous donner les informations sur les contrats qu’ils ont signés avec les groupes qui font l’asphaltage. On a écrit au ministre des infrastructures et des transports pour demander les contenus du contrat signé avec les Belges pour venir gérer le port autonome de Cotonou. Tout cela s’est fait en 2018. La convention dont je viens de vous parler et surtout la loi du Bénin de 2015 dispose expressément que l’État doit donner l’information demandée dans les 5 jours qui suivent. Si dans les 5 jours, l’agent ou le cadre qui est censé donner l’information ne dispose pas de temps nécessaire pour le faire, il a encore 3 jours francs pour donner satisfaction à la demande qui est faite. Au total, en 8 jours francs, on doit donner l’information qui est demandée. Ces demandes ont eu lieu en 2018. A ce jour 2022, on n’a eu aucune réponse pour tout cela. La loi prévoit qu’en cas de non réponse aux demandes, il faut s’adresser à la HAAC. La requête a été faite au niveau de la HAAC toujours en 2018. A ce jour, il n’y a pas de réponse. Ça veut tout dire. Vous laissez libre cours à la spéculation et aux rumeurs. Les rumeurs disent que l’asphaltage c’est ceci…leasing c’est cela. Ces rumeurs disent que le problème de Bénin Contrôl c’est cela. Il en est de même pour la venue des Belges pour gérer le Port. Qu’est-ce qu’il faut prendre pour vérité maintenant ? C’est cela la situation.

Vous voulez dire qu’il y a une sorte d’opacité ?
C’est très clair. Il n’y a pas un autre mot pour le dire. Je peux vous apporter les preuves de ce que je viens de vous dire.

C’est à dire que Talon gère dans l’opacité ? C’est ce que vous voulez dire?
Je veux dire tout simplement que les demandes qui ont été faites n’ont pas eu satisfaction. Et nous attendons jusque-là.

Vous avez relancé ?
.Je vous ai dit que la loi a dit 5 jours. 5 jours après, si vous ne le faites pas vous avez encore 3 autres jours. Cela vous fait 8 jours. Et la loi dit de s’adresser à la HAAC s’il n’y a toujours pas satisfaction. On s’est adressé à la HAAC. J’ai tout avec moi.

Vous avez une réponse sur les salaires des ministres ?
Voilà encore un autre problème. Nous avons aujourd’hui un décret qui fixe le traitement des Directeurs de cabinet, Directeurs adjoints de cabinet, Secrétaires généraux des Ministères, Secrétaires généraux adjoints des Ministères. Nous avons un décret qui fixe le traitement des Préfets, des Chargés de mission des préfets, des Secrétaires Généraux des Préfectures. Nous n’avons pas à ce jour un texte qui dit « voici ce que gagne un ministre ». Nous n’avons pas non plus un texte qui dit ce que gagne un président d’institution constitutionnelle. Nous n’avons pas un texte qui nous dit ce que gagne le président de la république. C’est discrétionnaire et là également les rumeurs vont bon train. Les spéculations, le ministre est à ceci, le ministre est à cela, le président de la république gagne ceci, le président de telle institution gagne cela. Et donc, quand les textes disent pour la bonne gouvernance qu’il faut la transparence et que nous n’avons pas la transparence dans les éléments que je viens de vous dire tout à l’heure, qui ne peuvent pas être des éléments cachés, ce ne sont pas des éléments de secret défense pour qu’on puisse dire que c’est des problèmes qui concernent la défense nationale. Ce n’est pas une affaire de défense, ce n’est pas une affaire de police pour qu’on dise que si on le laisse sur la place publique, les ennemis vont venir nous envahir, ce n’est pas ça. Le commun des mortels doit le savoir et dans les cours de gouvernance que nous donnons, c’est bien expliqué pourquoi le citoyen a droit à ça puisque quelque part c’est notre argent, notre impôt à nous tous que nous avons confié à quelqu’un pour le gérer en notre nom et là également je parle de l’évaluation. Il doit nous donner l’information. C’est pourquoi c’est obligatoire qu’on donne l’information aux citoyens. Je veux savoir ceci, je dois le savoir parce que j’apporte ma modeste part dans la caisse commune, la marmite commune que je vous remets pour gérer. Donc je dois demander l’information.

Est-ce que les présidents de chambre de la Cour des comptes récemment nommés sont crédibles ?
Je rappelle au passage que la mise en place de la Cour des comptes fait partie des directives de l’UEMOA. L’UEMOA a donné des directives à tous les huit Etats membres pour créer la Cour des comptes. Jusqu’ à une époque récente, six des huit Etats ont créé la Cour des comptes sauf deux. Les deux étaient le Bénin et le Mali. Maintenant le Bénin a mis en place sa Cour des comptes, il reste le Mali qui ne l’a pas encore fait. Revenons au Bénin, la Cour des comptes est créée, la présidente de la Cour des comptes est nommée. On vient de nommer les présidents de trois chambres. Là également il y a eu beaucoup de polémiques sur la toile. «Eh ils sont ci, ils sont ça». C’est difficile de le dire. Ce qui est certain, c’est que nous au FONAC, nous avons, regardé ce que prévoient les textes. Premièrement, les textes prévoient que la nomination en conseil des ministres pour ces présidents de chambre puisse se faire sur proposition du président de la Cour des comptes. En regardant le profil apparent de ces présidents de chambre, certains ont commencé par dire : ils sont ci, ils sont ça, etc. Nous au FONAC, nous souhaitons bonne chance et bon travail à ces présidents de chambre. Vous savez, nous ne sommes pas en mesure d’apporter des preuves de la non qualification de qui que ce soit. Je vous donne un exemple. On connaît leur formation de base sur la base de laquelle, ils sont dans l’administration. Nous ne connaissons pas les formations complémentaires qu’ils ont eu à faire. Il y en a parmi eux qui ont dû faire des formations pointues pour mériter le poste qu’on leur a donné. Mais comme ils étaient classés dans telle catégorie avant, on ignore qu’ils ont reçu une formation complémentaire qui puisse leur permettre de faire ce travail – là. Nous FONAC, nous avions eu déjà à faire cette expérience Et je prends mon cas. Malheureusement, beaucoup d’entre vous jusqu’à présent et pendant longtemps beaucoup d’autres journalistes disent que Jean Baptiste Elias n’est qu’un simple infirmier. Je suis infirmier, je le revendique et je suis fier d’être infirmier, l’infirmier n’est d’ailleurs pas simple. Pour ma petite histoire, un ministre de la République ici, qui devrait apprécier le choix d’un consultant pour s’occuper des problèmes de développement et de lutte contre la corruption fait par les partenaires techniques et financiers. Parmi les nombreux candidats, ils ont sélectionné celui qui vous parle, Elias Jean-Baptiste. Ils ont préparé tout le dossier et ils ont envoyé au ministre pour approbation. Ce n’est pas sous ce régime. Le ministre a vu le nom et il dit « NON ! On veut un spécialiste de développement, économiste et vous prenez un simple infirmier ? Ce n’est pas vrai je ne vais pas signer ce papier. Il dit non. Elias Jean-Baptiste est un infirmier et on est resté ensemble dans le quartier, il est un infirmier ». Les partenaires sont venus au FONAC et ils ont dit : « Monsieur nous ne savons pas ce que vous avez avec le ministre mais il a refusé. » Le FONAC a écrit au ministre pour dire que les partenaires techniques et financiers ont rejeté la candidature de ELIAS Jean-Baptiste au poste parce que vous auriez dit qu’il n’est pas qualifié pour le faire. « Nous demandons à vous rencontrer. » Le ministre a accordé l’audience et nous sommes allés le voir avec tous les originaux des diplômes. Quand il a tout vu, il a présenté les excuses aux membres du FONAC et à Monsieur Jean Baptiste Elias. Donc, je reviens à vous. Il se pourrait que ceux-là que tout le monde vilipende aujourd’hui et crie qu’ils ne sont pas qualifiés, il se pourrait qu’ils aient d’autres qualifications que nous ne connaissons pas. Nous au FONAC et moi personnellement Jean Baptiste ELIAS, je ne peux que leur souhaiter bonne chance.

Parmi les professeurs nommés, il y en a un qui a été condamné pour faux et usage de faux par le CAMES
Mais condamné par le CAMES, l’intéressé est resté toujours en poste depuis. La preuve, l’intéressé dont vous parlez est à la Cour suprême. Bien qu’elle soit condamnée par le CAMES pour plagiat on ne l’a pas renvoyée de la fonction publique béninoise. Ça n’a pas joué sur sa carrière, elle est toujours restée enseignante à l’université d’Abomey-Calavi et elle est conseiller à la cour suprême jusqu’à sa nomination. Donc, cette condamnation académique n’a peut-être pas d’incidence sur le plan administratif. Je dis bien peut être. C’est possible que ça soit comme ça. Donc, de ce point de vue, quand vous dites ça, il y a un préfet qui a été condamné par les juridictions béninoises et pourtant on a rappelé au Président Talon que celui-là est condamné voici les preuves. Ça n’a pas fait reculer le président Talon pour le nommer préfet à l’époque, jusqu’à ce qu’il commette une autre faute pour qu’on puisse encore le mettre de côté. Alors pour nous, nous allons souhaiter bonne chance à ces présidents-là, qu’ils travaillent pour le bien de la nation et que nous ayons les résultats que nous souhaitons pour qu’à défaut de cesser la corruption puisse régresser sensiblement.

Comment entrevoyez-vous la lutte contre la corruption au Bénin ?
Nous devons être patients et ambitieux. Nous devons espérer que les choses se passent bien. Je rappelle au passage que la lutte contre la corruption est un investissement. Ceux qui demandent que la corruption à défaut de cesser puisse diminuer sensiblement, ceux-là aident le gouvernement à renflouer les caisses de l’Etat et une fois que les caisses de l’Etat sont renflouées le gouvernement peut se saisir de cet argent pour faire des programmes de développement pour le bien-être de la Nation. Aujourd’hui il y a beaucoup de cas de chômage. S’il y avait assez d’argent on créerait des structures, on créerait des facilités qui puissent permettre que l’emploi soit au rendez-vous pour les jeunes. Aujourd’hui nous avons des jeunes qui ont appris un métier, qui ont le diplôme, qui ont la formation mais qui continuent d’être sous la responsabilité de leurs parents. Il a une copine qui est enceinte, l’enfant arrive sous la responsabilité de papa, la femme et l’intéressé sont tous sous la coupe de papa. De jour en jour, ce jeune qui a appris un métier, qui a son diplôme qui sait faire quelque chose, il est frustré. Et nous disons au FONAC : frustration plus frustration égale détonation. Ça va détonner ! La situation des jeunes sans emploi est une bombe à retardement. Il faut que chaque gouvernement puisse prendre la mesure de cette situation et qu’on corrige très rapidement. Il est à souhaiter que la lutte contre la corruption puisse continuer de bien se faire et que la corruption, à défaut de cesser, puisse diminuer sensiblement.

Quels sont les dossiers sur lesquels vous travaillez actuellement?
Les dossiers sur lesquels nous travaillons actuellement pour la lutte contre la corruption, nous avons des dossiers au niveau du port, nous avons des dossiers au niveau de l’enseignement supérieur, nous avons des dossiers au niveau de la mairie de Cotonou. Nous avons 87 dossiers aujourd’hui qui sont en instance. Vous n’entendez pas parce que nous faisons toujours ce que nous faisons avant. Quand les dossiers arrivent, on les instruit, on va rencontrer les responsables, les ministres et autres pour dire voici la situation. Pour nous, c’est celui qui ne fait rien dans la vie qui ne peut jamais se tromper. Tant que vous faites quelque chose, vous pouvez vous tromper de bonne foi. Nous on veut mesurer la bonne foi du fait que vous vous êtes trompés. On vous dit il y a ci, il y a ça. Vous acceptez de corriger et on continue. Ce n’est que 2 ou 3% de ceux qui refusent de corriger que vous entendez à la télévision. Il y a des dossiers que nous classons après règlement. 87% des dossiers sont classés après règlement. Si je ne vous disais pas dans cette salle ce matin que nous avons eu affaire avec l’ANaTT, vous n’auriez jamais su cela. Puisqu’au moment où nous avons fait le travail, nous avons demandé au directeur général et à ses collaborateurs de corriger. Ils nous ont promis et les gens ont remboursé. Et on leur a dit de prendre les dispositions pour que ça ne se répète plus. Ils étaient en train de prendre les dispositions quand le Bureau d’analyse et d’investigation les a surpris.

Que devient le FONAC à l’ère des nombreuses réformes ?
D’abord c’est une erreur de croire que je ne suis que seul à être vu au FONAC. Je vous ai amené le journal officiel qui a enregistré le FONAC. Je vous ai dit que tout ce que je dirai ici, je vous en amènerai la preuve. Dans le journal officiel qui a enregistré la création du FONAC, il est mis président du FONAC, Sossougloh Maximilien Grégoire. Ce n’est pas Elias Jean-Baptiste. La plupart d’entre vous ignorent ça. Tout le monde croit que c’est Elias Jean-Baptiste le Président. Je n’étais pas Président du FONAC de 1998 jusqu’en 2013. Je peux vous laisser le journal. Elias Jean-Baptiste est devenu Président du FONAC à l’Assemblée générale de 2016. Et pour le deuxième mandat qui est en cours maintenant, j’ai été élu le 22 février 2020. Donc je suis en train de faire deux (2) ans. Et qu’est-ce qui fait que tout le monde croit que je suis le Président du FONAC depuis longtemps ? Tout simplement parce que j’étais le premier vice-président et porte-parole du FONAC. C‘est ce qui s’est passé. Et chaque fois qu’on sollicite le FONAC on dit porte-parole. Il faut y aller. Je n’étais pas le Président. Donc voilà les preuves. Le 22 février 2020, j’ai été réélu pour faire mon deuxième mandat en tant que président du FONAC. Donc tout le temps avant, ce n’était pas moi. Maintenant, indépendamment de ça, ce que vous ne savez pas aussi, c’est que les autres membres du FONAC vont également sur les antennes.

C’est qui les autres membres ?
Très bien. Il y a Madame DARBOUX Pierrette qui est Première Vice-Présidente. Il y a Monsieur HONVOU Toussaint qui est le Deuxième Vice-Président, il y a Monsieur Adam SEIBOU qui est le Troisième Vice-Président. Il y a Monsieur HOUNDODE Aristide, qui est le Secrétaire Général. Il y a la Trésorière Générale, Madame Régina GANSE ; poste de Trésorière Générale Adjointe, Madame Odette ATEYIHO ; poste de Conseiller Juridique, Monsieur Désiré NOUATCHI. Voilà donc, c’est de ça qu’il s’agit.

Laurent Mètongnon était membre de l’Observatoire de lutte contre la corruption. Mais vous n’avez rien fait pour dénoncer son cas?
On ne dénonce pas pour dénoncer.
Donc vous êtes convaincu de ce qu’on lui reproche?
Non, ce n’est pas ça. On ne dénonce pas pour dénoncer. Quand la chose s’est passée, celui qui vous parle est allé jusque-là où il était gardé pour l’écouter. Quand la chose s’est passée, celui qui vous parle s’est rapproché d’un certain nombre de personnalités pour demander quelles sont les preuves que vous avez pour condamner Laurent Mètongnon ? J’ai eu des réponses. N’oubliez pas que même si je ne suis pas convaincu des réponses qui me sont données, hélas la loi dit « l’intime conviction du juge peut permettre de condamner ou non un prévenu. » Nous sommes des légalistes, le jugement est donné. Ni la modeste personne de celui qui vous parle encore moins le FONAC, aucun de nous n’a le droit de dire autre chose une fois que le jugement est fait. La convention des Nations-Unies contre la corruption, tout comme les lois de la République interdisent à tout citoyen d’aller à l’encontre des décisions de justice. Même si je pense autre chose, je n’ai pas le droit de dire autre chose que ce que la justice a dit.
Vous avez dit tout à l’heure que personne ne connaît le traitement salarial du Président de la République, est ce que selon vous cela semble être un signe de bonne gouvernance *?
Malheureusement non. Vous allez sur le net aujourd’hui, vous tapez le salaire du Président de la République française, vous aurez ça. Vous allez sur Google et vous demandez le salaire du Président des Etats-Unis, vous l’aurez ainsi de suite. Sauf erreur de ma part.

Est-ce que le FONAC a mis en place des dispositifs pour que le public ait une idée de ce salaire ?
Nous-mêmes nous ne connaissons pas. Si nous ne connaissons pas, comment voulez-vous qu’on le fasse connaître aux autres ? C’est ce que je vous ai dit, nous ne le connaissons pas. Voilà le problème.

Oui, mais Président, par le passé on vous savait beaucoup offensif dans les dénonciations. Mais depuis bientôt cinq ans on ne vous sent plus.
Ah, c’est grave ce que vous dites cher collègue. C’est très grave. Etes-vous au courant des dénonciations que j’ai eu à faire sur le concours organisé à la Caisse nationale de sécurité sociale ? Bien sûr, il y a trois ans. Alors, donc ne me dites pas depuis cinq ans. Je vous prends au mot. Ce n’est pas fini. Etes-vous au courant des dénonciations que j’ai eu à faire au niveau du ministère du cadre de vie pour la surfacturation des motos ? Oui vous êtes au courant non Etes-vous au courant du dossier sur l’acquisition des ambulances, il y a deux ans et bien d’autres dossiers hélas ? Et vous dites que je ne dénonce pas.

Donc depuis deux ans il n’y a plus de dossier ?
Je répète, s’il y en a que nous avons, que l’investigation est faite et que nous avons rencontré entre autres les fautifs qui sont de bonne foi et qui corrigent, on ne met pas ça sur la place publique. C’est quand les gens résistent pour dire « ah non je suis ceci, je suis cela… » qu’on met sur la place publique. Prenez l’exemple qu’on a eu à faire avec le ministre des Mines, de l’énergie et de l’hydraulique de 2014 à l’époque sur la SONEB. Il y a d’abord eu PPEA1, un milliard 400 millions. Quand la SONEB a fait le travail avec ce qui est mauvais là, le FONAC a fait les investigations, pour dire « c’est mauvais. » Le DG a continué, on a dit « ah, il ne faut pas continuer hein ». On a écrit au Président du conseil d’administration de la SONEB pour dire « il se passe telle chose à tel niveau. » Nous avons fait les investigations pour lui dire : « Demandez à votre DG d’arrêter. » Il n’a rien fait. Ils ont continué. On a écrit maintenant au ministre de l’époque pour dire « Attention, voilà la situation, on a dit au DG de ne pas continuer, on a dit au Président du Conseil d’administration, ils ont continué. Si vous, vous ne faites rien pour les arrêter, dans une semaine on va rendre compte. » La semaine est passée, la deuxième semaine est passée, on a fait la sortie et vous connaissez la suite. Il y a eu un tollé. Le même soir quand on a fait la sortie là, le ministre m’appelle. « Monsieur Elias ! ». Je dis oui. « Mais vous m’avez écrit pour dire que si je ne fais rien vous allez rendre compte, mais le Chef de l’Etat ne m’a pas encore appelé. Je n’ai même pas encore eu à répondre au Président de la République et vous avez fait la sortie. » « Ah, monsieur le ministre nous là notre compte rendu c’est au peuple. Ce n’est pas le Président de la République. Le compte rendu que je vous ai dit qu’on va faire là c’est ça qu’on vient de faire. » Vous savez où se trouve le DG aujourd’hui ? Il est à la prison de Missérété, condamné pour dix ans dans une autre affaire de mauvaise gouvernance. Le Président du Conseil d’administration, m’a vu et a vu les membres du FONAC et dit : « Monsieur ELIAS, quand vous parliez de ça à l’époque, si on vous avait écouté, il ne serait peut-être pas en prison aujourd’hui. C’est trop tard. » Nous avons sorti un dossier sur Libercom. C’est sous le Président Talon. Et vous dites que je n’ai pas dénoncé depuis cinq ans. Aujourd’hui, je vous ai dit que nous sommes au niveau du ministère de l’enseignement supérieur. Nous avons encore des dossiers de faux diplômes aujourd’hui. Un autre dossier que nous avons fait il y a quelques semaines seulement. Je ne vous dirai pas le nom parce que c’est diplomatique. Un Chef de mission diplomatique qui devait être accrédité au Bénin, il est venu avec un faux diplôme de baccalauréat, avec un faux diplôme de licence en droit. Le FONAC a été au courant, le FONAC a fait les investigations et a découvert le pot-au-rose. J’ai écrit au ministre des affaires étrangères pour dire « ce diplomate, qui est arrivé pour représenter son pays chez nous, voici les preuves qu’il a un faux BAC, voici les preuves qu’il a une fausse licence. » On l’a rapatrié chez lui. On n’a pas besoin d’aller dire ça sur la place publique. Parce qu’il ne faut pas créer des situations de conflit diplomatique, ce n’est pas bon. On n’a pas besoin d’aller le publier sur tous les toits.
Un mot pour conclure cet entretien ?
Je voudrais d’abord remercier le Directeur général pour avoir gardé la maison depuis ce temps jusque-là. Et aussi l’équipe. Je voudrais encourager tous ceux qui ont participé à cette séance d’aujourd’hui d’avoir espoir et de se dire que le Bénin est pour nous tous. Quand nous avons constaté quelque chose qui ne marche pas, ayons la patience et le courage de le dire dans les formes qu’il faut, sans offusquer ni injurier personne. J’apporte ma contribution ne veut pas dire que je dis oui à tout. Il faut avoir le courage de dire c’est bon quand c’est bon. Merci à vous.

Carte d’identité: Un infirmier fier ! Un Docteur qui se cache

Jean-Baptiste Elias est un infirmier diplômé d’Etat. C’est sa première profession et c’est avec une fierté qu’il revendique cette identité. Mais avec toute la dimension qu’a pris l’homme, beaucoup de béninois qui le connaissaient infirmier diplômé d’Etat s’interrogent sur cette ascension fulgurante et cette facilité à s’inscrire sur le registre du droit et de son lexique, de l’économie et de son lexique du jour au lendemain. C’est l’autre face de la vie de l’homme qu’il ne se vante pas de divulguer.
En effet, né à Ouidah le 29 août 1947, d’André ELIAS et d’Elisabeth ELIAS née DAGNON qui sont tous les deux décédés, Jean-Baptiste est d’une famille de six enfants, trois filles et trois garçons. Mais lui-même n’a eu que des filles, quatre. L’absence de bague de mariage à ses doigts ne doit point étonner les curieux sur sa vie conjugale car il en est allergique. « Si vous avez quelque chose qui compromet votre santé, la première des choses, c’est de vous en débarrasser », précise-t-il.
Le petit Jean-Baptiste a fait :
L’école primaire à l’école privée catholique de Ouidah en 1953.
L’école secondaire au collège Léon-Bourgine à Porto Novo et au cours secondaire des Cheminots à Cotonou 1961 – 1967.
L’école professionnelle à l’Institut National Médico-Social à Cotonou 1967 – 1969.
L’école de spécialité, école d’application JAMOT au Burkina-Faso 1971.
L’école Supérieure à l’Université Nationale du Bénin à Abomey-Calavi 1974 – 1978.
L’école post universitaire au Centre d’Etudes et de Recherches en Développement International de l’Université de Clermont Ferrand II en France 1981 – 1985.

  • Il est titulaire des diplômes suivants :
    ● CEPE, BEPC DIPLOME D’ETAT D’INFIRMIER DIPLOME DE SANTE PUBLIQUE, MAITRISE ES SCIENCES JURIDIQUES OPTION DROIT DES AFFAIRES ET CARRIERE JUDICIAIRE, DIPLOME D’ETUDES APPROFONDIES EN DEVELOPPEMENT (DEA) DOCTORAT DE 3EME CYCLE EN ECONOMIE DE DEVELOPPEMENT.
    ● Il a fait des stages de perfectionnement dans plusieurs domaines dont la médecine du travail.
  • Il a occupé les postes suivants :
    Agent de Santé à la circonscription médicale de COTONOU.
    Agent de Santé à la circonscription médicale de DJOUGOU.
    Chef de Service Administratif à la Direction Générale de la Santé Publique à Cotonou.
    Directeur Administratif et Financier à la Direction Générale des Affaires Sociales à Cotonou.
    Chef de Service de l’Inspection Médicale du Travail et de la main d’œuvre à Cotonou.
    Chef de Service de la Réglementation et du Contrôle Technique des Formations Sanitaires à Cotonou.
    Chef de Service des soins de santé primaires à Cotonou.
    Directeur du Programme d’Assistance à la communication et à l’information sur la protection de l’environnement (PACIPE) (Union européenne)
    En 1998, il est élu 1er Vice-Président et porte-parole du FONAC. Il ne sera élu Président du FONAC qu’en 2016. Il est à son deuxième mandat de Président du FONAC qui prendra fin en 2025.
    En 1999, il est élu membre du conseil économique et social pour 5 ans.
    En 2004, il est réélu au Conseil Economique et Social et a occupé au sein de l’organe Exécutif du CES, le poste de Deuxième Secrétaire.
    En 2004, il est élu membre et Président de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption du Bénin.
    En 2008, il est réélu Président de l’Observation de Lutte contre la Corruption du Bénin.
    En 2010, il est élu pour 4 ans. Président du Réseau des Institutions Nationales de Lutte contre la Corruption de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à Lagos (Nigéria).
    En 2011, il est élu Président de l’Association des Autorités Anti-corruption d’Afrique (AAACA) à BUJUMBURA (BURUNDI).
    En 2013, il est élu Président du Conseil de l’Union Africaine sur la lutte contre la corruption pour 2 ans à ARUSHA (TANZANIE).
    En 2015, il a été élu à nouveau au Conseil de l’Union Africaine sur la lutte contre la corruption pour 2 ans à ADDIS-ABEBA (ETHIOPIE).
    De 2004 à 2019, il a participé à toutes les conférences des Etats Parties à la convention des Nations Unies contre la corruption.
    De 2004 à 2019, il a pris part à toutes les conférences et aux travaux sur la Prévention de la Corruption et sur le recouvrement des avoirs de l’organisation des Nations-Unies contre la Drogue et le Crime à Vienne (Autriche).
    De 2013 à 2017, il a pris part à toutes les Conférences de Chefs d’Etat et de Gouvernements de l’Union Africaine.
    Il a reçu le Diplôme d’honneur et d’excellence dans la catégorie « MEILLEURE INITIATIVE ET COURAGE DANS L’ACTION PUBLIQUE » EN 2004.
    Il a été décoré COMMANDEUR DE L’ORDRE NATIONAL DU BENIN EN 2009.
    Il a reçu le certificat de Remerciement de l’Instance Nationale de Lutte contre la corruption de la TUNISIE en 2019.

Intimité

……..

Les parents de Jean-Baptiste sont catholiques. Ils ont mis leur fils dans cette religion, il n’en sera pas pratiquant. Comme il ne sera d’ailleurs pratiquant de rien. « Je respecte toutes les religions mais je ne pratique rien » avoue-t-il.
Il croit en l’amitié mais face à tout ce qu’il observe autour de lui, il estime qu’il faut parler de l’amitié avec circonspection. Il préfère d’ailleurs être ami à tout le monde mais rester prudent car dit-il « Celui qui vous dit qu’il est un ami à vous, peut vous créer des torts volontairement ou involontairement ».
Il a un respect particulier pour l’Homme pourvu que celui-ci exerce un travail. En retour il souhaite ardemment que l’autre le respecte.
Jean-Baptiste évite beaucoup de manger dans les restaurants et de se distraire dans des discothèques. La sécurité personnelle en est la raison fondamentale. Mais si un jour, il doit être votre invité, évitez lui la viande rouge et de l’alcool. Il n’est pourtant pas végétarien puisqu’il est consommateur de la viande blanche,
Savez-vous que Jean-Baptiste était un grand footballeur ? Non! Et pourtant c’était un vrai gardien de but. Mais maintenant, il ne le pratique plus. Il poursuit cette passion devant les écrans de télévision. Mais sa grande distraction devant la télé ce n’est pas le football mais les débats. Lui-même d’ailleurs étant un des plus célèbres acteurs télévisés des débats contradictoires. D’un autre côte, il est un acteur de théâtre. Il est même un des membres fondateurs des Muses du Bénin.
Il y a quand même une qualité qu’il apprécie bien chez lui-même. « Ce que j’apprécie chez moi, c’est que je suis un bon travailleur, infatigable, prêt, dévoué à tout, à tout moment. Moi, je n’ai pas de repos. Je travaille samedi, je travaille dimanche. Et j’ai du mal à suivre ceux qui s’adonnent à la paresse ». Sur le plan politique ne cherchez pas outre mesure à lui coller une étiquette : « Je ne suis d’aucun parti politique et je ne le serai pas parce que ce que je fais aujourd’hui là, je suis à l’aise, je lève la tête ».

Le Professeur Victor TOPANOU, invité de Sous l’Arbre à Palabre: « Il faut du temps pour apprécier les réformes de Talon »

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L’ancien Garde des Sceaux, le Professeur Victor Topanou, a été rapporteur général du dialogue politique et membre du Comité d’experts chargé de la formulation technique des mesures législatives suites aux recommandations du Dialogue politique tenu en 2019. Reçu Sous l’Arbre à Palabres, notre invité affirme que les réformes politiques en cours ont conduit à l’inversion du calendrier électoral. Selon lui, il faut du temps aux populations pour apprécier ces réformes.

Nous sommes à la date anniversaire de la Conférence nationale des forces vives de la nation. Quel bilan faites-vous de cette conférence à nos jours ?

C’est une évidence qu’au même titre que notre indépendance, la conférence nationale apparait dans notre histoire et dans notre parcours comme une référence. Elle a permis en Afrique noire francophone, la première transition d‘un régime dictatorial vers un régime démocratique sans effusion de sang, avec une particularité, la suspension au cours de la période transitoire d’un Etat qui avait existé jusqu’en 1990. C’était une expérience assez particulière qui a marché dans notre pays pour plusieurs raisons, notamment parce que contrairement à plusieurs autres pays africains, le Bénin traversait une profonde crise économique avec l’incapacité pour l’Etat de payer ses fonctionnaires pendant plus de 12 mois, pour certaines catégories. Le système bancaire aussi était en crise avec la faillite de la très célèbre BCB. Le système éducatif aussi a connu sa crise la plus profonde depuis les indépendances qui a culminé avec les années blanches. Sur le plan social, il y a eu des dégâts dont on n’a pas souvent parlés tels que les couples dans lesquels les hommes se retrouvaient dans l’obligation de demander à leurs femmes d’aller se prostituer pour subvenir aux besoins de la famille. Au total, en 1989-1990, le pays était dans une profonde crise politique, économique et sociale, c’est ce qui, à mon sens, a favorisé la réussite de la conférence nationale. Je le dis avec du recul parce qu’après nous, plusieurs autres pays sont allés à la conférence nationale. Et toutes les fois qu’il y a eu la conférence nationale dans les pays qui ne connaissaient pas la même gravité de crise que chez nous, ça n’a quasiment pas marché. Je prends les exemples du Togo, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, du Congo, et même dans une moindre mesure du Mali. Je pense que ces dates, qu’on le veuille ou non, continueront de résonner dans nos esprits et il est bien de les célébrer. Par contre, s’il y a une fracture aujourd’hui, c’est dans la gestion de l’héritage. Autrement dit, certains membres de l’opposition estiment que les acquis de la conférence nationale sont totalement bradés par le régime en place. A mon sens, il n’en est rien. En effet, les acteurs des années 1990 qui ont géré la période de la conférence nationale et de la transition avaient, sans aucun, doute un certain idéal que la réalité a obligé à infléchir. Je prends l’exemple de la gestion du Président Soglo qui n’a rien à voir avec celle du président Kérékou, la gestion de Kérékou n’a rien à voir avec celle de Soglo, de même que celle du Président Talon qui n’a rien à voir avec celle du Président Boni Yayi. Il en est de même de ce que l’on reproche, à tort, aux générations post indépendance, à savoir qu’elles auraient trahi les idéaux des indépendances. En effet, en matière de gestion politique, la réalité en impose plus que les idéaux. La lutte pour les indépendances pouvait nourrir des idéaux différents de la réalité imposée par la première crise pétrolière du début des années 70 (1974) et les premiers programmes d’ajustement de la fin des années 80. Au total, il y a une sorte de va-et-vient, je dirai même un décalage à chaque période, pour ne pas dire à chaque génération entre les réalités et les idéaux que l’on doit gérer. Aujourd’hui, on pourrait dire que par rapport à certains idéaux, on a un vécu légèrement différent qui s’assume. C’est le fait de vouloir dire qu’il faut absolument s’en tenir à un idéal de départ que beaucoup appellent « l’esprit de la conférence nationale » qui est totalement contraire à la vérité des choses. Il n’y a eu aucune manifestation officielle pour célébrer cet anniversaire cette année  Je comprends bien ceux qui estiment que la conférence nationale doit être placée au même niveau que l’indépendance et que par conséquent, aussi longtemps que l’Etat organise l’anniversaire de l’indépendance, il doit également organiser l’anniversaire de la conférence nationale. Je comprends aussi très bien ceux qui pensent que les deux évènements ne sont pas de même nature et qu’ils ne peuvent être mis sur le même pied d’égalité. Pour moi, les deux positions se valent. Peut-être qu’aucune manifestation peut nous poser problème mais je n’ai aucune gêne à ce que le gouvernement organise ou pas des manifestations officielles, ce qui compte le plus, c’est que la société et les acteurs infra-étatiques s’en souviennent. C’est un débat ouvert.

Estimez-vous que la conférence a empêché les coups d’Etat ?

Non. Historiquement, c’est plutôt l’arrivée du Président Kérékou en 1972 qui a mis fin aux coups d’Etat. Nous avons eu une dizaine de coups d’Etat de 1963 à 1972 et c’est le coup d’Etat de 1972 qui a stabilisé notre Etat pendant 17 ans. Il n’y a pas eu de coup d’Etat de 1972 à 1989 même s’il y a eu des rumeurs et à l’exception de la tentative ratée de déstabilisation venue de l’extérieur en 1977. Donc pour moi, le premier stabilisateur des coups d’Etat dans notre pays depuis les indépendances a été le coup d’état de 1972. De 1972 à 1989 on était dans un Etat dictatorial et de 1990 à nos jours, nous construisons tant bien que mal un Etat démocratique.

Vous avez publié une tribune sur les coups d’Etat en Afrique de l’Ouest. Pensez-vous que le terrorisme est à la base de cette succession ou il y a des mains extérieures ?

Dans les différents pays qui ont connu des coups d’état militaire, il y a incontestablement une juxtaposition des causes internes et externes. Quand on privilégie trop les causes internes par rapport aux causes externes, il y a une partie de l’analyse qui vous échappe. Par contre, si vous voulez mettre l’aspect externe en évidence, vous aurez les conflits à implications multiples. Il faut donc trouver le juste milieu dans l’analyse. Lorsqu’on évoque le terrorisme, on peut dire que c’est propre au Mali et au Burkina-Faso, mais pas à la Guinée. Dans ces deux pays, l’opinion publique pense, à tort ou à raison, que c’est la France qui manipule le terrorisme pour fragiliser les Etats africains. Les Maliens, par exemple, considèrent qu’au moment où ils faisaient appel à la France, il y avait une dizaine d’années et plus, seul le nord de leur territoire était occupé par les terroristes. Plus de 10 ans après, ces terroristes occupent plus de la moitié du territoire. Autrement dit, la coopération avec la France ne leur a pas permis d’obtenir les résultats escomptés.

Comment entrevoyez-vous la mise en œuvre des prochaines législatives conformément aux nouvelles réformes dont vous êtes l’un des acteurs ?

Les réformes n’ont pas été faites pour être seulement mises en œuvre en 2023. 2023 n’est que l’avant dernière étape avant la mise en œuvre totale des réformes du système partisan. 2023 prépare 2026. L’aboutissement de la réforme du système partisan est l’organisation en 2026 des élections générales. Il y aura en janvier 2026, les élections communales et législatives puis l’élection présidentielle en avril mai de la même année. Sauf que pour y arriver, il fallait réunir certaines conditions préalables. La première a été la prolongation d’un an du mandat des conseillers municipaux et communaux (2020-2026), la prolongation de 45 jours du mandat présidentiel de 2016 à 2021 et le raccourcissement d’un an du mandat des députés élus en 2023 (2023-2026). Mais en attendant les élections générales de 2026, on aura le même type d’élection en 2023 que celle qu’on a eu en 2019, à une différence, c’est que l’opposition a annoncé sa participation et c’est tant mieux pour le renforcement de la réforme. En effet, c’est la preuve que bon an mal an, les réformes sont enfin acceptées par toute la classe politique, qu’il s’agisse de la charte des partis politiques, du code électoral, du parrainage pour la présidentielle et cette fois-ci la douloureuse condition des 10% qu’il faut avoir sur le plan national pour être éligible à la distribution des sièges aussi bien à l’Assemblée nationale que dans les conseils communaux et municipaux. S’ils finissent par accepter ça, ça veut dire que toute la classe politique aura adhéré à l’essentiel des réformes du système partisan qui ont été votées en 2018 et 2019. Ça va être probablement l’avant dernière élection avant la pacification du paysage politique. Vous étiez le rapporteur du dialogue politique en 2019.

Pouvez- vous nous dire que vous étiez conscient que vous écourtiez le mandat des députés ?

Oui, oui ! Bien sûr, de 2023 à 2026, ça fait bien trois ans et non quatre ans. Le député Kassa Barthélemy a demandé de soulever une protestation pour faire savoir que son mandat a été écourté de 3 mois. La seule institution garante de la régulation politique est la Cour Constitutionnelle. Est-ce que la Cour va revenir sur sa position ? Est-ce qu’ils avaient fait valoir leurs arguments pendant que la Cour statuait ? Dans l’esprit de la réforme, il y avait aussi un point important que les gens ne perçoivent pas encore, c’est l’inversion du calendrier électoral. Dans la plupart des pays occidentaux, de vieille démocratie, la présidentielle est organisée avant les législatives. C’est le cas en France et ailleurs. Il en est de même dans les pays africains ; le Sénégal, par exemple, organise toujours la présidentielle avant les législatives, ce qui confère de fait, une primauté au Président sur les députés. C’est lui qui vient choisir à la limite les candidats qui seront retenus sur sa liste. Le Bénin a fait le choix contraire. A partir de 2026, ce sont les députés et les maires qui seront installés les premiers en janvier. Et c’est à eux maintenant de choisir le président qui viendra. Donc, non seulement, on a voulu cela pour revaloriser le rôle des députés et des conseillers communaux et municipaux, mais aussi celui des partis politiques. Donc cette fois-ci en 2026, on verra des députés et des maires avec leurs partis installés et qui vont dire tel est notre candidat pour la présidentielle et normalement ceux qui sont majoritaires à l’Assemblée et dans les conseils communaux doivent pouvoir faire élire leur candidat à la présidentielle. Si en 2026, on a une situation contraire, cela voudra dire que les Béninois auront fait l’option de la cohabitation. Le président du parti Les Démocrates affirme que mettre les élections au 08 janvier n’est pas une bonne idée, comme c’est une période de fête. Je ne sais pas si le Président du parti les Démocrates fête jusqu’au 08 janvier. Pour nous le bas-peuple, dès qu’on a fini le 1er janvier, on reprend nos activités. En fait ce que je lui répondrai, est que c’est une fois tous les 5 ans que cette trêve est demandée acteurs politiques. Ils pourront très bien faire ce sacrifice, j’espère. Désormais, avec les élections générales, nous consacrerons tous les cinq ans, six mois aux élections et quatre ans et demie au développement du pays. Et c’est ce qu’on fait déjà au Ghana, au Nigéria et dans la plupart des pays où les mandats sont alignés.

