Archives de catégorie : Editorial

Edito du 30 octobre 2023: La nécessaire fusion

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L’équation au sein de la mouvance aujourd’hui, c’est comment réussir ce qui hier était considéré comme une hérésie : la fusion de tous les partis soutenant Patrice Talon. Il ne faut pas être un visionnaire avant de voir que l’unité de l’opposition n’est plus une vue de l’esprit. Elle se concrétise de plus en plus après le congrès du parti Les Démocrates à Parakou.

Certes, il ne faut pas se leurrer. Il y a un vent violent anti-Yayi qui a soufflé dans la salle du congrès, lorsqu’il était apparu que l’ancien président avait décidé de prendre les choses en main. Eric Houndété écarté, une bonne partie de ses partisans ne le digèrent toujours pas. Contrairement à ce que l’on peut penser, il y a des déchirements internes qui peuvent exploser à tout moment. Mais au congrès de Parakou, l’unité a été sauvée, contre vents et marrées. Car il ne faut pas être dupe : aucun groupe politique, quel qu’il soit ne peut se prévaloir de zéro conflit. Le fait que Houndété ait accepté malgré tout de devenir numéro deux du parti, en cédant son poste de président tout en demeurant dans le bureau, est le signe que pour le moment, il ravalera ses ambitions. Pour combien de temps encore ? Bien malin qui pourrait le dire. Il Suffirait d’une étincelle pour allumer le volcan de la contestation au sein du parti. Parce que les informations qui me parviennent de son entourage sont claires : Eric Houndété se prépare pour être candidat en 2026. Et il n’a pas tort. De tous les potentiels candidats qui pointent leur tête dans le parti, il est le plus expérimenté. Mais personne n’ignore qu’il faudra avoir l’onction de Yayi pour la moindre action au sein du parti. Et si son propre fils Chabi est intéressé présidentiel, il le mettra dans le duo de 2026. Je ne vois pas Yayi agir en calculateur politique. Son instinct lui parle plus que toutes les logiques mathématiques du monde politique.

Au sein de la mouvance par contre, les choses sont moins claires. Le plus difficile, sera de conserver le semblant d’unité qui y règne,  jusqu’aux échéances de 2026. Je suis même convaincu que pour sauver leur poste, les acteurs politiques feront les ânes jusqu’aux législatives, de façon à être sûrs d’être positionnés sur une liste gagnante. Avec le pouvoir en main, l’échec aux élections au Bénin  n’intervient que lorsqu’on a perdu toute lucidité. Et il faut espérer que Patrice Talon n’en est pas encore arrivé là. Quoique…

La réalité, c’est que le système des microcrédits a mis en place un véritable maillage politique permettant de toucher directement les couches les plus défavorisées. Ce sont ces gens qui forment le plus gros de l’électorat béninois. Ce sont des milliers de femmes et d’hommes qui trouvent directement leur bonheur dans ces prêts. On ne va pas se mentir : les microcrédits constituent une redoutable arme politique aux mains du pouvoir. Maintenant, rappelons ce qui s’est passé en 2015-2016. Malgré un système de micro-crédits non remboursés massivement octroyés à la population en son temps, le régime Yayi avait perdu et les législatives de 2015 et les présidentielles de 2016. Il y a longtemps que les Béninois savent se moquer des politiciens qui pensent les acheter. Et puis s’il ne fallait compter que sur les constructions d’infrastructures, la prétendue lutte contre la corruption ou encore sur la bonne gouvernance, les élections de janvier dernier ont démontré une nouvelle fois que le Béninois vous juge rarement à vos résultats. 

Cette Realpolitik sera utile pour 2026. En se positionnant président de son parti, Yayi veut engager le combat de la revanche. Et si la mouvance fait l’autruche en comptant sur les belles fleurs de la présidence ou sur la statue de l’Amazone, il y a de mauvaises surprises qui l’attendent. Les voix comme celle de Me. Jacques Migan qui appellent à la fusion de toute la mouvance, ne viennent pas du néant. Elles rappellent que toute dispersion des voix pour la présidentielle sera du pain béni pour l’opposition. Bien sûr, pour le moment, la seule voix que les égos surdimensionnés de la mouvance peuvent encore écouter, est celle du chef de l’Etat. Mais s’il attend le dernier jour pour mettre sa troupe en ordre de combat, c’est là où il aura sa dernière surprise.

Olivier ALLOCHEME

Editorial: La nouvelle humiliation

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La France a fini par comprendre que ses positions sur le Niger sont irresponsables. Emmanuel Macron a annoncé hier que Paris va rappeler son ambassadeur et rapatrier les éléments de sa base militaire de Niamey. C’est tout ce que demandaient les autorités actuelles du Niger.

Bien sûr, cette décision fait suite aux conditions de plus en plus difficiles imposées non seulement aux militaires français sur place, mais aussi à l’ambassadeur Sylvain Itté. Les putschistes nigériens ont instauré un blocus sévère aussi bien sur la base française que sur l’ambassade de France à Niamey. La position d’Emmanuel Macron, tentant d’instaurer en Afrique une démocratie à la sauce occidentale, constitue un paternalisme rétrograde. Et les Africains en ont marre de cette attitude qui, depuis 63 ans, a contribué à arriérer nos Etats.