Quand vous avez ajouté 45 jours au mandat du président de la République, il y a eu un tollé. Et vous craignez aussi le tollé avec la diminution du mandat des députés ?

Oui, oui. Et ce serait légitime. Mais on va continuer de le leur expliquer.

C’est quand même trois mois de salaire ? Vous êtes sûr qu’on n’est pas capable de leur donner une indemnité de trois mois avant la fin de la législature ? Si ce n’est que ça, franchement il n’y aura pas de problème. Je suis sûr que le questeur trouvera un moyen pour faire oublier cela. Moi je craignais beaucoup que les contestations soient liées à l’esprit des textes, à savoir que quand ils étaient élus, ils avaient dit aux électeurs que leur mandat est de 4 ans. Ça m’aurait plus posé de problème que les avantages financiers, parce que vous ne savez pas tous les avantages auxquels ils ont droit pendant qu’ils sont hors session et aussi dans les Parlements régionaux et sous régionaux.

Vous ne vous reprochez pas de n’avoir pas popularisé la constitution que vous aviez révisée ?

Je dois avouer qu’à titre personnel, j’avais un problème avec l’idée de la popularisation de révisions des constitutions. A tort ou à raison. Je me suis toujours laissé convaincre que toutes les fois où on fait la popularisation, cela suscite un débat sur la question de nouvelle constitution ou pas nouvelle constitution. Une nouvelle constitution, c’est une transition constitutionnelle, c’est un vote à l’Assemblée nationale et c’est un référendum. Et toutes les fois où on a fait ça, les gens ont ouvert automatiquement le débat sur la remise à plat du compteur des mandats présidentiels. Ce fut le cas en Côte-d’Ivoire et au Sénégal (en cours) et ailleurs.

Faisons le bilan de Talon. Avez-vous le sentiment que le pays est pacifié, un an après les élections ?

Si vous voulez mon avis, ce que le président de la République est en train de faire est comme une espèce d’irrigation d’une fondation de 5m de profondeur qui aujourd’hui n’en est qu’à un mètre de profondeur ; il lui reste donc encore quatre mètres à atteindre en profondeur : soit il travaille à les atteindre avant la fin de son second mandat, soit il faut se donner les moyens de les atteindre après lui : c’est clair dans ma tête et c’est net.

Qu’est-ce qu’il reste à faire ?

L’acceptation. L’exemple des réformes. Ce n’est pas encore accepté de tous. J’ai dit tout à l’heure que progressivement l’opposition a accepté la fameuse mise en conformité. Ils ont ensuite accepté le parrainage, ils viennent d’accepter la règle des 10% pour être éligibles au partage des sièges en décidant d’aller aux élections législatives ; c’est déjà ça.

Mais est-ce qu’ils ont accepté toutes ces réformes de façon stratégique pour pouvoir occuper les postes ou les ont-ils acceptées de façon sincère, c’est là toute la question ?

Ma conviction, c’est que ces réformes n’atteindront les profondeurs de la fondation que dans 10, voire 15 ans encore. Vous savez, j’étais récemment à un séminaire de formation des jeunes du BR à Ouidah. Sur près d’une dizaine de questions qui ont été posées, 5 ou 6 portaient sur l’avenir des réformes. Je leur ai répondu que le Président Talon « va partir. Ne me demandez pas comment on fait pour que cela se perpétue. Il faut que vous-mêmes, vous vous appropriiez les réformes afin d’en devenir les défenseurs de demain ». Je pense que le président Talon n’est pas dupe. Il sait que dans notre pays, une partie de la classe politique fait le dos rond pendant qu’un président est là, en attendant son départ. Talon sait qu’il partira. Si on reste dans cet état d’esprit d’éternel recommencement, comme on l’a toujours fait depuis 91, les mêmes causes produisant toujours les mêmes effets, on aura les mêmes conséquences.Votre collègue Aïvo est en prison. Cela fait partie de ce bilan. Est-ce que vous avez l’impression que le fait d’avoir mis Aïvo et Madougou en prison, a contribué à la pacification des relations politiques ?Bien sûr que non. Ce n’est pas en arrêtant qu’on pacifie. Par contre, je m’interrogerai sur les raisons pour lesquelles ils ont été arrêtés. Malheureusement, de ma position d’ex Garde des Sceaux, je ne pourrai pas vous livrer le fond de ma pensée.Sentez-vous le “hautement social” qu’a promis le président Talon il y a un an quand il prêtait serment pour son deuxième mandat ?J’avoue que c’est une question hautement politique. Il faut la poser aux députés et aux ministres, bref aux politiques.Mais qu’en dites-vous en tant que citoyen Béninois vivant au Bénin ?Je pense que pour apprécier les réformes sociales, il faut plus de temps que ça. Ce n’est pas seulement au Bénin. C’est dans presque tous les pays du monde que lorsque vous annoncez les réformes sociales, les gens ne les perçoivent pas toujours immédiatement. Dans notre société à nous au Bénin, on a souvent associé le social à la distribution d’espèce sonnante et trébuchante. On a applaudi le président Yayi Boni parce qu’on considère qu’il était très social notamment à travers le programme de micro crédit aux plus pauvres.J’ai noté que les programmes de micro crédit ont repris avec de nouvelles formes intégrant les critiques qui avaient été faites au président Yayi Boni. Vous savez, il y a un programme social dont on ne parle pas assez. Moi j’ai un ami qui m’a dit que quand il a aménagé dans sa maison, il n’y avait pas d’électricité. Et quand il s’était adressé à la Sbee on lui avait fait un devis de 2millions qu’il n’a pas pu payer, évidemment. Mais avec les programmes d’électrification universelle, les frais de raccordement au réseau électrique est passé de deux millions à 96 millions. Pour cet ami-là, Talon restera le Président le plus social de tous les présidents. Donc je pense qu’il y a plusieurs façons de faire le social. Comme je le dis souvent, l’un des problèmes du président Talon, c’est sa normo-communication qui fait qu’il n’accompagne pas systématiquement ce qu’il fait d’explications, alors qu’en politique, c’est extrêmement important d’expliquer. En politique, vous pouvez mal faire mais quand vous faites une bonne communication autour, ça passe comme une lettre à la poste et a contrario, vous avez beau très bien faire, si vous ne faites pas la communication qu’il faut, ça devient un fiasco. Et je pense que sur beaucoup de points, c’est le reproche qu’on peut faire à l’exercice de Talon et même les efforts récents du porte-parole Houngbédji ne sont pas encore parvenus à faire oublier cela. Revenons à la cherté de la vie….Si je suis bien l’actualité, c’est partout dans le monde la cherté de la vie. J’ai découvert dans les médias qu’au Togo, le Président Faure Gnassingbé en actant la cherté de la vie, a promis à ses concitoyens un prêt d’un mois remboursable sur douze mois pour affronter le problème. Donc cette cherté est une crise mondiale et chaque pays essaie de la gérer au mieux comme il peut. L’année dernière, ce n’est pas de cherté de la vie qu’on parlait. On parlait d’insuffisance alimentaire. A ce moment-là, le gouvernement avait décidé d’empêcher la sortie par les frontières nord du pays de certaines récoltes. Mais je pense que le président étant un ultra libéral, il ne faut pas attendre de lui une régulation intempestive du marché. Il serait plutôt pour laisser le marché chercher son propre équilibre, s’auto-réguler. Il y a une exposition en cours à la présidence à la suite du retour des 26 œuvres. On y a vu des rapprochements entre le président Talon et Zinsou, puis le président Talon et l’ancien président Soglo. Comment appréciez-vous ces rapprochements ?Vous devez déjà deviner ma réponse à cette question. Quand on a commencé le dialogue politique en 2019, nous avions souhaité que ces choses arrivent. Aujourd’hui, le premier ministre Zinsou a accepté de renter, en plus de la plus belle manière, par le même vol que le président de la République… Moi je ne peux que m’en réjouir. Ça participe de la pacification de la vie politique. Et je pense que c’est une très bonne chose de voir ces images du président Soglo et du président Talon, ainsi que du Président Talon et du premier ministre Zinsou. Je formule le vœu que cela se poursuive. Si j’ai bien compris l’attitude du président de la république, c’est « oui je suis ouvert à tous ceux à qui les réformes ont créé des dommages. Et non je ne suis pas ouvert à ceux qui ont été compromis dans une mauvaise gouvernance ». Si c’est cela la ligne rouge de démarcation, je crains que ceux qui sont encore en prison parce que condamnés par la justice pour des faits de gestion des institutions étatiques, on ait beaucoup de mal à régler ça maintenant. Quelles peuvent être les implications d’une telle réconciliation ainsi amorcée entre Talon et Zinsou, d’une part, et entre Soglo et Talon, d’autre part, sur la scène politique nationale ?Mon opinion, c’est que le rapprochement avec le Président Soglo va renforcer le pouvoir en place et affaiblir un peu plus la Résistance. Par contre, le rapprochement avec le Premier Ministre Zinsou, j’ai plus de mal à faire le lien avec la classe politique nationale. Je ne reprendrai pas à mon compte la formule malheureuse de Komi Koutché, loin s’en faut. Ce qui est vrai, c’est que je suis vraiment incapable de dire s’il est membre d’un parti et donc s’il appartient toujours à la classe politique béninoise. Je sais juste qu’après l’élection de 2016, il a pris ses cliques et ses claques et est retourné s’installer en France et que même son procès avait eu lieu en son absence. Que pensez-vous de cette réaction de Komi Koutché qui qualifiait de Lionel Zinsou d’un objet volant non identifiable sur la scène politique nationale ? Je ne sais pas pourquoi il a dit cela. C’est vrai que ça semble un peu bizarre parce qu’il a été son Directeur de campagne. Mais j’ai comme le sentiment que c’est l’expression d’une frustration. Je ne suis pas affirmatif mais peut-être que Zinsou ne l’a pas informé et que s’il ne l’a pas fait, il a pu en être frustré. Je le dis sous toutes réserves parce que je suis incapable de dire quoi que ce soit sur l’état de leurs relations depuis la présidentielle de 2016. Après, quand on est un responsable politique, il faut aussi apprendre à contenir ses frustrations. Vous savez, les responsables politiques ont tellement d’obligation que, quand ils veulent parler, on leur recommande de se taire. J’ai le sentiment que sur ce coup-là, Komi Koutché n’a pas pu contenir ses frustrations.Des initiatives se multiplient sous Talon pour mieux combattre la corruption avec la récente création d’une cellule à la présidence ?Si les citoyens se l’approprient et préfèrent aller se plaindre là-bas, ça aura été un succès mais si les citoyens l’analysent comme étant inutile, ils n’iront pas se plaindre là-bas et ce sera un fiasco. Vous savez, moi sur les réformes politiques, j’ai fini par adopter une attitude pragmatique : elles se valent toutes à condition d’avoir la capacité de se remettre en cause quand elles ne réussissent pas, c’est-à-dire faire des évaluations à mi-parcours pour voir si le chemin parcouru est concluant ou pas. Mais c’est ne pas essayer du tout qui n’est pas courageux, qui n’est même pas politique. Politiquement, on est toujours à la recherche de la meilleure gouvernance possible. Donc pour moi cette cellule vient d’être créée, attendons de voir dans un an ou deux. Vous êtes un résident de la commune d’Abomey-Calavi dans laquelle plusieurs dossiers de mafias foncières éclatent depuis peu avec des incarcérations en série de plusieurs personnalités et autorités locales. Comment vivez-vous cette situation ?Je pense que c’est malheureux pour l’image de la commune en même temps que c’est une bonne chose pour la bonne gouvernance dans la commune. Tous les trois premiers Maires de la Commune, de Dravo, Hounsou-Guèdè et Bada une bonne chose ont tous séjourné en prison pour mauvaise gestion. C’est un message fort envoyé aux gouvernants de la commune en leur rappelant que même des années plus tard, la mauvaise gestion rattrape toujours. Vous vous réjouissez aujourd’hui de n’avoir pas été élu maire ?Non pas que je me réjouisse, mais c’est une belle revanche de l’histoire, moi que tous ces trois Maires avaient battu en 2015. Donc de temps en temps ce type de retournement de l’histoire fait plaisir.L’université d’Abomey-Calavi où vous officiez en tant que maitre de conférences, a aussi connu de nouvelles réformes qui ont conduit à l’avènement de nouveaux responsables internes. Comment appréciez-vous le travail qu’ils abattent depuis qu’ils ont été installés ? Là aussi, les réformes ne sont pas encore allées en profondeur et il faudra encore un peu de temps pour cela. C’est clair aussi que certains gouvernants actuels de l’université se plaignent de ne plus avoir la maitrise de leurs budgets ou encore des processus décisionnels à cause des conseils d’administration et je les entends. Ils ont le sentiment d’être totalement dépouillés de leurs prérogatives, ce qui n’est pas faux. Mais une fois de plus on revient à l’esprit des réformes et à la fin de leur premier mandat on va faire une évaluation pour voir si c’est bon ou pas. Et si on constate que ce n’est pas bon on sera capable de revenir là-dessus. En ce qui concerne les cas de fraude, à partir du moment où il y a des tricheurs étudiants, c’est qu’ils sont en complicité avec d’autres acteurs et les acteurs de l’université ne sont pas illimités. Il y a plusieurs années en arrière, il n’y avait aucune sanction, aujourd’hui, il y a des cas d’emprisonnement ; on a arrêté récemment, des doyens donc je pense que les meurs avancent et il faut s’en réjouir. Au niveau des enseignants, c’est pour moi la pire des situations. Si l’enseignant lui-même s’adonne à des pratiques de fraude pour évoluer dans sa carrière, ça devient désespérant. Le CAMES a eu raison de prendre des sanctions qui sont regrettables pour les uns et positives pour les autres. Et comme je le dis toujours à ceux qui ont contesté ces décisions de sanction, c’est au conseil des ministres composé de 17 ministres de 17 Etats différents qu’il faut s’adresser ; pas à la presse, pas aux réseaux sociaux, pas aux étudiants et surtout pas à leurs collègues. Au conseil des Ministres du CAMES, les décisions se prennent à l’unanimité. C’est ainsi que le Ministre de l’enseignement supérieur du Togo s’est retrouvé à adopter des sanctions contre son propre collègue, le Ministre des Affaires étrangères, Robert Dussey Ça veut dire simplement que le CAMES a fait l’option de valoriser davantage encore les ressources humaines, plutôt que de les laisser se salir par des pratiques totalement inacceptables. Nous sommes des éducateurs et si on veut que les enfants nous ressemblent, il faut qu’on leur donne de bons exemples. Si les enfants ont le sentiment que les enseignants eux-mêmes trichent, pourquoi voulez-vous leur interdire de tricher ? Ex acteur politique et responsable de parti politique, Victor Topanou se consacre aujourd’hui essentiellement à des travaux scientifiques et à sa fonction d’universitaire. Dites-nous vous avez définitivement quitté le terrain politique ?Ah oui, pour l’instant, je m’y sens mieux sans. C’est une option. Que pensez-vous de la situation en Ukraine ?Cette crise m’inspire un sentiment profond d’injustice. Les rapports de force entre l’Ukraine et la Russie sont peut-être de 1 à 1000. Et décider comme cela de faire la guerre à un pays de 45 millions d’habitants me semble profondément injuste. Je fais partie de ceux qui n’acceptent aucune circonstance atténuante à la Russie et nous sommes rares. Sur les réseaux sociaux et dans la presse, j’ai vu tout un discours de légitimation de cette guerre où l’on soutient que la Russie avait raison de la faire ; dites-vous qu’aucune de ces raisons ne tient la route. Simplement parce que, même si l’Ukraine était l’ennemi numéro 1, il n’y a personne, et je dis bien personne pour lui déclarer la guerre parce qu’elle est une puissance nucléaire, la première ou la deuxième au monde, avec toutes les composantes, sol-sol, sol-mer, mer-sol, sol-air. Personne ne peut faire la guerre à la Russie. Et la Russie ne le sait que trop bien. Il en est de même des Etats-Unis. Malheureusement, dans les relations internationales, il y a beaucoup de non-dits. Lorsque les Américains ont voulu faire la deuxième guerre d’Irak, comme Poutine l’a rappelé, ils l’ont fait contre la volonté des Nations Unies qui ont voté une résolution contraire. Pourtant, ils l’ont faite. Mais on n’a pas dit à l’époque, pourquoi ils l’ont fait. Or c’est l’un des éléments de la crise actuelle aussi. Vous savez, contrairement à nos pays africains, les armées occidentales, y compris russes, sont soutenues par ce qu’on appelle un complexe militaro-industriel. Or la Russie n’a plus fait de guerre depuis 1945 et de 1945 à aujourd’hui, elle a accumulé des centaines et des milliers d’armes qu’il faut bien se donner les moyens d’expérimenter un jour ou l’autre. Car vous avez beau avoir toutes les armes, si vous ne les utilisez pas une fois, vous ne saurez pas si elles sont réellement efficaces. Aujourd’hui tout le monde parle des conséquences des armes nucléaires, parce qu’il y a eu Nagasaki et Hiroshima. Dans mon esprit, il est clair que la Russie voulait cette guerre pour tester ses nouvelles armes et faire une démonstration de force. Malheureusement aujourd’hui, ce sont les ukrainiens qui sont les cobayes, comme ce fut le cas des Irakiens hier. Malheureusement, ce n’est que ça, les relations internationales et c’est son côté parfois cynique, dur et inhumain.Il y a par ailleurs le djihadisme qui se développe à nos frontières, qu’en dites-vous ?C’est mineur aujourd’hui par rapport à toutes les bombes que la Russie est en train de larguer sur l’Ukraine. Cet évènement vient relativiser les choses, comme le disait un ami, jusqu’à la veille de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, on ne parlait du Covid, mais aujourd’hui, plus personne n’en parle ; on ne parle plus que de la guerre en Ukraine. Il en est de même, chez nous en Afrique depuis peu. Plus personne ne parle du terrorisme, alors que cela nous a totalement occupé ces derniers mois. C’est comme ça, malheureusement.

Expérience TEBE, nouveau président du parti Mouvement populaire de libération (Mpl) ‘’Sous L’Arbre à Palabre’’: «Le MPL n’a encore rien vu de social sous Talon»

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Le nouveau président du parti Mouvement populaire de libération (Mpl), Expérience TEBE

Le « hautement social », socle de la nouvelle mandature du Chef de l’Etat Patrice Talon, peine à prendre de l’envol. C’est du moins le constat fait par le Président du Mouvement Populaire de Libération (MPL), Expérience Tèbè, malgré les efforts consentis par le Gouvernement et son chef pour alléger la crise qui sévit au Bénin. « Nous aurions voulu voir notre gouvernement réagir plus promptement avec des mesures concrètes face à cette situation. Ce que nous tardons à voir alors que nous attendons du hautement social », déclare-t-il lors de son passage dans la rubrique phare de L’Evénement Précis, Sous L’Arbre à Palabre, le dimanche 11 juillet 2021. Au cours de ces échanges avec les journalistes, l’invité n’a pas manqué de donner des nouvelles sur la santé de son parti, les raisons de son absence à la dernière présidentielle, la désignation de Paul Hounkpè comme chef de file de l’Opposition et bien d’autres sujets qui défraient l’actualité.

Et si on en parlait

Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a eu une vague d’arrestations il y a quelques jours à l’ANaTT. Est-ce que c’est la preuve de la lutte du gouvernement pour la bonne gouvernance selon vous ?
C’est avec un cœur serré que j’aborde en ce moment cette question qui anime l’actualité nationale, où un jeune cadre se voit plongé au milieu d’un scandale qui pousse tout le monde à l’étonnement. Mais de là à demander si c’est une preuve de la lutte pour la bonne gouvernance, je dis que cela ne suffit pas. Parce que sous le régime précédent, on a vu même des ministres, des DG, aller en prison pour des questions de détournement dans le cadre de cette lutte-là. Mais cela n’a pas suffi pour qu’on dise que ce régime a eu la palme d’or de la lutte pour la bonne gouvernance. Je ne vais pas dire que c’est un épiphénomène. Seulement, la situation précise, puisque c’est de l’ANaTT que vous parlez, me dérange un peu parce qu’il s’agit d’un jeune. Vous savez, j’interviens ici en qualité de responsable d’une formation politique qui se réclame de la jeunesse. Et de notre côté, le changement que nous souhaitons au niveau de la gouvernance dans le pays, nous voulons que les jeunes soient plus associés à la gestion de l’Etat. Nous voulons qu’aux postes de responsabilité que ce ne soit plus les mêmes personnes. Mais si l’occasion est donnée à certains jeunes qui, au lieu de montrer le bon exemple, vont s’empêtrer dans des scandales du genre, vous comprenez ma difficulté à parler de cela. Et moi je profite pour inviter tous les jeunes qui ont eu la chance d’être nommés à des postes de responsabilité qu’ils ont l’impérieux devoir de bien se comporter. Qu’ils fassent de sorte à être les meilleurs afin de permettre à d’autres jeunes d’avoir également la possibilité. C’est important pour nous et surtout pour moi personnellement. Parce que jeune, j’avais occupé des postes de responsabilité dans l’administration publique. Si aujourd’hui, je me plais dans ma peau d’opposant au régime, c’est parce que je n’ai pas de casserole. Parce que, ces questions-là, lorsqu’on est jeune, il faut être très prudent quand on vous confie la gestion. Ce qui me dérange dans cette affaire aussi, est que la structure concernée a un conseil d’administration et un ministre de tutelle. Je ne comprends pas comment on a pu laisser faire pour que la situation ait pu durer autant et soit aussi profonde. De toutes les façons, ils sont au niveau de la justice et les responsabilités seront situées. Mais pour ma petite expérience, je pense que si les structures de contrôle faisaient leur travail en amont, il n’y aurait pas autant de gap. Par exemple, ce qui choque les populations, c’est la question des 34millions de boissons. C’est certainement inscrit dans leur budget. Et ils font ça chaque année. Et le conseil d’administration n’a pas vu cette irrégularité, encore moins le ministre de tutelle et cela passait et a pu faire 5ans avant qu’on n’en parle maintenant. C’est cela qui est regrettable pour nous. Il faut qu’à tous les niveaux les structures de contrôle travaillent en temps réel pour que les situations du genre ne perdurent. Ce n’est qu’à ce prix qu’on pourra parler de bonne gouvernance.

Pourquoi le MPL a disparu juste avant les élections présidentielles ?
On n’a pas disparu. C’est que l’opinion était habituée à la fougue des jeunes du MPL, aux déclarations. Vous savez, dans la vie, il faut évaluer ce que vous faites et réajuster à temps. Sinon vous irez dans le décor. Tirant donc leçon des législatives de 2019, après les communales de 2020, pour aborder le virage de 2021, la direction du parti a défini un certain nombre de stratégies. Parce qu’on s’est retrouvé sans élu pour avoir de parrain. Donc pour pouvoir régler cette question, parmi les stratégies qui avaient été retenues, c’était d’éviter les déclarations à l’emporte-pièce et de travailler en sourdine pour aller toucher la situation de parrainage. Donc, la priorité était de travailler pour obtenir ces parrains-là. Alors, après les communales, nous avons saisi les deux partis qui détenaient les parrainages pour pouvoir entrer en discussion avec eux. Malheureusement, ils sont rentrés dans le dilatoire pour ne pas créer le cadre de discussion qu’il faut pour obtenir cela.

Cela vous a empêché d’aller aux présidentielles….
C’est ce qui s’est malheureusement passé. C’est la seule chose qui nous a bloqués. Et nous avons évité d’étaler à la place publique tout ce que nous avons fait dans ce sens. Parce que nous avons eu à discuter avec les élus individuellement. Nous avons entendu des choses.

Et qu’est-ce que ces élus-là ont dit ?
Nous avons eu des promesses de certains élus qui à la dernière minute ont tous désisté.

Par peur ?
Je ne sais pas. Vous leur poserez la question après.

Votre parti a suivi les secousses de la présidentielle du 11 avril 2021. Selon vous, y avait-il eu exclusion de certaines candidatures ?
Tout le peuple béninois dans son entièreté a vu qu’il y a eu exclusion programmée de certaines candidatures. Et ça, il faut avoir le courage et l’honnêteté de le dire. Nous avons perçu ça dès lors qu’au niveau de l’Assemblée nationale, l’opposition n’a pu participer aux élections législatives en 2019. En 2020, après cette situation de 2019, il y a eu un dialogue qui a accouché d’une révision du code électoral, de la constitution, instituant désormais le parrainage qui est une pièce maitresse pour aller à la présidentielle. C’est alors que pour anticiper sur cette situation que nous avons vécue, nous nous sommes battus des pieds et des mains pour pouvoir participer aux communales. C’est justement à ce niveau que nous n’avons pas été compris par beaucoup. Notre position à l’époque était simple. Nous avons estimé qu’on nous a déjà imposé le code électoral. La constitution l’a déjà rendu obligatoire. On n’avait plus de marge de manœuvre. La seule marge de manœuvre qui nous restait, c’était de répondre présent aux communales, avoir des maires pour pouvoir participer en toute tranquillité aux présidentielles. C’était notre position. Parce que nous avons déjà vu le mal venir. Si nous-mêmes, on ne détient pas des maires, tout peut arriver. Finalement vous avez vu tout ce qui s’est passé.

Pendant que le MPL n’a pas déposé sa candidature sans le parrainage, d’autres l’ont fait et ont été recalés après. Vous auriez pu poser l’acte et on saura que vous êtes contre les dispositions du code électoral….
Qu’il vous souvienne qu’après le dépôt des candidatures, nous avions tenu une conférence de presse au Chant d’Oiseau pour fustiger les collègues de l’opposition qui sont allés déposer les dossiers. En ce moment encore, nous n’avons pas été compris. Nous savons les dispositions qui régissent les élections à la magistrature suprême dans notre pays. Ces dispositions du code électoral précisent qu’il faut avoir des parrains. Nous (l’opposition) n’avons pas pu avoir ces parrainages. Les autres candidats ont eu le même problème que nous. Ils ont eu des promesses fermes, mais à la dernière minute les gens se sont rétractés. Maintenant que vous n’avez pas eu le parrainage, vous allez déposer un dossier incomplet. Vous rendez la tâche facile à la CENA qui a rejeté le dossier comme étant incomplet. Conséquence, vous avez validé le processus auquel vous n’avez pas réellement pris part. C’est pour cela qu’au MPL, nous avons décidé de ne rien déposer. C’est vrai que les militants tout comme d’autres nous ont mis la pression en pensant qu’en allant déposer, il pourrait y avoir un miracle après ou qu’on s’assèye et dire qu’on va enlever ces dispositions. C’était leur point de vue. Mais c’est faux. Il ne faut pas être dupe. C’est pour ça que nous avions condamné ceux qui ont fait ainsi. Si vous déposez un dossier incomplet, vous avez validé le processus. Nous avions pensé qu’il aurait été plus opportun pour l’ensemble de l’opposition de ne pas mettre pied là-bas, de laisser simplement les candidats de la mouvance y aller et à nous de nous réunir une énième fois pour dénoncer le processus, pour dire : « Voilà, nous sommes exclus, on a institué une disposition de parrainage sachant bien que l’opposition n’a aucun parrain. On nous a dit que les élus de la mouvance peuvent nous parrainer. Ils ont tous refusé, et voilà. C’est ce qui s’est passé. » Nous, nous n’avions pas déposé et nous avons dénoncé ceux qui l’ont fait.

Mais les partis d’opposition tels que FCBE et la dynamique RLC ont eu le parrainage …
C’est des questions douloureuses pour nous. Tout ça relève d’un passé que nous essayons de conjuguer et de prendre toutes nos dispositions pour l’avenir, parce que ne nous voilons pas la face. Le peuple souffre, et je sais que vous le savez autant que nous, que la situation n’est pas du tout reluisante dans notre pays, et il faudrait que nous acteurs politiques qui nous réclamons de l’opposition, qu’on se prenne un peu plus au sérieux. Il est nécessaire qu’on se prenne plus au sérieux afin de corriger le tir.

Voulez-vous dire que les candidats de la FCBE et de RLC n’ont pas été sérieux ?
Non, ça c’est vous qui le dites. Ce que je dis plutôt, je parle de l’opposition en général, sans nommer, pour dire qu’il est important qu’on se prenne plus au sérieux. Il est important que nous puissions regarder de plus près la misère du peuple que nous défendons, que nous puissions nous départir de nos intérêts personnels, de nos égos pour répondre réellement au sacerdoce de défendre les plus démunis, défendre la misère que nous observons, que de faire des jeux de mots. C’est important pour nous au MPL. Et c’est pour ça que nous sommes mal compris de nos aînés et même d’une partie de la population, parce que pour nous ce qui importe, nous croyons en notre capacité à nous organiser et à changer le cours des choses. Pour nous, contrairement à ce qui est véhiculé, la peur, tout le monde est tétanisé, la peur a réussi à gagner tout le monde, et aujourd’hui, on pense qu’il s’agit d’un régime invincible. On ne peut rien faire, il vaut mieux croiser les bras, il faut regarder, non. Nous, nous pensons que si l’opposition se prend plus au sérieux et offre un spectacle plus digne des oppositions qu’on connait ailleurs, on arriverait à changer le cours des choses. Et c’est ce que nous nous préparons à faire les semaines, les mois à venir.

Est-ce que selon vous, c’est les exclusions qui sont à la base des violences électorales ?
Lorsqu’une bonne partie de la classe politique est exclue des compétitions électorales en 2019, en 2021 couronné par ce que l’on sait, comprenez que la somme des frustrations combinée aux émotions de certains peut facilement amener des situations de violences. C’est pour ça que même à la veille des présidentielles, nous avons appelé nos militants à beaucoup de circonspections, parce qu’il ne faut pas qu’on se laisse aller aux émotions. On savait que l’opposition avait perdu d’avance, et qu’en face de la machine qu’on nous imposait, les rapports de force n’étaient pas à notre faveur. Donc, il ne fallait pas aller l’affrontement inutile.

Qui a organisé les violences selon vous ?
Dans cette situation, il est difficile d’indexer X ou Y comme étant auteur de violences. Ce que je disais tantôt, ce sont les frustrations de ceux qui se voient faibles, ceux qui se voient opprimés combinées à une mauvaise lecture de la situation qui ont provoqué ça.

Quelle est votre appréciation par rapport à la tenue de ce scrutin, trois mois après ?
Ce qu’on peut dire, c’est que nous avons perdu une bataille, et pour nous au MPL, nous n’avons pas perdu la guerre. La guerre va continuer en peaufinant nos stratégies. L’Opposition a perdu une bataille. Nous l’avons souvent dit. Ça fait mal parfois, mais c’est la vérité. Nous étant jeunes, on n’est pas dérangé de dire ce que nous croyons être vrai. Si un certain Talon était de l’opposition, et qu’on imposait cette disposition qui exclut là, pensez-vous qu’il n’aurait pas pu obtenir ces parrainages-là ? Honnêtement, nous tous, nous connaissons la vérité. Alors, si nous opposants d’aujourd’hui, on n’a pas pu infiltrer ce dispositif, on n’a pas pu faire exploser ce dispositif comme nous l’avons promis, c’est parce que quelque part, nous n’avons pas été à la hauteur de la ruse qu’on nous a opposée. Pour nous, il faut être honnête et reconnaître ça. On nous a opposé une ruse et tout, on nous a brimés, mais nous n’avons pas été à la hauteur de l’affaire. Pour nous, c’est ça et il faut qu’on tire toutes les leçons et nous organiser pour que ça ne nous arrive plus.

Qu’est–ce que le MPL pense des arrestations de Madougou, Aïvo et autres qui sont des acteurs de l’opposition ?
D’abord, dame Réckya Madougou a été arrêtée le 3 mars 2021, et déjà le 4 mars, nous sommes la première formation politique à réagir par un communiqué, fustigeant cette arrestation. Nous avons trouvé que quel que soit ce qu’on lui reprochait, dans les circonstances où ça se produisait, cela n’était pas de nature à favoriser la paix, et que ça pouvait créer des situations conflictuelles. Nous avions publié ce communiqué avant même que le parti qui voulait la présenter ne réagisse bien plus tard. Nous avions demandé que diligence soit faite au niveau de la justice pour qu’on expose les faits de façon claire, et que très vite elle recouvre sa liberté et sa famille, parce que nous on a pensé qu’on a besoin de tous les enfants du pays pour apporter leurs petites touches à la construction de la Nation. Aujourd’hui, les choses sont lancées, ça traine. Il y a eu d’autres arrestations. On évoque des faits suffisamment graves dont on n’a pas connaissance, même les avocats des intéressés n’ont pas accès au dossier. Vous convenez avec moi que nous devons prendre un peu de retenue pour aborder cette question.

C’est-à-dire que des militants MPL n’ont pas été arrêtés ?
Nous avons quelques-uns.

Que leur reproche-t-on ?
Je suis peiné de l’avouer, mais nous avons été les pionniers surtout en 2019 dans la contestation violente qu’il y a eue. La main-d’œuvre, les stratégies, tout ce qui s’est passé, c’est nous. Mais après cela, on a fait le point. Nous avons trouvé que ça a été contre-productif. Nous avons perdu en face de la machine qu’on nous a opposée. Et c’est depuis lors que nous avons pris un peu de recul par rapport aux revendications violentes. Certains parmi nous continuent de croire que c’est la voie à suivre. C’est ainsi que de façon isolée certains parmi nous ont posé des actes qui, malheureusement ont fait que aujourd’hui, nous avons des gens en détention et d’autres en exil.

Donc vous ne répondez pas de ces actes ?
Non. On ne peut pas répondre de ces actes puisqu’il s’agit d’initiatives personnelles. Parce que nous, responsables du parti avons appelé nos compatriotes à s’abstenir de poser certains actes. Lorsque nous sommes venus aux encablures de la présidentielle, nous avons saisi les autres formations politiques de l’opposition. Il y avait le Front pour la restauration de la démocratie, Les Démocrates et toutes les entités de l’opposition. On les a contactés aux fins d’échanger pour adopter une conduite commune en face de ce qui voulait se passer. A cette rencontre, le président Houdé a répondu dans les 24h. Il y avait tous les responsables des organisations. Nous leur avons dit ceci: « Nous, nous avons épuisé nos cartouches. Nous savons aussi que la solution ne peut être que dans la concertation et dans l’ensemble. Nous sommes relativement les plus jeunes. Ce que nous voulons, sans rentrer dans la stratégie de ce qui veut se passer, nous nous mettons à la disposition de l’ensemble de l’opposition pour être solidaire de tout ce qui va se passer. Donc en prenant la décision de faire quoi que ce soit, informez-nous quelques heures à l’avance. Dîtes-nous le rôle que vous souhaitez que les jeunes jouent et nous, on se met en ordre. Nous sommes prêts à tout. Mais malheureusement, on n’a pas eu de retour de ce qui est à faire. Donc la veille des élections, on a demandé à nos militants de rester chez eux. Parce que nous avons encore en notre sein, les vestiges de 2019.

Juste après les arrestations de Réckya Madougou et autres, il y a eu un calme plat dans le pays. Est-ce que ça n’explique pas que quelque chose s’est passé ?
Nous, nous ne sommes pas surpris par cette situation. Nous l’avons dit, en politique comme partout ailleurs, lorsque les rapports de forces ne sont pas en votre faveur, vous faites attention aux actes que vous posez. Si on engageait une contestation violente, est-ce que ce serait en notre avantage ? En réalité, ces arrestations ont davantage instauré la peur au sein des populations. Ce qui a amené les gens à se rétracter dans leur coin. Déjà les gens ne trouvent pas le minimum qu’il faut pour survivre. Et maintenant vous leur demandez d’aller se retrouver dans les liens de la détention ? Non. C’est ce qui explique le calme plat dont vous parlez.

Selon vous, quel a été le rôle de l’ancien président Boni Yayi dans cette affaire ?
Je ne suis pas son porte-parole. Je ne suis pas de son parti et je ne sais le rôle qu’il a joué.

Vous aviez été empêché entre temps de faire le congrès de votre parti à Tchaourou
Ce sont des questions que nous ne souhaitons plus aborder parce que l’ensemble de toutes ces choses nous a conduit à la situation que nous vivons aujourd’hui. Ce qui nous intéresse aujourd’hui au sein du parti MPL, c’est comment nous en sortir. Si nous ne trouvons pas des solutions à la situation que nous vivons aujourd’hui, d’ici à là, ce serait compliqué. Ce sera un échec pour la jeunesse parce que quand ça devient dur, c’est les plus jeunes qui doivent prendre le devant et dire non. Les ainés ont essayé de faire de leur mieux. Nous ne pouvons pas leur jeter la pierre. Maintenant, si nous ne pouvons pas être capables de nous organiser pour trouver des solutions aux maux qui nous minent, ce serait un échec. C’est ce que nous refusons de permettre et c’est pour cela que nous commençons par nous organiser.
En suivant votre développement, on a comme l’impression que le pays est en crise
Les gens vivent dans des situations de résignation où ils ne peuvent plus dire ce qu’ils veulent exprimer. Pour nous, il y a bien une crise. Il revient à l’exécutif de trouver les voies et moyens de dégel et de ramener au sein du peuple une cohésion, une harmonie et toute chose nécessaire au développement que nous souhaitons.

Que pensez-vous de la désignation de Paul Hounkpè comme chef de file de l’opposition ?
Nous avons été surpris par cette désignation, au même titre que le peuple béninois, de voir un décret pris par le conseil des ministres pour nommer Paul Hounkpè comme chef de file de l’opposition. Un chef de file de l’opposition doit se faire reconnaitre dans un travail de discussion avec les partis de l’opposition. S’il est vraiment chef de file, il doit pouvoir réunir toute l’opposition, échanger avec elle, définir les stratégies idoines pour sortir de la crise dans laquelle nous sommes.

Vous voulez dire qu’à aucun moment Paul Hounkpè n’a pris contact avec vous ?
A aucun moment mais je le dédouane d’une chose. Quand nous tenions notre conseil national il y a quelques semaines, nous avions invité tous les partis politiques de l’opposition et il s’est fait représenter.

Vous attestez qu’à la dater d’aujourd’hui, il n’y a eu aucune relation entre le chef de file de l’opposition et le MPL ?
Aucune relation.

Vous pensez qu’il n’a pas la caution de ce qu’il fait ?
C’est ce que vous comprenez. Même si Paul Hounkpè bénéficie d’une certaine légalité, nous savons tous que la légitimité n’y est pas. Qu’est ce qui lui a permis d’être nommé chef de file de l’opposition ? Est-ce que l’opposition a réellement été aux dernières élections ? C’est des réponses que nous connaissons mais pour nous, il est inutile de nous attarder sur ces questions parce qu’elles ne nous apporteront rien. Ce qui nous importe aujourd’hui, c’est les échéances de 2023. Nous sommes souvent à l’avant-garde des situations. La clé de la situation dans laquelle tout le peuple s’est empêtrée est les législatives de 2023. Et pour ça, l’opposition doit se préparer dès à présent, se donner les moyens de ne plus être brimée de quelque manière que ce soit sinon, la situation va perdurer.

Lors de son investiture, le chef de l’Etat a appelé à faire taire toutes les querelles et à faire face à l’ennemi commun qu’est la pauvreté. Qu’en dites-vous ?
Il est dans son rôle. Il lui revient de trouver solution aux problèmes que nous rencontrons. Mais, il a beaucoup à faire pour pacifier le pays, à réunir le peuple béninois toutes tendances confondues pour qu’on puisse se refaire confiance, espérer se mettre sur les rails du développement que nous souhaitons.

Le président Talon a également promis faire du hautement social
Nous attendons toujours.

Donc il n’a pas encore commencé ?
Nous n’avons encore rien vu de social. Plus encore ces jours qui passent où il y a une inflation des prix de produits de première nécessité et une cherté sans précèdent du cout de la vie. Et il n’y a encore eu aucune réaction conséquente de la part du gouvernement. Même si c’est une situation qui dépasse les frontières, nous avons vu ailleurs des actions qui tendent vers le social. Nous aurions voulu voir notre gouvernement réagir plus promptement avec des mesures concrètes face à cette situation. Ce que nous tardons à voir alors que nous attendons du hautement social.

Qu’attendez-vous à voir comme mesure ?
Il y a une panoplie de mesures

Mais il y a l’interdiction de l’exportation des produits vivriers…
C’est une mesure basique et c’est ce qui est fait à chaque situation. Nous sommes tout le temps sur le terrain. J’ai vu au niveau de certaines zones frontalières, les dispositions qui ont été prises pour éviter que les produits vivriers aillent vers l’extérieur. Mais, ce n’est pas encore ce qu’on veut. Cette mesure à elle seule ne suffit pas pour endiguer la situation que nous vivons. Nous avons quelques contributions à faire par rapport à cette situation et un comité est mis en place pour réfléchir sur cette contribution. La situation est grave, le peuple souffre réellement et il faut agir. Nous ne sommes pas au pouvoir. Il y a une équipe qui est là et qui prend les décisions. C’est sur les questions politiques qu’ils sont imperméables et il ne faut pas que nous, partis politiques de l’opposition, chantions tous les jours pour dénoncer les problèmes du code électoral, de la charte des partis. Il faut penser au quotidien des Béninois, quitte à eux d’aviser ou non. Nous avons constaté que la classe politique de l’opposition ne critique que sur les aspects liés à la politique.

On dirait que quelque chose a changé dans votre vision d’opposant ?
Cela m’amène à vous rappeler la première recommandation issue de notre conseil national : le parti reste profondément ancré dans l’opposition dans laquelle elle est née, suivant les orientations du congrès de Savè, le parti reste dans l’opposition. S’agissant des changements auxquels vous faites allusion, quand on fait quelque chose, il faut faire le point en avançant. Nous avons expérimenté des méthodes qui n’ont pas connu des résultats. Aujourd’hui, nous avons décidé d’aller plus en profondeur des situations. Ce n’est pas par la violence que nous pourrons obtenir des résultats. Une chose est sûre : nous ne pouvons rien obtenir sans dialoguer. En premier, nous avons souhaité que le chef de l’Etat discute avec toute la classe politique. Nous l’avions dit à l’époque mais il y a des chefs de partis d’opposition qui ne voulaient pas l’entendre de cette oreille parce que selon eux, on ne discute pas avec un dictateur et on ne peut aller aux élections avec lui. Maintenant que tout a pourri, il faut qu’on s’asseye pour parler. Ce que nous pensons, c’est de peaufiner des stratégies qui peuvent nous apporter des résultats.

Une fois réélu, le président a reconduit la totalité de son équipe pour aller plus loin dans les réformes. Qu’en dites-vous ?
Le Chef de l’Etat est dans son rôle. Il est dans son rôle sauf que pour nous, nous avons trouvé ça bien curieux, parce que presque partout dans le monde entier, nous sommes habitués après les élections à ce que les présidents élus recomposent leurs équipes. Parce qu’il y a des gens qui, certainement, n’ont pas donné satisfaction. Ça, c’est à son bon vouloir. Peut-être qu’ils estiment que tous ont donné de résultats, c’est pour ça qu’il les a reconduits. Pour nous, cela importe très peu. La question qui nous préoccupe, c’est le quotidien des Béninois, c’est le chômage des jeunes, c’est la misère, la précarité dans laquelle vivent les Béninois. C’est ça qui nous importe. Qu’il nous règle ces problèmes-là le plus rapidement possible, et qu’on cesse de rester dans les annonces.

A part vos quelques points critiques, est-ce que Talon a fait quelque chose de bien depuis 5 ans ?
Il n’est pas de mon rôle de venir relever ce qu’il a fait de bien. Il y a des gens dans la République qui sont payés pour ça. Et je crois qu’ils le font si bien. Moi, ma préoccupation, c’est les problèmes que je pose et qui n’ont pas encore trouvé de solution. C’est sur ça que je m’appesantis.

Donc la dématérialisation des services administratifs, l’asphaltage et tout ça vous laissent indifférent ?
Non, je ne peux pas dire que ça me laisse indifférent. Nous voulons le meilleur. Par exemple, par rapport à la dématérialisation. C’est une bonne chose. Les gouvernements précédents ont scandé ça. Mais qu’on passe des slogans aux faits, aux réalités et que tout le peuple béninois puisse vivre ces faits qu’on évoque. Par exemple, au niveau de l’ANIP, moi-même j’ai fait l’expérience. On a dit qu’on est dans la dématérialisation, on est dans la célérité, mais les cartes biométriques qu’on demande, j’ai demandé ça depuis des mois, je ne l’ai pas encore obtenue ; d’autres sont dans des rangs interminables tous les jours devant l’agence sans même avoir la chance d’être reçu. C’est de ça qu’il s’agit. C’est-à-dire qu’on laisse les slogans et qu’on passe aux actes concrets. « On a pensé ça, on a voulu ceci, on a voulu ça ». C’est bien beau. Ou « le développement, ça y est. On est en train ». Tout ça c’est beau, mais que les béninois vivent dans leur quotidien les retombées de ces slogans. S’il y a développement, il faut que tout le monde soit heureux, soit content, qu’on rencontre tous les béninois heureux dans la rue. C’est le développement. Si la résilience que le Bénin a pu obtenir en face des effets Covid-19 est effective, que cela se ressente au niveau des béninois. C’est ce que nous voulons, c’est ce que nous demandons. C’est tout.

Quelles sont les grandes recommandations issues du conseil national de votre parti ?
Au premier plan des recommandations, c’est que le parti reste profondément ancré dans l’opposition. Entre autres encore, il a été recommandé de prendre langue avec les autres formations politiques pour amener tout le monde à s’asseoir pour discuter. Il a été aussi recommandé au directoire de prendre toutes les mesures idoines pour la participation effective du parti aux législatives de 2023. Il nous a été également recommandé de demander aux institutions de la République de jouer effectivement leurs rôles. On a vu ces derniers jours le Médiateur de la République qui a commencé quelque chose. Ça fait partie de nos souhaits pour que réellement le dégel de la crise latente que nous vivons soit effectif. Que les rancœurs qui animent les uns et les autres puissent cesser, et qu’on puisse s’asseoir et discuter.

Qu’est-ce qui explique ce changement rapide à la tête du parti?
Pourquoi vous trouvez ça rapide ?

C’est le parti qui a changé le plus rapidement de tête depuis 1990 …
Peut-être oui, parce que c’est aussi le parti qui apportera beaucoup de choses à notre pays. D’abord, c’est le parti sur qui peuple compte beaucoup. Les attentes sont énormes. Et deux, nous sommes convaincus que c’est nous qui allons également apporter des solutions concrètes aux problèmes que nous vivons aujourd’hui. Retenez ceci en résumé : nous, on n’attend pas. Nous avons pris des engagements …

Monsieur Tèbè, j’ai l’impression que Monsieur Korogoné a tué le parti et vous a filé la patate chaude …
Non, pas du tout. Le MPL est plus que vivant. Nous allons continuer par vous surprendre. Tout ce que vous avez observé comme changement au niveau du parti participe d’une stratégie bien mûrie que nous mettons en œuvre. Et aujourd’hui, de façon globale sans même aller dans les détails, ce que je peux vous dire, tout ce que nous avons à faire, c’est faire en sorte qu’en 2023, vous voyez le MPL sur la ligne de départ.

Quel est le statut de Korogoné aujourd’hui au sein du parti ?
Il n’est pas sorti du parti.

Quel est son statut ?
Nous avons le même statut. Nous sommes tous des militants.

Simplement ? Quitter le poste de président pour devenir un simple militant …
Ce n’est pas exactement cela.

Quelles sont les malversations qu’il a commises ?
Non. Il n’a pas commis de malversations.

Etes-vous sûr que demain on ne va pas entendre cela ?
J’en suis sûr. Ça je peux vous rassurer. Il n’y a pas eu de malversations.

Ou il y a eu une crise à l’interne ?
Aucune crise à l’interne.

Mais vous n’avez pas attendu un congrès avant de procéder à ce changement ?
Nous avons suivi exactement les règles de notre parti. Tout ce que nous faisons, nous suivons les textes de notre parti. Nous avons fait ce changement par rapport aux possibilités que nous offrent les textes du parti.

Vous semblez miser sur les législatives de 2023. Or vous êtes un parti qui n’a aucun élu, on ne vous a jamais vu à une élection. Qu’est-ce qui vous donne autant d’assurance ?
Ce que nous regrettons le plus au MPL, c’est notre non-participation aux communales de 2020. Sinon, aujourd’hui, il y a certaines questions qu’on ne poserait plus. Quand on parle de notre participation aux législatives de 2023, c’est beaucoup plus sérieux pour nous que ce que les gens voient. C’est ce qui explique les stratégies qui sont en train d’être mises en œuvre.

C’est pour ne pas disparaître de la carte politique ?
Tout à fait. Ce que vous dites compte beaucoup. Si nous ne participons pas aux législatives de 2023, c’est que nous sommes morts. Alors, si le challenge est à ce niveau, comprenez qu’aucun sacrifice n’est de trop pour qu’on y arrive. C’est vrai, c’est pour 2023, mais ça se prépare maintenant. Vous verrez les jours à venir, nous allons dévoiler la feuille de route du directoire par rapport à tout cela.

Vous allez faire de nouveaux recrutements ?
Des recrutements massifs sont déjà en cours, et il y a de profondes mutations qui vont s’opérer au niveau du parti. Tout ça pour pouvoir simplement tenir les engagements pris depuis le congrès de Savè. Nous ne voulons pas que d’ici à là, on retrouve également ces jeunes qui ont promis faire des miracles, qu’on n’ait pas pu finalement relever le défi. C’est des questions qui fouettent aussi l’égo de certains parmi nous. Il faut qu’on réussisse.

Et s’il vous était donné de conclure cet entretien, que diriez-vous ?
Ce que je dirai surtout, c’est une adresse à l’endroit de la jeunesse de mon pays. Je leur demanderai de ne pas désespérer, de garder espoir surtout de savoir que c’est notre travail quotidien qui va nous libérer. Et qu’il n’y a aucune possibilité de laisser place à la paresse et d’espérer s’en sortir. J’ai constaté que de nos jours, nos jeunes frères s’adonnent beaucoup plus à la facilité. Moi ça me dérange et je veux que la jeunesse de mon pays prenne conscience que nous devons redoubler d’ardeur au travail et que le travail nous aide à relever les défis de notre pays. En tant que responsable d’un mouvement politique, je demande à tous mes compatriotes de s’apprêter pour qu’on se donne la main et relever notre plus grand défi. Je souhaite que la jeunesse de mon pays mette son ingéniosité en œuvre pour pouvoir faire une révolution pacifique qui va amener les jeunes valeureux qui ont des compétences à prendre les devants de la scène et montrer qu’on peut faire mieux autrement.

Carte d’identité: Un ingénieur en politique

Expérience Tèbè est né à Savalou plus précisément à Tchètti, le 12 janvier 1977. Ingénier civil de formation, il est cadre au ministère de l’enseignement supérieur depuis 2002. Tout ce parcours, il l’a fait à Cotonou. Parti de l’Ecole Primaire Nouveau Pont où il fait le CEP, pour le Ceg Godomey où il a eu le Bepc en 1994, il décroche le BAC série D au Lycée Descartes en 1997. A l’université, il fait le génie civil au Collège Polytechnique Universitaire (devenu EPAC), sous l’impulsion de son père. Cadre de l’administration béninoise, celui-ci lui a imprimé des valeurs de rigueur, d’efficacité dans le travail et de loyauté. C’est en 2003 qu’il devient ingénieur en génie civil, Plus tard, il obtient un master en économie des transports et un autre en gestion de projets. Mais il l’avoue lui-même, Expérience TEBE détestait vraiment la politique jusqu’à ce qu’il commence sa vie professionnelle. En tant que cadre au ministère de l’enseignement supérieur, il a surtout supervisé les projets financés par la BID et la BADEA ainsi que d’autres financements arabes pendant un long moment. En 2013, il devient directeur des infrastructures de l’équipement et de la maintenance au niveau de son ministère. En 2014, il entre à l’Agence béninoise des grands travaux comme conseiller technique du Président de la République. L’agence est dissolue en 2016. Secrétaire général du Mouvement Populaire de Libération à la création du parti en 2019, il en devient président en juillet 2021. Quand on lui demande quels conseils il peut donner aux jeunes qui veulent s’engager en politique, il n’hésite pas : « Moi je ne souhaite pas que quelqu’un qui n’a pas l’ambition d’aider les gens et qui n’a pas les reins solides s’aventure à dire qu’il veut prendre position dans la politique. »

Intimité: Une vie d’ascète

Marié et père de trois enfants dont l’aîné est déjà à l’ENAM, Expérience TEBE mène une vie d’ascète. Il dort très peu et mange une fois par jour. Une conséquence de ses années d’élève et d’étudiant assidu et studieux. Son plat préféré ? La pâte et la sauce.

La Rédaction

Présidentielle 2021: La Cour constitutionnelle a réalisé une économie de 21% sur son budget

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Joseph Djogbénou, Président de la Cour Constitutionnelle

La salle d’audience Mgr Isidore de Souza de la Cour constitutionnelle a servi de cadre, ce vendredi 2 juillet, à un séminaire-bilan sur l’élection présidentielle du 11 avril 2021. Cette rencontre a été ouverte par le Président Joseph Djogbénou. Il ressort du point financier fait que la Haute juridiction a réalisé une économie de 21% de l’enveloppe financière mise à sa disposition par le gouvernement.

Jeter un regard sur les activités menées par la Cour constitutionnelle lors de la présidentielle de 2021 et tirer les leçons pour les échéances futures. Tels sont les objectifs visés par les responsables de la Haute juridiction en initiant ce séminaire-bilan. « Nous sommes habitués en ce qui concerne la Cour constitutionnelle à assurer et à assumer les responsabilités qui sont les nôtres, mais l’élection du président de la République du 11 avril 2021 n’est pas à l’image des élections antérieures sous l’empire de la même Constitution puisqu’en 2019, est intervenue la modification de la Constitution, puisqu’entre temps est intervenue aussi la modification du code électoral », a rappelé le Professeur Joseph Djogbénou qui précise que c’est donc un rendez-vous classique, mais aussi un rendez-vous nouveau. Ainsi, les participants venus des autres organes ayant en charge l’organisation des élections ont discuté de comment la Haute juridiction a assuré sa mission constitutionnelle de veille du déroulement régulier de cette élection, de contrôle et de gestion du contentieux électoral, comment elle a articulé cette mission avec les autres organes dont particulièrement la CENA, comment les rapports avec le partis politiques ont noués et entretenus, comment la communication citoyenne a été assurée, quelle est la perception des uns et des autres sur la mission de la Cour constitutionnelle. Quant au président lu Cos-Lepi, l’He. Gilbert Bangana, il a souligné que ce séminaire est utile parce que quand on a la responsabilité de conduire un processus ou d’y être impliqué, l’on est tenu de faire son bilan par rapport à la mission confiée. « La Cour constitutionnelle est en train de s’acquitter d’un devoir de reddition de comptes », s’est-il réjoui. Les participants à ce séminaire-bilan ont suivi deux communications. La Première est axée sur le bilan moral présentée par le secrétaire général, le Docteur Gilles Badet et la seconde s’est penchée sur le plan financier présentée par le Directeur administratif et financier, le Docteur Justin Lokossou. A propos de l’économie de 21% réalisée par le Cour sur l’enveloppe financière mise à sa disposition par le gouvernement, le président du Cos-Lepi a souligné que les équipes de la Cour ont été efficientes et méritent d’être saluées. Même son de cloche chez Valérie Idossou, Secrétaire générale du parti Udbn qui a indiqué que la Cour a bien fait de faire des économies pour l’Etat. Au cours des discussions, le Président Joseph Djogbénou a expliqué aux participants les raisons du non recrutement des délégués de la Cour. Cela est dû à la crise sanitaire liée à la pandémie de la Covid-19. Au terme des travaux, les représentants des partis politiques ont félicité le Président Joseph Djogbénou, les conseillers et toute l’équipe de la Cour pour l’organisation réussie de l’élection présidentielle du 11 avril 2021.

Laurent D. Kossouho

Le Professeur Paulin Hounsounon-Tolin, spécialiste des questions éducatives ‘’Sous L’Arbre à Palabre’’: « Talon n’est pas la cause des problèmes de nos universités, mais…»

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Professeur titulaire de Philosophie à l’Université d’Abomey-Calavi, et dans l’espace CAMES, le Professeur Paulin Hounsounon-Tolin est spécialiste d’analyse des questions éducatives et des missions d’une université. Invité du journal L’Evénement Précis’ il jette un regard profond sur l’état de l’enseignement supérieur au Bénin. ‘’Sous L’Arbre à Palabre de L’Evénement Précis’’, l’enseignant du supérieur fait un diagnostic approfondi des maux qui plongent depuis quelques années, l’enseignement supérieur dans une léthargie et qui n’est pas imputable, selon le Professeur Paulin Hounsounon-Tolin au Chef de l’Etat, Patrice Talon : « Talon n’est pas la cause de nos problèmes, il est venu les trouver. Les problèmes énormes que rencontre le système éducatif béninois, il est venu les trouver. La question est de savoir est-ce que lui le premier citoyen dans ce pays souhaite vraiment mener les réformes qu’il faut. Ou bien lui aussi, veuille-t-il se moquer de notre système éducatif ? », s’est-il interrogé au cours de cet échange à bâtons-rompu avec les journalistes. Les réformes menées dans le secteur éducatif ont également été au menu des échanges avec le spécialiste d’analyse des questions éducatives et des missions d’une université. Sans langue de bois, le Professeur Paulin Hounsounon-Tolin s’est également prononcé sur la suspension de l’élection des recteurs des universités du Bénin, la qualité de l’enseignement, le mode de recrutement des enseignants dans les universités ainsi que les missions des universités nationales. Pour l’invité du journal, « Le doctorat est un diplôme de recherche et non un diplôme pour travailler ».

Et si on en parlait

Est-ce que vous êtes d’accord que l’enseignement supérieur est en crise ?
Tout à fait ! Il est non seulement en crise, mais en plus c’est extrêmement grave. Si rien n’est fait, on court le risque de la fermeture.

Vous êtes l’un des acteurs du système LMD. A l’évaluation, est-ce que vous êtes satisfait de sa mise en œuvre ?
Vous me traitez de l’un des acteurs du système LMD. Cela en étonnerait beaucoup parce qu’on a sur le marché des gens qui se disent spécialistes, mais en réalité vous avez parfaitement raison de me traiter de l’un des acteurs du système LMD. En effet, j’ai été envoyé en mission de formation au système LMD au service des relations internationales de l’université de Limoges en 2004 et au Ministère de l’Education Nationale de Paris en 2004 aussi au mois de février. J’ai été Chef service des Relations Internationales et de la Coopération Universitaire à Parakou. Ensuite, j’ai été ramené de Parakou à l’Université d’Abomey-Calavi où j’ai occupé les mêmes fonctions avec cette différence qu’il y a ce qu’on appelle le groupe de pilotage de la Communauté interuniversitaire francophone de Belgique où j’ai eu à piloter ce groupe. C’est à ce titre que j’avais été envoyé en mission à l’université de Limoges et au Ministère de l’Education Nationale de France et c’était du 9 au 20 février 2004. En ce moment, le Bénin avait l’opportunité de démarrer le système LMD en même temps que la France et les autres États Européens. L’Université de Limoges avait signé un accord en janvier 2003 avec l’Université de Parakou et l’Université d’Abomey-Calavi qui étaient les deux universités nationales au Bénin. En 2004 également, le Président de l’Université de Perpignan Monsieur François FERAL avait effectué une mission au Bénin à l’université d’Abomey-Calavi et il était à la tête d’un réseau de plus d’une trentaine d’universités européennes. Et il s’était engagé à aider le Bénin à entrer dans le système LMD en même temps que les États Européens. L’accueil que le Ministère de l’Education Nationale à Paris, surtout le service des relations internationales m’avait réservé, c’était formidable. Le Bénin étant ce qu’il est, en ce moment, le Vice-président des Relations Internationales de l’Université de Limoges était arrivé en mission au Bénin en 2004. Je me rappelle encore, en ce moment le Bénin avait joué un match contre le Cameroun, et le Cameroun s’était déplacé vers ici et le Bénin a été battu 2-1. Mais un but marqué là, c’était la victoire. On a transformé ça en victoire avec émotion. Le Vice-président disait : « C’est bizarre hein, vous, vous êtes engagés dans une coupe que vous pouvez remporter, c’est ce qu’on peut supposer. L’une des équipes adverses se déplace vers vous, il vous bat et vous transformez ça en victoire. Notre coopération-là, est-ce que vous allez vraiment pouvoir en profiter ? » Quelle est la logique dans tout ça ? Bref, en 2004 au mois de juin à Ouagadougou, avait eu lieu un colloque international organisé par la Francophonie sur le développement durable. Jean-Paul Lecertua et Hélène Dejoux m’avaient demandé de préparer un projet appelé « Mutualisation des moyens au niveau des universités dans la sous-région ». En marge de ce colloque, il y a eu une rencontre de tous les vice-recteurs chargés de la coopération universitaire pour nous aider à entrer ensemble dans le système LMD en même temps que les États Européens. On a tout fait, les rapports sont là. C’est de là, que par la suite ils ont commencé par parler de REESAO (Réseau pour l’Excellence de l’Enseignement Supérieur en Afrique de l’Ouest). Bref par la suite, ce sont les amis, on pense aux primes… J’ai des documents ici. On avait commencé à parler de basculement total dans le système LMD dans deux ans, dans trois ans, etc. C’était également au moment où j’étais Chef de Département, – avant d’être Chef de Filière à l’Ecole Doctorale -, que le processus du basculement dans le système LMD avait démarré et en même temps avec les débuts d’informatisation des résultats des étudiants. Aujourd’hui, des gens qui ne connaissent rien dans rien se déclarent spécialistes du système LMD. Je ne vais pas aller dans les détails parce que si je me suis intéressé au système LMD, c’est grâce à mon directeur de thèse en Sciences de l’éducation, initiateur en France des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM). Bref, notre mentalité de ne pas vouloir programmer et respecter les emplois du temps ne permet même pas le bon fonctionnement du LMD. Si on me programme, parce que je suis occupé (occupé à un autre poste) et que je dois négocier pour qu’on revoie l’emploi du temps, vous voyez que la semestrialisation des cours ne peut pas vraiment marcher.

Donc en bref, le bilan est négatif?
Vous pouvez tirer cette conclusion de ce que je viens de dire parce que d’autres diront que cela a marché, surtout ceux qui mangent dedans correctement. Je peux vous dire que c’est des réunions sur réunions, des commissions sur commissions et il y a toujours des jetons de présence.

Le chef de l’État a récemment évoqué le fait que certains enseignants de l’université sont mal formés. Est-ce que c’est votre avis?
Je sais que vous avez fait l’université et vous êtes Docteur en Sociologie. Comment forme-t-on les enseignants du Supérieur en France ? Est-ce différent de ce qu’on voit ici ? C’est la question. Moi, mon directeur de thèse en Philosophie à Paris I, quand il vient, qu’est-ce qu’il fait ? Ce sont ses manuscrits qu’on lit. Il lit ses cours, les livres qu’il veut publier et on pose des questions. Le problème est que le doctorat est un diplôme de recherche et non un diplôme pour travailler. Je crois qu’on va revenir là-dessus. J’ai fait une thèse sur Sénèque, philosophe de l’Antiquité tardive. Ça ne suffit pas du tout pour être spécialiste de Sénèque. Je dois continuer mes lectures et mes recherches au point de me remettre même en cause. Cette remise en cause c’est avec les étudiants. Je prépare un cours, je viens et à partir d’une question d’un étudiant, je peux remettre en cause le cours que j’ai bien préparé. Donc dans mon entendement c’est ce que je sais, c’est ce que j’ai vu dans plusieurs universités françaises, européennes. C’est après le doctorat, quand on est recruté, que l’enseignant se forme lui-même. Il s’agit de la recherche.

Qu’est-ce que c’est que la recherche à l’Université ?
Ce n’est pas le moment de cette question, mais si on oublie ça, on va dire que les enseignants sont mal formés. Quand moi j’ai été recruté en 2000, l’Etat donnait chaque année un quota pour les contractuels et c’est deux ans. La même année l’Etat donne un nombre pour les professeurs permanents. Pour être recruté permanent, il fallait avoir fait deux ans en tant que contractuel. Pendant ce temps, les professeurs nous « surveillaient ». Les aînés, les enseignants qui sont déjà plus gradés que vous, les Maîtres-Assistants, les Maitres de Conférences, les Titulaires vous notent et vous apprécient. Cela vous donne un peu de la peur au moins et si vous êtes mal noté, vous ne serez pas recruté agent permanent de l’État. Au mieux, on va vous envoyer au CBRST. Mais vous n’allez pas continuer à l’université. Qu’est-ce qui s’est passé et entre temps on a laissé ça et on recrute directement APE. Les enseignants qu’on recrute, les jeunes docteurs qu’on recrute, ils sont directement chargés de cours. Ils font des cours magistraux. Ils se comportent comme des professeurs titulaires. La faute est à qui? Aussi bien à l’État qu’à nous-mêmes acteurs. Celui qui a le doctorat, il a été formé non pas pour enseigner d’abord mais pour la recherche et c’est en partageant sa recherche avec ses étudiants qu’il pourra s’améliorer et être utile à sa nation.

Les enseignants en sciences humaines, quelle est leur utilité pour la nation ?
Il ne faut pas confondre une grande école de formation professionnelle et une université. Et monsieur Pierre G. Mètinhoué avait réalisé un document formidable qui l’expliquait bien : Guide ou Manuel de l’étudiant en Histoire et Archéologie en 1985-1986. Ceux qui sont à Porto-Novo, à l’Ecole Normale Supérieure (ENS), ont des matières que ceux qui sont à la faculté n’en ont pas. Ce qui se passe maintenant où chaque département définit les critères de passage, même dans le système LMD avec mot d’ordre « Le Jury est souverain », c’est inadmissible. C’était très clair, même les professeurs venaient s’asseoir à la délibération pour constater les résultats. Les règles étaient définies pour le passage. Allez à la FLASH, chaque département ne fait-il pas comme bon lui semble ? Pour les délibérations, on s’entend en fonction des cas de chaque enseignant, pour définir les critères de délibération en vue des rachats. Je reviendrai plus loin sur l’utilité des enseignants en Sciences Humaines et Sociales.

Le Chef de l’État pendant sa campagne électorale pour sa réélection disait que son gouvernement mettra en place une stratégie pour évaluer à l’interne les enseignants du supérieur, en dehors de ce que fait le CAMES. Pensez-vous que ce mécanisme est possible aujourd’hui ?
Bon, il est le premier citoyen de la nation. Il a bien réfléchi, je ne sais pas comment il veut procéder. Donc je ne peux pas me prononcer à priori et dire que c’est bon ou que c’est mauvais. Par contre, ce que je peux dire, c’est que s’il va le confier toujours aux mêmes acteurs, ne soyez pas étonnés demain que des maîtres assistants, des assistants parce qu’étant nommés à tel poste, évaluent des professeurs titulaires. Ça c’est possible parce qu’on pense aux rémunérations et aux perdiems. C’est ça le problème qui nous tue. Si c’est bien organisé, je ferai ça avec plaisir. Mais si on le fait à contre cœur et parce que si je ne le faisais pas on va me renvoyer et mes enfants ne vont plus trouver de quoi manger, je vais le faire à contre cœur et cela ne va pas me profiter. Je peux vous donner un exemple. Pour renforcer mes capacités un peu managériales en ce qui concerne la gestion des universités et en management, j’ai sorti de ma poche cinq cents mille francs et j’étais allé voir un cabinet à Cotonou. Il y a une dame et un monsieur. Le monsieur est docteur, mais pas enseignant (du Supérieur), la dame n’a que le DESS. Mais ce qu’ils m’ont appris c’est incroyable. J’en ai tellement appris que je suis devenu ami du cabinet et de la dame. Quel est le problème ? Quand ils vont instaurer ça, ils vont confier ça à leurs amis et qu’est-ce qu’on va faire ? On va montrer à l’autre qu’on connait. Et c’est ce qui nous tue.

Le ministre de l’enseignement supérieur que nous avons reçu ici sur la question s’est plaint de savoir que parmi ses collègues professeurs, il y a des gens qui continuent de trainer des fiches qu’ils n’ont jamais actualisées. On ne se demande jamais si on est performant face aux nouvelles réalités.
Si l’évaluation était bien organisée et qu’on confiait à des gens qui ne vont pas se prendre pour des sages et savants alors qu’ils ne connaissent pas, cela passerait. Avez-vous connu ce qu’on appelle tronc commun ? Avec le tronc commun à l’école doctorale, les gens ne traînaient que le même thème. Nous n’avons pas une mentalité de chercheur et notre mentalité ne s’y prête pas. Si je dirige une étudiante que j’ai envie de la draguer, – ou que j’exige de copeck à un thésard -, et que j’en arrive à bloquer effectivement l’une ou l’autre, comment voulez-vous que cela aille ? Or, certains ont fait l’Europe et savent qu’on ne peut pas transiger avec la vérité scientifique. C’est impossible, et pourtant ! Il faut aussi dire que notre contexte ne se prête pas convenablement à la recherche. La Ministre a donc raison de déplorer cela.

Vous finirez aussi par être évalué par vos étudiants
Il y a un doyen, dont je tais le nom, qui déplorait que des professeurs soient des démarcheurs d’étudiants. Des étudiants qui sont en connivence avec ces professeurs. Si on leur demande de noter les professeurs, n’y a-t-il pas de risque qu’ils notent mieux les professeurs avec qui ils font affaire et mal les professeurs qui sont contre cette pratique ? On doit faire beaucoup attention à ce qu’on veut faire dans le monde universitaire comme au Secondaire sinon, on aura le résultat inverse. C’est mon point de vue. Mais en réalité, toutes les propositions sont bonnes. Il n’y a pas de mauvaises propositions. Savez-vous que le Dahomey était beaucoup plus riche que la Côte d’Ivoire au moment de la création de l’Afrique Occidentale Française ? C’était grâce aux rois d’Abomey qui n’avaient pourtant pas eu à faire des réformes. Il faut de la bonne foi et de la bonne volonté. Comme l’a dit Pirithoüs, un citoyen de bon caractère vaut mille fois mieux que la meilleure constitution du monde. Les gens interprètent la meilleure constitution du monde selon leur intérêt du moment. Le président de la République peut ne même pas demander l’évaluation des enseignants par les étudiants. Si ces étudiants, les professeurs et le gouvernement veulent vraiment changer les choses, ils le feront sans tapage et sans les grands mots qu’on entend.

Dans les actes du colloque en hommage au Professeur Gabriel Boko, vous avez publié un texte sur la nécessité de clarification conceptuelle des aires, objectifs et missions d’une université. Vous pensez qu’il y a une confusion sur ces termes ?
Je pense qu’il y a une confusion à tous les niveaux. Ceux qui sont d’un certain âge savent ce que c’est que le moderne court et le moderne long. Le moderne court concernait ceux qui voulaient aller travailler. Et à ce niveau, il y avait un établissement situé à Sikècodji appelé CADMES qui s’occupait de la formation en dactylographie et autres. Mais, que se passe-t-il aujourd’hui ? La FASHS a-t-elle la même mission que l’ENS ? Une grande école de formation professionnelle est autre chose qu’une université. Je vous donne un exemple. Une université, c’est la recherche fondamentale et pour financer cette recherche, on ne peut pas demander de développer d’abord à quoi servira la recherche et le résultat auquel on doit s’attendre. Je vous donne un autre exemple. Dans les grands magasins, il existe des boites de conserve sur lesquelles il est mis : Champignons de Paris. Si un ingénieur agronome ou géographe développeur veut maintenant savoir le type de champignon qu’on peut cultiver dans le sol de Cotonou, on va lui dire de développer le résultat auquel il doit aboutir. Là, il ne s’agit plus d’une recherche fondamentale. La recherche universitaire fondamentale doit prendre le risque de l’échec et c’est l’échec épistémologique qui fait avancer la recherche. Il creuse, fouille et il constate qu’on ne peut pas cultiver tel champignon mais qu’on peut cultiver telle ou telle autre chose. N’est-ce pas déjà un résultat ? J’ai appris que ce qu’on fait à l’université en termes de notion conceptuelle, c’est pour récompenser les amis. Il y a un monsieur qui vous dira qu’on sera toujours confronté à ces genres de problèmes, si on continue avec le remplissage de l’université. Les gens doivent avoir la liberté de la recherche. Quand je vous donne des textes, vous les publiez et c’est très bien apprécié. Mais, savez-vous combien de textes que j’ai jetés ? C’est comme ce que la dame a préparé. C’est ce qui est prêt qui est servi mais vous n’avez pas idée de ce qui a été jeté. Pour écrire un article, je peux passer tout un mois à chercher les références d’une pensée. Et après publication, un étudiant peut me démontrer que je suis dans le faux. Ceci n’est pas du temps perdu. En 2010, Brice Sinsin à l’époque vice-recteur, à l’occasion d’un colloque, a fait venir un compatriote de Dassa vivant aux Etats-Unis qui est venu expliquer comment les laboratoires américains financent les professeurs d’université. Si je prends l’exemple du champignon, les chercheurs font leurs recherches dans les laboratoires, aboutissent à des résultats et vendent cela aux industriels. Et c’est comme ça qu’ils trouvent de l’argent. Il parait même qu’en France, ce sont les universités qui paient le salaire des chercheurs. Si je prends le cas des Sciences sociales, quelle contribution pouvons-nous apporter au développement du Bénin ? Commençons d’abord par savoir ceux qui sont les intellectuels des Sciences Sociales et des Lettres Modernes du Bénin qui ont apporté leur contribution au développement du Bénin. Il y a Jean Pliya qui, malheureusement, n’a été que Maître-Assistant. Mais, je crois que beaucoup d’intellectuels ne le dépassent pas. Il y a Olympe Bhêly-Quenum qui n’a que la Licence, Paul Hazoumè est un instituteur et n’aurait pas eu le BEPC. Néanmoins, pour être à la hauteur de Kant et des Jean Pliya, il faut au moins aller à l’université. Mais, allons-nous avoir des Kant avec nos doctorats ? Si tant est que le rapport entre formation et employabilité préoccupe tant le gouvernement, pourquoi ont-ils supprimé le DESS et les ingénieurs des ponts et chaussées, etc., ne sont plus considérés comme les plus hauts diplômés de notre fonction publique et on entend souvent parler maintenant de Docteur ? Dans la fonction publique et jusqu’aux années 2000, les diplômes les plus élevés étaient les DESS et diplômes des ingénieurs agronomes, ceux des ponts et chaussées. Aujourd’hui, ces derniers ne sont plus considérés. Aujourd’hui, tout le monde est docteur alors qu’il n’y a rien derrière. Au début des années 2000, on criait BTS qui était vu comme le prototype de la formation qui permet l’installation à son propre compte. Mais, combien de gens formés ont-ils pu être installés à leur propre compte ? Combien de ceux qui ont été formés à Porto-Novo ont été installés à leur propre compte alors qu’on encourage la création des écoles privées de formation des maîtres ?

Donc les universités ne forment pas pour l’employabilité immédiate ?
Mon rôle en tant que spécialiste en Sciences de l’éducation et en Philosophie n’est pas de former les gens pour un métier. Je n’interviens pas à l’ENS. Je leur apprends à réfléchir et même dans le chômage, ils pourront le faire. Je leur apprends ce que les Mathématiciens appellent une solution élégante. Et une solution élégante, c’est la solution la plus simple possible et la plus efficace en même temps. C’est la solution que les chirurgiens appliquent sur les tables des opérations chirurgicales. C’est la seule possible et capable de sauver un patient en danger de mort. Sa simplicité et son efficacité évidente ne laissent aucune place à des discussions. Une solution élégante, c’est la solution la plus simple et la plus efficace, mais il fallait être Jules César pour trouver cette solution sur un champ de bataille, – au milieu même de la mêlée et quand Rome est en danger -, pour sauver Rome. Le plus grand poète que le monde ait jamais connu s’appelle Virgil et c’est un Romain. Et c’est lui qui a redonné naissance à Rome, seulement par ses écrits. Dans le document de l’étudiant d’histoire et d’archéologie de Pierre Mintinhoué, le nombre de matières à étudier est bien indiqué. Ceux qui sont inscrits en histoire doivent suivre un certain nombre de matières. Mais ceux qui sont inscrits à l’ENS ont un bus à leur disposition, viennent suivre toutes ces matières et en plus de cela, quatre autres matières ainsi que des sorties pédagogiques. Ce qui les prépare au métier d’enseignant. Est-ce que moi je suis à l’ENS ? Je n’ai pas pour mission de former au métier de l’enseignement. J’ai pour mission de former à la réflexion et j’ai aussi pour mission de prouver à mes concitoyens que ce que je fais est utile. Pour commencer par écrire dans votre quotidien, j’ai dû l’apprendre parce que le style journalistique et le style d’un essai ne sont pas pareils. Les grands physiciens d’aujourd’hui publient des revues et des essais de vulgarisation : « Qu’est-ce que c’est que la théorie du chaos ? » N’importe quel intellectuel pourrait comprendre cela. Donc, il faut que les autorités rectorales, décanales, ministérielles et même au niveau de la présidence fassent la part des choses. C’est normal de mettre l’accent sur la formation professionnelle tout en sachant que tous ceux qui seront formés ne puissent pas se prendre en charge. J’ai un ouvrage qui prouve que la plupart de ceux qui dirigent les banques allemandes n’ont même pas le Baccalauréat. S’il y a du travail dans le pays, on va se moquer des diplômes. Vous savez combien gagne un balayeur de rue en France ?