Ce qui s’est passé au lendemain du coup d’Etat du 26 juillet 2023 n’a pas servi de leçon à Paris. Dans les coulisses, on sait que l’armée nigérienne était prête à livrer bataille pour défendre Bazoum au lendemain du coup de force. Se jetant dans une précipitation maladroite, Paris avait ordonné à ses hommes d’intervenir pour libérer le président déchu. Bazoum lui-même aurait sollicité l’aide française à cet effet. C’est sans compter avec la colère de l’armée qui s’est sentie trahie par son chef, au moment où elle était prête à le défendre. Les chefs de l’armée avaient alors tourné casaque, dégoûtés par ce qu’ils ont perçu comme une trahison impardonnable. Le contre-coup d’Etat n’aura jamais lieu. La garde présidentielle a réussi à rallier avec elle l’armée nigérienne dirigée jusqu’alors par des proches du président déchu. Paris devait prendre leçon de l’échec de sa politique interventionniste. Il a préféré se rabattre sur la CEDEAO pour imposer au Niger les sanctions les plus iniques, allant jusqu’à la menace d’une intervention militaire pour imposer Mohammed Bazoum. Seul le Bénin paie aujourd’hui le prix de cette erreur historique.

Le Nigeria n’applique pas les sanctions de la CEDEAO. Les 1500 km de frontière entre le Niger et le Nigeria sont des passoires qu’aucun douanier, aucun militaire ni aucun policier nigérian ne contrôle. Au vu et au su des forces de l’ordre, les usagers circulent de jour et de nuit dans les deux sens sur les axes secondaires. Et pour une simple raison : il n’y a pas un seul point de passage comme à Malanville et plus encore, il n’y a pas une barrière naturelle comme le fleuve Niger entre les deux pays. Du coup, les Béninois se retrouvent seuls à supporter les conséquences nées des décisions de la CEDEAO, une institution désormais vue comme vassale de la France.

La base française bientôt démantelée, pourra-t-elle être redéployée au Bénin, son point d’ancrage le plus proche ? Rien n’est moins sûr. Paris avait cherché par tous les moyens à les installer au Bénin, suite à la débâcle malienne. Le refus manifeste de Patrice Talon a obligé Paris à se rabattre sur Niamey. Il est fort probable que le chef de l’Etat maintienne sa position, pour ne pas donner raison à ceux qui le disent valet de l’Elysée. Dans ces conditions, le Tchad est la destination la plus probable, encore que le pays abrite déjà une base française, comme d’ailleurs le Sénégal et la Côte-d’Ivoire.

Dans tous les cas, on assiste à la débâclede la France au Sahel, et débâcle est un bien faible mot pour désigner cette série de reculades.

Les nouvelles autorités de Niamey peuvent dès lors se frotter les mains. Comme je l’ai déjà dit ici, les régimes militaires ne sont pas plus efficaces que les régimes civils sans vision et sans idéologie. AbdourahmanTchianifera-t-il exception à la règle ? Je le souhaite vivement, pour que le Niger retrouve la stabilité et la prospérité qu’il mérite après tant de décennies de pauvreté, d’instabilité  et d’insécurité.

Quant à Patrice Talon, il faut se demander comment il pourra se sortir de la mauvaise passe où il s’est embourbé tout seul. Il est difficile de le conseiller en matière diplomatique et géostratégique, lui qui pense depuis toujours que les diplomates et autres spécialistes en relations internationales sont inutiles. Si la crise nigérienne ne lui a pas enseigné de s’entourer au plus tôt de conseillers diplomatiques dignes du nom, c’est qu’on ne peut plus rien pour lui.

Par Olivier ALOCHEME

Edito du 18 septembre 2023: Le déclin démocratique

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Les régimes forts sont revenus à la mode. Le vent des coups d’Etat a fait croire à beaucoup que les Africains sont désormais contre la démocratie. Il n’y a qu’à voir les manifestations monstres au profit des putschistes nigériens depuis quelques jours. Il suffit aussi de voir comment le Général Brice Oligui Nguéma est acclamé de partout par un peuple gabonais enfin libre. Et beaucoup y voient un plébiscite pour les militaires qui se saisissent des rênes du pouvoir, en plein milieu de l’expérience démocratique de leurs Etats.

Si vous faites partie de ceux qui prient pour que les putsches se multiplient en Afrique, vous risquez d’être déçu. Parce qu’ils ne sont pas des solutions nouvelles. Ni en Afrique ni dans le monde. Depuis plus de 60 ans, la plupart des Etats africains, y compris le Bénin, ont fait l’expérience des coups d’Etat. Et ces putschistes ont donné quoi ? En dehors du cas de John Jerry Rawlings qui a débouché sur un véritable changement sociétal au Ghana, tous les coups d’Etats ont plongé les Etats africains dans une spirale de pauvreté. Dans les pays d’Amérique latine, dans les années 1970-80, ils ont donné naissance aux fameuses républiques bananières, ersatz d’Etats en perdition. Certains d’entre eux continuent de trainer encore aujourd’hui les séquelles de cette période où les hommes en treillis régnaient.  

 Prenons le cas du Bénin, ex-Dahomey. Le coup d’Etat de 1972 a beau avoir mis le pays sur les rails vers la fin des années 70, il a fini par un régime autocratique  qui s’est effondré devant nous tous en 1989. Etait-ce à cause de Mathieu Kérékou qui dirigeait le régime militaire ? Tout régime politique dans lequel ne compte que la volonté d’un seul, finit par se détruire lui-même. Je m’en vais vous l’expliquer. Mais avant, prenez le temps de lire le parcours de l’ancien président du Mali, Amadou Toumani Touré (ATT). Il avait fait un coup d’Etat salutaire en 1991 pour renverser Ali Moussa Traoré. Le mot “salutaire” s’applique bien ici, si l’on sait que  le dictateur malien, lui-même militaire, cumulait à l’époque 23 ans de pouvoir. Il était parvenu au pouvoir par coup d’Etat en 1968. ATT est revenu au pouvoir en 2002, après sa retraite, quand il a été démocratiquement élu. Mais dix ans plus tard, en 2012, il sera renversé par le très sulfureux capitaine  Amadou Haya Sanogo. ATT, comme tous les autres militaires parvenus au pouvoir, a montré ses propres limites. Il a fini par être renversé, lui qui était vu en 1991 comme un demi-dieu.