A propos des recrutements, que pensez-vous de la note de service portant suspension de sélection des agents de l’Etat par les Conseils scientifiques des UNB, la note du MESRS pour les sélectionnés de 2017 qu’on ne voit qu’en novembre 2020 et l’arrêté rectoral reclassant des fonctionnaires pour l’UAC et qui n’ont jamais pris service ?
Je crois que vous m’avez posé la question en disant qu’une autorité du pays aurait dit que les enseignants sont mal recrutés. Comment comprendre ça là maintenant ? C’est la ministre de l’enseignement supérieur qui avait pris cette note de service suspendant le reclassement, c’est-à-dire que ceux qui sont dans les ministères, ceux qui sont au secondaire, dès qu’ils ont leur doctorat, en principe, s’ils ont eu l’autorisation d’aller préparer le doctorat, pourraient être détachés à l’université. On a mis fin à cela. Ils savent que la note serait toujours en vigueur. Mais en 2017, des gens auraient été détachés parce qu’ayant eu le doctorat pour prendre service à l’université. Mais on ne les a pas vus jusqu’en novembre 2020. Et il y a l’arrêté ministériel de 2020 qui leur demande de fournir les pièces nécessaires. Entre temps aussi, en 2019, il y a un arrêté rectoral signé par le recteur et le vice-recteur, chargé de la recherche académique, qui détache des fonctionnaires soit en service au secondaire, soit dans d’autres ministères, à l’université. A la date d’aujourd’hui, ils n’ont jamais pris service. Dans ces conditions, nous sommes tous coupables et fautifs ou pas ? Et feu Félix Iroko avait bien raison de dire ça. Nous sommes tous coupables dans cette affaire des problèmes de notre système éducatif. Ça ne va pas. Il y a l’un de mes assistants, son dossier n’a jamais été clarifié, et il gagne toujours un salaire d’instituteur, alors qu’il est à l’université depuis des années. Ça fait pleurer ou pas ? Cela n’est pas possible sans notre participation, nous-mêmes enseignants, nous-mêmes étudiants, nous-mêmes jeunes docteurs.

Peut-on alors dire que le recrutement est politisé ?
Qu’est-ce qui n’est pas politisé au Bénin ? Pour être recruté à l’université, pour soutenir sa thèse de doctorat, les conditions de direction et de soutenance restent vraiment à désirer.

Certaines rumeurs circulent sur la suspension des soutenances de thèse à l’Ecole doctorale de la Flash, parce qu’un nombre important de docteurs qu’elle forme sont au chômage. Ces rumeurs sont-elles fondées ?
D’abord, je ne traite pas des rumeurs tout en sachant que les opinions sont porteuses de significations méritant d’être psychanalysées. Je sais qu’elles cachent des vérités. Maintenant, de mon point de vue, votre question comporte deux volets. Un, les docteurs ne sont pas formés pour trouver du travail. Un docteur est formé pour réfléchir. S’il est incapable de réfléchir, ça fait son problème. Il a été mal formé, donc il ne mérite pas le doctorat et les gens se sont entendus pour lui donner le doctorat. Le gouvernement recrute pour la recherche à l’université, le gouvernement ne peut pas recruter tout le monde. Ce qu’il fallait déplorer, est-ce qu’on accorde les mêmes chances à tout le monde dans le processus de recrutement ? Si on pose le problème dans ce sens, je serai d’accord. Mais si c’est sur la base de « qui tu connais ? » et non « qu’est-ce que tu connais ? », ce n’est pas bon. Maintenant, vous parlez de rumeurs, pour fermer. S’il y a rumeurs, c’est que ceux qui devraient fermer ne veulent pas fermer. En lançant des rumeurs, c’est qu’ils demandent à la mafia de tout faire pour qu’on ne ferme pas. C’est simple ! Ceux qui ont leurs intérêts vont se mobiliser pour qu’on ne ferme pas, parce qu’il y a des intérêts en jeu. On parle de rumeurs, c’est parce qu’on ne veut pas fermer. Sinon, l’autorité réfléchit, choisit les gens qu’il faut et mûrit la question et prend une décision. Mais quand des rumeurs circulent, ceux qui ont leurs intérêts en jeu, et qui sont toujours les mêmes, ils vont tout faire pour qu’on ne ferme pas. Il faut qu’on se dise la vérité, et étudiants et enseignants, autorités décanales, autorités rectorales, autorités politiques à divers niveaux. Si le clientélisme ne cesse pas à l’université, on va tout faire, mais on ne va pas avancer. On n’aura pas des universités dignes de ce nom. Il y a un jeune professeur, il y a deux ans comme ça, qui a dit sur la Télévision nationale que le Bénin forme plus de docteurs en géographie que le Canada et la France réunis. On a entendu au niveau ministériel, au niveau rectoral, au niveau décanal, au niveau des professeurs, au niveau des journalistes, au niveau des acteurs sociaux, etc., mais ça a fait quoi à qui ? Est-ce que c’est possible ? Quelqu’un qui a plus de 15 thèses qu’il dirige en même temps, c’est sérieux ça ? Les formations doctorales coûtent 2 à 3 fois plus cher au Bénin que dans la sous-région. Curieusement, le Bénin fabrique plus de docteurs que tous les pays de la sous-région. La norme universelle ne se situe-t-elle pas autour de 5 thèses ? Un collègue vient d’évoquer le cas des études germaniques dont on refuse l’ouverture d’autorisation. On a quand même besoin de quelques docteurs ou non ? Il faut trouver un mécanisme pour former. Comment les gens arrivent à produire tant de docteurs et personne ne cherche à savoir ce qui se passe réellement ?

Visiblement, vous soupçonnez quelque chose …
Je soupçonne ou c’est compte tenu de ce qu’on dit ? Je ne soupçonne rien.

Vous êtes un acteur du système, ce n’est pas le gouvernement qui produit les docteurs …
Je vous ai toujours dit que c’est nous. Reconnaissez quand même que j’ai été honnête en disant que nous sommes tous coupables aux niveaux gouvernemental, rectoral, décanal, enseignant, etc.

Qu’est-ce qu’on doit faire pour arrêter la saignée ?
Je donne un exemple concernant le CAMES. Je crois que c’est avec la promotion de l’année 2019. C’est en février qu’on envoie les dossiers et tout le monde sait que c’est l’Etat qui prend les frais en charge. Et on sait que quand on est admis au CAMES, on connait de reclassement. On a laissé envoyer les dossiers, et après on déclare que les intéressés vont payer eux-mêmes les frais. C’était de l’injustice, mais certains ont payé eux-mêmes. Le même rectorat, l’année suivante, avait envoyé au CAMES aussi bien les dossiers de ceux qui avaient payé lesdits frais que ceux de ceux qui n’en avaient pas payé. Après, on a dit aussi qu’ils ne seront plus reclassés automatiquement. Nous sommes des universitaires. Si nous-mêmes nous nous respectons, est-ce qu’on peut nous imposer une telle décision comme ça ? Il y a des départements où il y a plus de 8 titulaires, il y a d’autres départements où il n’y en a pas du tout. Pourquoi ne pas commencer par accorder la priorité aux départements qui n’en ont pas ? C’est ce que je voudrais dire. On mûrit la décision, on la prend et on la respecte. En France, mon amie Edwige CHIROUTER, de l’Université de Nantes, qui a monté un projet maintenant pour l’Union Européenne auquel j’ai participé, elle a eu l’habilitation depuis 2 ans, mais elle n’est pas titulaire. Quel est le problème ? C’est quand un poste se libère qu’on fait appel aux candidats. Et celui qui gagne prend le poste. Mais ici on en crée en désordre. Pourquoi ne pas commencer par mettre fin à ça d’abord ? Tout se passe comme si on fait tout pour ne pas fournir les efforts qu’il faut. Si dans tel domaine, ils sont déjà 10 titulaires, il ne faut même pas chercher à savoir ceci ou cela.

N’est-ce pas ce qui a amené le chef de l’Etat à dire que le processus de recrutement des assistants à l’université n’est pas du tout concurrentiel ?
Le problème est qu’au moment où j’ai été recruté, je pense que c’était plus simple et clair que ce qui se passe maintenant …

Vous avez été recruté par cooptation ?
Non. Tout d’abord, au moment où j’ai été recruté j’avais un cousin qui est au rectorat, et qui m’avait dit que je serai directement agent permanent de l’Etat. Après il m’a envoyé vers Soumanou Toléba qui était chef personnel de l’université et président de l’« Association des jeunes docteurs ». On militait ensemble. C’était bien quand même. Madame Ladékan aussi faisait partie de l’association. C’est de là que quand j’ai été voir le Doyen Bognianho, il me disait qu’il a vu mon dossier, que c’est un excellent dossier, mais qu’il ne peut pas me promettre de me recruter, que je ne pourrais être recruté si on lui donne quatre postes, parce qu’il y a un département qui avait de problèmes. Heureusement qu’on lui a donné quatre. Et, on m’avait promis que je serai permanent en même temps. Après M. Toléba m’a expliqué que non, il fallait faire deux ans de contractuel et se faire examiner et évaluer d’abord. Et si on pense que vous pouvez vraiment, c’est de là que vous pourrez devenir permanent. Mais je dis pourquoi ils ne procèdent plus comme ça maintenant ? Est-ce que vous savez qu’actuellement il y a des assistants qui ont des assistants ? Des gens recrutés depuis 2007 sont toujours assistants ayant d’assistants officiellement ou non.

Le chef de l’Etat constate que le processus n’est plus concurrentiel. Etes-vous d’accord avec lui ?
Oui. Je sais qu’il y a de jeunes docteurs qui viennent discuter avec moi. Ils veulent qu’on les fasse composer, qu’on les interroge. Mais qui va les interroger ? C’est toujours les mêmes. Mais si on veut rendre le processus concurrentiel, ils vont faire recours à qui ? C’est les mêmes personnes ? Des gens qui ne sont pas fatigués d’occuper des postes depuis plus de 8 ans, 10 ans, 15 ans, 20 ans et qui sont dans tous les réseaux ?

Mais c’est toujours vous, les professeurs titulaires …Vous êtes sûr qu’on ne vous associe pas ?

Il y a ceux qu’on associe et il y a ceux qu’on n’associe pas. C’est un réseau et de la mafia. Tout est devenu affaire de réseau, de mafia et de clientélisme.

Pourquoi on ne vous associerait-on pas ?
Je voudrais répondre d’abord ceci. Rendre le système concurrentiel, c’est très beau, mais si on rendait le système concurrentiel et qu’on recrute les gens, s’ils viennent dans le système et se comportent comme nous qui sommes dedans, est-ce qu’on aura le résultat escompté ? Je crois que le Professeur feu Félix Iroko a raison. Le problème devrait être d’abord, comment rendre performants ceux qui sont dedans ? Si on ne les rend pas performants, et qu’on en amène d’autres, ils vont se comporter comme eux ou pas ? Quelqu’un a dit tout à l’heure que la ministre a dit qu’il y a des enseignants qui ne modifient jamais leurs fiches. S’ils veulent corriger notre système là, pourquoi ne pas commencer par exiger l’assistanat réel. Celui qui vient d’être recruté ne peut pas être autonome sur les enseignements. Pourquoi ne pas faire en sorte que ceux qui se contentent des articles d’autrui pour se faire passer au CAMES, ceux qui sont plusieurs sur le même article, pourquoi ne pas commencer par corriger par là. Si on rend concurrentiel, c’est beau. Mais ceux qui seront recrutés par un concours concurrentiel, ne se comporteraient-ils pas comme les autres qui sont déjà dans ce système ? L’aspiranat ne peut pas être la solution de mon point de vue. La solution est de commencer par ce qui est plus facile. Il y a récemment un rappel du Recteur d’Abomey-Calavi à propos de la fusion des laboratoires. Les recrues ne sont pas sous l’autorité pédagogique d’un MA, d’un MC ou d’un PT. Ils sont autonomes et dispensent leurs enseignements en se comportant comme des Profs de Rang A. On ne pense nullement régler ce problème, mais ce qui préoccupe, hic et nunc, c’est le regroupement des laboratoires. Des laboratoires sont installés en ville et dans des domiciles personnels.

Faisant déjà ses preuves dans l’enseignement primaire et dans l’enseignement secondaire, l’aspiranat dans le supérieur pourrait combler le vide du personnel enseignant. En tant qu’acteur du milieu universitaire, cette proposition du Chef de l’Etat est-elle idoine ?
Si vous dîtes que cela fait ses preuves, alors tout va parfaitement bien. Est-ce qu’on est vraiment sûr que ça a déjà fait ses preuves ? Au secondaire, il y a eu les contractuels locaux et les permanents, les vacataires… Et on ajoute encore l’aspiranat. Qu’est-ce qui prouve qu’un autre gouvernement ne va pas amener une autre réforme ? On s’amuse avec notre système éducatif. Ils ont amené dans ce pays la Lepi pour nous dire que c’est un outil de développement. Après, un autre nous ramène le Ravip pour nous dire que c’est un outil de développement. Qu’est-ce qu’ils veulent faire de notre pays ?

De plus en plus, il est évoqué le problème d’employabilité des étudiants à l’issue de leur formation universitaire. Qu’est-ce qui empêche l’adaptation des offres de formation de Licence Master et Doctorat aux exigences du marché ?
L’objectif du système LMD est de permettre que la mobilité des étudiants ne pose pas de problème dans les autres universités. Si vous étiez inscrit à l’ENS, allez-vous recevoir la même formation que celui qui est inscrit dans une faculté ? Non. Celui qui est inscrit à l’ENS se prépare pour le métier d’enseignant. Et par ailleurs, on peut être formé dans une école professionnelle, avoir un diplôme professionnel et se retrouver en chômage.

Monsieur le Professeur, est-ce qu’il est aisé de produire et de publier des travaux de recherche scientifique au Bénin ?
Pas du tout. Parce que dans notre système éducatif, nous ne collaborons pas entre nous pour pouvoir nous entraider. Quand les gens corrigent votre texte ici, ils vous embrouillent et cela ne nous favorise pas. Au Bénin ici, notre niveau de culture générale est trop faible. Il faut aussi qu’on ait des éditeurs dignes de ce nom et non préoccupés seulement par le gain facile.

Une fois ses travaux publiés, qu’est-ce qu’ils apportent réellement, en termes de plus-value, au développement du pays ?
En ce qui nous concerne, en Sciences Sociales et Humaines, c’est d’avoir des Jean Pliya, Olympe Bhêly-Quenum. Mais ceux-là ne sont pas des Maîtres de conférences, mais c’est plutôt une question de vocation dans notre domaine. On peut ne pas être diplômé et être un grand romancier. Il faut nous remercier d’abord, c’est notre contribution de publier. Ensuite, les gens vont lire. Vous ne pouvez pas dire que ce que nous écrivons ne sert à rien.

Professeur, quel regard portez-vous sur le Conseil National de l’Education ?
Si tout était bien fait, le CNE devrait être l’académie du Bénin en matière de recherche scientifique et d’éducation. En principe, un académicien devrait être quelqu’un au sommet de son domaine d’investigation. La lettre que le Président du CNE avait envoyée aux deux universités nationales du Bénin, au moment il n’était pas encore membre de cette institution, s’il pouvait mettre son contenu en pratique, il aurait réglé le problème majeur des universités. La lettre disait que durant le cursus universitaire de tous les étudiants de licence en Droit, il doit y avoir les mêmes matières. Il est question du même parcours pour tous les étudiants. Si nous mettons cela en pratique, ce serait largement suffisant. Si on fait ça au niveau de la Philosophie, des Lettres modernes, du Droit, à tous les niveaux, le CNE ne serait-il pas l’académie du Bénin en matière de recherche scientifique et d’éducation ? Cela va constituer le noyau dur de la formation.

Vous voulez dire que l’existence du CNE est vraiment indispensable ?
Je vous ai dit que rien n’est indispensable. Pourvu que les citoyens soient conscients de leur devoir civique. Il y a quelques années, Monsieur Gbaguidi Noël, le Président du CNE, a été invité en Côte d’Ivoire et il a constaté que ce qui a été proposé là pourrait servir à son pays. Il a pris sa plume, il a écrit aux deux recteurs. Ça prouve que s’il peut déjà commencer par-là, il aurait rendu d’énormes services à cette nation.

Quelle appréciation faites-vous alors des réformes universitaires que le chef de l’État a proposées depuis qu’il est arrivé ?
Je serai sincère avec vous et je dirai ce que j’ai dans mon cœur. Monsieur Talon n’est pas la cause de nos problèmes, il est venu les trouver. Les problèmes énormes que rencontre le système éducatif béninois, il est venu les trouver. La question est de savoir est-ce que lui le premier citoyen dans ce pays souhaite vraiment mener les réformes qu’il faut. Ou bien lui aussi, veuille-t-il se moquer de notre système éducatif ? Je dis se moquer parce que, avec le Ministre Bagnan, les frais d’écolage universitaires étaient à 6200F CFA. Il avait dit que c’est l’UEMOA qui exige l’harmonisation de ces frais au niveau des Etats membres et qu’il fallait porter ça à 25.000F CFA. On les avait portés à 15.000F CFA. Avec Yayi Boni, c’est la gratuité. Qu’est-ce qu’il veut faire concrètement ? Vous voyez, M. Talon a déjà fait 05 ans. Je fais partie de ceux qui ont milité pour lui. Le 20 janvier 2016, je n’ai pas mangé jusqu’à 23 h parce que je battais déjà campagne pour lui à Bohicon avec son ami personnel et particulier d’Azali d’Abomey. Je souhaite qu’il nous aide. Ce n’est pas lui le responsable ni le coupable de notre système éducatif. Avant lui, Djemba avec Yayi avaient dit que personne ne doit plus redoubler. L’arrêté existe. Il est venu, il a dit que pour passer de la 3ème en 2nde, il faut avoir le BEPC et la moyenne. Un an après, on revient sur ça.

Vous oubliez que c’est lui qui a supprimé l’élection des recteurs ?
Vous savez aussi que quand j’ai été envoyé en mission dans le cadre des LMD, c’était pour permettre à ce que le Bénin commence en même temps le LMD que l’ère de la décentralisation de l’Université (élection). J’ai suivi ça de près. J’ai préparé la mission des recteurs, comment organiser les élections. Bref, ça veut dire que j’en sais quelque chose. Le processus de l’élection des recteurs avait été engagé. Et on exhibe une note de service pour dire qu’il faut nommer. On en était là, la fin du mandat des recteurs élus est arrivée, on les a laissés. Et après on prend une décision en conseil des ministres pour dire qu’on les maintient en activité. Est-ce qu’on veut vraiment réformer ? Parmi les Doyens, Directeurs, Vice-doyens et Directeurs adjoints, il y en a qui étaient à quelques mois de la fin de leur mandat. Mais, on a laissé les uns et on a écarté le mandat des autres. Les réformes sont comme des révolutions. Un pas en avant, un pas en arrière, on ne peut plus vous croire. Le plus important, il a déjà fait 05 ans et il a entamé 05 ans, est-ce que de sérieuses réformes ont été menées et portent leurs fruits ? Ou bien, c’est pendant les 05 ans à venir là qu’il va engager les réformes et les mener à terme comme il faut ?

Vous ne savez pas clairement, ce que Talon veut faire du système universitaire ?
J’aimerais savoir davantage le fondement, vraiment la philosophie de ses réformes.

Il dit qu’il y a du bavardage à l’Université…
Moi, j’ai été formé pour faire quoi ? Pour bavarder. Et vous-mêmes les journalistes, vous faites quoi ? La parole est sacrée. Pourquoi les gens n’ont pas pu construire la tour de Babel ? C’est parce qu’ils ne peuvent plus bavarder. S’il n’y a pas théorie, si vous ne bavardez pas, la construction de la tour va s’arrêter. C’est vrai ou c’est faux ? On a dit que les Israéliens ne doivent pas manger la viande du porc. Mais voici que les mêmes Israéliens, à partir des gènes du porc, font cultiver une espèce de carotte bien succulente. Est-ce que les Israéliens ont le droit de manger la carotte développée avec les gènes du porc ? C’est la question de l’Ethique, de la Philosophie Morale. C’est notre domaine. L’homme est fait pour bavarder. Pourquoi le président au cours de sa campagne ne s’est pas contenté de ses réalisations ? Tout ce que la Rome antique, le gigantesque Empire des Césars, la Rome d’aujourd’hui, l’Occident même et le monde entier, doit à la puissance des cordons vocaux de Marcus Tullius Cicero (Cicéron), les historiens et les hommes politiques avertis le savent bien.

L’Université forme pour le bavardage, vous confirmez cela ?
Non. Quand j’ai entendu le premier citoyen prononcer la phrase du bavardage, j’ai discuté avec l’un de ses proches. Il m’a dit exactement ceci : « Il faut comprendre qu’il répond à quelqu’un. » Et il m’a donné le nom d’un acteur politique. Et il a ajouté ceci : « Toi, Paulin Hounsounon-Tolin tu bavardes ? » Ce que tu publies avec L’Evénement Précis, ce n’est pas utile ? Si ce n’est pas utile, ne perdez plus votre temps à publier des textes.

Pouvez-vous nous expliquer alors la spécificité du bavardage à l’université ?
Monsieur Docteur Gérard AGOGNON, merci de cette question. A l’université, nos différents points de vue sont des thèses que chacun défend selon son domaine de spécificité, son niveau de culture générale et ses sensibilités. De différents points de vue, jaillit la vérité. Et c’était ainsi qu’est née la Science avec les différentes réponses divergentes des Présocratiques à propos de la fameuse question « De quoi se compose l’univers ? ». C’est-à-dire quel est l’élément premier du monde, de l’univers ? Par exemple, la Science d’aujourd’hui discrédite celle d’hier, mais cela ne signifie nullement qu’elle ne lui doit rien. Evidemment, cela pourrait paraître comme du bavardage aux yeux des non-initiés. Mais, au niveau même de la cohésion d’une nation, c’est ce qui convient : le bavardage en vue d’un dialogue inclusif constructif. Car, le caractère d’« animal politique de l’homme », c’est à l’image d’autres animaux à caractère politique comme les fourmis, les termites, les abeilles, etc. C’est la capacité de se mettre ensemble avec ses congénères en vue d’un objectif commun. Et cela est possible justement grâce au fait que l’homme soit doué de la capacité de produire du son, de la parole, pour exprimer ce qui est juste et ce qui est injuste. Le langage distingue l’homme de l’animal. Et c’est pourquoi, l’absence de bavardage en vue d’un dialogue consensuel, à un moment donné de l’histoire d’une nation, entraîne toujours de sérieuses crises mettant à mal la cohésion sociale, nationale, voire l’esprit patriotique.

Vous avez dit tout à l’heure que l’Université ne forme pas pour l’employabilité. Enfin de compte, l’Université forme en quoi ?
J’ai bien répondu à la question en me référant au manuel de l’étudiant du professeur Pierre Goudjinou Mètinhoué. Comment se fait-il que les gens s’entassent à la Flash ? Pourquoi l’État ne cherche pas à comprendre les conditions de passage ? Les professeurs ne peuvent pas dire que le jury est autonome et faire racheter comme bon leur semble. Les conditions et les critères de passage devraient être, a priori, les mêmes au niveau des départements en régime d’LMD. Mais les problèmes de notre pays sur les questions de la faiblesse du niveau de culture générale, ne vous intéresse pas ? J’ai entendu une phrase des amis qui sont chargés d’étudier les dossiers du CAMES cette année. Ils ont dit qu’on a fait la promotion des médiocres qui nous dirigent aujourd’hui. C’est à propos d’un collègue. Il n’y avait rien dans son dossier et un autre collègue disait quoi ? Quand les résultats vont sortir, il sera le premier à être reçu. Vous connaissez le système. Vous savez, j’ai ici des références que je voudrais vous donner. C’est Vitruve, architecte romain qui conseille à ses collègues de faire un peu de philosophie pour ne pas exiger de gros honoraires de la part de ceux à qui ils rendent service. En France, si un ouvrage de vulgarisation sort sur les questions de développement, tous les intellectuels l’achètent pour le lire. Vous savez qu’ici les gens peuvent faire leur thèse en histoire sans jamais lire Hérodote. En philosophie, les gens peuvent ne pas avoir lu Aristote et passer leur thèse.

Vous validez ces thèses ?
Ce n’est pas ce qui me préoccupe. Et ce sont ceux-là qui sont mal formés et qui nous dirigent aujourd’hui. S’il y a élection, ils sont dans les réseaux. S’il y a nomination, ils sont là. Parce que si vous rendez service, on va vous rendre service après. C’est le grand sociologue Francis Akindès de l’Université de Bouaké qui nous disait, lors d’une rentrée académique, que si vous avez volé 100 millions, vous n’irez jamais en prison. Mais si vous avez volé 5 millions, vous irez pourrir en prison. Avec 100 millions, vous aurez le temps de bien huiler la machine et la machine ne se bloquera jamais sur vous. Et c’est ce qu’ils font. On ne peut pas tout dire. Mon ouvrage sur la question des droits de l’homme, quand j’ai présenté ça, le vice-recteur, d’alors, qui était là a trouvé que c’est très mauvais. Allez sur Google, c’est mon ouvrage le plus coté pour le moment. Le problème, c’est ceci : il (un Prof étant intervenu) et a parlé de sa demande d’ouverture de la filière à l’école doctorale en études germaniques. Je suis informé. Moi aussi j’ai un dossier de ce genre. On prend les amis qu’on met à la tête de ces institutions. Ils n’ont même pas le niveau. Voilà ce qui se passe. Si vous avez été Contrôleur une fois au Bac, vous allez comprendre. Certains correcteurs qui n’ont pas le niveau des enfants dont ils corrigent les copies. Et c’est trop délicat pour en parler, non ?

Ça veut dire que vous dites qu’il faut améliorer le niveau de culture générale à toutes les couches ?
Nous n’avons pas le choix. Monsieur Awanou Norbert, j’ai oui dire qu’il lui arrive d’écrire à des pré-rapporteurs : « Avec ce que toi-même tu as mis dans le pré rapport (de thèse Ndlr), tu ne peux pas autoriser la soutenance. » Pourquoi j’ai donné cet exemple ? On n’a pas besoin d’être agrégé en philosophie avant de savoir quand même quelques bribes de la philosophie. Mais ceux qui nous dirigent à divers niveaux n’ont pas souvent le niveau de culture générale convenable. Pour Platon, il y a nécessité de passer d’abord par une propédeutique pour tout disciple. Et la pédagogie d’Aristote exige des préalables avant l’étude de l’Analytique. C’est une question de nécessité de culture générale. Evidemment, quand un aveugle conduit un bien voyant, ils tombent tous deux dans un gouffre avec tout leur entourage. Et c’est bien ce qui nous arrive maintenant !

S’il vous était donné de conclure ?

Je vais me répéter en disant que ce n’est pas Monsieur Talon qui est la cause des problèmes de notre système éducatif. Mais la question est de savoir s’il veut vraiment réformer notre système éducatif. Quelle réforme veut-il partager avec nous ? Ou bien veut-il nous imposer des réformes ? Est-ce que lui aussi ne veut pas s’amuser avec notre système éducatif ? Si non, comment comprendre que sous Kérékou, on a parlé d’harmonisation avec l’Uemoa et de 6 200 F on est passé à 15000f pour les frais de scolarité à l’université et que sous Boni Yayi, on est passé sous la gratuité et puis à c’est à combien aujourd’hui ? Notre système éducatif, si Talon veut vraiment le réformer, il va le faire. Je crois que tout le monde le reconnait comme un grand travailleur. Au Bénin, on le reconnaît d’être le premier privé ayant le mieux réussi dans les affaires. Donc, c’est un grand travailleur. Pour dire qu’en bon travailleur, il sait que le travail appelle le repos et le repos appelle le travail. Depuis 2005-2006, savez-vous qu’on n’a plus de vacances à l’université ? Avant 2006, on a deux mois et demi de vacances. Depuis 2006, on n’a plus les congés. Qu’est-ce qui fait qu’on n’a plus de congés ? Un enseignant qui n’a pas de congé, comment voulez-vous qu’il donne le meilleur de lui-même ? En août, on nous donne un mois, mais c’est le moment pour le département de nous convoquer pour des réunions. Si ce n’est pas le rectorat qui invite, pour telles ou telles pièces, c’est la faculté qui trouve des choses à nous demander… Si Talon le veut, il peut changer les choses. Il exige que la rentrée commence en septembre. Mais, les Primaires et les Secondaires n’ont pas eu deux semaines pour les congés de Noël, de Pâques et une semaine pour les congés de détente, cette année par exemple. Certains établissements privés et Séminaires ne respectent pas les calendriers des congés et des vacances proposés par l’Etat. On doit nous serrer pour que nous puissions respecter nos emplois du temps. Mais il y a des gens qui sont à des postes juteux qui veulent qu’on revoie tels curricula, tel emploi du temps de sorte qu’on ne prenne jamais au sérieux la semestrialisation. Il y a des gens qui prennent les enseignements mais ne les assument pas et c’est des assistants par-ci, par-là, et qui devraient voir faire, qui deviennent des remplaçants permanents. Ce n’est pas bien. Je ne suis pas acteur politique mais théoricien de la politique car, quand on m’invite dans les fora, les grandes réunions pour parler ou pour présider des jurys de thèse de doctorat, c’est surtout par rapport à la Philosophie la morale et politique, – Philosophie du langage et Sciences de l’éducation -, parce que ça fait partie de ma formation. Il faut reconnaitre que chacun doit assumer ses enseignements comme il faut. Quand on parle de solidarité gouvernementale, cela ne veut pas non plus dire que chaque ministre est tenu d’approuver les erreurs de l’autre ministre. Mais ça signifie plutôt que si ça marchait au niveau d’un ministère et que ça ne marchait pas au niveau de l’autre, ça ne marcherait pas pour l’ensemble du gouvernement.

Carte d’identité: Philosophe avant tout

Le Professeur Paulin Hounsounon-Tolin est né à Bohicon le 17 novembre 1963. Issu d’une famille extrêmement modeste dans un hameau du village Hlanhonou très pauvre, il prend pourtant l’école très au sérieux. Mais il n’a dû son salut qu’au refus de sa mère qui ne voulut pas le laisser faire la menuiserie, compte tenu de son alimentation très délicate. Il obtient le CEP en 1977 à l’Ecole Publique Mixte de Zogbodomey. BEPC en 1981 et BAC Série A1 en 1985, à Bohicon, il s’inscrit en Histoire à l’université. « Quand j’étais venu à l’université, j’étais pratiquement le seul étudiant de Zogbodomey. Aujourd’hui, ils sont plus de 500 », se rappelle-t-il encore ! Après les deux premières années d’Histoire, Paulin Hounsounon-Tolin fait une double inscription en Philosophie et en Histoire. Il soutient sa maîtrise en Philosophie le 15 mai 1992. Inscrit à l’université Paris 1, Panthéon-la-Sorbonne, à l’Institut Catholique de Paris, à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, à Paris 8, Seine-Saint-Denis, au Centre Sèvres, etc., il approfondit ses recherches en Philosophie (Antiquité tardive, Stoïcisme, Sciences de l’éducation, Psychanalyse, etc.), En fait, il se découvre une soif dévorante pour les études. « J’ai préparé en 6 mois, 3 DEA (en Philosophie, en Sciences de l’éducation, etc.) et j’ai préparé aussi les certificats de latin académique (Prononciation restituée) et de grec ancien. J’ai préparé aussi le DARE (Diplôme d’Aptitude et de Recherche en Sciences de l’Education), préparé et rédigé un Doctorat en Histoire de la Médecine et Anthropologie de la Maladie, parce que je sentais mon niveau de culture générale très faible », se souvient-il. Il soutient sa thèse de doctorat en Philosophie le 21 février 2000, à Paris 1, Panthéon-la-Sorbonne. Mais il soutient une autre thèse de doctorat en 2009 en Sciences de l’éducation à Montpellier 3, Paul Valéry. Dès la soutenance de la première thèse, il rentre au pays en avril 2000. Il a la chance d’être recruté assistant. Il monte rapidement les échelons. Maitre-assistant en 2005, Maître de conférences en 2010, il est Professeur Titulaire en Philosophie depuis 2015. Ses contributions les plus significatives sont publiées dans des ouvrages comme Devoir de vérité de l’intellectuel universitaire, Droits de l’Homme et Droits de la Femme, Education et décolonisation culturelle de l’Afrique, Grammaire du Civisme et de la Politesse, Tournant utilitariste de l’Enseignement Supérieur en Afrique au sud du Sahara, Babélisme d’hier à aujourd’hui (Malédiction des langues), etc. Mais le Professeur Paulin Hounsounon-Tolin est surtout connu pour ses travaux sur l’éducation à la citoyenneté.

Intimité: Fan d’Alèkpéhanhou

Marié et père de cinq enfants dont des jumelles, le Professeur est féru de la musique traditionnelle. Il avoue son penchant pour le roi du zinli rénové Alèkpéhanhou. A table, il aime bien la pâte à la sauce gombo. En termes de boisson, il préfère de l’eau mais pour être resté au milieu des prêtres, il déguste du bon vin de temps en temps. Pour garder la ligne, il fait beaucoup de marche depuis quelques années.

La Rédaction

CHRISTIAN PARFAIT AHOYO, MEMBRE DE LA DIRECTION EXECUTIVE NATIONALE DU PRD Sous l’arbre à palabres: « Au PRD, nous avons un programme de Remontada»

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Invité dans la rubrique ‘’Sous l’Arbre à Palabres’’ du Journal l’Evénement Précis, Christian Parfait AHOYO, membre de la Direction Exécutive Nationale du Parti du Renouveau Démocratique (PRD) s’est prononcé de long en large sur l’actualité politique nationale en générale et le PRD en particulier. Parlant du PRD, l’invité a révélé que sa campagne pour la présidentielle de 2021 a consisté à exhorter les militantes et militants à faire une parenthèse pour se concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire ce que le Bénin gagne en développement secteur par secteur avec le duo Talon-Talata. Le Porte-parole du PRD rappelle que plus que des moments de fête, la campagne de 2021 a permis au plus ancien parti politique du Bénin de sensibiliser davantage ses militants sur les valeurs de civisme, du vivre ensemble et de la non-violence. A la question de savoir comment le PRD se prépare pour reconquérir ses sièges à l’Assemblée nationale lors des joutes électorales prévues pour 2023, Parfait Christian AHOYO répond sans hésiter : «Nous avons un programme de la remontada. » Au cours de l’entretien ‘’Sous l’Arbre à palabres’’, l’invité a passé au peigne fin des questions telles que la retraite politique du Leader Charismatique du PRD, Me Adrien Houngbédji, le caractère exclusif ou non de la présidentielle de 2021, l’appel du Chef de l’Etat de taire les querelles, la question de la liberté d’expression et les prétendues chasses aux sorcières, etc.

Et si on en parlait

Comment se porte aujourd’hui le Prd ?
Le Prd va de mieux en mieux. Sinon le Prd se porte très bien. Je dis de mieux en mieux parce qu’on n’aurait pas posé cette question il y a cinq ans ou dix ans. Le Prd n’avait aucun problème, c’est le tout premier parti du renouveau démocratique qui a traversé toutes les réformes jusqu’à aujourd’hui. Le Prd est le premier parti inscrit au ministère de l’intérieur à la sortie de la conférence nationale avec le multipartisme. Les réformes sont arrivées entre 2018-2019, le Prd s’y est conformé et est totalement à jour. Vu sur ce point, légalement, le Prd se porte très bien. Le Prd a traversé monts et vaux, qui ont fait que certains militants ont été un peu perturbés. Mais avec la sagesse, l’expérience et le leadership du Président Adrien Houngbédji nous sommes en train de gravir marche par marche mais avec certitude les escaliers pour faire ce que nous avons déjà dit à notre université de vacances. Donc le Prd se porte bien.

Le Prd se porte-t-il très bien en étant maintenant dans la majorité présidentielle ?
Le Prd se porte très bien et se porte encore mieux en cohérence avec sa vision, annoncée depuis 2016. Au lendemain des élections présidentielles de 2016, le Prd s’est déclaré de la mouvance, afin d’accompagner le Président Patrice Talon dans les réformes. Bien sûr, nous étions dans une position de législature puisque nous n’étions pas au gouvernement et aujourd’hui, nous ne sommes pas au parlement. Mais nous sommes au gouvernement. Donc nous avons accompagné le Chef de l’Etat dans ses réformes en position de législateur et nous l’accompagnons dans la suite de ces réformes en étant membre du gouvernement.

Et qu’est-ce que vous avez gagné ?
Nous avons gagné un Bénin qui avance. Il n’y a pas d’unanimisme sur un sujet surtout quand il s’agit des réformes qui concernent nos concitoyens qui ont pris des habitudes. Nous avons pu dire qu’on peut faire des réformes en adoptant l’approche qui est la nôtre : le discours sur le patriotisme, le dialogue, de la main tendue mais en ne perdant pas de vue qu’il y a des choses dont on doit se défaire pour pouvoir avancer. Nous, nous estimons aujourd’hui, sans avoir la science infuse, que notre approche du développement de la réforme c’est de dire qu’on peut bel et bien dans le dialogue aboutir aux réformes. Donc l’option du Prd est loin d’être une option de violence, c’est une option de paix et de dialogue et chaque fois que nous pouvons partager cette option nous allons le faire. Vous avez suivi la position du Prd au dialogue politique. Nous avons fait un mémorandum pour expliquer la vision qui est la nôtre. Nous avons dit pourquoi nous devons aller autour de cette table. Nous avons dit au préalable nos préoccupations et nous avons gardé cette attitude. Donc modestement nous avons gardé cette posture et il sera difficile de nous changer de cette voie-là comme un parti de paix. Et nous n’avons demandé à personne de prendre cette option. Nous allons la garder et la maintenir.

Pour les élections du 11 avril dernier vous étiez en campagne, quel a été le rôle que vous avez pu jouer dans la victoire du Chef de l’Etat ?
Nous étions un certain nombre de partis politiques à soutenir le duo Talon-Talata. Le Prd a cette particularité que nous nos campagnes, c’est des moments de fête. Nous avons pu déployer notre expérience sur le terrain sur tout le territoire pour expliquer aux populations ce pour quoi nous soutenons le duo Talon-Talata, programme de société à la main. Nous avons pu démontrer qu’on peut ne pas être d’accord avec toutes les réformes et s’attaquer à l’essentiel pour faire décoller le pays. Nous avons dit que les Béninois doivent apprendre à faire des parenthèses et à donner à chaque étape du temps. Nous avons estimé au cours de cette campagne qu’il était question de faire une parenthèse, quelles que soient nos divergences, pour parler développement secteur par secteur, surtout qu’un duo nous a proposé des schémas de développement de notre pays. Nous nous sommes dits qu’on peut bel et bien faire en deux semaines une parenthèse pour régler la question de l’emploi, régler la question de l’eau, régler la question de l’internet, régler la question de l’électricité, parler de l’agriculture et dire : « Voilà les pistes sur lesquelles nous n’allons plus jamais reculer », et trouver d’autres occasions pour encore discuter des questions politiques, des questions de vivre-ensemble. Nous c’est notre approche du développement. Nous ne pouvons pas être indéfiniment en train de mélanger tout pour finalement ne rien faire. Que personne n’aille dire que tout va bien. Nous notre approche, c’est l’approche du temps des choses. Chaque chose a son temps. Et au cours de la campagne, nous avons beaucoup mis l’accent sur les aspects de développement, le civisme, nous avons beaucoup mis l’accent sur les notions de paix et de vivre-ensemble pour pouvoir avancer. Et c’est ça qui a fait que nous étions très à l’aise en soutenant le duo Talon-Talata, parce qu’on se retrouvait intégralement dans ce projet de société. On comprenait très bien la vision du Chef de l’Etat. On avait partagé avec lui le diagnostic et on a vu les réalisations dans certains secteurs qui étaient déjà des évidences. Nous nous sommes dit qu’en cinq ans le duo Talon-Talata va nous amener loin. C’est ça qui a été une force et qui a fait que tous les Prd étaient sur le terrain et nous avons aussi écouté les cris de certains de nos compatriotes qui estimaient que les choses ne se passent pas comme ils l’entendent. Et nous avons vu la menace venir. Nous sommes rentrés rapidement dans la danse pour dire : « Non, ce n’est pas le moment de remettre en cause encore le peu sur lequel nous avons peiné à construire. Donc nous avons joué une partition de paix, hameau par hameau, village par village, quartier de ville par quartier de ville pour que les élections soient là. Modestement, nous avons contribué à la victoire et sans dire que nous étions les seuls acteurs de la victoire.

Mais est-ce que les populations vous ont dit que l’élection est exclusive puisque le Chef de l’Etat n’a pas eu en face de lui ses principaux adversaires.
Bon la notion de l’inclusivité ou non de l’élection est un problème qu’on peut analyser de deux manières. Selon qu’on reste dans le respect des textes de la République, tous les textes ont été appliqués. Vu sur ce point, personne n’a enfreint aux textes et aux règles qui sont en vigueur au Bénin. On peut ne pas être d’accord sur le contenu des textes. Dans ces conditions, on utilise les voies et moyens légaux pour fléchir cette barre-là. On n’utilise pas la rue, on n’utilise pas non plus la violence ni les cartouches puisque je n’ai pas souvenance qu’une loi soit votée dans la rue. Lorsqu’on a fini de poser les problèmes, on va respecter la démarche pour aller les faire voter. Donc ceux qui parlent d’inclusion des élections, ils peuvent avoir raison mais nous ne sommes pas d’accord avec eux sur le fait qu’on doit parler d’inclusion à l’aune des textes qui régissent le pays. C’est comme sur l’autoroute, si vous avez loupé la sortie vous patientez pour sortir à la prochaine bretelle. Vous ne vous arrêtez pas en pleine route pour faire demi-tour. Sinon vous créez le carambolage. Imaginez le carambolage dans la situation actuelle, vous allez comprendre de quoi je parle. Et le carambolage c’est ce que nous avons failli vivre. Quand vous faites comme ça vous allez enfreindre au code de la route et forcément vous allez en répondre. Il se pourrait que ceux qui parlent d’inclusion disent que la sortie est fermée, ils peuvent le dire mais toujours est-il que si vous loupez cette sortie vous prenez patience pour reprendre la prochaine sortie ou les prochaines sorties sinon nous n’allons jamais avancer. Nos pays seront dans de perpétuels recommencements. Voilà ce qui motive nous notre proposition une fois encore. C’est une lecture qui se fait par rapport aux textes de la République. Nous avons discuté avec certains même de nos militants qui nous ont posé des problèmes. Nous avons fait des discussions en amont avant de choisir le duo Talon-Talata. Certains des militants nous ont dit que tel que les choses se passent nous n’allons pas accepter. Et nous avons pris le temps et la patience d’expliquer aux gens qu’on peut ne pas être d’accord avec les textes mais une fois que les textes sont là on est contraint dans un Etat de droit de les respecter. Si vous ne les respectez pas, vous êtes dans l’illégalité. Si désormais nous voulons faire des combats politiques, c’est de nous donner les moyens légaux, les moyens légitimes pour pouvoir faire ces combats-là. Nous avons connu le parti unique dans ce pays. Nous avons connu le régime de dictature dans ce pays, nos parents se sont adaptés. Cela a pris le temps que cela devrait prendre. Nous sommes revenus encore à la conférence nationale, nous avons fait trente ans d’expérience de démocratie, un système de réforme est en cours. Dans la vie d’un peuple ce n’est pas forcement la fin du monde.

Vous parlez des textes, des lois. Le Prd a été secoué par la mise en application de ces textes avec 0 député à l’Assemblée nationale en 2019 et 0 maire en 2020. Malgré ça, vous continuez de soutenir le gouvernement. Comment expliquez-vous cela ?
Voilà la première bonne raison pour soutenir le gouvernement. Nous avons respecté les démarches pour légiférer. Les textes ont été pris, les textes se prennent à la majorité des députés présents et représentés à l’Assemblée nationale. Nous n’étions pas indifférents, sinon nous étions des acteurs de ces textes-là. A titre d’exemple, malgré que les textes ne nous avantagent pas, nous en position de républicains, nous les acceptions en attendant la prochaine occasion pour dire notre approche. Nous ne les refusons pas dans la rue, nous ne les refusons pas dans la violence. Nous disons : « Qui sommes-nous pour refuser ce que la majorité est en train de prendre à l’instant T ? » A date, c’est ce que pensent les autres. Nous nous sommes dit : « Prenons notre temps, mais en attendant cela, est-ce que c’est tout ce qui se fait qui est mauvais ? » C’est pour cela que j’ai parlé de la notion de temps. Le Prd n’a pas été aux élections législatives en 2019. En 2020 nous étions aux élections et les textes ont fait que nous avons eu 0 conseiller pour les raisons de 10%. On prend acte de cette situation et on avance. Maintenant, en 2021 nous sommes aux élections présidentielles. Trois élections différentes, trois textes où cette fois-ci on nous parle de projet de société. On s’est dit « Donnons-nous l’occasion de discuter avec les hommes et les femmes qui sont à même aujourd’hui de retoucher ces textes-là. » Donc soutenir Patrice Talon pour nous c’est être toujours apte aux côtés des décideurs pour continuer à dire et à exprimer notre vision du développement et de la politique.

Mais vous venez de dire que l’avènement des 10% vous a recalés des élections communales. Est-ce que cela ne donne pas raison à ceux qui estiment que le Prd ne couvre pas le territoire national et que ça s’arrête au Plateau et à l’Ouémé ?
Vous avez vu que pour aller aux élections communales, il faut avoir des candidats dans tous les 546 arrondissements que constitue le pays. Et les élections communales, je n’ai pas envie de revenir là-dessus. C’est des élections en termes de Covid qui ont connu une campagne qu’on a copieusement trouvé médiatique. Vous connaissez les conditions dans lesquelles ces campagnes ont été faites. Nous avons fait le bilan de ces élections au sein du Prd et si on les reprend aujourd’hui, je vous assure que le Prd n’aurait pas ce score parce que primo, il n’y a pas Covid, secundo, les conditions ont changé, tertio, le Prd a pris les notions qu’il faut faire. Ce que je veux que ma présence sur cette émission retienne est qu’on peut bien être en désaccord dans une réforme et accepter que cette réforme continue. L’intérêt général n’est pas la somme des intérêts particuliers ni partisans. Et même si ça nous désavantage, nous avons fait l’option de mettre l’intérêt général au-dessus de l’intérêt partisan de notre parti. Il n’en demeure pas moins que nous ne sommes pas des oiseaux qui revenons prendre des pièges aux mêmes endroits que nous avions été piégés. Nous avons des universités de vacances, nous avons des journées de réflexions, nous avons des cercles de réflexion, des instances du parti qui analysent les forces et faiblesses du parti. Et gardez-le pour de bon, en politique, c’est un rapport de forces permanent qu’un autre rapport de forces permanent vise à détruire.

Lors de son investiture, le Chef de l’Etat a dit de taire les querelles, alors qu’il n’a pas encore commencé les démarches en son sein. Son appel sera-t-il entendu par la classe politique ?
L’appel du chef de l’Etat est intéressant et est à saluer de cette position, de cette tribune. Le jour de l’investiture, le père de la nation dans cette posture lorsqu’on lui a remis tous les attributs de la République, les onze millions que nous étions, étaient devenus comme un. Et ce discours est en conformité avec un discours qui veut aller de l’avant. La première chose, c’est le début. La seconde chose, c’est de l’aider à ce que ce discours se transforme en des actes. Ce n’est pas de se réfugier derrière des accusations pour dire que ce qu’il a dit, de taire les querelles, aurait échoué. Si tous nous venions boucher les trous de la jarre, personne ne serait absent au rendez-vous et à ce rendez-vous le problème de taire les querelles serait abordé autour d’une table. C’est la vision que nous avons. Le Chef de l’Etat veut aujourd’hui amorcer le développement avec les ressources humaines que sont les Béninois et d’autres compétences qui viendront du monde avec les moyens financiers des Béninois. Et il n’est pas juste que certains Béninois se sentent exclus. Le Chef de l’Etat a bien posé la question. Il reste que chacun se mette en position de récupérer cet appel et de créer les conditions pour venir autour d’une table. Nous, au Prd, nous sommes d’accord sur ce principe. Nous ne faisons pas partie de ceux qui font les querelles, mais si on nous invite nous allons appeler ces amis autour d’une table. Faisons la guerre verbale autour d’une table, saluons-nous parce que dehors, le Chef de l’Etat a dit quelque chose : « nous avons tous un ennemi, en dépit de nos querelles. Nous avons un ennemi qui ne dort pas, c’est la misère, le chômage des jeunes, la maladie ». Cet ennemi ne dort pas. Il ne connait ni opposant, ni ‘’mouvancier’’. Il frappe et si nous ne nous entendons pas, nous serons frappés par le chômage. Mieux vaut, très rapidement, nous entendre pour faire face à cet ennemi qui ne viendra pas à la table de négociation mais qui est toujours là et dans d’autres pays. Donc, il y a ce que j’appelle le temps des temps. Si nous allons prendre le temps de nous chamailler, les problèmes sont au quotidien. C’est Coluche qui disait que : « Ne pensez pas que vous allez noyer vos soucis en buvant de l’alcool. Les soucis savent nager ». C’est dire que si c’est parce que vous avez des soucis que vous allez boire pour les chasser, attention, les soucis savent nager. Il suffit de boire, de dormir, de vous réveiller et vos soucis sont là. C’est à ce niveau que nous disons qu’il faut faire la part des choses. Le Bénin sera construit par les Béninois, pour les Béninois, et dans l’unité nationale. Mais l’unité nationale n’est pas l’unanimisme. Donc, une opposition a tout à fait sa place dans la République. Les textes l’autorisent. Les gens ne sont pas obligés de dire que ce que le gouvernement fait est bon et aucun gouvernement n’a la vocation de contrôler la parole. Si un gouvernement a cette prétention, il a déjà échoué. Mais, c’est la manière de protester qui doit être une manière républicaine et une démarche de vivre-ensemble. C’est ça la nuance. La nuance, c’est la manière de protester. Vous savez très bien que dans nos familles ce n’est pas parce que papa et maman sont ensemble qu’il y a la paix. C’est parce que la manière de protester est suffisamment discrète que nous ne sentons pas qu’il y a un problème au sein de la famille. Lorsque ça ne se passe pas comme ça, c’est la violence. Et c’est cette violence qui sort de la maison, va dans la rue et de la rue, envahit la cité et de la cité, tout le pays. Si vous ne prenez pas cet exemple, vous ne comprendrez pas. 11 millions de personnes, c’est 11 millions de points de vue. Personne ne peut avoir la prétention de dire que c’est lui qui a raison. Par contre, on choisit les moyens pour faire entendre raison, pour ne pas rompre la manne et que le problème d’aujourd’hui soit une opportunité demain.

Êtes-vous du même avis que ceux qui disent que les libertés sont foulées au pied depuis 2016 ?
Je n’ai pas eu ce sentiment parce que j’ai toujours eu la liberté de m’exprimer en tant que Parfait Ahoyo et en tant que membre du PRD. Lorsque les choses n’étaient pas claires, je sollicitais toute la presse pour marquer notre désaccord en qualité de porte-parole. En plus de cela, on a fait un usage abusif des réseaux sociaux. On ne sait pas ce que c’est que le code du numérique qui n’a jamais interdit d’utiliser les réseaux sociaux pour s’exprimer, mais dit qu’il ne faut pas calomnier. L’effet multiplicateur est plus que les autres médias et donc, il est très facile de détruire à partir des réseaux sociaux. Donc, chacun doit être responsable de ses propos. Il y a donc la notion de responsabilité et la notion de liberté. Vous devez mesurer vos propos. Vous me direz peut-être qu’on n’a pas préparé tout le monde à avoir l’outil en main. C’est peut-être le rôle des partis politiques et je peux vous dire, en tant que Délégué général de la DEN/PRD en charge de TIC, j’ai mis en place une politique de formation de nos militants sur les réseaux sociaux, aucun militant PRD ne tient des propos déplacés sur les réseaux sociaux. On les a formés et je crois que c’est un travail permanent. Vous entendez des jeunes insulter des personnes sur les réseaux sociaux, comme ce fut le cas pour le président Adrien Houngbédji alors que ces derniers ne l’ont jamais rencontré, sans avoir été interpellés. Ceux qui sont souvent interpellés répondent de leurs actes et les avocats vont les défendre. La notion de liberté doit être accompagnée de la notion de responsabilité. C’est important. Je n’ai pas souvenance non plus que des hommes politiques aient été arrêtés à cause de leurs opinions. Si vous diffamez, la loi dit d’apporter les preuves. C’est ce que nos amis de la presse ne comprennent pas. Si la personne à qui vous vous adressez estime qu’elle est blessée, c’est de la diffamation. Vous regardez la personne qui a les yeux rouges et vous dites qu’il a l’air d’un soulard. Mais lui peut dire que c’est de la diffamation au moment où vous parlez de liberté. Je pense qu’il y a un travail de fond qui doit être fait. Qui a été mis en prison parce qu’il a dit qu’il est contre Talon ? Je n’en connais pas.

Donc vous pensez que Joël Aïvo et autres étaient suffisamment plongés ?
Non. Vous avez cité Joël Aïvo pourquoi vous ne citez pas le secrétaire général du parti Les Démocrates, pourquoi vous ne citez pas Eric Houndété ?
Laissons la justice faire son travail.

Il n’est pas encore interpellé à ce jour…
Pourtant, ils disent tous la même chose. C’est des exemples pour qu’on ne continue pas le débat. Il est là dans le pays et tranquille. Et pourquoi vous ne parlez pas de mon frère Candide Azannaï ? Donc il dit la même chose que Talon ?

Quelle est la différence ?
La différence est que vous ne vous associez pas à des pratiques, à des réunions, à des choses qui sont interdites sur lesquelles on peut apporter des preuves matérielles contre vous. Vous savez que devant la justice on ne dit pas ‘’il paraît’’ ? Devant un juge, c’est la preuve matérielle. Donc je continue de parler de présomption d’innocence. Tous les amis qui sont arrêtés à la date d’aujourd’hui bénéficient de cette présomption d’innocence. Mais il va falloir démontrer leur innocence à travers des preuves matérielles qui ont permis leurs arrestations. C’est ça le problème. Et comme c’est aux mains de la justice, vous et moi nous ne savons pas, mais je puis vous dire que si nous restons dans le même registre, des hommes et des femmes disant les mêmes choses politiquement se sont retrouvés en deux ou trois catégories. Certains arrêtés, d’autres en fuite, et d’autres sur le territoire national sans être inquiétés. Mais tous ont les mêmes discours. Donc à nous de chercher les raisons et de savoir pourquoi ci, pourquoi ça. Je crois que si on ne fait pas ça et si on se met très facilement dans un camp, on n’encouragera pas l’attitude des autres qui ont été exemplaires en ne se mêlant à rien du tout, tout en gardant leurs opinions. C’est pour ça qu’à l’entame, j’ai commencé par dire que je n’ai pas souvenance d’avoir écouté quelqu’un qui, à la sortie d’une émission, ait été arrêté.

Vous êtes un technicien en numérique. Voulez-vous dire qu’il y a eu des échanges à travers le numérique qui ont permis d’avoir des preuves irréfutables contre certains ?
C’est justement ça. C’est ce que j’appelle les preuves matérielles. Lorsque vous avez des audios, des échanges écrits, lorsque vous avez fait des transactions financières et qu’on vous dit : « Justifiez ces transactions-là », on viendra vous interpeler pour les justifier. C’est la justice qui nous édifiera. Si c’est quelqu’un qui a pris ta voix et a fait un montage, la technologie peut démontrer que ce n’est pas toi. Mais s’il s’est avéré que c’est toi, c’est difficile. Et c’est de ça que je parle. Le numérique nous permet aujourd’hui d’authentifier un document.

Est-ce qu’aujourd’hui, les techniques de clonage de voix permettent qu’on reconnaisse que c’est des voix clonées ?
On peut multiplier les voix, mais ce qu’on ne peut pas faire, c’est falsification de l’original. Tout original est unique même en numérique. Et il y a les techniques pour identifier le document original ou authentique. Il y a des technologies aujourd’hui dans notre pays pour l’identifier. Donc s’il arrivait que quelqu’un estime que ce n’est pas lui, on enclenche la procédure de l’authentification du document.

Voulez-vous dire qu’il n’y a pas de chasse aux sorcières ?
Pour avoir la chasse aux sorcières, il faut d’abord identifier les sorcières et les chasseurs. Je n’en connais ni de l’un ni de l’autre. Par contre, si un Béninois se sent brimé dans ses droits, il a les moyens légaux pour prouver ou confirmer son innocence. Et une fois encore en politique, il y a des positions qu’on ne prend pas selon les circonstances. En tout cas, moi je l’ai appris avec le temps. Je peux ne pas être d’accord aujourd’hui, et attendre l’occasion pour le dire, parce que lorsque vous lancez tout le mouvement d’ensemble, le pouvoir politique, surtout l’Etat a ce qu’on appelle la raison d’Etat. Vous ne pouvez pas vous opposer à la raison d’Etat. Après vous allez justifier que la raison d’Etat a tort, mais c’est après coup, c’est dans les procès. Mais ça peut vous être fatal humainement, psychologiquement. Donc la chasse aux sorcières, attention, c’est des hommes et des femmes qui sont dans nos appareils, aussi bien l’officier de police judiciaire qu’au niveau de la justice. Je ne dis pas que tout ce système est totalement infaillible, mais s’il advenait que quelqu’un est brimé dans ses droits, ayons confiance en la justice de notre pays. Ça va se faire. On a connu des cas où il y a eu de non-lieu dans ce même pays. Donc ne pensons pas forcément que ça n’arrive qu’aux autres. Si nous pensons comme ça, c’est de dire que nous ne sommes plus dans un Etat de droit. Ils auront leurs droits, leurs libertés, et tout ce qu’ils peuvent faire.

Le PRD participe au gouvernement avec un ministre sur 23. Ce n’est pas peu ?
Non, ça ne se compte pas comme ça. Il faut d’abord voir la symbolique. Aujourd’hui pour nos militants, pendant les 5 premières années, nous avons dit que nous sommes un soutien sans participation. Nous n’étions pas au gouvernement. Et nous sommes maintenant un soutien avec participation. Le ministre Akotègnon qui est au gouvernement n’est pas un ministre PRD. Il est un ministre militant du Prd, mais il est un ministre pour la République. Il est là pour servir les Béninoises et Béninois toutes tendances confondues. Le journaliste que vous êtes est un journaliste pour toute la République. Si on prend la fonction comme ça, on se rend compte que nous sommes tous amenés à une tâche républicaine. Et c’est comme ça que nous voyons la présence du PRD dans le gouvernement. Et cette présence est pour nous une note de satisfaction en termes de politique. C’est-à-dire que l’approche que je viens de décrire qui est celle du Prd est écoutée. Nous allons apporter notre vision pacifiste à l’oreille qui décide. C’est en cela que c’est une joie. Donc il ne s’agit pas du nombre. Il s’agit de l’efficacité et de pouvoir avoir une possibilité supplémentaire de contribuer au développement du pays.

Surtout que c’est lui qui commande désormais les maires et les préfets …
J’ai lu ça sur les réseaux sociaux et j’ai souri un peu. C’est de la blague. Ayons le triomphe modeste. Le ministre de la décentralisation n’est pas le bourreau des préfets et des maires. Il est le facilitateur pour que les maires réussissent leurs missions. C’est son boulot. S’il constitue un frein, il a perdu les normes, parce que dans le Programme du président Talon, c’est à partir de la base que le développement va être amorcé. Donc vu sous cet angle, je crois que le ministre Akotègnon a un grand rôle à jouer pour booster le développement de la base au sommet et avec son expérience au parlement en tant que président de la commission des finances, il a eu la chance de rencontrer presque tous les ministres. Ça lui est facile de discuter avec la plupart de ses collègues, car le gouvernement n’a pas bougé depuis 5 ans. Donc il a eu cette chance-là de discuter avec eux, de connaître presque tous les budgets de chaque ministère, les progrès et les difficultés. Il a fait cet exercice pendant 4 ans à l’Assemblée nationale. Donc c’est un atout supplémentaire qui va être au service du développement local. C’est comme ça qu’il faut voir. Mais pour nous, en tant que PRD, c’est une satisfaction morale parce que certains nous ont dit que le candidat Talon est venu au congrès du PRD pour nous bluffer. C’était presque de l’injure pour la personne du président Talon. Donc je crois que cette nomination vient mettre ça là de côté. Certains nous ont dit aussi sur le terrain que le PRD est de l’opposition. On a beau dire qu’ils se trompent de cible, ils ne nous comprenaient pas. Cette nomination pour nous vient déblayer le terrain. Nous n’avons jamais été à quelque rencontre de l’opposition que ce soit. Nous, nous sommes PRD. Nous avons gardé notre entité et nous en sommes fiers. Et c’est cette liberté qui nous permet de choisir librement le candidat Patrice Talon. C’est la différence. On ne peut pas nous faire le procès de choisir quelqu’un. Nous, nous sommes PRD et nous soutenons Talon et son programme d’action.

N’avez-vous pas le sentiment qu’il y a juste eu un semblant de remaniement pour insérer le PRD dans le gouvernement ?
Non. Vu comme le trombinoscope du gouvernement, on voit les anciennes photos, et puis on voit une nouvelle photo. Vu comme ça, on est tenté de dire oui. Mais ce n’est pas du tout ça la réalité. Nous venons de célébrer le travail des hommes et des femmes du gouvernement qui ont conduit le président Talon à avoir les réalisations positives qui sont les siennes. Et il n’a pas encore fini certains chantiers. Si vous avez bien suivi son projet de société, c’est la continuité de ce qu’il a entamé depuis 5 ans. Certains sont même restés à l’étape d’étude. Des choses réalisées par ceux qui sont là. Je crois qu’il a gardé une attitude de cohérence au niveau de l’action gouvernementale pour aller vraiment loin, pour ne pas perturber l’équilibre. On était habitué à chaque remaniement ministériel à un jeu de chaises musicales. Mais n’enlevons pas le pouvoir constitutionnel conféré au chef de l’État de former son gouvernement, de conduire la politique gouvernementale et d’en répondre devant la nation. Si nous commençons par interpréter ses choix, c’est tout comme si nous voulons nous mettre à sa place. On a vu des chefs d’État qui ont formé leur gouvernement, personne n’a dit que c’est mauvais. C’est à la fin que nous avons eu les résultats.

Avez-vous constaté la disparition du ministère de la communication ?
Je n’ai pas été surpris de la disparition de ce ministère, parce que je m’étais dit que les communications étaient retournées au niveau du ministère du numérique et de la digitalisation. Après, on a suivi en direct le chef de l’État qui a coupé la polémique en intervenant sur E-télé pour expliquer sa vision. Une fois encore, la politique gouvernementale est conduite par le chef du gouvernement. Et ce que moi j’ai retenu de fondamental, c’est qu’il a fait un diagnostic du ministère de la communication. Au moins si on reste au niveau du diagnostic, le secteur n’a pas permis au ministère de la communication de se partager. L’autre diagnostic est que la volonté de réguler, de professionnaliser la communication est affichée. Le chef de l’État a estimé qu’il faut dissocier la communication gouvernementale de la propagande. Donc en ramenant le porte-parole à la présidence, il n’y a rien d’anormal. Ce qu’il faut surtout éviter, c’est la polémique. Une fois encore, et ça c’est un appel à l’endroit des professionnels de la communication : Ne loupez pas l’opportunité. Le chef de l’État a dit : « Je veux améliorer votre secteur. » Si vous restez là à dire que Talon a supprimé la communication, nous n’allons rien faire, il vous a aidé et ainsi un nouveau paradigme de la communication va naître et peut être que lorsque vous professionnels qui vivez les choses vous allez vous mettre autour de la table en posant les actes le plus sereinement possible, une nouvelle piste des communications va sortir. Mais à la date d’aujourd’hui, la seule suppression que je vois est une opportunité pour les professionnels de la communication et de l’information de se réveiller. Dites-vous que c’est l’occasion pour que le chef de l’Etat s’intéresse à votre corporation. Faisons donc quelque chose de clean et saisissons cette opportunité pour que ça soit réglé. C’est vous autour de la table qui allez proposer une modification des textes de la HAAC pour aller dans le professionnalisme. Si c’est cette occasion qui permet d’avoir une nouvelle loi sur la Haute autorité de l’audiovisuel et de la communication, alors saisissez-la.

Que proposez-vous comme solution pour qu’il y ait une stabilité politique durant le second mandat du président de la République ?
Le Président Talon est un infatigable acteur de la stabilité politique. Et je crois qu’il a mis la première clé dans la porte en demandant aux uns et aux autres de taire les querelles. La deuxième étape est de franchir le palier et surtout que ceux et celles qui ne disent pas les mêmes choses acceptent le principe. Si le pays est calme, on peut faire beaucoup de choses. Le chef de l’Etat est content que le vivre ensemble existe dans certaines zones et il a totalement l’intelligence nécessaire pour atteindre cet objectif. Mais avant de dialoguer, il faut que tout le monde soit dans la même vision. Le pays n’avancera pas dans la division. Le chef de l’Etat a les moyens pour tendre la main au peuple et il doit être un infatigable dialogueur. Il ne faut pas se fatiguer de lui rappeler que c’est à lui qu’on a confié le Bénin, c’est à lui de nous représenter.

Donc vous pensez qu’il doit donner une suite favorable aux récentes demandes pressantes pour organiser des assises?
Il doit contribuer à ce que les Béninois se parlent, surtout la classe politique. Que ceux qui ne partagent pas le même point de vue que lui se parlent. Nous devons faire comprendre que nous avons intérêt à parler ensemble. Le faire ne veut pas dire que c’est un aveu d’impuissance mais au contraire discuter avec les gens qui ne sont pas du même avis que vous, c’est un acte d’humilité. Cela ne veut pas dire que vous avez pris de l’ascendance sur lui. C’est de cette discussion que jaillira la lumière. Et cette habitude est notre credo au PRD.

Comment le PRD se prépare-t-il pour reconquérir ses sièges au parlement ?
Nous avons un programme de la remontada. On a perdu 10 députés mais aujourd’hui Dieu nous a honorés d’un président qui est expérimenté. Je me souviens du lendemain des élections communales où tout le monde était dans le désespoir. J’ai dit : « Attendez ! Nous allons remonter ! » Lorsque vous êtes sur le terrain et que vous voyez les militants à la base, vous vous rendez compte qu’en réalité cette situation nous a permis de nous rendre compte que c’est un parti politique. Aujourd’hui, c’est très facile de voir les militants sur le terrain mouiller le maillot. Vous nous avez vus sur le terrain pour la campagne mais dans d’autres circonstances ça nous coûtait trois ou quatre fois plus cher. Aujourd’hui, les gens se sentent impliqués et nous voulons maintenir cette dynamique.

Ce sont les effets de la remontada qui vous amènent à reprendre le maillot de militant ?
Je vais vous dire une chose. Certains partis existent parce que les cadres y sont nommés. Parce qu’il y a des directeurs, des ministres, des députés et les gens courent pour être dans ce parti-là. Au PRD, on n’a pas eu ça. On a les militants. On est partis de 0 ministre à 1 ministre. Pour nous, c’est un gain. Et ce poste est forcément en moins quelque part sur le parti. Si vous ne savez pas vous contenter de ça, vous n’allez pas apprécier le chemin parcouru. Le simple fait d’être parmi les gouvernants, vous permet d’être avec les gouvernants. Cela permet à vos militants de ne pas être considérés comme des taupes. Nous sommes un parti de masse où les militants n’ont pas besoin forcément d’être devant. Nos militants ont besoin de marchés, des routes pour faire leur business et autre. Ils ont besoin de la sécurité et de la paix . Si vous leur offrez cela, c’est fini.

A quand la retraite politique de votre leader ?
C’est depuis 2019 qu’il s’est totalement retiré. Il y a un mandat du bureau politique qui court jusqu’en décembre de cette année 2021. Je crois que vous ne confondez pas la retraite à la mort politique? Puisque notre leader, le président Adrien Houngbédji, n’est pas mort politiquement. Nous ne lui souhaitons même pas une mort politique. Il est en train de nous orienter vers la prise en charge des problèmes du pays. Il n’est pas plus âgé que certains dont personne ne demande la retraite non plus. Il a quelque chose d’important que je demande que les uns et les autres acceptent, c’est son expérience à conduire un parti politique depuis 30ans. Donc permettez-nous en tant que militant de profiter de ce gisement d’expérience. En tant que militant, le seul Béninois ayant l’expérience de conduire un parti pendant 30ans, c’est notre président Adrien Houngbédji. Donc permettez nous de continuer à traire le lait, s’il était une vache à lait, à boire l’expérience jusqu’à la lie. Sachez donc que nous sommes dans une démarche de le maintenir encore et encore. Il a une vie privée ; il a son programme personnel ; il ne s’implique plus dans le parti comme avant. Mais nous savons qu’en cas de conflit, lorsqu’il y aura des difficultés, il constitue notre repère, une référence tant pour nous qu’à la nation. Surtout qu’il a la liberté au cœur.
Sachez désormais que c’est le noyau des cadres et des responsables de la DEN qui dirige le parti. Depuis 2019, c’est seulement à l’approche des élections présidentielles passées qu’il a fait une sortie pour dire que l’heure est grave ; qu’il y a des incompréhensions qui risquent de tromper beaucoup de Béninois. Et que quand on a son expérience, on ne laisse pas les choses pourrir. On vient à la rescousse. C’est pour ça qu’il est passé de maison en maison, en demandant aux jeunes de ne pas verser dans la violence. Il dit dans son discours de non-violence : «J’ai voulu être chef de l’Etat pour construire le pays. Dieu ne me l’a pas donné. Quelqu’un est en train de le faire, je ne vais pas l’empêcher ni par action, ni par mes intentions. Que personne ne vous mente pour que vous versiez dans la violence inutile ». C’est ce qui l’a fait sortir. Mais après cela, il s’est rangé. Vous ne le voyez nulle part. Et pendant ce temps, c’est nous qui sommes à l’exécutif. C’est nous qui prenons les décisions.
Nous ne voulons pas être orphelins très tôt (au sens propre et au sens figuré). C’est-à-dire nous ne sommes pas pressés de le voir partir. Nous voulons qu’il soit toujours là pour qu’en cas de difficulté ou de situation difficile, nous puissions dire : «Parce que notre leader est là nous pouvons oser».

Si on vous demandait de conclure cet entretien, que diriez-vous ?
Je dirai que notre nation est en développement. Tous les éléments ne sont pas encore sur pieds, le vivre-ensemble est en souffrance mais ne nous leurrons pas. Il n’y a pas encore péril en la demeure. Nous avons toutes les occasions pour nous parler. Que chacun, du plus fort au plus faible, se mette dans une prédisposition d’écoute de l’autre, parce qu’il n’y a pas de fort éternel, il n’y a pas de faible éternel. Tout est mouvant, tout bouge. Ceux qui sont fort aujourd’hui peuvent être en faible position demain. Mais comme personne ne veut subir ce sort, notre combat est de faire en sorte qu’aucun Béninois ne brime l’autre. C’est de bâtir la République. Ne construisons pas les textes sur mesure, prenons les dispositions pour le futur, pour l’avenir de nos enfants. Sur certains aspects des réformes politiques, c’est pour ça que moi je soutiens le président Talon. Mais nos expériences ne nous permettent pas aujourd’hui d’apprécier tout. Gardons l’esprit, corrigeons ce qui peut l’être, mais dans un esprit de vivre ensemble et ce vivre-ensemble est indispensable. Faire en sorte que chacun puisse s’exprimer, se déplacer librement dans le pays. Et ça, c’est le pouvoir qui a les moyens pour nous assurer cela. Il revient au pouvoir politique de nous assurer à nous tous, la liberté d’aller et de venir, la liberté de parole, et à nous autres, c’est notre attitude qui nous permet de bénéficier de ça.

Carte d’identité: 30 ans d’expérience politique

Christian Parfait Ahoyo est ingénieur en informatique. Né le 15 avril 1967 à Abomey, il a fait son école primaire à Porto Novo où il obtient le CEFEB en 1978. Il fait ensuite le CEG 2 Abomey où il décroche le BEPC en 1984 ainsi que le BAC C au Lycée Houffon. Inscrit en MP à l’Université nationale du Bénin, il fait parallèlement des études de géographie. A l’issue des études en Mathématiques et en Géographie, il part en France pour faire un troisième cycle en système de gestion de l’environnement de 1999 à 2004, à Aix-en-Provence (Marseille). Parallèlement, il fait à Orléans des études d’ingénieur en informatique qu’il juge beaucoup plus opérationnelle. Il travaille réellement en tant qu’ingénieur informatique à Air France, à la Société Générale des Banques en France, à BMP, à Total dans les groupes Axa, avant de revenir sur des missions à l’international en tant qu’expert au niveau de l’Union européenne. Et à partir de 2008-2009, il fait des missions internationales vers l’Afrique avec la Banque Mondiale, le PNUD. Il intervient ainsi sur les politiques d’informatisation, par exemple le Programme d’Appui aux Réformes de la Justice au Bénin, pour l’informatisation de la justice dans notre pays. Nommé par le Président de l’Assemblée nationale au poste de conseiller technique chargé de l’informatisation et du numérique, il a travaillé sur le code du numérique adopté par le parlement en 2015. Mais il ne faut pas oublier que depuis l’université, Christian Parfait Ahoyo était déjà un militant du Prd. Membre fondateur de l’Union nationale des étudiants du Bénin (Uneb), il a été le tout premier Directeur de publication du journal Le Révélateur, le 2ème journal des étudiants après Le Héraut. Président de l’UNEB de 1991-1992-93, il avait toujours été militant de Me. Adrien Houngbédji. Il était ainsi dans la campagne pour la présidentielle de 2001, 2006 et 2011, toujours aux côtés de son mentor. « Nous avons gagné, dit-il. On nous a vendu le ko. Nous avons accepté les chars devant nos maisons à Porto-Novo. » Durant ces heures chaudes, il avait même été arrêté et brièvement détenu. Bien entendu, 2016 a vu le soutien du Prd pour Lionel Zinsou, avant qu’à l’heure de la victoire de Talon, le parti ne bascule vers la mouvance présidentielle.

Intimité: Ancien footballeur

Marié et père de 02 enfants, Christian Parfait Ahoyo est un ancien footballeur. Il fut même sociétaire du club des caïmans du Zou (junior).Et à ce titre, il connaissait l’ancien Président de la FBF, l’emblématique Moucharaf Gbadamassi. Si vous l’invitez à table, il faudra prévoir de l’akassa couvert de feuille de teck ou de palmier. En termes de boisson, il apprécie bien le vin à table et la bière quand il est avec les amis.

La REDACTION

Bilan du Maire de la commune de Bohicon, Rufino d’Almeida Sous l’arbre à palabres à l’Événement Précis: « Bohicon sera la première ville du Bénin à avoir une régie communale »

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9 juin 2020-9 juin 2021. Déjà un an pour Me Rufino d’Almeida à la tête de la ville carrefour, Bohicon. Interrogé sur sa première année de gestion, le Maire de la ville de Bohicon fait des aveux sur ses premiers jours à la tête de la mairie : « l’absence de ressources pour impulser le développement et donner corps à mes ambitions a été un problème majeur ». En retroussant ses manches, Me Rufino d’Almeida s’est aussitôt mis au travail et se félicite d’avoir posé avec son conseil communal des pas significatifs dans ce domaine. « Sous l’arbre à palabres » de votre quotidien l’Evénement Précis, il détaille les actes majeurs de sa première année de gestion. L’interdiction de chargement hors parc, la suspension des comités de gestion des parcs, la mise en régie imminente des infrastructures de la commune sont entre autres quelques actions posées par le maire depuis son installation. Selon son développement, ces réformes ont permis à la mairie de mobiliser des ressources nécessaires pour la réalisation des infrastructures sociocommunautaires au profit des populations. Mais la détermination de Me Rufino est plus forte et son plus grand souhait est de doubler les ressources de la commune. Outre cet objectif, le Maire Rufino d’Almeida ambitionne aussi de mettre de l’ordre dans le foncier à Bohicon. Côté politique, le maire de la ville de Bohicon, membre fondateur du parti Bloc républicain trouve logique et nécessaire la réélection du président Patrice Talon pour la poursuite des actions de développement en cours à travers la mise en œuvre du Programme d’Action du Gouvernement ‘’Bénin Révélé’’. Ce programme d’action a effet beaucoup apporté à la ville de Bohicon selon le maire qui reconnait d’ailleurs que sans le PAG, Bohicon ressemblerait à un village. Raison suffisante pour l’ancien directeur de cabinet du ministère du plan d’inviter le gouvernement à penser davantage à la ville carrefour.

Et si on en parlait

Comment avez-vous ressenti ce transfert de l’autorité centrale que vous incarniez à l’autorité décentralisée que vous êtes aujourd’hui devenue ? Comment avez-vous vécu cette mutation ?
Effectivement il y a eu une mutation brutale, mais j’ai fini par me convaincre que c’est mon destin. Vous le savez, j’étais à Paris, avocat, lorsque le candidat Abdoulaye Bio Tchané m’a demandé d’être son directeur de cabinet politique. Là déjà, c’était un grand écart. Comment peut-on être à Paris et piloter des militants au Bénin. Pourtant, j’ai réussi à le faire en venant pratiquement tous les weekends à Cotonou, pour tenir les réunions des membres du cabinet ainsi que des militants. De la même façon, lorsqu’il m’a été demandé de devenir le directeur de cabinet du ministre d’État chargé du plan et du développement, Abdoulaye Bio Tchané, j’étais encore à Paris et ça a été également une grande transition. Je suis venu à Cotonou avec une veste, ne sachant pas que je serai à ce poste. Parce qu’on m’a dit un dimanche soir, je crois : « votre dossier sera évoqué en conseil interministériel demain lundi. Vous serez nommé mercredi. Jeudi, vous viendrez au ministère pour prendre connaissance des lieux et vendredi pour la passation de charge et la prise de fonction. » Ce qui fut fait. De la même façon, je suis parti du niveau stratégique, donc du poste de DC du ministre d’Etat à la mairie. Voyez-vous, je suis un habitué des grands écarts. On dirait que j’aime ça ou bien que mon âme aime ces mutations. Sinon, c’est le destin.

Un an après, avez-vous été déçu par ce que vous avez vu concrètement sur le terrain ?
J’ai passé presque quinze ans dans l’administration privée en tant qu’avocat au barreau de Paris et plus de quatre ans dans l’administration centrale en tant que directeur de cabinet du ministre d’État. En allant au niveau communal ou décentralisé, j’étais déjà persuadé que le vrai développement, les vraies actions de développement doivent être au niveau des communes. Je suis aujourd’hui plus que jamais persuadé de ces idées que j’avais depuis une trentaine d’années.

Quels sont les grands problèmes que vous avez rencontrés tout au début ?
En devenant Maire, j’ai été rapidement confronté à des propos attentatoires à ma vie privée et mon honorabilité par des groupuscules mal inspirés et soutenus en sous-bassement par des acteurs politiques. Ensuite, l’absence de ressources pour impulser le développement et donner corps à mes ambitions a été un problème majeur. Pour finir, le cloisonnement du travail dans les services fut une surprise pour moi. La conséquence première est que deux personnes qui partagent le même bureau ignorent tout de leurs dossiers respectifs. Je rajouterai l’ignorance abyssale du fonctionnement et des difficultés des communes observés au sein des cadres de l’administration centrale.