En dehors donc de très rares cas, les militaires qui parviennent au pouvoir par la force des armes, installent des régimes autoritaires. Et tout pouvoir autoritaire est un danger. L’absence de démocratie obstrue le jugement de ceux qui gouvernent. Partout dans le monde, les régimes qui entrainent le progrès de leurs Etats sont des démocraties.

Oui, je vous vois venir. Le développement vertigineux de la Chine n’a été possible que grâce à un parti unique, le parti communiste chinois (PCC). Le PCC est en apparence un parti unique. A l’intérieur, il y a de multiples tendances qui manifestent une véritable démocratie interne. Mais à la différence des démocraties occidentales, le PCC a réussi à instaurer une discipline de masse. Il a intégré toute la société chinoise, les villes, les villages, les quartiers, les entreprises et toutes les élites dirigeantes. Le PCC a créé un sens de la patrie qui transcende toutes les générations, non pas à cause d’une autocratie éphémère, mais du fait d’une culture solide. Cette culture a été imposée au prix de la dictature intraitable de Mao. Il y a eu des dizaines de millions de morts à la clé.

Je me résume. Les régimes autoritaires ne sont pas viables à long terme. Ce sont des constructions éphémères qui, en Afrique, n’ont jamais réussi à générer une idéologie durable, seul gage d’un développement pour nos pays. Oui, il y a cette attirance que nous avons tous pour les dictatures éclairées. L’efficacité de ces régimes dits forts ne dure que le temps où le timonier garde encore les pieds sur terre. Si nous ne prenons que les régimes dits démocratiques du Bénin, leur efficacité commence à s’effriter au milieu du second mandat pour s’achever en médiocrité à la fin. C’est le destin de tous les pouvoirs qui durent : le temps se charge de limer leur fougue initiale. Imaginer maintenant si l’on donne à vie tous les pouvoirs à un seul individu.

Olivier ALLOCHEME

Edito du 04 septembre 2023: Le départ est proche

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Je ne vois toujours pas comment la base militaire française du Niger pourrait être maintenue. L’ambiance électrique créée par les manifestations antifrançaises de ces deux derniers jours, ne laisse pas d’autre option à l’Elysée. La logique de l’affrontement choisie par la présidence française contre les putschistes de Niamey, a été savamment exploitée par ceux-ci. Ils ont déchainé les foules sur la base militaire française de Niamey depuis quelques jours. Et si j’étais à leur place, je ne relâcherais jamais la pression jusqu’à ce que Paris cède. Hier encore, les foules étaient autour de la base. Et si le scénario catastrophe que je prévois se réalise, elles briseront tout bientôt pour faire irruption à l’intérieur. Imaginez ce qui se passerait. Imaginez le carnage. Imaginez surtout les réactions partout en Afrique et dans le monde.

La France a perdu le Sahel. Elle tient à y maintenir sa présence militaire, signe de son influence géostratégique, pour consolider les positions de ses entreprises dans la région. Mais les événements actuels dépassent toutes les prévisions. Les nouveaux régimes qui s’installent sont résolument antifrançais et le resteront tant que Paris arborera une posture d’infantilisation des Africains. Je veux me faire plus clair. Les putschs militaires, en dehors de ceux du Gabon et de Guinée, vont contribuer à fragiliser davantage des Etats déjà fragiles. Les militaires qui montent dans les salons présidentiels en délaissant le front, font partie du problème sécuritaire que nous déplorons. Si je ne prends que l’exemple du Burkina-Faso, il est clair que l’avènement d’Ibrahim Traoré n’a en rien entrainé le recul des terroristes. En dehors de la communication populiste qui se déploie, l’armée burkinabè et ses supplétifs, ne sont pas plus efficaces aujourd’hui qu’hier, lorsqu’il y avait Rock Marc Christian Kaboré. Ibrahim Traoré a beau se positionner en nouveau Sankara, ses hommes se font quotidiennement massacrer par les terroristes. Tous les jours, la terreur djihadistes sévit sur les routes, dans les villes et les campagnes burkinabè. Il en sera de même au Niger, si les militaires ne règlent pas vite les problèmes créés par leur avènement pour se consacrer au défi sécuritaire.

Cela dit, les positions sont en train de bouger. L’Union Européenne a clairement demandé à la CEDEAO qu’elle soutient, de privilégier la solution diplomatique. L’Union Africaine aussi. Le président en exercice de la CEDEAO, Bola Ahmed Tinubu, a lui aussi laissé entendre que personne ne veut d’une intervention militaire. Et comme je l’ai déjà dit, la haute hiérarchie militaire lui a fait savoir par des voies détournées, qu’elle lui fera un coup d’Etat s’il tente la solution belliqueuse voulue par Macron. Du coup, la France se retrouve isolée sur la scène, en défendant le non-sens absolu d’une intervention militaire.

L’épidémie des coups d’Etat en Afrique francophone constitue un nouveau défi pour les chefs d’Etats. Au Togo, au Cameroun et au Rwanda, les mises à la retraite d’office et les redéploiements des hauts gradés observés la semaine dernière, ne règlent le problème que de façon partielle. Le danger ne vient plus des casernes, mais des palais présidentiels. C’est-à-dire des proches parmi les plus proches. Dans ces conditions, suivre de façon moutonnière  l’option militaire prônée par la France, c’est préparer tôt ou tard l’avènement d’un putschiste dont l’alibi est tout trouvé. Regardez la manifestation monstre de Niamey samedi. Ce sont des dizaines de milliers de protestataires qui en veulent à la France. Leur déferlement quotidien basculera bientôt une fermeté aveugle de Paris qui se comporte en gendarme de l’Afrique.