Votre budget est de combien de millions par exemple ?
J’ai un budget d’un peu plus d’un milliard pour la commune de Bohicon. Qu’est-ce que vous pouvez faire avec un milliard ? Donc, vous êtes obligé de faire de la mobilisation des ressources votre premier défi si vous êtes un maire ambitieux. Il s’agit d’abord de fermer les canaux de perdition des ressources. A cet effet, j’ai été obligé de développer des stratégies innovantes . Ensuite, il a fallu laisser la politique de côté pour véritablement recouvrer les taxes qui reviennent à la commune. C’est être capable de contraindre les amis, parents et partenaires politiques à libérer ce qu’ils doivent à la commune. L’autre observation c’est d’améliorer la cohérence entre les documents de planification de long terme et ceux de cout terme. Le PDC, c’est notre PAG à nous et les cadres doivent prendre une part active dans sa rédaction, parce que lorsqu’un projet ne figure pas dans le PDC, c’est qu’il est difficile de le mettre dans le budget. Donc, que les cadres s’approprient davantage ce document et quand je dis « cadres », c’est le maire y compris. Il ne sert à rien de laisser ce document être rédigé uniquement par des experts, mais il faut l’implication des cadres communaux.

Un an après votre élection, quel bilan faites-vous à la tête de la mairie de Bohicon ?
Vous savez qu’il est très difficile pour un acteur de faire son propre bilan. Vous êtes des journalistes et vous pouvez venir faire mon bilan.

C’est pour dire que vous êtes parti sur un certain nombre d’ambitions, et après la première année, qu’est-ce qui a été fait ?
Les actes qu’on a posés, c’est qu’il faut déjà partir des problèmes de Bohicon. Le premier problème que je connaissais quand je traversais Bohicon, c’est que la ville est trop sale. Dans la même veine, je trouvais que les choses n’étaient pas forcément à leur place. Notamment dans ce deuxième pôle de transit de notre pays après Cotonou, les camions, les taxis se garaient de part et d’autre des voies et cela donnait le sentiment que la ville n’était pas tenue. C’était ma première observation. Et lorsque je suis venu, ce fut mon premier défi. Je peux vous dire que ce n’était pas simple du tout. J’ai déclaré d’abord interdits les chargements hors parcs. Ensuite, j’avais mis la contravention à 30.000fcfa. Mais j’ai vu qu’elle était loin d’être dissuasive. Je l’ai portée à 100.000fcfa. Et pourtant, nous peinons à éradiquer le phénomène, même si des résultats substantiels sont observés. Puisque cela faisait un manque à gagner criard pour la mairie. Vous aurez également constaté que pour la première fois dans l’histoire de Bohicon, les gros porteurs, notamment impliqués dans la campagne cotonnière, de gré ou de force, ont rejoint le parking gros porteur, en dégageant la voie inter-États. Donc en causant moins d’incidents, et en occasionnant moins de salissure. Ainsi, Bohicon montre une partie de ce qu’elle a de joli. Puisqu’il n’y a plus ces gros porteurs garés à gauche et à droite. Mais, c’est un travail de longue haleine. Parce que, autant nous étions très vigilants dans la campagne cotonnière, autant nous avons baissé légèrement la garde dans la campagne et déjà, le phénomène a repris avec beaucoup d’acuité. Et si vous êtes bien informés, depuis la semaine dernière et début de cette semaine, nous avons déclaré une guerre frontale pour éradiquer ce phénomène. Pas plus tard que jeudi dernier (jeudi 3 juin) on a eu 16 taxis arrêtés en train de faire un chargement hors parc. C’est dire que nous n’allons pas nous arrêter en chemin. Dans une cité, le politique est là pour mettre les choses à leur place. On ne peut pas accepter que dans la société, la route devienne la gare et que le marché devienne l’hôpital, etc. Nous devons mettre chaque chose à sa place. C’est notre premier défi. Le deuxième défi qui aurait pu être le premier en réalité, c’est la nécessité de mobiliser davantage de ressources. Avec le conseil communal et les élus locaux, nous avons pris ce problème à bras-le-corps. Et je peux vous dire qu’après la période d’observation de deux, trois ou quatre mois, j’ai sorti un arrêté vers le 15 novembre pour suspendre tous les comités de gestion des gares composés de 11 personnes, en y envoyant deux personnes (Un politique et un acteur de gare). A eux, j’ai joint un rapporteur et figurez-vous que sur quasiment toutes les gares, j’ai trouvé une augmentation des ressources. C’est dire que nous devons persévérer davantage. C’est un travail de longue haleine. Et tous les jours, mon livre saint à moi, c’est le point que me fait le chef service en charge des affaires économiques pour savoir combien sont rentrés par rapport aux prévisions. Et j’ai noté depuis 2 semaines une baisse. Cela veut dire qu’on doit trouver une nouvelle stratégie pour booster davantage la mobilisation des ressources. Mais, cette question devrait être définitivement un mauvais souvenir puisque nous avons décidé à Bohicon, de mettre toutes nos infrastructures économiques en régie. Actuellement, nous sommes en train de recruter les 5 cadres de la régie. Le directeur de la régie est déjà recruté. Il s’agit de Mr Saturnin GNAMBAKPO. C’est un cadre de la Mairie. Cette semaine, je vais lire le rapport produit par les autres jurys et porter mon choix sur les 4 autres cadres qui vont diriger la régie autonome de gestion des infrastructures économiques et marchandes de Bohicon (RAGIEM). Et Bohicon sera ainsi la deuxième ville du Bénin à avoir mis ses unités marchandes et économiques sous régie. Bohicon sera la première ville à avoir mis autant d’infrastructures puisque chez nous, nous aurons plusieurs marchés, 4 ou 5 gares routières, l’abattoir, tout ce qui est économique, nous les mettrons dans la régie. Nous serons probablement la première régie communale du Bénin d’ici quelques semaines. L’objectif, c’est de doubler nos recettes. Et lorsque nous aurons cette arme de guerre, nous entendons nous attaquer de manière frontale aux infrastructures scolaires. Je suis enfant d’enseignant et je n’accepterai jamais que les enfants continuent à étudier dans les classes en matériaux de fortune. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai fait lancer les travaux de construction de plus 30 salles de classe dans les écoles primaires publiques de différents arrondissements de notre commune. Et d’ici 3 mois, ces infrastructures vont intégrer le patrimoine scolaire de Bohicon. Plus ce que les partenaires vont faire, nous serons cette année à une quarantaine de salles de classe.

Avez-vous l’impression que les cadres de votre localité suivent votre mouvement ?
Ce que je peux vous dire, c’est que les cadres ont trouvé mon rythme trop rapide. L’un d’eux m’avait demandé si je pense qu’à ce rythme nous verrons l’année 2020 et après 2021. C’était le moment où j’avais décidé de faire participer la commune de Bohicon à un concours lancé par le ministère cadre de vie via le Fonds national de l’environnement et du climat. C’était un concours qui vise à mesurer la capacité économique, à faire la salubrité, à curer les caniveaux, à planter des arbres et à les entretenir, à construire les ouvrages de résiliences contre le changement climatique. Moi j’ai refusé de prendre un expert. J’ai estimé que nous devons pouvoir rédiger nous-mêmes le PV de ce que nous faisons en la matière. Donc j’ai mis en place un comité et je lui ai dit que si on travaille bien, il n’y a rien à faire, on sera la meilleure commune. C’est vrai, on travaillait tard, jusqu’à 3h du matin. Le résultat est tombé et malheureusement, nous n’avons pas été premiers. Mais nous avons été deuxièmes. Dans quelques jours je recevrai des mains du ministre Tonato 25 millions de Fcfa plus l’arsenal nécessaire pour conduire les opérations de salubrité. C’est vous dire que les cadres commencent maintenant par me connaitre. Ils prennent le pas de mon rythme. Toute ma vie j’ai travaillé. Je ne sais pas paresser. Si vous regardez mon parcours, vous le saurez davantage. Je ne sais pas paresser. Travailler pour moi c’est naturel, normal. Et je pense que depuis un certain temps, même les PTF qui passent à Bohicon commencent par sentir le frémissement de quelque chose.

Tout ce que vous faites a pour finalité d’impacter les populations. Est-ce que vous pensez que toutes ces actions résolvent quelque chose au niveau de la population ?
Oui. Forcement. Lorsque dans moins de 3 mois je vais permettre aux directeurs d’écoles d’avoir une quarantaine de salles de classe, vous comprenez que c’est moins d’enfants qui vont étudier à l’abri des intempéries. Que je lutte contre le chargement hors parc, c’est vrai que cela peut créer des désagréments à certaines personnes, mais cela évite les accidents, apporte le calme qu’il faut pour le repos et pour dormir. Lorsque je déclare la guerre à la pollution sonore, avec la police, cela permet à ce que les églises, les mosquées et autres connaissent les horaires auxquels ils doivent s’adonner à leur culte et autres. Lorsque dès mon arrivée, j’ai ouvert les voies comme jamais à Bohicon, c’est pour que ceux qui ont acheté des parcelles et qui attendent depuis des années l’ouverture des voies puissent circuler et surtout ce qui permettra à la SBEE d’étendre son réseau. Bohicon a hérité du PAG le plus grand linéaire, s’agissant de réseau de densification et d’accès à l’eau potable. Dans le Zou, nous sommes la commune qui a le plus consommé, mais il en reste encore. Tout ce que nous faisons, c’est pour les populations. On ne peut pas être maire d’une commune lorsqu’on n’a pas le sens du devoir, lorsqu’on n’a pas le sens du service, l’humilité de servir les populations. C’est ce que je fais au quotidien et c’est même un plaisir.

Quelles sont les stratégies que vous avez mises en place pour assainir la gestion communale ?
C’est très compliqué. A l’heure où je vous parle, le secrétaire général de la mairie qui vient du ministère du plan a pour objectif premier de m’élaborer un canevas de critères d’évaluation du personnel de la mairie et des critères d’évaluation de nos propres politiques publiques. Ce qui permettra à chaque cadre et à chaque agent de la mairie de savoir où il en est. Il va se noter lui-même. Sans que cela ne soit disponible, nous avons déjà commencé. Les critères d’évaluation, c’est la ponctualité. Chacun sait que les lundis à 7h45 à la mairie de Bohicon, qu’il pleuve ou qu’il neige, la cérémonie des couleurs commence. Ce n’est pas 7h46. Le Codir, c’est les lundis à 10h, pas une minute de plus. Le Cocab, c’est 8h30, la réunion de l’exécutif, c’est les lundis à 8h. Qui ne suit pas ce rythme sait qu’il est en contre-performance. Il aura la note qu’il mérite. Vous parlez de stratégie par rapport à la mobilisation des ressources. Notre stratégie, c’est de se désintéresser des gratifications habituelles. Dès lors que j’ai refusé toute gratification des gares, des marchés, vous voyez que tout le monde est obligé de suivre ma dynamique. Deuxièmement, le voleur ne vole jamais quand il est sûr qu’il se fera prendre. Pour les marchés, le personnel dédié qu’on appelle les collecteurs, j’ai décidé que plus aucun collecteur ne fera plus d’un mois dans une unité marchande. Dieu merci, j’en ai suffisamment. J’ai le marché Ganhi, Yénanwa, Kpassagon, Avogbanan et ses extensions, et puis j’ai la gare Centrale, le parc à gros porteurs, le parc à bus, la gare de Sodohomè, l’abattoir, la chambre froide, j’ai les extensions. J’ai demandé à ce que plus aucun collecteur dans une année donnée ne fasse plus d’un mois dans une unité marchande. D’autant qu’il commence par s’habituer aux bonnes dames, on l’enlève et on l’envoie ailleurs. Et le résultat est là. Et puis j’ai mis en place un comité de surveillance composé de cinq élus qui, à tout moment, peuvent débarquer dans une unité marchande sans l’autorisation du maire, rester là toute la journée, faire des contrôles, faire des observations. Et moi-même, de temps à autre, à l’improviste, je débarque au parc à bus à 4h, puisque c’est l’heure à laquelle les activités commencent. Les cars viennent du nord et prennent le départ pour Cotonou. Moi-même je viens et j’essaie de regarder quel est l’impact de ma venue par rapport aux recettes précédentes. Si je sens une brusque augmentation, alors le gestionnaire est appelé à garder ce rythme tout simplement. Mais nous irons plus loin. Les six mois à venir, nous allons définir d’autres stratégies pour augmenter nos ressources.

Quelles sont vos ambitions en matière d’urbanisation de la ville de Bohicon ?
Il faut dire que Bohicon est un centre très prisé. C’est une ville qui connait le plus fort taux de migration vers elle. Mais comme toutes les villes de notre pays, y compris Cotonou d’ailleurs, rien n’est à sa place. Tout se mélange. Vous allez à Bohicon, vous verrez les boulangeries et les scieries qui sont à côté des maisons, les soudeurs soudent partout, les menuisiers rabotent partout. Donc nous avons les mêmes problèmes que toutes les communes du Bénin. Cependant, avec l’aide du projet PAVIC financé par l’AFD, nous avons rédigé le document de planification de notre territoire pour tenter, si c’est encore possible, d’identifier les zones pour telle ou telle activité. Nous pourrons, par exemple, décider que notre zone industrielle communale soit à tel endroit et obliger tous ceux qui auront à ouvrir des usines lourdes, moyennes ou petites de nous y rendre, en mettant à leur disposition l’eau, l’électricité et autres. Donc l’urbanisation de Bohicon sera faite. Mais immédiatement, c’est la gestion des opérations de lotissement qui est en cours. Nous avons 19 opérations de lotissement en cours à Bohicon dont certaines ont commencé depuis les années 1980, mais aucune de ces opérations n’est terminée. Donc le défi majeur pour le maire que je suis, c’est d’obliger les géomètres à clôturer les opérations. La plupart d’entre eux ne sont pas payés depuis des années, pourtant ils sont toujours là à travailler. Vous voyez que s’ils sont là, c’est qu’ils y ont leurs intérêts. Et nous on entend bien mettre de l’ordre dans le foncier à Bohicon.

Quelle est la part du PAG dans les réalisations en cours à Bohicon ?
Nous devons avoir l’honnêteté de dire que sans le PAG, Bohicon ressemblerait à un village. Ce sont les projets du PAG qui sont venus donner vie à la commune de Bohicon. J’en cite simplement deux ou trois. Il y a d’abord la construction des deux plus belles et peut-être plus grandes gares du Bénin : le gros bâtiment que vous voyez à l’entrée de Bohicon, c’est notre future gare centrale, lorsque vous prenez le contournement et vous allez à Covè vers Sodohomè, vous verrez un parc à bus qui est en cours de construction. A tous ces projets, je rajouterai un autre projet qui a changé la physionomie de Bohicon et amélioré la mobilité. Il s’agit du projet asphaltage. Bohicon a d’ores et déjà eu droit à 14Km de routes asphaltées, donc goudronnées ou pavées. Nous attendons 19 autres qui devraient tomber d’un instant à l’autre. Et à cela, je dois mes remerciements au Chef de l’État et aux ministres qui ont piloté ce projet, et dire également que Bohicon a bénéficié du projet de densification et de l’extension du réseau d’accès à l’eau potable. Ce qui a permis à Bohicon d’augmenter sensiblement le nombre de populations ayant accès à l’eau potable. Il y a quelques mois, sept habitants sur dix n’avaient pas accès à l’eau potable. Avec l’effort qui est fait, nous devons d’ici une année ou deux ans couvrir les dix. Car, le Chef de l’État a tout fait pour que nous ayons accès à l’eau potable. Bohicon est déjà à une grande position. Nous devons couvrir toute la ville parce que, tant qu’il reste une seule personne n’ayant pas accès à l’eau potable, le maire que je suis ne peut pas se reposer.

En ce qui concerne l’assainissement, est-ce que la SGDS-GN est présente à Bohicon ?
Non, la SGDS-GN n’est présente que dans les huit communes qui constituent le grand Nokoué. Aujourd’hui, nous nous débrouillons avec nos propres moyens et nous espérons que le ministre Tonato viendra à notre rescousse pour organiser la collecte des déchets telle que cela se fait aujourd’hui à Cotonou. Nous faisons le ramassage avec des ONG pour ensuite déverser à Sodohomey. Mais il faut savoir que les investissements en la matière sont des investissements lourds. Et la commune de Bohicon ne pourra pas toute seule faire face à cela, il faudrait forcément que l’État vienne à notre rescousse. Je pense même qu’il faut sensibiliser les ministres concernés sur les difficultés de Bohicon et son incapacité à faire face seule à ces difficultés. Avec cela, nous allons progresser puisque nous avons deux grands projets qui nous aideront à résoudre les difficultés de la ville à savoir : le projet PAPVIRE, qui nous permettra d’assainir nos ouvrages d’eau et le second projet qui sont l’assainissement des villes qui nous aidera à construire l’autoroute entre Bohicon et Abomey. Avec la réalisation de ces ouvrages, nous allons renforcer la résilience des Bohiconois à effets des changements climatiques.

Pourquoi vous avez baissé la garde sur le phénomène d’occupation anarchique des espaces publics ?
Pas du tout, nous n’avons pas baissé les bras. D’ici la fin de ce mois, vous verrez que Bohicon mettra en place deux brigades. Une brigade économique et une brigade d’hygiène. C’est dire que nous avons mené cette lutte. A un moment donné, on s’est retiré pour réfléchir sur des stratégies avant de se relancer.

Est-ce que le Fadec est un outil performant à Bohicon ?
Je peux vous dire que le Fadec est un outil très utile pour les communes. Il y a certaines communes qui ne peuvent jamais fonctionner sans le Fadec puisque les ressources dépendent à pourcentage très élevé des fonds Fadec.

Quelle est la balance à Bohicon ?
Globalement, notre Fadec non affecté est de 250 millions. Nos ressources fiscales font déjà le double du Fadec et les ressources non fiscales ne sont pas mauvaises non plus. Il faut donc partir des communes de notre pays qui veulent vivre avec leurs ressources non fiscales et fiscales. Mais bien évidemment, le Fadec donne davantage de forces aux communes pour entreprendre des travaux.

Vous parliez tantôt de l’opposition. Est-ce les conseillers UP qui constituent l’opposition au niveau de la commune ?
Une opposition au sein d’un conseil se mesure sur le nombre de partis politiques présents dans le conseil. Aujourd’hui, sur 29 conseillers dont est doté le conseil de Bohicon, 19 sont BR et 10 sont UP. Donc, c’est dire que les conseillers UP constituent l’opposition communale

Est-ce que vous les associez réellement à la gestion de la ville ?
Ils n’ont pas vocation à être associés à la gestion de la ville en tant exécutif. Cependant, ils ne sont pas absents de la gouvernance locale. A ce jour, nous avons déjà fait voter plus de 50 résolutions à Bohicon et 99% de ces résolutions ont été votées à l’unanimité des conseillers UP comme BR. Nous respectons cette opposition. Et c’est tout ça le dialogue politique. La bienséance voudrait qu’on se rapproche du chef de l’opposition pour voir quels sont les correctifs à apporter au projet, sans dénaturer l’ambition tout en ayant l’assentiment de tous. Il n’y a pas un sujet assez sensible à Bohicon que la mise en régie. Au départ, tous les conseillers quasiment étaient contre. Mais, il m’a fallu faire de la pédagogie en sortant les textes régissant la régie que j’ai partagée à chaque conseiller. Chacun d’eux a lu et a compris que l’antidote qu’il fallait à cet instant était la régie. J’ai fait venir la SNV hollandaise, puisqu’aujourd’hui à Bohicon, la régie est financée par l’aide sous financement suisse, mais pilotée par la SNV hollandaise. J’ai donc fait venir le chef de projet adjoint pour venir faire l’exposé de la régie au conseil communal. Après les questions débats, c’est à l’unanimité des conseillers que la régie a été adopté comme un mode de gestion de nos infrastructures marchandes. C’est ça le respect de l’opposition. C’est ça le dialogue entre la mouvance et l’opposition communale.

Vous semblez avoir fait oublier l’ancien maire Luc Atrokpo aux Bohiconnois. N’est-ce pas Me Rufino ?
La gestion d’une commune n’est pas une question d’affrontement des personnalités. Le BR a gagné de façon claire et nette sans ambages, les élections et a une majorité confortable. Ce qui induit une responsabilité. Et donc, une unification de tous les membres du conseil communal pour que les résultats soient là. Le conseil communal, tout au moins le maire et les conseillers BR, sont concernés par les objectifs que je pilote. Vous me jugerez dans les prochaines années sur le nombre de voies que j’ai ouvertes, sur l’augmentation et la mobilisation des ressources, sur la célérité dans la délivrance de certaines pièces à commencer par les légalisations, les ADC. Nous serons jugés sur la propreté de la ville, sur l’absence de prévarication des deniers communaux puisque nous y sommes engagés depuis les élections. C’est sur ces choses que nous nous sommes engagés et non notre capacité à faire oublier telle ou telle personnalité. Oui, j’ai souhaité prendre sa place à la mairie de Bohicon, mais cela ne m’a pas empêché d’être à la cérémonie qu’il a organisée en mémoire de son feu père, à qui nous souhaitons un repos éternel.

Vous avez brièvement évoqué le problème d’inondations à Bohicon. La ville connait-elle encore ce problème ?
Lorsqu’il pleut, Bohicon devient une ville subitement sale avec de l’eau boueuse. C’est un vrai problème pour le maire que je suis. Comme je vous l’ai dit, nos cris de détresse ont été entendus au plus haut sommet de l’État. Nous sommes en attente d’autres projets d’État qui viendront nous soulager. Je pense qu’après l’exécution de ces projets, la question d’assainissement notamment du conditionnement des eaux pluviales sera réglé à Bohicon notamment dans le centre-ville. Je vous ai parlé du projet PAVIC financé par l’AFD et du projet d’Assainissement des villes secondaires du Bénin qui est sous financement rural.

Que devient le musée d’Agongointo ?
C’est un musée que j’ai trouvé inactif à mon arrivée. Il est aujourd’hui livré à des intempéries, notamment à des inondations récurrentes. Lorsque je suis devenu maire, je me suis intéressé à Agongointo et j’ai vite compris que les maigres ressources de la commune ne pourront jamais donner vie à ce patrimoine historique tel que je l’aurais souhaité. C’est pour cela que j’ai pris mon bâton de pèlerin. J’ai approché les ministères et je peux vous dire que nous avons déjà des projets pour lesquels les ingénieurs sont venus sonder ce qu’il y a à faire et dans les prochains mois, les travaux vont démarrer pour que vie soit donnée à cette relique de notre patrimoine culturel, avant que la marée humaine n’y rajoute sa couche.

On vous a vu très actif lors de la campagne électorale qui s’est soldée par la réélection au premier tour du Président Talon. En l’absence d’une véritable opposition organisée, n’est-ce pas une victoire trop facile ?
Il n’y a pas eu de victoire facile et l’opposition a été bel et bien représentée. Lors des élections présidentielles passées, il y a eu deux grands défis. Il y a celui du taux de participation, qui doit être apprécié avec le retrait d’argent de la campagne présidentielle qui était une donnée essentielle. Le retrait d’argent nous a amenés à plus maximiser notre intelligence sur le peu de ressource que notre parti le BR a mis à notre disposition. L’argent que nous avons eu, c’est pour confectionner les affiches, organiser les meetings, louer des chaises. On n’a pas reçu de gratification et c’est la première fois depuis 1991 que les électeurs béninois étaient confrontés à ce phénomène. L’autre défi était de faire élire le duo Talon-Talata et ça s’est passé d’une très forte belle manière.

Est-ce que vous avez une idée du résultat que ce duo a obtenu à Bohicon ?
Oui à Bohicon nous étions à plus de 90%.

Que pensez-vous du nouveau gouvernement avec le maintien de la quasi-totalité des ministres ?
La constitution a donné le pouvoir à une seule personne qui est le Chef de l’État de nommer et défaire comme bon lui semble. Il a opté pour une certaine durabilité à ce poste. Ce n’est pas trop surprenant pour moi parce que dans d’autres circonstances, il a promis faire durer les acteurs pour que ce gouvernement puisse donner le meilleur de lui-même. Puisque l’expérience s’acquiert au fil du temps.

L’opposition demande un dialogue politique. Que feriez-vous si vous étiez à la place de Talon ?
Le dialogue politique pour moi est une chose permanente. Moi, j’ai une opposition communale à Bohicon et nous dialoguons tous les jours. Je n’ai pas le sentiment qu’il y a un manque de dialogue dans le pays. La preuve, le chef de fil de l’opposition vient d’être désigné. Il est là et il va mener le dialogue. Je ne sais pas de quelle opposition vous parlez. S’il s’agit de l’opposition exilée volontaire ou exilée judiciaire, à cette opposition, je leur dis juste de rentrer. Je dis à ceux qui ont des affaires judiciaires de venir s’expliquer et pour ceux qui n’en ont pas, de rentrer dans notre pays.

Carte d’identité: Ingénieur, avocat puis homme politique

C’est dans sa ville natale que Rufino d’Almeida a fait l’essentiel de son parcours scolaire. Quand il décroche son Bac série C en 1986, ses parents l’envoient en France. Il s’inscrit en Physique-Chimie à l’Université nationale du Bénin avant de partir en 1989 en France, à l’Université d’Amiens. Après cinq années d’études, il devient ingénieur Technologue en génie énergétique, option climatisation et froid industriel. Par ce diplôme, il a d’abord enseigné en France avant que la passion de la politique ne l’amène vers les facultés de droit. « C’était au départ pour moi, confie-t-il, juste un amusement, juste pour combler mes instants perdus, les valoriser en prenant quelques notions de droit. Mais, il se trouve que ça m’a marché plus que prévu. » Né en 1967 à Bohicon, d’un père enseignant et d’une mère ……. Rufino d’Almeida fait son cours primaire à l’école urbaine centre de Bohicon. Après son BEPC et son Bac, tous obtenus dans le collège de la ville, il s’inscrit en Physique Chimie à l’Université nationale du Bénin. Mais pour cause de grèves, ses parents l’orientent vers l’extérieur. Il arrive en France, précisément à Amiens en 1989. Mais ses études l’amènent successivement à Strasbourg, Reims, Nancy, Paris puis à Versailles. Il finit par obtenir des diplômes de sciences politiques, de droit public, comme de droit privé, avant d’avoir le CAPA, le Certificat d’Aptitude à la Profession d’Avocat, qu’il décroche à Versailles en 2006. Exerçant depuis lors comme avocat au barreau de Versailles, il affirme : « J’ai bâti l’un des plus beaux cabinets d’avocat là-bas et il n’est pas possible de saborder ce qu’on a mis près de 15 ans à construire. » Avocat d’affaires de grandes personnalités et institutions, il choisit malgré tout de revenir au pays, porté par la passion de la politique. Quand on lui demande d’où lui vient cette relation à la politique, il la remonte à son enfance, quand il était presque toujours responsable de classe. Même à l’université ou encore en France, il a toujours occupé des postes de responsabilité. « J’ai toujours eu ce goût pour le militantisme, souffle-t-il. Rien ne m’importe plus que le développement de mon pays. Pour mon pays, je suis prêt à tout sacrifier. » Et depuis 2015 qu’il est retourné au pays pour la campagne présidentielle, Rufino d’Almeida n’a plus jamais passé deux nuits à Paris. « Mon bureau est encore dans l’état où je l’ai laissé jusqu’à présent », dit-il avant d’ajouter : « Ce n’est pas une passion de la politique qui m’anime. C’est la passion du développement. » Élu suite aux élections communales du 17 mai 2020, il dirige la ville-carrefour depuis le 09 juin 2020, alors que personne ne vendait cher sa peau. Conscient dès le départ des défis de sa cité, il affirme: « Mon seul souci, c’est comment faire pour changer la donne. »

Intimité: Un homme de loyauté

Rufino d’Almeida est marié, père de deux enfants. Si vous l’invitez à table, il aime bien du « atassi » et du bon dja avec du bon poisson. A défaut, faites-lui du bon « manyinyan » avec du lio. En période d’accalmie, lorsqu’il trouve son klouikloui appelé dans sa famille « maître gangbo », avec un peu de gari, il en fait son bonheur. Comme boisson, et en bon d’Almeida, il aime prendre de l’eau, si possible l’eau Kwabo qui est une eau minérale produite par un d’Almeida, ou encore l’eau Fifa. Si vous voulez être son ami, sachez bien que ce qu’il préfère par-dessus tout, c’est la loyauté.

La Rédaction

EUGENE AZATASSOU, vice-président du parti Les Démocrates, SOUS L’ARBRE A PALABRES: «Le problème du Bénin, c’est Talon»

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Le mode de gouvernance du Bénin par le régime Talon n’est pas du goût des acteurs politiques, notamment ceux de l’opposition radicale. Le Vice-président du parti ‘’Les Démocrates’’, Eugène Azatassou a saisi la tribune de la rubrique ‘’Sous L’Arbre à Palabre’’ de L’Evénement Précis pour faire savoir sa désapprobation de la mauvaise gouvernance du pays. Estimant qu’il y a intensification de la corruption dans les institutions de la république et les administrations, que la dictature règne en maitre, empêchant d’ailleurs son parti ‘‘Les Démocrates’’ de prendre part aux joutes électorales, Eugène Azatassou note plusieurs reculs sous le régime de la rupture qui enfonce la population dans la misère. Malgré cette situation de précarité du pays, le président de la république a, selon le vice-président du parti le Démocrates, institué une politique de ruse et de rage qui fait qu’il exclut systématiquement les opposants de toute compétition électorale. Au cours de ce même entretien avec les journalistes, Eugène Azatassou est revenu sur les raisons de l’absence du parti ‘’Les Démocrates’’ aux dernières élections. Il accuse le parti au pouvoir d’achat de conscience de certains cadres ainsi que de manigances tendant à la fragilisation de son parti d’opposition. Estimant que le président sortant a tout mis en œuvre pour ne pas avoir d’adversaire en face de lui, Eugène Azatassou voit à travers les duos validés à la présidentielles, des candidats voulus par le pouvoir. C’est pourquoi, l’invité du journal estime que la présidentielle du 11 avril est simplement un coup de force au cours duquel le président Talon a usurpé le pouvoir d’Etat. L’incarcération de la candidate recalée, Réckya Madougou la nomination du chef de fil de l’opposition, le discours d’investiture du président Talon, la configuration du nouveau gouvernement et surtout l’appel au dialogue sont les autres sujets qui sont au menu des échanges d’Eugène Azatassou, ancien directeur de cabinet du président Boni Yayi avec la rédaction de l’événement précis.

Et si on en parlait

Comment se porte votre parti, Les Démocrates ?
Le parti Les Démocrates se porte bien, pour autant que peut se porter bien un parti qui a subi les affres de la répression. Toujours est-il que nos structures restent intactes. Notre volonté reste intacte. Des camarades parmi nous ont été arrêtés et sont détenus actuellement sous des chefs d’inculpation divers. Ça fait que c’est notre préoccupation actuellement et nous avons repris les activités qu’il faut pour recoller les morceaux, garder la tête hors de l’eau et maintenir le cap pour le combat. Parce que pour nous, c’est le combat pour la liberté, la démocratie et les droits de l’Homme au niveau de notre pays.

Vous n’avez pas pu participer aux dernières élections. Qu’est-ce qui s’est passé réellement ?
Nous avons subi déjà deux élections où nous avons été écartés. Vous êtes de la presse et vous savez bien ce qui s’était passé. Si vous le voulez, on peut revenir là-dessus. Aux communales de 2020, nous avons aussi été exclus. Nous nous attendions à être exclus en 2021 et ça n’a pas raté. Donc, nous avons discuté entre nous. Certains disaient que c’était certain pratiquement que notre ligne, notre posture, nos exigences de démocratie et de liberté, ne plaisent pas au pouvoir et que le pouvoir ne voudrait pas qu’on aille à des élections et qu’on soit élu. Donc, il vaut mieux continuer le combat autrement, sans donner dans le jeu du pouvoir. Ce qui l’a emporté finalement, c’est qu’il fallait que nous testions jusqu’au bout le pouvoir et c’est pour ça que nous l’avons fait jusqu’au bout. Nous avons désigné notre duo de candidats et nous avons déposé leur dossier. Effectivement, ça ne pouvait pas être complet puisque, nous n’avons aucun député, nous n’avons aucun maire et c’est les autres qui devraient nous donner des députés et des maires et ça n’a pas raté. On en n’a pas eu…

Puisque vous n’en vouliez pas. Vous avez dit clairement que vous ne vouliez pas du parrainage.
Oui, c’est vrai qu’il y a eu cette déclaration de certaines bouches. Mais en réalité, le problème, c’est quoi ? Au niveau du parti, nous avons dit que nous respectons la loi jusqu’au bout, mais qu’il n’est pas question pour nous de faire des démarches vis-à-vis de nos adversaires politiques pour que ce soit eux qui nous autorisent à aller aux élections. Respecter la loi jusqu’au bout, c’est respecter la loi jusqu’au bout de nos possibilités et nos possibilités, c’était ça. Certains d’entre nous qui avaient fait preuve de candidature avaient commencé les démarches avant que le parti ne sélectionne ses candidats. C’est ainsi que notre candidate Réckya Madougou, avant que le parti ne la sélectionne, avait déjà fait des démarches et avait même été sollicitée par des députés qui lui ont : « Présentez-vous, nous allons vous soutenir. » Quand nous avons décidé, nous, de présenter notre duo, nous avons demandé à tous nos camarade qui étaient déjà dans la posture d’être candidats, de venir plancher pour un entretien. C’est tous ceux-là qui se sont rassemblés au niveau du parti, qui se sont portés candidats puisque j’ai présidé la commission de candidature. C’est parmi eux qu’on a trié notre duo. C’est pour ça que Mme Réckya Madougou a dit qu’elle avait fait des démarches et c’est avant d’avoir été candidate des démocrates. Mais, dans la mesure où elle a été portée candidate des Démocrates, elle ne pouvait plus faire des démarches, écrire, solliciter et avoir des parrainages. C’est pour ça qu’il y a eu cette discordance. Regardez vous-même, on nous a exclus littéralement. Je peux vous expliquer comment ça s’est passé aux communales. Nous avons travaillé à proposer une liste mais ils ont pris le temps de gommer de la liste tous les candidats qui pouvaient gêner. C’est cet acte qui a amené le clash qui a achevé de diviser Fcbe.

Comment est-ce qu’on fait tout ça, et on dit maintenant que c’est les maires, les députés qui vont nous donner leurs parrainages ?

Mais vous le saviez depuis 2019 puisque la loi l’avait déjà prévu
C’est la loi électorale, et elle a été votée après que le pouvoir a eu les 83 députés sur les 83. Ça fait 83 sur les 160 déjà et elle a été appliquée après que nous avons été empêchés de participer aux communales. Donc, on a les 83 députés, on vous empêche d’aller aux élections communales et vous dites maintenant : « Venez nous demander de vous parrainer. » Le fait que l’opposition a été plurielle, n’a pas été une mauvaise chose. Je le dis parce qu’au sein de l’opposition, des partis ont fait la démarche. Nous, on a dit qu’on ne fait pas de démarche parce que c’est incongru en matière de démocratie, que ce soit nos adversaires qui nous autorisent. Effectivement, les partis d’opposition qui ont fait la demande ont constaté que c’est incongru puisqu’ils n’ont pas réussi à l’avoir. Il y a l’un d’eux que les chefs de la mouvance ont reçu en entretien. Ils ont approché les députés, les députés ont dit : « voyez nos chefs de parti. » Ils ont écrit aux chefs de parti, ils ont reçu l’un d’eux en entretien. On leur a parlé et on a dit, « Retournez voir maintenant les députés » et ces derniers ont répété : « Non c’est les chefs qui doivent donner le mot d’ordre. » Et, dans ce jeu de ping-pong, ils sont restés en l’air. Ce n’est pas possible. Aucune norme de démocratie ne prescrit cette procédure. C’est impossible.

Vous le dites mais en France, il y a le parrainage et le Front National a toujours bénéficié du parrainage des autres.
Oui, mais c’est incongru. Le Front National n’ira pas demander au Parti Socialiste de l’autoriser à participer à une élection. Pour les parrainages en France, le nombre n’est pas aussi restreint. C’est large. Lorsqu’un élu dans son coin peut porter l’idéal du Front National dans l’évolution de la situation politique, il le fait. Ici, c’est 160 et la pression a été faite sur les maires et les députés pour qu’ils ne donnent pas les parrainages individuellement. Donc, ne faites pas le parallèle avec la France. Là-bas c’est plus large et c’est les individus, les élus eux-mêmes qui font leur choix.

Vous connaissez la loi. Vous êtes un cadre universitaire et quand on dit respecter, c’est respecter. Pourquoi vous avez choisi de… ?
Non. Quand une loi est inique…

Est-ce que le mot respecter à de limite ?
Oui, ça a de limite. Quand vous ne pouvez pas, c’est que vous ne pouvez pas respecter. Je vais vous dire pourquoi. Quand vous roulez d’ici à Porto-Novo, le pont péage a été augmenté. Si vous avez les moyens, vous passez. Si vous n’avez pas les moyens, vous restez à Cotonou. La loi a dit que c’est ça. Il faut que vous puissiez appliquer la loi. Donc, c’est incongru que ce soit des partis qui autorisent leurs adversaires à venir les combattre. C’est incongru et il n’y a aucun débat là-dessus. Dans ces conditions, des partis de l’opposition ont fait la preuve de ça. Eux, ils sont allés jusqu’à écrire, ils ont été reçus en entretien comme si c’était un entretien d’embauche. Parmi les questions qu’on leur a posées, puisqu’ils sont venu nous en parler, il y a une qui dit : « Comment vous allez faire pour battre notre candidat ? » Vous comprenez, vous voyez l’incongruité ? Est-ce que moi je vais aller dire ou expliquer mon plan de campagne à un parti adversaire ?

Mais pendant ce temps, les Irénée Agossa ont eu le parrainage. Comment ont-ils fait et comment cette division s’est-elle instaurée en votre sein ?
Je vais vous le dire. Depuis avril 2019 avec les législatives, le Président de la République avait compris que c’était trop grossier de laisser les deux seuls partis de la mouvance aller aux élections et qui ont ramené 83 députés sur 83. Ça a fait effet à l’intérieur et à l’extérieur. Beaucoup ont commenté ça et il a voulu corriger. Donc, pour changer sans nécessairement abandonner son option, il a voulu prendre des opposants à lui, conformes à sa vision de l’opposition. C’est ça qui a été fait d’abord avec les Fcbe et les Hounkpè ont été pris. Ils ont été au dialogue, ils ont révisé la constitution, on leur a offert des choses et, ils sont allés aux communales. Quand on devrait faire les communales, qu’est-ce qu’on s’était dit ? On s’était dit que la ligne qu’ils ont suivi là, ce n’est pas la nôtre. Mais, des sages nous ont appelés ensemble et nous ont dit : « Très bien, on comprend que vous ne soyez pas d’accord. Mais mettez-vous ensemble, allez à ces élections et après vous allez discuter, faire un congrès et décanter la situation. » Les sages nous ont conseillés ça et nous avons suivi ça. S’il vous plait chers amis. Nous avons suivi ça et c’est pour ça qu’ensemble, nous avons mis en place une commission et que nous avons préparé tous les dossiers ensemble. Chacun de nous avait convoyé les dossiers et nous les avons préparés ensemble en discutant. Et on a réussi à faire une liste. Le jour du dépôt, nos camarades ont pris la liste unilatéralement, sont allés quelque part se cacher, on les appelait, ils ne prenaient pas, on a appelé par quelqu’un qui les connait et ils ont décroché et la personne dit : « Restez là, je vais les retrouver et vous allez venir. » Vous comprenez ? C’est des méthodes qui ressemblent à des méthodes de la Rupture. Donc, ils se sont cachés et ils ont enlevé les noms de ceux qui pouvaient gêner la mouvance et qui appartenaient à notre groupe.