Emmanuel Macron se comporte actuellement comme la grenouille qui veut péter plus haut que l’éléphant. Nous ne sommes plus au temps du pré-carré français, l’époque où tous les coups tordus étaient permis contre des masses africaines craintives, timorées et non informées. Les jeunesses africaines sont désormais informées et prêtes à l’affrontement. Vous verrez ce qui se passera dans quelques jours à Niamey si Paris continue avec son arrogance. Ces jeunesses ne veulent plus du tout d’une quelconque assistance française. Tout au plus, on acceptera ce que la France fait actuellement en Ukraine : aider les Etats en leur fournissant des armes et de l’assistance technique si nécessaire. La présence des troupes françaises en Afrique est une injure à nos Etats. Elle les empêche au surplus de développer des capacités domestiques, en instaurant une vassalisation sécuritaire qui sert aujourd’hui d’argument au Sahel.

Répétons-le : si les troupes françaises restent encore jusqu’en 2024 à Niamey, c’est qu’il y a eu négociation pour leur départ. 

Olivier ALLOCHEME

Editorial: La CEDEAO se plonge

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C’est ce que je disais la semaine dernière. L’armée nigériane a publiquement annoncé samedi qu’elle recevait des appels incessants pour renverser le président Tinubu à cause de sa volonté d’intervenir militairement au Niger. Ne soyons pas dupes. Il s’agit probablement d’une orchestration du haut commandement militaire pour menacer Tinubu de putsch au cas où il ne changerait pas de position sur le Niger. Cette fumée, pour banale qu’elle puisse paraitre, annonce le grand feu à venir. J’avais dit ici la semaine dernière qu’au cas où la CEDEAO privilégierait la solution militaire, Patrice Talon n’a qu’à se préparer à un coup d’Etat. On en voit les prémices au Nigeria.

Après le sommet de jeudi à Abuja, je suis convaincu que la désapprobation généralisée a obligé les Chefs d’Etat de la sous-région à privilégier la voie diplomatique. Le reste n’est que de l’agitation pour faire croire à la France et aux Etats-Unis que l’on s’active pour la démocratie à Niamey. Les deux pays disposent de bases militaires au Niger et tiennent à leur présence sur place pour des raisons géostratégiques. Il faut coûte que coûte contrer l’avancée russe dans le Sahel. La perte de Niamey, après la débâcle malienne, sonnerait pour la France comme le signe définitif de sa perte d’influence en Afrique. D’où un déploiement sans précédent de stratagèmes pour obliger les Chefs d’Etats de la CEDEAO à intervenir à Niamey.

Je suis même surpris de ce que j’entends sur les médias français chaque jour à propos du Niger. Ces gens sont convaincus que le salut de ce pauvre pays est de leur ressort. Les Français sont plus déterminés à réinstaller Bazoum que les Nigériens eux-mêmes. Ce qui est intéressant, c’est que l’avalanche d’enfantillages que l’on entend sur ces médias a fini par retourner l’opinion publique de nos Etats contre la France. 99% des gens que je croise, de ceux qui commentent les informations de ces mêmes médias sur les réseaux sociaux, sont désormais vent debout contre la France. Il y a un virage historique qui a lieu sous nos yeux : le rejet généralisé de la politique africaine de Paris d’abord et de Washington ensuite. Disons-le : les erreurs de ces deux Etats n’ont jamais été aussi lourdes. Dans un contexte de montée en puissance de la Russie au sahel, ces erreurs et ses fautes auront de lourdes répercussions sur l’avenir. Les médias français peuvent faire l’apologie d’une intervention militaire au Niger, ils ne réussiront pas à changer l’image prédatrice de la France désormais répandue dans les villages les plus profonds d’Afrique. La crise nigérienne a généralisé le sentiment anti-français dans toute la région. Nous sommes à l’orée d’une prise de conscience historique.  

Ce samedi, des manifestations ont eu lieu à Kano, au nord du Nigeria pour dire non à une intervention de la CEDEAO au Niger. Les manifestants dénonçaient surtout la main occidentale derrière les positions de l’institution. Et là-dessus, c’est l’une des rares fois où la CEDEAO fait l’objet d’une manifestation populaire pour la conspuer. Elle a raté une occasionessentielle pour redorer son blason. La voilà accusée de conspiration avec l’ennemi. Il n’y a pas pire déconvenue pour une institution censée défendre les intérêts d’un peuple.

Dans tous les cas, il faut être aveugle pour ne pas voir que Mohamed Bazoum ne peut plus se faire réinstaller président de la République. La voie diplomatique que tout le monde appelle, est la seule capable de lui sauver la vie. Les gens oublient vite. On oublie que c’est dans ce même Niger que Ibrahim BaréMaïnassara a été assassiné en avril 1999  alors qu’il était encore au pouvoir. Les éléments de la force en attente de la CEDEAO peuvent bien atterrir à Niamey s’il plait à la CEDEAO de n’écouter personne, de ne rien respecter, y compris ses propres textes qu’elle foule aux pieds allègrement. Mais il ne faut pas demander à la garde présidentielle ni à l’armée nigérienne de rester sourdes à la raison comme elle. Et cette raison qui relève d’une logique élémentaire m’amène à me poser une question simple : quel sera le sort de Mohamed Bazoum et de sa famille au milieu d’une intervention militaire où les militaires qui le tiennent risquent leur vie ?

Par Olivier ALOCHEME

Editorial: Dire non à la France

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Les Béninois ont commencé à fuir le Niger. Menacés sur place par la population, ils paient le prix des déclarations du chef de l’Etat qui disait que la CEDEAO allait user de tous les moyens pour rétablir l’ordre constitutionnel. Et précisément, il y a au Niger actuellement une véritable révolte populaire contre la CEDEAO et la France.

Les putschistes ont clairement réussi à avoir le peuple de leur côté. Dans ce genre d’exercice, il ne sert à rien de faire comme si la démocratie était plus importante que la paix. Malgré nos appels à la démocratie, le peuple nigérien soutient les putschistes. Où est notre problème ?

La position défendue par Patrice Talon était non seulement précipitée mais aussi et surtout dangereuse. Précipitée parce que la CEDEAO n’avait pas encore eu le temps d’amorcer l’action diplomatique avant de prononcer la sentence finale : l’intervention militaire. Comme je l’ai déjà dit ici lundi, il est impossible de réussir une quelconque exfiltration encore moins une réinstauration de Mohamed Bazoum au pouvoir. La seule négociation à faire, c’est sa libération. Il a perdu et sa garde présidentielle et son armée. Il n’y a même pas eu un seul coup de feu tiré par la gendarmerie ou la police pour ne serait-ce que faire semblant de le défendre un peu. Comment peut-on réinstaller un tel homme au pouvoir ? Je le rappelle encore : personne n’est favorable aux coups d’Etat. Dans leur nouvelle constitution adoptée il y a quelques jours, même les putschistes maliens ont pris soin de criminaliser les coups d’Etat, en précisant qu’il s’agit d’un crime imprescriptible. Dans tous les cas, il ne faut pas infantiliser tout un peuple. Les Nigériens sont les seuls à pouvoir trouver les ressources du dialogue et de la réconciliation pour gérer leurs crises. Ni la CEDEAO, ni l’UA encore moins l’ONU ne sont capables de leur imposer des choix politiques engageant leur avenir. Il s’agit pour ces organismes de jouer les bons offices pour que ces solutions soient pacifiques et répondent aux aspirations profondes des populations.

Je disais que la position du Chef de l’Etat est aussi dangereuse. Dangereuse pour lui-même. Envoyer des soldats béninois faire la guerre au Niger, c’est risquer un coup d’Etat à Cotonou. Pour une raison simple. Les opinions publiques sont partout opposées à l’idée d’une intervention militaire à Niamey. Et les militaires béninois sont encore plus engagés dans cette opposition que les civils. Les envoyer combattre contre leur gré, c’est préparer le terrain d’abord pour l’échec et ensuite pour une révolte. Ahmed Bola Tinubu a vu venir le danger en sollicitant l’avis du sénat nigérian. Et la réponse des sénateurs est allée dans le sens de l’opinion publique. Le pire pour le Bénin, c’est que nos deux armées sont engagées dans des opérations conjointes de sécurisation de nos frontières. Si vous demandez à des gens habitués à travailler ensemble de commencer à s’entretuer, ce n’est pas sur eux-mêmes qu’ils tireront, mais sur vous !

Cette position est aussi dangereuse parce que toute intervention militaire expose la région déjà fragile à un risque d’embrasement. Le Niger a été relativement épargné ces dernières années par le terrorisme, quand on le compare avec le Burkina-Faso sur la même période. Toute escalade militaire serait suicidaire pour le Bénin.

Mais n’oublions pas non plus les relations économiques entre Cotonou et Niamey. Si l’on ne prend que le pipeline Bénin-Niger long de 687km au Bénin, il représente le plus important investissement privé jamais réalisé au Bénin depuis 1960. On parle bien de plus de 600 milliards de FCFA. Toute intervention militaire dans ce contexte, constitue une menace sur l’achèvement de ce projet. Sans compter déjà les conséquences sur le port de Cotonou. Contrairement à ce que laisse entendre France 24 depuis hier, le Port de Cotonou n’est pas désert. Ceux qui connaissent le port savent que depuis quelques années, il y a des jours où il n’y a aucun navire en rade. Mais actuellement, il y a au moins six navires qui attendent d’être déchargés. Toutefois, il est évident que l’embrasement du Niger aura des répercussions directes sur l’économie maritime béninoise.

Plus précisément, je veux dire que les Béninois menacés au Niger et qui commencent à revenir au pays, paient le prix d’une diplomatie mal réfléchie. Nous n’avons aucun intérêt à sanctionner le Niger, un pays qui a longtemps été le plus pauvre de la planète alors qu’il bénéficie de nombreuses ressources naturelles. Lorsque demain jeudi les chefs d’Etat de la CEDEAO se retrouveront, il leur appartiendra de dire non à la France qui veut coûte que coûte une guerre dans la région pour les raisons que l’on sait.                    

Par Olivier ALOCHEME

Editorial: Le piège nigérien

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Si donc les forces de la CEDEAOparviennent  à libérer Mohamed Bazoum demain mardi 08 aout 2023, comment pourra-t-il  rester au pouvoir ? Avec quelle garde présidentielle compte-t-il assurer sa propre sécurité, étant entendu que l’actuelle garde présidentielle est celle-là même qui l’a renversé ? Imaginons même qu’il dissolve la garde présidentielle. Avec quelle armée pourra-t-il défendre le pays, l’armée actuelle s’étant rapidement et clairement liguée contre lui ? Il est proprement impossible de gouverner un pays avec une armée ouvertement hostile. Alors sur quelle armée pourra-t-ilcompter dans un pays engagé dans une guerre contre le terrorisme ?

Je pose toutes ces questions pour que l’on voit commentse fourvoient proprement les organisations sous-régionales désireuses de redonner le pouvoir coûte que coûte à Bazoum. Imaginons même que les armées de la sous-région aient pu rassembler les moyens pour atteindre Niamey. Il est impensable de croire que les putschistes puissent gentiment le laisser au palais présidentiel. Je serais à leur place que j’irais le cacher dans un coin bien perdu du vaste Niger. Car le Niger, c’est environ 1million 200.000 km2, c’est-à-dire dix fois plus grand que le Bénin. Aucune opération militaire ne peut réussir à exfiltrer un Chef d’Etat déchu ayant contre lui sa garde présidentielle et son armée.