Donc…. Dans votre camp…
Ne dites plus dans votre camp. On a financé puisque cela ne pouvait pas se faire sans argent. Je n’ai pas vu la couleur de l’argent mais…

Vous voulez dire que Paul Hounkpè, Théophile Yarou et consorts ont été achetés ?
Je ne suis pas certain que cela se passe comme vous le dites puisque je n’ai pas vu la couleur de l’argent. Toujours est –il qu’une dissension a éclaté en notre sein. Certains camarades ont pris fait et cause pour une ligne plus proche du pouvoir et nous ont amenés à ça. Nous on a dit non. On a voulu faire les choses ensemble mais malgré ça, ils ont enlevé nos dossiers. C’est ça qui a achevé le cas Fcbe. Dans la mesure où ça a été fait, nous on a dit, on ne peut plus accompagner ça. Notre président d’honneur ayant appris ça, a démissionné, et nous-mêmes, nous l’avons suivi en démissionnant. Donc, c’est comme ça que cela a été orchestré.
En ce qui concerne Irénée Agossa et Kohoué, Irénée Agossa, on l’a vu venir. En fait, on a préparé la création du Parti les Démocrates ensemble. Mais il n’avait pas déposé son dossier pour être membre fondateur. On ne comprenait pas pourquoi mais c’est après qu’il est venu faire son adhésion avec une cérémonie d’adhésion. Il est ensuite monté sur le terrain en commençant par dire qu’il est candidat des Démocrates. Et lorsqu’il arrive quelque part, il laisse les responsables à la base et prend les militants. On a perçu ça. Mais chat échaudé craint l’eau froide. On était déjà sur le qui-vive par rapport aux manipulations qu’il pourrait y avoir en notre sein, parce qu’on a déjà subi ça. On l’a appelé et on l’a mis en garde pour lui dire : « Attention, le parti n’a pas encore choisi de candidat. Ne te fais pas passer pour un candidat du parti. Deuxièmement, si tu veux parler aux militants à la base, approche les responsables, ne va pas directement voir les militants. » On l’a averti. Il a continué. On l’a suspendu. D’autres aussi étaient sur le terrain. Puisque c’est les présidentielles, chacun courait selon son bon vouloir. On les a appelés et on les a tous avertis : « Attention, vous pouvez faire tout ce que vous voulez mais ce n’est pas le parti. » C’est au dernier moment, quand nous on voulait prendre notre duo, que la commission de candidatures a appelé tous ceux qui étaient sur le terrain, dont Iréné Agossa pour dire maintenant : « Venez nous dire comment vous comptez être candidats des Démocrates. » Et c’est là où nous avons eu deux duos, mais dans la mesure où il n’a pas été choisi, normalement il devrait rentrer dans les rangs. Ça ne s’est pas fait. Il a pris un autre camarade et il a fait œuvre de candidature en déposant le logo du parti. Ainsi, on a notre duo, mais eux ils ont déposé le logo du parti. Heureusement pour nous, notre duo avait déposé sa candidature à la CENA avant eux. Et il y a eu au sein de la CENA des gens qui ont été assez lucides pour dire « Voilà le même logo avec deux candidatures différentes, on prend celui qui a déposé le premier. » C’est comme ça que le logo nous est revenu. Si on n’avait pas déposé le duo, le logo serait maintenant pour Agossa comme le logo Fcbe est resté avec Hounkpè. Ça veut dire que c’est la même méthode qui a été utilisée et avec des personnes différentes. On ne pouvait plus utiliser les Hounkpè qui n’étaient plus avec nous, mais on a utilisé d’autres qu’on nous avait infiltrés. Tout ça, c’est la politique de la mouvance, sa façon de gérer les organisations politiques qui est en œuvre.

Pourquoi avez- vous choisi des gens qu’on ne vous connait pas comme militants au détriment du président de votre parti, par exemple ?
Je ne peux pas faire un point ici, mais ce que je sais, c’est que nos textes disent clairement que la position au sein de la Coordination nationale du parti n’implique pas automatiquement qu’on est candidat du parti à n’importe quel moment.

Réckya Madougou était-elle militante du parti ?
Elle était militante du parti. C’est vrai qu’elle n’est pas membre fondateur du parti, mais dans un parti il n’y a pas que les membres fondateurs.

Comment elle était militante, puisqu’elle était hors du territoire et ne participait pas aux activités du parti …
On n’a pas des militants que sur le territoire national.

Comment vous l’avez recrutée comme militante, ou elle est sympathisante ?
Comment est-ce que vous définissez le militantisme ? Vous êtes en train de raisonner comme le président de la République qui dit qu’il y a le président du parti qui est un ancien premier vice-président de l’Assemblée nationale, et qu’on le laisse et on prend une inconnue qui arrive avec des valises d’argent. N’allez pas dans ce sens. Les Démocrates sont libres de choisir le candidat qu’ils veulent. Et la position au niveau de la direction ne dit pas automatiquement qu’on est nécessairement candidat. Et celui qui nous fait cette critique est le militant de quel parti ? Il est UP, il est BR, il est UDBN, il est MOELE-Bénin ? Il n’est militant d’aucun parti. Ensuite, quand lui il arrivait en 2016, il n’y avait pas d’anciens présidents de l’Assemblée nationale ? Je ne parle même pas d’ancien vice-président de l’Assemblée. Il y avait des anciens présidents de l’Assemblée nationale qui pouvaient être candidats non ? Pourquoi lui il n’avait pas laissé en ce temps ? Et les valises d’argent ? Qui a le plus traîné les valises d’argent ici ? On va dire que je n’ai pas vu des valises d’argent que lui il avait traînées. Mais vous savez que l’He. Augustin Ahouanvoébla ne peut pas mentir. Il a pris 400 millions au nom de son ancien parti chez l’homme d’affaires Patrice Talon. Il a dit ça. 400 millions, ça peut rester dans au moins deux valises. Donc lui aussi il trainait des valises d’argent. Pourquoi je vais prouver que Réckya Madougou est militante ? Elle pouvait même ne pas être militante, ce n’est pas grave. Où est le problème ? On n’a pas dit que les partis doivent prendre les militants de leur parti. Sinon l’homme d’affaires Patrice Talon n’aurait jamais été candidat à l’élection de 2021. Donc je ne veux pas mener ce débat parce que c’est un non-débat.

Quel est le critère qui a prévalu à l’exclusion de certaines candidatures et à la primauté d’autres ?
Ça là aussi, ce n’est pas ici que je vais faire le point.

Nous sommes Sous L’arbre A Palabres …
Mais L’arbre A Palabres n’est pas le congrès du parti Les Démocrates ni son Conseil National. Je sais que nous avons eu une douzaine de candidats. On les a écoutés, on les a interrogés et parmi eux, le comité a retenu un certain nombre, avec un certain nombre en réserve. Et il y a eu des discussions pour les classer. Si c’était à une instance du parti, j’aurais pu donner les critères qui ont milité en faveur de tel ou tel autre.

Nous avons appris que les arguments financiers ont prévalu …
Non, on a demandé à eux tous …

D’avoir 1 milliard et demi …
Non, on n’a pas fixé de plafond.

C’était combien alors ?
On choisissait ces candidats quelques heures avant la clôture du dépôt des dossiers. On a demandé à tous : « Si on vous choisit est-ce que vous avez les ressources, les relations pour payer les 50 millions de caution ? » Eux tous ont dit oui. Donc ça ne peut pas avoir été le critère d’élimination. On ne leur a pas demandé de nous apporter les chèques, les relevés bancaires, rien de tout ça. On a dit : « Mais si on vous choisit, est-ce que vous pouvez assurer dans une certaine mesure votre campagne ? »

Combien par exemple ?
Non, on n’a pas donné de montant. Tous sans exception ont dit : « Si vous nous choisissez, nous sommes candidats du parti, nous sommes certains que le parti va engager un certain nombre d’accompagnement et puis nous-mêmes on a des relations. » Tous ont répondu comme indiqué ci-dessus. Donc aucun argument financier n’a été un critère qui ait départagé les candidats. Il y a eu effectivement d’autres critères qui ont départagé.

Quels sont ces critères ? Il faut avoir mangé avec Faure Gnassingbé ?
Mais le duo qu’on a fait, tous n’ont pas mangé avec Faure Gnassingbé. Si on avait dit ça, ce ne serait qu’une seule personne. Et comment elle a mangé avec Faure Gnassingbé ? Elle a travaillé au Togo. Yayi Boni aussi avait travaillé au Togo avant d’arriver. Donc, elle a travaillé au Togo, nous on ne sait que ça. Elle a été conseillère à la micro-finance, je crois. Elle a impulsée la micro-finance au Bénin. Donc elle a les compétences que le Togo a voulu utiliser. Ça ne nous amène pas à dire qu’elle est Togolaise, qu’elle n’est pas Béninoise, donc qu’elle ne peut pas être candidate. Considérez que le parti Les Démocrates avait la liberté totale de choisir qui il veut. Le parti a choisi qui il veut et les conditions de choix sont multiples. Je ne peux pas vous faire le point, mais tout ce qui a été raconté après, c’est parce qu’on sait bien entendu que si ce duo du parti Les Démocrates se présentait à l’élection, ça peut faire mal. Donc, il faut l’attaquer sous tous les angles. Et il faut absolument détruire les chances de ce duo. C’est ça qui a continué jusqu’à maintenant, lui tomber dessus sur le pont de Porto-Novo et aller l’interner à Missérété. Tout ça, mettez sur le compte de la forme de combat que mène le pouvoir, c’est-à-dire une forme dictatoriale.

Vous n’avez pas été à l’élection et on vous accuse d’avoir incité les populations à la violence. Qu’en dites-vous ?
Ce n’est pas nous qui sommes violents, parce que la politique d’exclusion est une politique de violence. Quand vous faites de l’exclusion, vous allez à la violence. C’est ce qui s’est passé en 2019. Ça a été atténué en 2020, parce que c’est les élections communales, les gens ont choisi en fonction de leur proximité. Mais la présidentielle est une élection majeure. En faisant l’option d’exclusion mécanique à tout prix, on a fait l’option de la violence. Ce n’est pas nous. En plus, il y a un autre facteur. A partir du 6 avril 2021, le pouvoir de Patrice Talon qui s’est maintenu a été un pouvoir usurpé.

Comment ça ?
Parce que la révision de la Constitution qui s’est faite en novembre 2019, c’est cette révision qui a amené le prolongement du mandat. Mais cette révision ne peut pas amener le prolongement de ce mandat en cours, même si la révision était acceptée. Le mandat aurait été prolongé pour l’équipe qui serait élu sous cette révision.

Mais la Constitution sous laquelle vous avez envoyé vos candidats dit que le président élu prend fonction le 23 mai …
Mais la Constitution ne dit pas que c’est l’ancien président qui viendra.

La Constitution a spécifié ça …
Non, la Constitution n’a pas spécifié que c’est l’ancien président qui prendra fonction le 23 mai.

La Constitution a dit que le Président en exercice reste là jusqu’au 23 mai où le nouveau président élu sera investi …
La Constitution a dit ça ?
Bien sûr !
D’accord, mais cette Constitution elle-même, vous savez qu’il y a une décision de la Cour africaine des droits de l’homme sur ça. En réalité, l’imbroglio qui a été là, peut être aussi facteur de violence. Les protestations, c’était par rapport à ça. Normalement, le premier mandat du président Talon devrait finir le 6 avril 2021. Et c’est le nouveau président élu qui devrait prendre fonction. La Constitution elle-même ne peut pas prolonger de cette manière le mandat du président en exercice. Dans ce pays, il y a eu jurisprudence. Les députés sous la forme requise avaient prolongé leur mandat ici et la Cour constitutionnelle avait cassé. Donc il n’est pas possible que le peuple béninois puisse accepter de gaité de cœur cette manière de faire les choses.

Est-ce que cela justifie le fait que vos militants aient saccagé des maisons, brûlé des biens publics, etc. ?
Non. Il y a déjà eu des manifestations les 1er et 2 mai 2019. Et les manifestants ont été massacrés. La dame Prudence Amoussou et d’autres compatriotes a été tués, ça n’a pas ému grand monde du côté de la mouvance. Quand c’est comme ça, les nouveaux manifestants savent qu’on peut venir les tuer. Nous on n’a pas dit d’aller brûler ou casser les choses.

L’un de vos militants, en l’occurrence Komi Koutché, a demandé aux pseudo-chasseurs de Bantè de descendre sur Cotonou dans une vidéo qui a fait le tour du monde …
En tout cas, le parti n’a pas demandé aux chasseurs de Bantè de descendre sur Cotonou. Je vous dis que l’exclusion qui est faite plus l’usurpation du pouvoir qui a été faite, sont des facteurs de violences, plus la façon dont les événements précédents avaient été gérés. Tout ça est facteur de violences. Et c’est ça qui a engendré ces événements. Et si c’est mal géré maintenant, personne ne peut juger de ce qui va arriver par la suite. C’est pour ça que la démocratie claire et transparente est une bonne chose, parce que c’est un élément qui permet de révéler les contradictions et de les résoudre. Tout le peuple béninois n’a jamais été du même bord, mais on a fait des élections, et c’était des fêtes. Les gens de bords différents se croisaient lors de la campagne. Les élections se font et chacun rentre dans les rangs. C’est ce qui s’est toujours passé, mais quand vous faites l’option de l’exclusion, d’usurpation du pouvoir, vous allez vers la violence. Et la démocratie permet que chacun s’exprime, et que la voix de la majorité prime. Mais quand vous faites l’option d’exclusion, d’usurpation du pouvoir, vous allez vers le désordre. Il y a deux façons de considérer cela. La démocratie permet que chacun s’exprime et que la voix de la majorité passe. Mais lorsque l’élection est étouffée artificiellement, la voix de la majorité ne peut pas passer et chacun se sent exclu, ça peut exploser. Et quand ça explose, plus personne ne peut rien contrôler.

Les Démocrates refusent de reconnaître leur responsabilité d’avoir appelé à la violence.
Les démocrates n’ont pas appelé à la violence. Vous avez suivi ce qui s’est passé dans la nuit du 06 au 07 avril, avec tous ces désordres. C’était clair. Même à Calavi, un étudiant a dit que c’est la milice qui l’a arrêté. Avec ça on ne sait plus qui est à la base des violences.

Et à Bantè, Tchaourou et Savè, on sait que c’est les chasseurs qui ont tiré. Même Amadou Djibril a dans un message public demandé aux gens d’aider les chasseurs.
Est-ce que des miliciens ont été mêlés? Quand ces choses-là éclatent, ça devient difficilement incontrôlable. C’est pour cela qu’il vaut mieux ne pas en arriver là. Et moi je pense que le premier responsable, c’est celui qui a fait qu’on en est arrivé à ce stade parce que après ça on ne contrôle plus rien.

Pendant que vous désapprouvez l’évolution du processus électoral, des organismes internationaux et régionaux dont la CEDEAO et l’Union africaine, lui ont donné carte blanche à travers leurs observateurs respectifs déployés sur le terrain. Qui a la bonne lecture de la situation entre vous et eux ?
Moi je considère que la position de l’Union africaine et de la CEDEAO n’est pas la position du peuple béninois. Si le peuple béninois est en dictature, c’est à lui de résoudre son problème, pas à l’Union Africaine. Puisque les désirs de liberté sont irrépressibles, partout où ça se fait, ça finit toujours. Il vaut mieux pour nos Chefs d’État, surtout le nôtre ici, de se classer positivement dans l’histoire. Le président Mathieu Kérékou l’a aussi fait mais à un moment donné il a lâché prise sous certaines conditions et il est revenu faire 10 ans. Il est maintenant sorti par la grande porte. Il vaut mieux cela que de se dire « j’ai raison à tout prix et d’aller dans le décor. »

Votre ex-parti Fcbe y a pris part ainsi qu’un autre duo issu de l’opposition. Cela ne suffit-il pas pour parler d’une élection inclusive contrairement à vos appréciations ?
Non. Ni les communales ni les présidentielles encore moins les législatives n’ont été des élections inclusives. Les personnes en question sont juste des accompagnateurs qui ont été choisis pour accompagner le président Patrice Talon. Par exemple au cours de la campagne, Patrice Talon demande à ce qu’on donne un peu de voix à Kohoué. Ce n’est pas une élection ça.

Donc vous n’avez pas voté?
Ah non je n’ai pas voté. Ça c’est une élection pour que moi j’aille voter ? Je vais voter pour qui? J’ai exprimé ma position par rapport à cette élection en n’allant pas voter.

Votre candidate Reckya Madougou qui a été recalée par la Cena est incarcérée depuis plusieurs semaines par la justice qui l’accuse d’avoir commandité des actes terroristes pour perturber le processus électoral. Comment le parti Les Démocrates vit et gère cette situation critique ?
Reckya Madougou n’est pas une terroriste. Et moi je vais prévenir le gouvernement. On n’appelle pas un malheur. Le pouvoir s’est trouvé un créneau. Ce n’est plus la drogue, mais le terrorisme. Et pour ça, il a voulu attiré la sympathie de la sous-région et au niveau international parce que tout le monde est mobilisé contre le terrorisme. Mais les vrais terroristes sont juste à côté au Burkina, au Mali, au Nigeria. Si les vrais terroristes viennent dans le pays, c’est le pouvoir qui les aurait appelés. Alors que ce sont eux qui les auraient appelés.

Le leader du parti Les Démocrates Boni Yayi se mure dans un silence étonnant depuis peu, contrairement à ses habitudes face à tout ce qui arrive à cette nouvelle formation politique. Comment l’expliquer ?
Boni Yayi a fait l’option à un moment donné de ne pas intervenir directement dans le parti. Boni Yayi suit concrètement ce qui s’est passé et ce qui se passe. Vous savez que le pouvoir tente toujours de ramener les problèmes du Bénin aux conflits Talon-Yayi. Alors que ce n’est pas ça. Le problème du Bénin c’est la gouvernance de Talon. Moi je ne peux pas être aussi engagé si c’est juste une querelle. Il est le problème du Bénin avec l’accaparement de toutes les institutions économiques du pays.

Comment expliquez-vous le fait que vous n’ayez pas été emprisonné par le pouvoir en place malgré vos critiques?
Pour moi, le meilleur apport que l’on puisse faire à nos camarades détenus et exilés, c’est de maintenir le combat. Peut-être que dans l’agenda du pouvoir je ne suis pas encore programmé. Et ça ne fait pas d’eux des gens qui ne sont pas dictateurs.

Le président élu a été installé le dimanche 23 mai dernier où il a appelé à taire toutes les querelles pour faire face à l’ennemi commun qui est la pauvreté. Qu’est-ce que vous en dîtes ?
C’est unilatéral. Il a dit que les querelles sont du passé. Mais pour se quereller, il faut être deux au moins. On ne se parle pas et tu dis que les querelles sont du passé, comme si mon point de vue ne compte pas. Il faut régler les incompréhensions avec ceux qui sont concernés. Ceux avec qui il s’est querellé et qui ont des incompréhensions ont-ils déjà compris au point où c’est du passé ? Donc non. Ça c’est une autre technique pour évacuer ce qui s’est passé en disant « moi j’ai déjà oublié, c’est du passé » et c’est eux qui continuent de ronchonner. En réalité, ce n’est pas une élection qui s’est déroulée. Il y a eu des votes multiples, il y a toutes sortes d’actes qui ont prouvé qu’on tente de duper le peuple béninois. Pris la main dans le sac le pouvoir met ses actes sur le compte de l’opposition. C’est moi qui ai demandé au député Hazounmé de dire qu’il a voté dans 12 carnets ? En démocratie, quand le peuple boude une élection, ce n’est pas une élection parce qu’une élection, c’est le fait d’exprimer la voix du peuple.

Donc on peut dire qu’il n’y a pas de président de la République ?
Non il y a un président de la République et c’est Patrice Athanase Guillaume Talon. Parce que même quand vous êtes en période régulière, et qu’il y a un coup de force, l’auteur de ce coup de force est considéré comme peut être considéré comme détenteur du pouvoir jusqu’à ce que la situation revienne à la normale. Ce qui s’est passé en avril, c’est un coup de force. C’est dans ce sens que Talon est encore président de la République mais par usurpation.

Donc clairement on peut dire que vous le reconnaissez comme président de la République ?
Le pouvoir du président de la République est un pouvoir usurpé. Il est là-dessus en tant que usurpateur de pouvoir et à ce titre-là, il n’est pas légitime ni légal. Parce que la constitution par laquelle il s’est fait élire a déjà été abrogée par la Cour africaine des droits de l’homme dont notre pays était membre.

La Cour africaine a déjà rendu une décision contre l’État de Côte D’Ivoire et le Sénégal, sans suite.
Les bonnes causes produisent les bons effets. Si vous voulez que ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire se passe ici, ça ne va pas marcher parce que c’est des choses qu’on doit gérer et qu’il faut reconnaître fermement. Nous avons pris l’engagement de nous soumettre aux décisions et nous ne nous sommes pas soumis.

A cette même investiture, il y a eu la présence remarquable de Robert Dossou, avocat conseil de Joël AÏvo. Étiez-vous aussi étonné de le voir à une telle cérémonie après ses critiques acerbes contre la gouvernance Talon?
Je ne peux pas réellement donner de jugement de valeur sur cela parce que je n’ai pas échangé avec Maître Robert Dossou. Au niveau de l’opposition, nous n’avons déjà pas toujours les mêmes points de vue. Je ne peux pas dire qu’une personnalité comme Robert Dossou doit avoir forcément mon point de vue. Cette position de Maître Robert Dossou n’empêche pas de dire que, nous avons adhéré à la cour, nous ne nous sommes pas soumis à la décision de la cour et par conséquent, nous sommes un état voyou.

Il a dit qu’il est parti en tant qu’ancien président de la Cour constitutionnelle
C’est possible.

Paul Hounkpè, un de vos anciens camarades est le chef de l’opposition. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
J’ai considéré que la nomination de Paul Hounkpè est une récompense pour services rendus. Il a accompagné le Chef de l’Etat dans les élections communales. Il est entré dans le jeu des élections présidentielles et il a été récompensé pour cela. Personnellement, je pense que FCBE et Paul Hounkpè ne sont pas dans la véritable opposition. Eux-mêmes disent qu’ils sont membres de l’opposition constructive, ce qui ne veut rien dire. Je crois qu’ils ont pu faire des choses en se rapprochant de la dictature.

Vous pensez que c’est le cas de Dénis Oba, Yaya Garba, Théophile Yarou et des autres ?
Quelle réelle critique du pouvoir aviez-vous déjà vu de Paul Hounkpè, si ce n’est que dernièrement ou on a senti une critique feutrée ? Les FCBE et Paul Hounkpè ne sont pas de l’opposition. Ils accompagnent le pouvoir.

Quelle est votre opinion du nouveau gouvernement ?
J’ai deux choses principales à dire. Le fait de composer ce gouvernement en reconduisant la totalité les ministres, veut dire que l’option ne changera pas. Donc, on va continuer avec la même gouvernance, la même publicité, la même ruse. Et si on ne fait pas attention, on se fera couper. Deuxième chose, ça illustre de façon claire, ce que nous reprochons aux réformes du régime Talon. Sous le président Talon, les réformes veulent dire : « Nous on fait tout, vous n’avez pas besoin de vous en occuper, c’est moi qui fais. » Les réformes ne sont pas participatives et on ne se permet pas de regarder ce qui ne va pas c’est cette attitude qui a conduit à la destruction de l’école. Si on devrait faire disparaitre le ministère de la communication, cela ne méritait pas une évaluation ? Devrions-nous nous attendre à ce que le ministre soit surpris ?

Il vous a dit qu’il était surpris ?
Il n’a encore rien dit. Le ministre est tonitruant au point où s’il était informé d’une réforme qui ferait disparaitre son ministère, on l’aurait su de lui. Mais, c’est le Chef de l’Etat qui l’a expliqué sur E-Télé.

La constitution a donné le pouvoir au chef de l’Etat de nommer et de gouverner.
L’esprit de la famille donne l’autorité à Dah de décider. Une maison où le chef a toujours raison, ne tient pas. Si Dah n’écoute pas l’enfant qui parle, il aura des problèmes. Notre tradition fait les réformes de façon participative. Lorsqu’il y a des réformes dans la collectivité familiale, on consulte le Fâ, le vodoun et les personnes avant que la décision ne soit prise.

Vous disiez que cet esprit a détruit l’école béninoise ?
Oui, c’est l’esprit de « moi je sais tout », qui a détruit l’école béninoise. Tout ce que les travailleurs ont reproché à Mahougnon Kakpoion lors de sa passation de service est dû à la stricte application par lui de la politique du pouvoir dans le domaine de l’éducation. En réalité, les railleries s’adressent à Talon. Ce dernier pensera qu’il est protégé parce que les gens s’en prennent seulement à ses ministres qui ont quitté le gouvernement. C’est sa politique qu’ils ont défendue. Le jour où le président Talon va quitter le pouvoir, les mêmes diront qu’ils remercient Dieu.

Si vous pouviez donner quelques conseils à Talon pour sa gouvernance, que diriez-vous ?
Toutes mes critiques comportent des conseils. Ce n’est pas seulement quand je dis que Talon a bien fait que je fais de l’opposition constructive. Quand je dis que ce n’est pas bon de mettre la main sur les fleurons de l’économie nationale, cela veut dire qu’il faut lever la main, qu’il faut remettre en place les sociétés qui ont été détruites pour former son camp. C’est dans l’agriculture que cela s’est fait ressentir (la Sonapra), également au port et dans les structures de l’Etat. Quand je dis qu’il fait de l’exclusion, cela veut dire qu’il ne doit pas faire de l’exclusion. Mais, le fait de dire que ce n’est pas bien est pris comme une injure, comme de la haine. Il y a toujours un conseil sous-jacent dans nos critiques.

Qu’est-ce que Patrice Talon a pu faire de positif à vos yeux, depuis 2016 ?
Quand on me posait cette question, il y a quelques années, j’évoquais la désignation des préfets, des chefs-lieux. Je trouvais que c’était bien. Mais malheureusement, j’ai constaté que c’est pour mieux encadrer nos communes. C’est après ça que nous avons assisté à la destruction des petits producteurs aux abords des voies. Mais aujourd’hui, je me dis qu’il y a la facilité avec le numérique. Les services en ligne se sont développés. Toutefois, C’est maintenant que l’on peut avoir ce genre de services en ligne. On ne pouvait pas demander à Maga d’avoir des services sur portable cela n’existait pas en son temps. Normalement les coûts de ses services devraient plus réduire qu’avant. Or, ces coûts ont augmenté. Je ne sais pourquoi. En, dehors de ça, un président est élu pour faire des routes, pour que l’agriculture marche. Mais sur le plan de l’agriculture, je constate que les statistiques sont annoncées très bonnes. Il faudrait regarder de près. Un pouvoir dictatorial se soumet tout : il se soumet les économies, la politique et même les cadres. L’exemple le plus probant est qu’un médecin assermenté dit que dame Prudence Amoussou et consorts sont morts de maladie alors que les corps ont reçu des balles. Cela paraissait tellement gros que le président de la république a dit que c’est des balles. Mais que c’est des balles de chasseur, comme s’il a fait une étude balistique. C’est ça la dictature. Elle se soumet tout.

730.000 tonnes de coton
Je n’ai pas pesé.

A la date d’aujourd’hui, aucun pays n’a contesté que le Bénin est le premier en coton
Qui pourra contester quoi ? Ce n’est que quand ceux-là vont partir que les autres qui viendront nous diront la vérité.

Récemment à Paris, Romuald Wadagni a été fortement salué par le président Emmanuel Macron qui reconnait les efforts économiques du Bénin.


Laissez tomber

Vous constatez que depuis 2016, plusieurs routes ont été construites
Le président est élu pour faire aussi les routes. Tout ceci est bien fait mais j’ai un problème par rapport à cela. Je suis passé dans d’autres rues que celle-ci. Le pays n’était pas comme il était quand Adam et Eve était sur la terre. Quand je prends la zone Houéyiho-Fidjrossè-Agla, si le président Soglo n’avait pas fait la route Fidjrossè plage-Houéyiho, tout président allait le faire avant autre chose. Donc, c’est une continuité. Si le président Kérékou n’avait pas fait la voie du carrefour Adjaha à Godomey magasin, c’est d’abord ça qu’on aurait fait avant autre chose. Si le président Yayi n’avait pas fait l’autre côté, on aurait fait les rues avant toute autre chose. Certains font et d’autres continuent. C’est ça la vie. Un président ne peut jamais dire qu’il a fait toutes les rues du Bénin. C’est la révolution qui a tracé la place de l’Etoile Rouge.

Il parait que la différence se fait au niveau de la qualité des routes
La différence se trouve au niveau de la surfacturation. Ça a été beaucoup surfacturé. La qualité, c’est plus tard qu’on verra. Parce que là maintenant, on n’a pas d’élément pour véritablement apprécier.

Ce sont les techniciens qui le disent.
Moi je vous ai dit ce que c’est que les cadres et les techniciens sous une dictature. Ils sont tous soumis et disent ce que l’on veut entendre. Ce qui fait la propagande. Bref, ça peut être mieux et tout, mais c’est clair que c’est surfacturé. Je le remercie pour la route d’Agbangnizoun. Les tractations pour cette route qui ont été initiées depuis que Madame Adidjath Mathys était encore ministre de l’économie et des finances. C’était mon combat personnel et si cela s’est achevé aujourd’hui, je ne peux qu’applaudir.

Yayi Boni vous avait dribblé…
Non. S’il ne l’avait pas porté à ce niveau, les autres seraient encore en train de faire les études maintenant. Parce qu’une route ne se fait pas en deux temps trois mouvements. Donc comprenez, une fois encore, que la vie, c’est « tu fais jusqu’à un niveau et d’autres viennent poursuivre. » Mais croire que les autres n’ont rien fait et que c’est maintenant eux qui ont poussé à là où on est aujourd’hui, c’est de la propagande. Et cette propagande n’est pas bonne.

D’aucuns disent qu’il y a une lutte efficace contre la corruption que sous les dix années que vous avez passées où il y avait eu une marche verte contre la corruption.
Vous savez qu’il y a eu une marche verte sous Yayi. Il y a eu beaucoup d’éléments de corruption sous Yayi… c’est vrai. Mais il y a eu deux choses sous Yayi : la loi contre la corruption et les infractions connexes qui a été votée quand Yayi était là. Vous savez, sous Yayi, quand un scandale éclate, les plus proches de Yayi même ne sont pas épargnés. C’est-à-dire que quand le scandale Icc-Services a éclaté, les premiers frappés, je ne sais pas si c’est à tort ou à raison, c’est par exemple le ministre Zinzindohoué qu’on ne peut pas dire était opposé à Yayi, et même des parents de Yayi, ont répondu devant la justice. Ici maintenant, la corruption existe aussi. Pour les opposants, on cherche la petite bête jusqu’à monter de faux dossiers. Mais quand ce n’est pas un opposant, c’est le contraire. A titre d’exemple, on a vu dans ce pays, qu’au ministère du cadre de vie, une moto devrait être vendue entre 5 et 6 millions. Jean Baptiste Elias, en sa qualité du président du FONAC a eu la puce à l’oreille et a écrit au ministre pour dénoncer. Sa dénonciation a été classée et le dossier a suivi son cours jusqu’à ce que les motos soient livrées. C’est en ce moment que Jean Baptiste Elias a bondi dans les médias. Et quand il a fait ça, le dossier a été ramené, on a refait le marché. Et chose étonnante, c’est le même fournisseur qui devrait vendre à 5 ou 6 millions qui a maintenant vendu à 1,5 million. C’est à dire que normalement, si les choses devraient être faites dans les règles, si la brutalité qu’on observe quand il s’agit d’un opposant devrait être de mise, ce fournisseur ne devrait être plus autorisé à compétir. Et depuis, il n’y a rien. Ce n’est pas digne. Par la suite, la structure de Jean Baptiste Elias dont était turbulente, remuante vis-à-vis de tous les pouvoirs qui sont passés, a été sèchement assommée. Elle a été confiée au ministre secrétaire général du gouvernement.

Son mandat est fini…
Mais quand on a confié à Koupaki, en n’entend plus rien. Donc ne comparez plus jamais le pouvoir de Yayi au pouvoir de Talon par rapport à la Lutte contre la corruption. Vous pouvez continuer pour la propagande. Mais quand vous allez finir la propagande, dites-vous que c’est de la propagande.

Les Démocrates ont manqué le rendez-vous de 2021. Quelles sont les perspectives pour le parti ?
Avec ce qui s’est passé pour ces élections, nous sommes encore d’autant plus convaincus que c’est une dictature qu’on a en face. Ce qui se passe avec ce pouvoir est qu’il est impossible de prévoir à l’avance ce qu’ils vont utiliser pour vous empêcher d’aller aux élections. Au niveau des législatives, c’était le certificat de conformité. Au niveau des présidentielles, ce sont les parrainages. Donc, il y a toujours un élément qui ne dépend que d’eux et dont ils se servent pour bloquer. Par conséquent, nous sommes sous un pouvoir dictatorial et nous continuons de dire que ce n’est pas possible que le Bénin soit géré comme ça. Il faut que le pays soit géré autrement. Si en disant cela, le peuple béninois peut trouver les moyens de nous faire participer à une élection, on y participera. Si le peuple béninois trouve les moyens de se défaire de cette dictature, et de faire en sorte que chacun puisse aller aux urnes pour exprimer sa vision, que la meilleure vision soit choisie, ce serait très bien.

Quels sont les rapports qui existent aujourd’hui entre Les Démocrates et le mouvement Résistance nationale ?
Je ne sais pas ce que vous appelez mouvement Résistance Nationale. La Résistance Nationale qu’on avait animée et dans lequel se trouve maintenant Restaurer l’Espoir de Candide Azannai ? Non. Maintenant que tout est passé…

Vous voulez dire que la Résistance est déjà du passé ?
Non. Vu que nous sommes dans cette situation, nous allons poursuivre l’effort que nous avons toujours eu à faire … Le tout ne suffit pas de parler d’une même voix. Mais, le fait que l’opposition ne parle pas toujours des mêmes choses dans les détails, notamment dans le détail des tactiques, je ne parle pas de l’appréciation du pouvoir, mais comment on fait, je dis que ce n’est pas très grave. C’est une richesse. Je vous ai dit ce qu’on en a tiré tout à l’heure. C’est-à-dire que des gens, pendant que nous on disait qu’on ne va pas négocier pour le parrainage, les gens ont écrit pour négocier et nous ont apporté les résultats qui ont montré qu’on avait raison. Mais que c’était bien aussi de faire cette expérience pour éclairer les sceptiques. Donc, le fait que l’opposition soit plurielle n’est pas le problème. Nous allons entreprendre de nous mettre ensemble pour effectivement faire en sorte que nous menions en commun la lutte pour que la démocratie soit restaurée dans notre pays. Que les libertés aient droit de cité.
Comment notre vision pour le Bénin peut passer si le peuple n’est pas à même de choisir la vision qui l’intéresse ? Donc, c’est faire en sorte que le peuple soit à même de choisir la vision qui l’intéresse qui est primordial. C’est par rapport à ça que nous allons nous retrouver.

Carte d’identité: De l’amphi à la politique

Après ses études primaires à Abomey, à Toviklin, à Houégamè, à Pénéssoulou, Eugène Azatassou obtient son CEPE en 1963 à Pénéssoulou. Il entre ensuite au cours secondaire Mgr Steinmetz à Bohicon en 1964. Quatre ans plus tard, il décroche son BEPC puis s’inscrit au Lycée Béhanzin où il obtient un Bac série C. Après trois ans d’études en Mathématiques-Physiques à l’Université nationale du Bénin (UNB), il obtient une bourse qui lui a permis de faire une Maîtrise et un DEA en France. En 1979, il passe un court séjour au Bénin avant de retourner en France en 1982 pour faire une thèse en mathématiques appliquées, option mécanique générale à l’Université de Toulouse. De retour au Bénin en 1985 où il a été recruté à l’UNB en tant que professeur assistant, il s’engage aux côtés du Parti communiste de Dahomey (PCD). Arrêté, il passe quatre ans à Ségbanan avant d’être relaxé à la faveur de l’amnistie accordée en 1989. En 1992, il quitte sa formation politique et initie des associations de développement dans sa commune, Agbangninzou. Mais il reste animé par un fort désir de s’engager en politique. A quelques mois du départ du président Mathieu Kérékou, Eugène Azatassou et certains de ses camarades dont Rigobert Azon créent un parti dénommé Mouvement pour le développement et la liberté (Model), courant 2003-2004. Il sera ensuite désigné Secrétaire général dudit parti. Depuis lors, il consacre sa vie à la politique au détriment de sa carrière académique. Dans le cadre de la présidentielle de 2006, il dirige la campagne pour le candidat Boni Yayi dans la commune d’Agbangninzou. En 2008, il est élu maire de cette commune sous la bannière du parti Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe). Au congrès de refondation dudit parti tenu en 2008, il est élu Coordinateur national. Nommé Directeur de cabinet du ministre de la décentralisation en 2011, il devient Directeur de cabinet du président de la république en 2015, à quelques mois de la présidentielle de 2016. Depuis l’année dernière, ce très proche de Boni Yayi est membre du bureau directeur du parti Les Démocrates.

Intimité: Un féru des plats locaux

Marié et père de quatre enfants, Eugène Azatassou est retraité depuis une dizaine d’années. A plus de 70 ans aujourd’hui, il continue d’aimer les mets locaux comme l’igname pilée. Il prend quelques sucreries et le panaché, mais ne fait pas trop de sport, à part la marche quelquefois.

PROFESSEUR VICTOR TOPANOU RAPPORTEUR GÉNÉRAL DU DIALOGUE POLITIQUE SOUS L’ARBRE À PALABRE: «Je dis aux opposants de rentrer dans la dynamique»

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Le bon déroulement de l’élection présidentielle du 11 avril 2021 consacre selon le professeur Victor Topanou, le rapporteur général du dialogue politique de 2019, le couronnement des réformes politiques. Invité du quotidien L’Evénement Précis, le professeur Victor Topanou a, dans la Rubrique « Sous l’arbre à palabre » du journal, exprimé sa satisfaction du bon aboutissement du processus électoral: « cette élection a été une réussite puisque les objectifs de la réforme du système partisan ont été atteints », soutient-il avec enthousiasme. Saisissant l’occasion du décryptage de l’actualité politique nationale, il a, au cours de cette entrevue avec les journalistes, noté en dépit des violences qui ont émaillé le processus électoral par endroits, que « l’accouchement a été très difficile, mais le bébé est né vivant ». L’ancien ministre a abordé plusieurs sujets parmi lesquels la réforme du système partisan, l’arrestation de certains acteurs politiques et a d’ailleurs condamné les appels aux marches lancés par certains leaders de l’Opposition, et qui se sont transformés en des manifestations violentes à la veille de la présidentielle du 11 avril 2021. L’invité au cours des échanges à bâtons rompus sous «Sous l’arbre à palabres» a par ailleurs présenté les mérites des réformes opérées de même que les leçons à tirer pour corriger les dérives de la conférence nationale et pérenniser les acquis démocratiques.

Et si on en parlait

Vous voici à nouveau sous l’arbre à Palabre, au lendemain de la présidentielle du 11 avril 2021. Quelles sont vos premières impressions au vu des résultats issus des urnes après cette élection ?

Je pense que l’accouchement a été difficile, très difficile. Mais le bébé est né et il est né vivant. C’est l’essentiel, c’est le plus important. Donc, il faut juste continuer à l’entretenir, afin qu’il ne meure pas d’une mort prématurée.

C’est un KO. On n’est pas allé au second tour. Qu’est-ce que cela vous dit ?

Depuis qu’on a commencé notre jeune démocratie en 1991, on a eu quatre (4) Présidents de la République. Et parmi les 4, il y a un seul qui n’a pas pu renouveler son mandat : c’est le Président Nicéphore Dieudonné Soglo. Et sur les 3 qui ont réussi à renouveler leur mandat, deux l’ont renouvelé dès le premier tour, c’est-à-dire par KO, puisque c’est la formule retenue. Un seul l’a fait au deuxième tour, il s’agit du Président Mathieu Kérékou (paix à son âme). Si sur trois, il y a deux qui l’ont fait au premier tour, cela peut laisser subodorer qu’au Bénin, il est plus difficile d’obtenir un premier mandat que de le renouveler. Après, que le KO se fasse à 55% ou à 80%, peu importe : le principe, c’est le renouvellement du mandat.

Ce scrutin qui s’est déroulé le 11 avril dernier a la particularité d’avoir expérimenté pour la première fois les nouvelles lois électorales auxquelles vous avez beaucoup contribué. Quelles appréciations vous en faites et quels sont les grands enseignements que vous en tirez ?

Je pense que les objectifs fixés à ces lois ont été globalement atteints. Pour la première fois, on n’a pas eu une pléthore de candidatures. Avec les réformes, il n’y a de place que pour dix candidatures au maximum. C’est-à-dire que dès l’instant où nous avons dit que « pour être candidat, il faut avoir 10% du collège des parrains constitué des Maires et des Députés », il ne peut plus arriver qu’on ait 33 candidats. On aura au maximum 10 candidats. Pour cette première application, au lieu de 10, on en a eu 3. Peut-être à la prochaine présidentielle, on aura 4, 5, voire 6 ou les 10. En tout état de cause, on ne dépassera plus 10 candidats. Et parce qu’il y a une limitation des candidatures, les discours des candidats sont plus audibles. En effet, quand vous n’avez que 3 candidats sur 10 possibles, leurs discours, leurs programmes s’entendent : on les entend. A 33, on ne peut pas entendre les discours et c’est l’une des raisons pour lesquelles les présidentielles depuis 1991, ne s’organisaient pas autour de programmes. Ensuite, pour la première fois, on a fait une élection sans la fameuse opération porte-à-porte dont beaucoup disaient qu’elle était déterminante dans la victoire électorale. Or, ce qu’on ne dit pas, c’est le montant approximatif qu’il fallait investir dans cette opération. Si vous devez faire le porte-à-porte sur toute l’étendue du territoire, distribuer de l’argent à tous les citoyens, même si ce n’est que 500 francs CFA, cela fait tout de même beaucoup d’argent qui aurait pu, s’il avait été judicieusement utilisé, apporter beaucoup plus de bonheur à beaucoup plus de gens.

Aujourd’hui, il est tout à fait possible que si vous êtes un opérateur économique et que vous allez vers un candidat pour lui proposer de mettre 500 millions à sa disposition pour sa campagne, il puisse vous répondre : « gardez les 500 millions, à la fin des élections, on réalisera des œuvres sociales (centres de santé, marchés, centres de loisirs, etc…) sur lesquelles on marquera en lettres d’or, DON DE …ET DE ». Cette approche représentera une nouvelle façon de voir les choses ; elle incarnera une campagne enrichissante plutôt que la campagne appauvrissante qu’on a connue jusqu’ici. Je pense que ces objectifs-là ont été globalement atteints ; il faut le reconnaitre et s’en féliciter.

Mais le taux de participation en a pris un coup….

En effet, c’est le risque qu’il fallait prendre et il en valait la peine. Maintenant, le problème, c’est de savoir si cette abstention deviendra structurelle ou si elle restera conjoncturelle ? Mais pour qu’elle ne soit que conjoncturelle, il faut absolument l’adhésion de tous les acteurs politiques à ces réformes et qu’ils éduquent leurs militants et les électeurs dans ce sens. Car s’ils ne le font pas, évidemment, on risque d’aller vers une abstention structurelle, ce qui serait préjudiciable à notre démocratie participative. On va donc croiser les doigts pour qu’on n’arrive pas là.

Au dépôt des candidatures, vous n’avez pas senti qu’il y a déjà des couacs dans les réformes ?

Des couacs ? Non. Vous savez, on ne peut pas tout interdire. Si non, on va immédiatement vous taxer de dictateur. Comme vous le savez, l’un des objectifs des réformes était le renforcement du système partisan car aussi paradoxal que cela puisse paraître, aucun parti politique n’avait jamais gagné une élection présidentielle au Bénin depuis 1991.

Tous ceux qui avaient été présentés par un parti ont toujours échoué. Je pense au Président Amoussou. Je pense aussi au Président Houngbédji et même au Président Soglo qui, comme par hasard, quand il a été élu en 1991, n’avait pas de parti. Mais il a suffi qu’il crée un parti en 1993 pour perdre aussi bien l’élection de 1996 que celle de 2001. Bref, c’était une de nos « anomalies démocratiques ». C’est comme si vous allez aux Etats-Unis et vous remportez les élections en étant un candidat indépendant.

J’attire votre attention sur le fait que les candidatures indépendantes n’ont pas été interdites, mais qu’elles ont juste été rendues difficiles et que c’est pour cela que nous avons encore eu une vingtaine de dépôts de dossiers de candidature même si au finish, seuls trois ont été retenus.

Avez-vous le sentiment que la réforme du système partisan a permis d’élire un président issu des entrailles des partis ?

C’est la première élection présidentielle et elle peut avoir donné l’impression d’une insatisfaction. Mais je pense, qu’on le veuille ou non, qu’elle est en marche. Pour cette fois-ci, cinq partis se sont mis ensemble pour soutenir un candidat. Il est à souhaiter qu’à l’avenir ces cinq partis fusionnent pour donner un parti unique. J’ai vu d’ailleurs pendant la campagne les activités d’un mouvement dénommé « Dynamique Unitaire ». On va juste espérer qu’il soit prémonitoire et que sa finalité soit la fusion.

Dans une récente interview à une radio étrangère, l’ancien Président de la cour constitutionnelle, Robert Dossou a comparé la présidentielle de 2021 à une pièce de théâtre où chaque acteur avait été préparé à un rôle précis. Avez-vous eu la même impression ?

Non. J’ai écouté cette interview-là. J’ai également écouté l’interview-réponse du directeur de la communication de la présidence. Je n’irai donc pas vraiment sur ce terrain. Mais ce que je voudrais dire, c’est que le Président Robert Dossou a trois casquettes.

Lesquelles ?

Il est Avocat, homme politique et universitaire. Donc, selon qu’il parle avec la casquette d’Avocat, d’homme politique ou d’universitaire, le discours est différent. Car comme vous le savez, l’Avocat défend, , l’homme politique justifie et l’universitaire explique. Et je crois que dans l’interview à laquelle vous faites référence, il a été présenté comme Avocat de deux candidats recalés. Il est donc dans son rôle de dire ce qu’il a dit car un avocat a toujours raison même lorsque son raisonnement est faux car il doit pouvoir défendre y compris un criminel pris en flagrant délit de meurtre. Ma conviction est que s’il devait prendre la parole dans ce dossier en tant qu’homme politique, il tiendrait un discours totalement différent.

Par contre, il y a une autre partie de l’interview qui m’a un peu amusé ; c’est quand il parlait de la fraude par la loi. Cette déclaration vient jeter un regard nouveau sur le KO de 2011 qu’il avait proclamé en 2011 au profit du Président Boni Yayi. La réélection de Boni Yayi fut donc une « pièce de théâtre » puisque la fraude par la loi avait été préparée bien en amont par la loi sur la LEPI. Si vous vous souvenez, lorsque la LEPI avait été adoptée par les députés, une partie de la classe politique s’est remobilisée dans la mouvance de l’Union fait la Nation (UN) pour adopter une loi abrogative que la Cour avait cassée prétextant que même si le vote de la Loi était une prérogative exclusive des Députés, ils n’avaient pas le droit de voter une loi qui constitue un recul. Il estimait alors que la LEPI qui n’était même pas encore appliquée serait nécessairement meilleure à la liste manuelle utilisée jusque-là dans les élections en République du Bénin. Mais en réalité, c’était le K.O de 2011 qu’il préparait.

Ce que je pourrai dire pour finir avec cette question, c’est qu’il ne faut pas être naïf non plus. Lorsqu’un gouvernement en place opère des réformes ce n’est pas pour avantager son opposition. C’est pour en tirer au moins un léger bénéfice. Regarder ce qui se passe actuellement aux Etats-Unis avec les deux réformes politiques que veut engager Joe Biden, celle de la Cour Suprême et celle de Washington DC. Dans le premier cas, il souhaite augmenter le nombre de Juges afin de pouvoir en nommer quelques-uns pour rééquilibrer à son avantage les rapports de force au sein de cette vénérable Institution. De même, en transformant Washington DC en Etat, il s’assure un avantage au Congrès puisque les populations de Washington ont toujours été majoritairement des démocrates. Au total, il y a toujours des intentions politiques derrière une réforme politique ; ce n’est pas nouveau et ce ne sera pas la dernière fois : l’essentiel c’est que cela se fasse dans les règles de l’art.

Que pensez-vous du recul de la démocratie?

Je n’ai jamais compris pourquoi on parle de recul démocratique au Bénin . Est-ce parce qu’un régime élu démocratiquement utilise les ressources que la Constitution et le jeu démocratique lui confèrent pour faire des réformes ? Ou bien c’est parce que le droit s’applique désormais aux acteurs de la classe politique sonnant ainsi le glas de l’irresponsabilité pénale des acteurs politiques ? Ou enfin parce qu’il y aurait un standard unique de modèle démocratique que le Bénin appliquait si bien et qui contre toute attente subit des modifications injustifiées et inacceptables ?

À mon avis, il n’y a pas au Bénin de suppression des libertés, mais une réorganisation des conditions de jouissance de celles-ci. C’est le cas par exemple du droit de grève. Il n’a pas été supprimé, la Cour constitutionnelle s’y était opposé. Mais il a été réduit à sa plus simple expression, deux jours par mois, lui enlevant ainsi toute capacité de nuisance. En soi, ce n’est donc pas un problème démocratique ; le vrai problème démocratique, c’est de voir des acteurs politiques contester, au point d’en arriver à la violence, des réformes engagées légalement par un pouvoir démocratiquement élu sur la base d’un programme.

Joël Aïvo, votre collègue a fait l’option de respecter une partie de la loi en constituant un duo et en refusant de souscrire au parrainage, Réckya Madougou l’a fait également comme d’autres candidats. Comment appréciez-vous ces attitudes ?

Joël Aivo est plus qu’un Collègue ; c’est un ami et un frère. Je regrette cette attitude que lui et Madougou ont eue, mais ce fut une option politique que je n’ai pas d’autre choix que de respecter. Je regrette encore plus ce qui leur arrive actuellement.

Les cas de violences enregistrés lors du scrutin ne sont-ils pas la conséquence des nouvelles lois électorales qualifiées de facteurs d’exclusion pour les opposants ?

Pour moi, c’est une question de principe. Rien, absolument rien ne justifie la violence surtout quand on se dit en démocratie. Ni même la modification d’une loi électorale. Toutes les fois que quelqu’un fait appel à la violence, c’est qu’il n’est pas démocrate ou qu’à tout le moins sa culture démocratique doit être questionnée.

Mais ils se sont sentis exclus …

Ce n’est pas parce que vous vous sentez exclus que vous faites recours à la violence. Nous n’en sommes pas au premier cas de sentiment d’exclusion dans notre vie politique. J’en vois au moins deux, une plus ancienne et une plus récente. La plus ancienne, c’est en 1990 lorsque le projet de constitution avait limité à 70 ans l’âge plafond pour être candidat aux fonctions de Président de la République. Les anciens Présidents Ahomadégbé, Maga et Zinsou ont vite fait de dénoncer une disposition exclusive, mais pour autant, ils n’ont pas fait recours à la violence ; ils ont appelé à voter « oui, mais ». Ils ont perdu et ils se sont alignés. Plus récemment et près de trente ans après le premier cas, c’est le Ministre d’Etat Komi Koutché qui a été victime de l’âge plancher fixé à 40 ans pour être candidat aux fonctions de Président de la République. Il a eu le sentiment d’être exclu, mais pour autant il n’a pas fait usage de la violence ; au contraire il a fait saisir la Cour constitutionnelle aux fins d’obtenir une interprétation de cette disposition constitutionnelle. La décision de la Cour quoique scandaleuse ne lui a pas permis d’être candidat ; sinon, peut-être serait-il le Président de la République actuel. Lui non plus n’a pas fait recours à la violence ; au contraire, il s’est aligné. 

Au total, il n’y a aucune raison de faire recours à la violence dans un régime démocratique. La démocratie nous enseigne le respect du temps long. Laurent Gbagbo, Alpha Condé et Abdoulaye Wade nous ont montré qu’on pouvait faire l’opposition trente ans avant d’accéder au pouvoir ; ils l’ont fait sans jamais user de la violence. Mais, organiser, ainsi que cela a été fait, le boycott systématique des élections dans trois communes, Tchaourou, Bantè et Savè n’était encore jamais arrivé au Bénin.

Visiblement, votre doigt accuse quelqu’un ?

Non, pas du tout. Je n’accuse personne. La Justice fera son travail et mon souhait est qu’elle innocente certains qui croupissent aujourd’hui préventivement en prison.

Mais, le chef de l’Etat avait rassuré qu’il maitrisait la situation.

Il a pu le dire, mais quand la violence est réduite à son plus petit dénominateur, c’est-à-dire le niveau individuel, il est très difficile à n’importe quel Etat de la combattre. Par contre, l’Etat a l’obligation a posteriori de chercher à situer les responsabilités et c’est bien cela que l’Etat fait en ce moment. C’est ne pas le faire qui serait irresponsable, voire coupable de la part de l’Etat. Vous avez vu les gilets jaunes en France et l’invasion du capitole aux Etats-Unis ? dans les deux cas, l’Etat Français et l’Etat américain ont situé les responsabilités en procédant à des arrestations et en condamnant au besoin. C’est donc tout simplement normal qu’après ces événements-là, l’Etat cherche à savoir. Quand l’Etat aura fini de savoir et aura fini de situer les responsabilités, s’il plait à cet Etat-là, d’effacer l’ardoise, le cadre juridique actuel lui permet de le faire. Mais, vous ne pouvez pas dire d’un Etat qui cherche à savoir les origines, les causes, les acteurs, les commanditaires de violences aussi systématiques qui empêche depuis 1991, trois communes du pays, de voter qu’il est dictatorial.

Vous étiez membre du présidium lors du dialogue politique de 2019 après les violences des législatives et les lois issues de ce dialogue ont permis l’organisation de cette présidentielle qui a connu également des violences. Avez-vous le sentiment comme beaucoup que le dialogue politique n’a servi à rien ?

Vous me donnez l’occasion de répondre à un collègue et ami, le Professeur Amoussou Yéyé qui a écrit sur sa page Facebook : « Est-ce que les professeurs Sossa et Topanou sont fiers d’eux » ? Ma conviction, c’est que ce n’est pas le dialogue qui est en cause. Nous avons eu dans notre pays une conférence nationale, mais toutes les dérives de ces trente dernières années ne peuvent être imputables à cette conférence nationale-là. De la même manière, la situation actuelle ne peut être imputable au dialogue politique. Il faut distinguer entre l’esprit et la pratique que font les hommes des lois et institutions qu’ils se donnent. C’est pourquoi, quand je vois certaines personnes prendre la conférence nationale comme le levier de notre démocratie, je me dis qu’ils se trompent d’analyse.

Les réformes n’ont pas été faites pour susciter la violence, ni pour exclure d’ailleurs. Elles ont été faites pour tenter de corriger les dérives constatées ces 30 dernières années et notamment replacer les partis politiques au cœur de la vie démocratique. Pour y arriver, on a corrigé les conditions de création des partis, on a revu le statut de l’opposition, on a décidé du financement public, on a décidé que les partis doivent avoir une dimension nationale et pour cela, pour les communales tout parti doit avoir au moins 10% des suffrages exprimés sur le plan national pour être éligible au partage des sièges. Il en est de même pour les législatives. Et pour la présidentielle, il faut réunir au moins 10% du collège des parrains constitués des Maires et des Députés. C’est vrai que cette fois-ci, ce système a profité au Président en exercice, mais il profitera bien à quelqu’un d’autre en 2026.

Vous en êtes sûr ?

J’en suis certain. Le Président Talon n’a pas l’intention de faire plus de deux mandats. Et la Constitution ne l’y autorise même pas. Et si le Président voulait faire plus de deux mandats, il aurait pu faire sauter le verrou de la limitation des mandats à l’occasion de cette révision ; il en avait les moyens. Au lieu de cela, il a plutôt corsé cette limitation. Il faut que nous sortions de cet état de suspicion permanente qui caractérise notre société.

Puisqu’il a une majorité écrasante à l’Assemblée !

Il aurait pu faire ce qu’il veut, changer les textes comme bon lui semble, mais tel n’a pas été le cas. Pourquoi voulez-vous qu’il fasse en plusieurs fois ce qu’il peut faire en une fois ? Je fais donc bien le pari qu’à partir de 2026, ces dispositions profiteront bel et bien à d’autres acteurs un peu comme la Lépi de Yayi a profité à d’autres acteurs jusqu’en 2021.

Avec les violences, les arrestations et tout ce qui a entouré cette élection, n’avez-vous pas l’impression qu’il faut une assise nationale afin de véritablement réconcilier tout le peuple ?

J’ai déjà entendu ça plusieurs fois, mais je ne vois toujours pas ce que l’on met dans les assises nationales. Si c’est pour remettre en cause les réformes, je pense que ce serait un énorme gâchis. Si c’est pour faire un remake de la conférence nationale, je n’y suis pas favorable ; nous ne sommes pas dans la situation de 1989. Si c’est pour amnistier ceux qui ont maille à partir avec la justice alors salut les dégâts : ce serait l’instauration du règne de l’impunité pour les acteurs politiques car la liberté va de paire avec la responsabilité. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec la Conférence nationale. Et si enfin, c’est pour conférer une nouvelle légitimité aux acteurs politiques en mal de légitimité démocratique comme ce fut le cas avec la conférence nationale, alors ce serait à désespérer de notre capacité collective. A ce propos, j’ai entendu le professeur Holo dans une interview sur la Deutch Welle qui disait que les problèmes de la composition actuelle de la cour constitutionnelle, c’était, d’une part, qu’il n’y a pas de constitutionnaliste et, d’autre part, qu’il n’y a plus personne qui ait participé à la conférence nationale comme si nul ne peut parler de la seconde guerre mondiale s’il n’y a pris part.

Le système partisan est-il protégé ?

Comme je le disais tantôt, il y a la réforme et il y a la pratique. Je pense que pour l’instant, on a essayé de protéger au mieux le système partisan. Il n’y a pas de démocratie sans un système partisan fort. Chez nous, on n’avait pas de système partisan. Un système partisan, c’est à la fois le financement public, le statut de l’opposition, c’est le cadre partisan comme cadre unique du choix des responsables du mandat électif. C’est un ensemble de jeux qu’on n’avait jamais véritablement construit, mais qu’on a essayé de construire à la faveur de cette réforme. Malheureusement, certains acteurs continuent de développer des résistances à son égard. Et c’est pourquoi pour moi, le principal effort à faire, c’est de continuer d’expliquer l’esprit des réformes afin que les réticents d’aujourd’hui finissent par y adhérer. Je reconnais qu’il n’y a pas eu assez de pédagogie, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire.

ll faut avoir tous les partis derrière un candidat… ?

Je crois que j’en ai parlé plus haut. C’est probablement la phase transitoire qui nous a permis d’assister à ce phénomène. Car vous ne pouvez pas continuer de dire que vous supportez la même personne et en même temps soutenir que vous ne pouvez pas travailler ensemble. Imaginez qu’après cette présidentielle, ils se déchirent à nouveau pour les prochaines législatives de 2023. Ils vont encore se retrouver avec des partis qui n’auront pas les 10% sur le plan national et qui n’auront pas de députés. Par souci de cohérence, ils sont obligés de rester ensemble.

Pour rendre acceptables les dispositions acceptées…?

Ma conviction, c’est qu’il faut continuer d’expliquer, aux acteurs, aux populations et aux partenaires. Il faut expliquer que les réformes ne sont pas faites pour exclure et qu’au contraire, elles sont faites pour renforcer le système partisan et qu’en conséquence elles profiteront aussi à leurs partis politiques.

Le Bénin était quasiment le seul pays où l’on peut gagner une élection présidentielle sans être un acteur politique connu, sans avoir été militant ou adhérent d’un parti. Ce n’est possible dans aucun des pays qui nous entourent et a fortiori dans les pays de vieille démocratie. Les conséquences sur la gouvernance politique et économique sont suffisamment bien connues pour souhaiter l’inversion d’une telle situation. 

Écoutez, moi j’ai travaillé avec le Président Boni Yayi. En 2007, il y a eu les premières législatives du premier mandat de Boni Yayi. Il a eu une majorité relative et il a dû trouver des alliés pour construire une majorité absolue. Mais un an plus tard, en 2008, il a encore perdu cette majorité. Pour tenter de reconstruire une nouvelle majorité, il a fallu donner des gages de mauvaise gouvernance aux Députés qui acceptaient de le soutenir. Ainsi par exemple, pour obtenir le soutien du Député Justin Agbodjèté, il a fallu consentir à son parti, l’UTD de Barnabé Dassigli le poste de Ministre de la Jeunesse et des sports, un poste de chargé de mission et un poste de Chef d’arrondissement à Calavi. Il en est de même du Député Kindjanhoundé qui n’a accepté de soutenir le gouvernement qu’à condition d’obtenir un poste de Ministre, un poste de Préfet et des marchés publics. Pour bénéficier du soutien d’un député à l’Assemblée nationale, un Président de la République était obligé de faire tout ça. Sans compter que plus de 80% des Députés sont des opérateurs économiques et que la seule chose qui les préoccupe, ce sont les marchés publics. L’exemple le plus illustratif en même temps qu’il est symbolique, c’est la construction inachevée depuis quelques années du siège de l’Assemblée nationale, le lieu où bat le cœur de notre démocratie à Porto-Novo.

Et pourtant, tout le monde a conscience que cette situation ne pouvait durer plus longtemps. Kérékou dénonçait déjà les intellectuels qu’il qualifiait de « tarés » et en appelait à la construction du Bénin du futur. Yayi Boni quant à lui, a parlé du « changement » au cours de son premier mandat avant de parler de « refondation » au cours de sen second mandat pendant que le Président Adrien Houngbédji parlait de « rectification ». En 2016, on s’est retrouvé avec deux grosses tendances, le « nouveau départ » et la « rupture ». Au total, le besoin existe, il est réel. Le seul reproche que l’on peut faire au Président Talon, c’est de n’avoir pas accompagné ces réformes d’une bonne pédagogie. Mais il n’est pas trop tard pour rectifier et mieux faire.

Il a perdu sa légitimité

Non, pas du tout. La légitimité n’est pas donnée par le taux d’abstention ou le taux de participation à une élection. Au Bénin, la loi a prévu que le vote soit un droit et non un devoir. Si vous décidez le jour du vote de ne pas aller voter, c’est votre droit. On ne peut pas dire qu’un taux de participation faible fait perdre à un élu sa légitimité ; ce n’est qu’une vue de l’esprit.

 Le Bénin sera désormais dirigé par un duo présidentiel, même si les pouvoirs de la vice-présidente élue sont très limités. Comment entrevoyez-vous cette nouvelle ère de gouvernance qui s’ouvre dans la vie démocratique de ce pays ?

Il faut retourner à l’esprit de cette réforme. On a prévu un poste de vice-Président parce qu’il a été décidé d’organiser les élections générales afin de mettre un terme au cycle perpétuel des élections au Bénin ? Désormais, en six mois, de janvier à, Mais de l’année électorale, toutes les élections (présidentielle, législatives et communales seront organisées). Mais pour y arriver, il y avait deux questions techniques et préalables à régler, la première c’est l’harmonisation des mandats et la seconde la vacance des pouvoirs. Pour la première, il a fallu faire passer le mandat des députés à cinq ans. Pour la seconde, pour éviter de reprendre les élections en dehors de la période des élections générales, il a fallu créer un poste de Vice-Président pour faire comme aux Etats-Unis, au Ghana et au Nigéria entre autres. Au Bénin, le Vice-Président devient d’office le Grand Chancelier de l’Ordre. 

Lorsque le Président de la République décède, et que la vice-présidente élue, prend le pouvoir et devient présidente de la République, que devient le poste de la chancellerie ?

En fait le poste de la chancellerie est directement lié à la vice-présidente donc lorsque le vice-président devient président, il y a un mécanisme pour désigner le nouveau vice-président. Le nouveau président propose un vice-président qu’il soumet pour approbation à l’Assemblée nationale.

On a également appris que le Président de la République peut démettre la Vice-Présidente

Oui, en effet.

Des opposants soupçonnés d’être instigateurs des récentes violences électorales sont interpellés et mis sous mandat de dépôt par vague depuis peu par la justice. La stabilité nationale tant souhaitée n’est-elle pas davantage éprouvée ?

Non. S’ils ne sont pas coupables ils vont être libérés. Vous imaginez si l’Etat ne faisait rien à la suite de toutes ces violences pré-électorales ? Vous imaginez que l’État soit là les bras croisés ? Pour la première fois on a organisé le boycott systématique des élections dans trois communes. Ce n’est même pas que certains ont voté et que d’autres n’ont pas voté. C’est que personne n’a voté. C’est quand même un acte suffisamment grave. Donc un État sérieux a l’obligation de chercher à comprendre, à situer les responsabilités et après une fois les responsabilités situées, s’il faut aller vers l’effacement, il le fera. Mais ne rien faire du tout serait est un mauvais signal.

Pour un second mandat, si on demandait à Victor Tokpanou de donner des conseils au Président Talon, que lui diriez-vous ?

Je lui dirai de poursuivre les réformes pour lesquelles le Peuple béninois l’a élu, mais de les accompagner d’une bonne pédagogie ; il sera applaudi à la fin de son mandat.

Aux opposants, je leur dirai simplement de rentrer dans la dynamique et d’arrêter de penser que le Président ne pourra pas faire deux mandats, que s’il venait au second tour en 2021 ce serait la fin du monde. Que personne n’oublie qu’une élection est aléatoire et qu’on peut la gagner ou la perdre.

Et au Président Talon qui a serré la ceinture au premier quinquennat, quel conseil avez-vous à lui donner ?

Moi je suis fonctionnaire et mon salaire a toujours été payé. C’est vrai que l’histoire de ceintures serrées est une image politique. Ce sont des réformes qui ont été faites et si ces réformes sont légitimes et pertinentes il faut faire avec. Le problème est au niveau des primes des fonctionnaires qui ont été supprimées. Certains avaient même fait des crédits à la banque et quand la décision de suppression des primes a été prise, ils se sont retrouvés dans une situation délicate. Déjà du temps de Boni Yayi, une commission avait été mise en place pour étudier la question des primes, mais elle n’avait jamais déposé son rapport.

Puisque nous parlons de votre ancien patron, pensez-vous qu’il a fait du pire pour les résultats en 2016?

Ce n’est pas les mêmes cas de figure. En 2016, l’étranger était vraiment étranger. En 2021, l’étrangère n’était pas si étrangère que ça.

Elle est étrangère au parti Les Démocrates…

Oui, peut-être au parti, mais en 2016, ce n’était pas au parti. Il était quasiment étranger à la classe politique. Je ne suis pas capable de vous expliquer les tractations internes du parti Les Démocrates qui ont abouti à la désignation de Réckya Madougou. Mais j’ai pu entendre dans certains éléments audios sur WhatsApp que les critères de désignation de leur candidat étaient essentiellement financiers. Il fallait avoir la capacité de payer la caution, la campagne et la tournée d’information et d’explication.

C’était la même chose en 2016 …

C’est possible puisque sous réserve de vérification, l’affaire des 15 milliards entre Ebomaf et le candidat de 2016 montre très bien que le candidat lui-même n’avait pas d’argent. Sinon, il n’allait pas faire ça. J’aurais dû même lever les réserves puisque pour ces motifs, il a été condamné par un tribunal. Ça veut dire qu’il n’avait pas les 15 milliards avec toute la réputation qu’il avait sur le plan international, en France etc. Et pourtant, la loi avait prévu deux milliards de dépenses électorales. Donc pour moi, ce n’est pas les mêmes dynamiques en 2016 et 2021.

On a vu votre ancien patron présent à la 6ème investiture du président congolais, alors qu’il s’est battu pour que celui qui est là ne fasse pas deux mandats. Quelle est votre appréciation ?

Il n’y a aucun problème. Il n’est pas allé imposer au Congo les règles du Bénin. Au Bénin, nous sommes dans un jeu démocratique. Il y a un candidat qui rempile. Comme en 2011, l’Union fait la Nation était contre le renouvèlement de son mandat. Mais si les Congolais décident de désigner quelqu’un 6 fois, il ne revient pas à un Béninois d’être contre ça. S’ils sont des amis et qu’il l’invite à son investiture, sincèrement moi je ne trouve pas ce qu’il y a de gênant à cela. L’essentiel, c’est qu’il ne vienne pas nous dire au Bénin de faire comme au Congo.

Le Président Talon a dit qu’à l’université, il y a beaucoup de bavardage…

Il n’a pas dit que ça. Il a aussi dit que beaucoup de professeurs d’université ne sont pas bien formés.

Vous vous êtes senti blessé ?

Non, puisqu’il a pris la peine de faire la nuance en disant « beaucoup ». Il n’avait pas dit tout le monde. S’il avait dit tous les enseignants à l’université sont mal formés, là tout le monde se serait mis vent debout. Donc je pense que la nuance valait la peine. Moi je ne me sens pas mal formé. Donc je ne me sens pas concerné par cette stigmatisation. Maintenant, s’il y en a qui sont mal formés, qu’ils réagissent. Je pense d’ailleurs que notre Intersyndicale a déjà réagi, parce qu’au moins l’Intersyndicale est là pour défendre tout le monde.

Comment avez-vous vécu la suspension des élections rectorales et la désignation des responsables universitaires ?

Je pense que c’était une erreur qui mérite d’être corrigée rapidement.

Quel est selon vous le mode de recrutement et d’avancement des enseignants approprié ?

Le Président a promis recevoir les enseignants pour leur expliquer son plan. Quand nous prenons le mécanisme mis en place par le CAMES, il y a trois programmes : la maîtrise d’assistanat, la maîtrise de conférences, et la titularisation. Est-ce qu’il faut instaurer un mécanisme domestique complémentaire ? Dans beaucoup de pays, le double système existe. Au Cameroun par exemple, n’a adhéré qu’à un seul programme, celui de la maîtrise de conférence. Les Camerounais ne passent pas par la maîtrise d’assistanat et la titularisation du Cames. C’est quand ils vont au concours d’agrégation et échouent à la 3ème épreuve que le CAMES fait d’eux automatiquement des maîtres assistants.

Le même système mixte existe au Niger. Donc si le Président dit qu’il veut faire comme les autres pays, moi j’attends de voir puisqu’il a promis qu’il invitera les enseignants. J’imagine que ce sera les représentants syndicaux. Mais l’idée en elle-même n’est pas révolutionnaire, puisqu’elle existe ailleurs.

Madame la ministre de tutelle nous a informés qu’il y a un processus en cours qui consiste à opter au niveau de l’enseignement supérieur pour un système de contrôle ?

Moi je veux bien le voir. Je n’ai jamais été hostile aux idées nouvelles. L’essentiel est que le porteur des idées nouvelles soit lui-même disposé à l’évaluation, parce que le tout ne suffit pas de dire qu’on a des idées nouvelles. Je ne pense pas qu’il soit juste et opportun de comparer le système d’enseignement des trois ordres. Au niveau universitaire, ce n’est pas du tout la même chose qu’au niveau secondaire. Est-ce que le ministre sera en capacité de nous proposer comme au primaire ou au secondaire des salles de 50 étudiants maximum ? Parce que quand on est dans la pédagogie, il faut des groupes restreints. Or à l’université, en première année, nous avons au moins 1000 étudiants devant nous. Si on veut faire la comparaison, il faut aller jusqu’au bout et transformer de façon systématique les classes de cours en des groupes de 50 personnes. Les problèmes ne sont pas les mêmes. Il faudra faire très attention. C’est pourquoi je dis que sur le principe, moi je n’ai rien contre les idées nouvelles, mais à condition que le porteur lui-même soit disposé à faire sa propre évaluation. J’ai enseigné dans le système canadien pendant une dizaine d’années. Je connais le système d’évaluation qui est là-bas aussi. Je ne sais pas si c’est ça qu’on veut importer ici. Si c’est ça, il faudrait qu’on s’asseye pour discuter des avantages et des inconvénients. Parce que dans le système canadien, vous faites évaluer les enseignants par les étudiants et on se rend compte que les enseignants pour éviter de se faire mal juger, donnent systématiquement 18 à tous les étudiants, peu importe leur niveau. Et quand vous donnez 18 à un étudiant, vous lui demandez de vous évaluer, il ne dira que vous êtes le bon professeur. J’intervenais dans un programme à Sherbrooke, qui a fermé parce que les enseignants évaluaient les étudiants à leur juste niveau, et quand on leur a demandé de les évaluer, ils ont donné de mauvaises notes. Et le programme a fermé, parce que là-bas, quand les étudiants vous évaluent mal, on ferme votre programme. Donc c’est un problème que les Canadiens essaient de régler parce qu’ils sont allés très loin dans la libéralisation de l’enseignement supérieur. En fait, c’est pour ça qu’ils ont privatisé l’enseignement supérieur. Et donc toutes les formations sont devenues coûteuses. que 10 étudiants, ça veut dire que chaque étudiant paye 5 millions de dollars. Si c’est vers ça qu’on va, qu’on nous le dise. On va y aller. Si au bout de quelques années, on se rend compte qu’on est allé droit dans le mur, on va rebrousser chemin. Ce n’est pas compliqué du tout !

Carte d’identité : Maître de Conférences de sciences politiques, pas politique

De la classe de 5ème jusqu’à l’université, Victor Topanou vit au Togo où il a décroché son Brevet d’études du premier cycle (Bepc) en 1981, le Probatoire en 1983, le Bac en 1985 puis en 1989, il obtient à l’Université de Lomé, une Maîtrise en Histoire, option  Relations internationales. Il part ensuite à Paris pour des études de stratégie et de défense à l’Ecole des Hautes Etudes Internationales qui abrite le Centre d’Etude et de Défense Stratégique (Ceds). C’est ainsi qu’il rencontre le Général Charles de Lambi, qui l’encourage à faire un doctorat à la Sorbonne. Après quelques années, Victor Topanou obtient son doctorat avant de revenir à l’Université nationale du Bénin en 1998 où le Professeur Nouréini Tidjani-Serpos s’est battu pour le faire recruter. Lors de la campagne pour la présidentielle de 2006, il est nommé Directeur de Campagne de Célestine Zanou qu’il a connue le 27 décembre 2005. Proposé avec d’autres, sur demande de l’ancien président Boni Yayi pour travailler avec le nouveau Chef de l’Etat, il a été nommé Conseiller technique juridique du Chef de l’Etat le 26 mai 2006. En 2008, il devient Secrétaire général du Gouvernement puis Garde des Sceaux, Ministre de la justice, de la Législation et des Droits de l’Homme, porte-parole du Gouvernement d’alors. Sorti en Juin 2010 du Gouvernement, il se présente aussitôt à la présidentielle de 2011, sans succès. Annoncé pour être candidat à la présidentielle de 2016, l’homme s’est finalement désisté. Avant de jeter son dévolu sur Sébastien Ajavon, il avait prévenu qu’un homme d’affaires ne ferait jamais un bon président pour le Bénin. Et quand on lui dit qu’il est inconstant, il précise : « J’ai écrit un long papier, de près de douze pages de journal, relayé dans près de 21 journaux, à la suite de la position du clergé. J’ai attiré l’attention sur les dangers qu’il y a à élire un opérateur économique. Je l’ai fait, je l’assume. Je continue de penser que j’avais raison. Quand j’ai dit ça au peuple, et que le peuple ne m’écoute pas, décide, malgré mes avertissements relayés dans autant de supports, de porter près de 50% de ses suffrages sur les deux opérateurs économiques, qui suis-je à ce moment-là pour m’y opposer ? Au contraire, j’accompagne ! » Mais est-il toujours de l’opposition ? Il nous repose la question : « Est-ce que je l’avais été ? Quand je me battais pour des élections législatives non exclusives, cela profitait à l’opposition sans que je ne demande aucun poste dans leurs organes et même sans que je ne marchande aucun positionnement pour les législatives si elles avaient été inclusive. Mieux j’ai prêté ma plume, mon temps et mon énergie dans la perspective, bien vite abandonnée, de la création d’un grand parti unifié de l’opposition ». Et d’ajouter : « J’avais choisi de ne plus faire la vie politique. Je l’avais même annoncé sur certains médias. C’est l’une des raisons pour lesquelles, j’ai retiré ma candidature de l’élection de 2016 et que plus tard, nous n’avons pas fait de congrès de mise en conformité du parti Fur qu’avec d’autres nous avions créé ».  L’homme qui se dit prêt à aider le Chef de l’État à sortir le pays de la morosité ambiante indique se positionner désormais en enseignant plutôt qu’en acteur politique. Maître de Conférences de sciences politiques depuis 2012, Victor Topanou a récemment croisé le fer avec certains de ses collègues qui ont fini par être sanctionnés par le Cames. « S’ils ont été sanctionnés à trois niveaux, à savoir la commission d’éthique et de déontologie, le comité des experts et le Conseil des ministres, c’est que leur dossier n’était pas si vide que ça », affirme-t-il.

Intimité : Amateur de gombo

Père d’une fille, Victor Topanou a connu l’expérience du divorce. Il a retrouvé l’amour depuis quelques années et avoue être heureux avec « une très belle femme de cœur », dit-il. Grand amateur de football, il rate rarement l’entrainement avec ses amis de quartier avec qui il joue tous les samedis et jours fériés. Au vrai, c’est un homme qui aime la simplicité. A table, il mange du Gombo aussi bien avec de la pâte blanche qu’avec du riz. « Je connais pratiquement tous les bons coins où l’on sert  du bon gombo à Cotonou », avoue le gourmet.

Rédaction