Attention ! Je ne suis pas en train de dire que le coup d’Etat contre Bazoum est une bonne chose. Les putschs militaires sont des facteurs de déstabilisation des pays africains. J’ai été contre les prises de pouvoir successives au Mali, au Burkina comme en Guinée. Ce qui se passe aujourd’hui, tout au moins au Mali et au Burkina-Faso me donne raison. L’armée disait pouvoir résoudre le problème du terrorisme rapidement. Elle a simplement réussi à aggraver ses propres errements. L’un des signes évidents de la dégradation de la situation sécuritaire au Burkina, c’est le débordement qui a lieu actuellement vers le Bénin et le Togo. Et ce débordementn’aurait jamais eu lieu si les militaires au pouvoir à Ouagadougou, avaient réussi à arrêter l’avancée des terroristes comme ils l’ont promis. Ils ne l’ont pas réussi au Burkina, pas plus qu’ils ne l’ont fait au Mali. Ce n’est pas dans un changement de régime que réside la solution à une crise sécuritaire. Mais dans une meilleure maitrise du territoire, un équipement conséquent des forces de défense et de sécurité et une plus grande coopération transfrontalière.

Ce qui est évident dans le cas nigérien, c’est que la CEDEAO est allée trop vite en besogne en menaçant d’une intervention militaire. Celle-ci n’a jamais réussi en Afrique de l’Ouest à rétablir un président déchu. Son échec en Guinée, au Mali et au Burkinadevrait l’obliger au respect de ses propres textes qui prévoient une réponse graduelle aux crises de ce genre. Il est vrai qu’en l’espèce, le putsch nigérien est le sixième réussi dans la sous-région depuis août 2020 : au Mali (août 2020, mai 2021), en Guinée (septembre 2021) et au Burkina-Faso (Janvier et fin septembre 2022). Les chefs d’Etats de la sous-région ont raison de craindre une contagion. A ce rythme, personne ne sait le prochain sur la liste. Dans un contexte où les défis sécuritaires s’accumulent, les militaires ont beau jeu d’en prendre prétexte pour renverser qui ils veulent.

Mais regardons les choses en face. Est-ce que le Bénin a les moyens de faire une guerre au Niger ? Non. Ni le Togo, le Sénégal, la Côte-d’Ivoire ou le Ghana. Au Nigeria, les sénateurs ont déjà dit non. Depuis 2009, le pays fait face à BokoHaram, en plus des autres groupes armés qui écument le territoire. Le Nigeria est la définition d’un Etat failli.

Si elle tient vraiment à une interventionmilitaire, il est fort probable que la CEDEAO ait recours à la France ou aux Etats-Unis qui ont des bases militaires dans le pays. Le schéma libyen va se répéter. Sauf que cette fois, le groupe Wagner est en embuscade dans le sahel. La Russie ne ratera pas cette occasion pour montrer sa proximité avec le peuple nigérien. Plus que jamais, le sahel sera en proie à des forces de déstabilisation. Surtout qu’en l’espèce, la France ne veut pas perdre le Niger. Pour l’ancienne métropole, perdre le Niger, c’est perdre la face. Et l’on voit pourquoi elle s’active en poussant la CEDEAO dans le piège.

Non, la solution à la crise nigérienne est tout sauf militaire. Et elle n’est certainement pas dans le retour au pouvoir de Bazoum.

Par Olivier ALOCHEME

Edito du 31 juillet 2023: Le cri d’alerte

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Je ne vais pas conseiller aux nouveaux admis au Bac de ne pas aller à l’université. C’est-à-dire que je ne vais pas leur dire de faire la couture, la mécanique, la coiffure ou la menuiserie. Je leur conseillerai simplement de s’engager dans ce qui les passionne le plus si cette passion est rentable.

Comme beaucoup, j’ai suivi l’audio de Florent Eustache Hessou , Dr. en Socio- Anthropologie du Développement, qui disait aux nouveaux bacheliers d’aller faire l’agriculture, l’artisanat, etc. au lieu d’envisager l’université.

On ne peut pas demander aux enfants de mettre une croix sur les études supérieures. Si tel est le cas, où trouverons-nous les informaticiens de demain, les médecins, les pharmaciens ou les sages-femmes de demain ? Faut-il que disparaissent les experts en finances, les ingénieurs du BTP, les diplomates ou les avocats ? Assurément non. Le cri d’alerte lancé montre qu’effectivement tout le monde ne peut faire l’université. Ceci est vrai aujourd’hui comme hier. Je me rappelle encore mes cours de marketing international donnés à l’époque par un expert aux connaissances pointues en droit maritime. Mais parmi nous, très peu d’auditeurs savaient qu’en plus de son expertise acquise en fac et sur le terrain, il était aussi un couturier. Et un grand en ce domaine. Aujourd’hui, dans nos facultés, bon nombre d’étudiants l’ont compris. Ils ajoutent d’autres compétences pratiques aux théories qu’ils apprennent.

Mais le fond du débat ne mérite pas d’être survolé. Florent Eustache Hessouraconte son expérience en Lettres Modernes, en laissant entendre que la massification des effectifs dans ce département autrefois sélectif, ne permettrait aucune formation véritable. Et il a raison. C’est le paradoxe actuel. Pendant que les effectifs augmentent dans toutes les facultés et écoles, le nombre d’enseignants permanents baisse. Chaque année, ce sont des centaines d’enseignants permanents qui partent à la retraite pendant que les recrutements se font au compte-gouttes. L’Etat a même fait le choix comme dans les autres ordres d’enseignement, de créer un corps nouveau appelé aspirants. Il n’y a aucun aspirant dans la police, ni dans la magistrature ou encore  la médecine. Mais ce qu’on ne ferait jamais ailleurs, c’est dans l’enseignement qu’il faut le faire. Résultats, la formation de nos enfants est bâclée au vu et au su de tout le monde. On hypothèque l’avenir.

Sur ce front, nous sommes retournés presque trente ans en arrière, c’est-à-dire dans les années 90 où les secteurs vitaux de la vie sociale  ont été sacrifiés pour satisfaire les exigences du programme d’ajustement structurel (PAS). Les conséquences néfastes de ce choix ne sont plus à démontrer. Sauf qu’ici, il n’y a plus aucun syndicat pour donner l’alerte, plus aucune ONG.

 L’on pense à tort que ce sont les facultés seules qui sont touchées par le fléau. Même les écoles de formation professionnelle en font les frais.

Aujourd’hui, c’est un sauve-qui-peut généralisé. Les pontes du régime et ceux qui ont droit au miel, envoient systématiquement leurs enfants à l’extérieur. Les autres leur trouvent de place dans les universités privées et la masse des souffreteux les envoient au casse-pipe, c’est-à-dire dans les universités publiques, là où il n’y a pas de laboratoire approprié ou suffisant, pas de salle de cours, pas de studio, pas d’ordinateur…Si donc vous faites partie de ceux-là, avant même de choisir une filière pour vous-même ou pour votre enfant, assurez-vous d’abord qu’il y a une entreprise, un cabinet ou une institution suffisamment gentille pour l’accueillir au moins en stage. Si vous n’en trouvez pas, changez ! Les parents les plus avisés vont jusqu’à envisager et PREPARER  dès le départ l’entreprise, la ferme ou l’institution où leur enfant fera carrière. Dans ma famille, nous nous sommes entendus pour envoyer l’un des nôtres en fac d’agronomie. Quand il a fini, il n’y avait aucune ferme, aucune entreprise agricole pour l’accueillir. Je ne sais plus ce qu’il est devenu aujourd’hui après plusieurs années d’errance.

Ce que je veux dire, c’est que nous parents sommes surpris par la cherté de la formation dite professionnelle, quand les enfants atteignent l’université. C’est l’obstacle véritable qui empêche la plupart de les inscrire pour apprendre un métier. Les formations professionnelles post-Bac sont capables de vous endetter sur plusieurs années. Et pour y parer, plusieurs maisons d’assurances offrent désormais des produits permettant de se préparer. Si donc j’ai un seul conseil à donner, c’est bien celui-ci : ayez une police d’assurance pour l’avenir de vos enfants dès leur bas-âge. Bien entendu, c’est dur ! Très dur même , mais beaucoup mieux!  

Par Olivier ALLOCHEME

Edito du 17 juillet 2023: L’heure de la solitude

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Le corps de l’ancien ministre Roger Gbégnonvi a été retrouvé dans sa chambre à Ouidah la semaine dernière. Le sort ultime de cet enseignant, polémiste passionné dans l’arène publique, met en lumière le drame de la solitude des personnes du troisième âge dans notre société. Vivre devient un poids voire une charge lorsque tout le monde est parti et que l’on doit gérer seul la vie ordinaire.  Contrairement à ce que l’on croit, ce type de drame est plus fréquent que jamais dans notre société.

Il y a quelques mois, un retraité dans mon quartier a été retrouvé mort dans sa chambre. Il était décédé depuis deux semaines. C’est sa fille qui, ne recevant aucune réponse à ses nombreux appels, est venu à la maison pour enfin voir que son père était décédé depuis plusieurs jours. Il vivait seul, sans agents domestiques. A l’heure fatidique, il n’y avait personne pour le secourir. Il a eu moins de chance qu’un autre retraité de mes connaissances, un fonctionnaire international vivant à Calavi. C’est son gardien qui, voyant la lumière toujours allumé dans sa chambre, s’était mis à l’appeler sans réponse à 2h du matin. Il a fait le forcing en téléphonant à la bonne qui a fini par décrocher. Lorsque les deux sont entrés dans sa chambre, le vieil homme gisait dans le coma, au milieu de ses excréments, après une nuit d’enfer. Il avait été victime d’une diarrhée foudroyante qui avait failli l’emporter. C’eût été fait s’il n’y avait pas eu le gardien. Là encore, un retraité s’est retrouvé seul, après le départ des enfants et après la mort de leur mère.

Nous courons tous pour la réussite des enfants, sans nous demander ce que nous deviendrons s’ils s’en vont tous. Car ils partiront tôt ou tard. Dans  la plupart des cas, leur départ fait même notre fierté. Ces départs successifs ouvrent la voie de la solitude des parents. A un âge où ils ont besoin de présence, d’attention. L’âge de la vieillesse est l’âge des maladies, mais aussi de la pauvreté. La pauvreté des séniors est parfois plus dramatique que celle des plus jeunes. Elle intervient au moment où les maladies de la vieillesse s’accroissent. Solitude, pauvreté, maladie. Voilà le triptyque qui ronge la population sénile.

A vrai dire, la plupart d’entre nous faisons « quelque chose » pour atténuer cette course inexorable. Un ami me racontait la semaine dernière comment il a dû ramener sa belle-mère à la maison pour lui éviter la solitude. D’autant plus qu’elle a commencé à développer des pertes soudaines de mémoire, symptôme sans doute d’Alzheimer, la plus terrible des maladies de la vieillesse. Et pour éviter qu’elle se perde au quartier lorsque personne n’est à la maison, ils ont dû dégager quelqu’un pour la surveiller en permanence. Car lorsque les personnes du troisième âge ne reconnaissent plus leur chemin, nous parlons tous de sorcellerie, au lieu de les aider et de les soigner. Dans ce cas précis, l’homme a été assez gentil pour accepter que sa belle-mère vienne rester à la maison. Imaginer s’il avait refusé, prétextant de sorcellerie ou d’autres choses. Et si c’était plutôt sa propre mère, son épouse l’aurait-elle acceptée ainsi ?

Au fond, le prix à payer pour éviter la solitude des séniors est très lourde. Pour y remédier, il y a désormais des pensionnats qui s’installent. Notre société est en pleine occidentalisation. Nos anciennes concessions villageoises où tout le monde prend soin des vieux, sont en train de disparaitre dans les centres urbains. C’est dans ces concessions que fourmillent les enfants qui sont restés, les petits enfants, les cousins et cousines, et parfois leurs maris et leurs femmes. En ville, tout cela change. Réussir, c’est vivre loin des parents. Ici, chacun a sa maison à part et vit sa vie avec sa petite famille.  C’est pourquoi les maisons de retraite sont déjà des solutions. Seulement, la plupart des personnes du troisième âge que je connais,  ne les apprécient guère. Mais tôt ou tard, le Bénin finira par adopter cette solution qui n’est plus tabou dans les pays développés. Au contraire. Entre laisser ses parents mourir à petits feux seuls à la maison ou les confier à des spécialistes compétents, le choix est vite fait.

Olivier ALLOCHEME

Edito du 10 juillet 2023: De la diplomatie économique

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Ahmed Bola Tinubu a été élu hier président de la conférence des chefs d’Etats de la CEDEAO. Aussitôt arrivé aussitôt positionné, devrait-on dire. Le président nigérian qui vient de faire à peine un mois au pouvoir arrive ainsi au sommet de la diplomatie ouest-africaine, devant ses pairs plus anciens dans le job. Il est vrai que le Nigeria reste la Nigeria.

Ce qui est intéressant dans ce rapide  positionnement, c’est qu’il intervient au moment où le Bénin prône une certaine diplomatie économique. C’est-à-dire que le chef de l’Etat estime que la diplomatie ne vaut pas grand-chose si elle ne contribue pas à faire entrer des investissements dans le pays. Il n’y a pas meilleure critique à cette option que ce qui s’est passé hier à Bissau, à savoir que le cœur de l’action diplomatique n’est pas le dividende économique qu’elle apporte mais l’influence qu’elle permet à un pays d’avoir sur le plan régional, sous-régional ou international pour servir ses intérêts. Et les intérêts dont il s’agit ici ne sont pas forcément économiques. Ils sont généralement politiques. De sorte même que lorsqu’un Etat ne poursuit que des intérêts économiques dans son action diplomatique, il se rend simplement compte que la première diplomatie consiste à améliorer l’influence du pays pour sublimer les autres axes de développement du pays.

Il y a quelques années, j’ai été invité à diner avec l’ambassadeur de France, dans l’un des restaurants français de la ville. L’objectif du diplomate était simplement de vendre l’image de son pays à travers l’excellence de la gastronomie française. C’était une idée de Laurent Fabius, actuel président du conseil constitutionnel, mais à l’époque ministre français des affaires étrangères. Depuis lors, il se tient en septembre de chaque année la fête de la gastronomie française, fête qui est célébrée partout où il y a des restaurants ou des hôtels français à travers le monde. L’idée est de partir du patrimoine immatériel que constitue la gastronomie  pour développer l’influence française. Bien sûr, il y a des arrière-pensées économiques et surtout stratégiques derrière cette célébration culinaire.

Sur un tout autre registre, mais toujours dans la même veine du passage en douceur, il y a le Rwanda.   Après avoir passé son temps à attaquer la France, le pays a réussi à s’imposer non seulement à la tête de la Francophonie mais aussi du Commonwealth. C’est une prouesse diplomatique qui ne provient nullement de la force économique du pays, mais surtout de la soft power qu’il a déployée pour se faire entendre au plan international. Question : quelle résonnance ces succès diplomatiques pourront-ils avoir sur l’économie rwandaise ? Même si on ne peut répondre directement à cette question, calculatrice en main, il est évident que la visibilité que le pays acquiert par ce biais, vaut de l’or. Le président rwandais a même poussé le bouchon plus loin en faisant la promotion de son pays, à travers  de la publicité dans les clubs Arsenal de la Premier League et PSG de la Ligue 1 française. Il s’agit d’une diplomatie d’influence qui ainsi nourrit les ambitions touristiques et donc économiques du pays. Mais la première démarche est d’abord politique.

On ne saurait exiger d’un ministre des affaires étrangères de délaisser son rôle d’influence au profit du business, ce business fût-il au service du pays. Il y a un télescopage qui s’opère immédiatement lorsque la diplomatie se fait mercantile. Dans la plupart des institutions internationales, vous rencontrez à des postes clés des sénégalais, des camerounais ou des ivoiriens. Non pas parce qu’ils sont toujours les meilleurs, mais parce que depuis longtemps leurs pays ont compris comment propulser leurs citoyens dans ces instances pour peser dans les décisions qu’elles prennent. C’est une action stratégique et même tactique à maints égards.

Je ne suis pas en train de dire que la diplomatie économique est inutile. Au contraire, elle est nécessaire. Mais je veux dire qu’on ne devrait pas la mener au détriment de la diplomatie véritable qui est d’abord politique. A vouloir trop tirer sur la corde du business, le Bénin risque de n’avoir aucun mot à dire dans le concert des nations. Et rester invisible au plan régional, sous-régional ou international, c’est ne pas exister du tout.

Olivier ALLOCHEME