Archives de catégorie : Editorial

Edito du 13 janvier 2025: Un carnage évitable

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La presque totalité des éléments présents au poste au point triple de Banikoara ont été tués ce mercredi 08 janvier 2025. Leurs corps ont été ensuite regroupés par les criminels, aspergés d’essence puis brûlés. Les assaillants se sont alors occupés du matériel en place qu’ils ont méthodiquement détruits et brulés. Ils ont emporté enfin tout ce qui pouvait l’être. L’opération a duré de 16h environ jusqu’au petit matin. Les nôtres n’ont reçu aucun renfort. Ils ont été tous massacrés par les pires barbares que la terre puisse engendrer. Je sais que vous vous posez la même question que moi : que s’est-il donc passé pour qu’aucun renfort, aucun appui ni aérien ni terrestre ne vienne au secours de nos frères ?  Que s’est-passé pour qu’aucun des dispositifs d’observation n’ait pu détecter une centaine d’individus armés circulant à moto sur notre territoire pendant des heures ? Que s’est-il donc passé ?

Rendons d’abord hommage à tous nos hommes tombés au champ d’honneur. Rendons-leur hommage pour le sacrifice suprême qu’ils ont consenti pour la sauvegarde de notre nation. Mais alors le prix qu’ils ont payé est trop lourd. Nul ne mérite le sort qu’ils ont subi.     

Comme pour donner une leçon de proactivité à l’armée béninoise, les assaillants de mercredi ont été cueillis de l’autre côté de la frontière, au Burkina-Faso. Une trentaine d’entre eux ont été abattus samedi. Parmi les bandits éliminés, on peut reconnaitre nettement certains qui ont paradé dans le camp du Point triple en feu. C’est dire que quelque chose a bien dysfonctionné au Bénin. Que ce soit au niveau du renseignement, au niveau de la capacité de riposte ou de la poursuite de ces bandits sans foi ni loi, l’armée béninoise est restée en retard. Le point névralgique de tout cela reste le renseignement. Il est impossible que tout ce monde ait traversé le Burkina-Faso ou le Niger, sans que les renseignements de ces pays aient pu les voir passer. Et probablement, ils ont laissé faire, sans même informer le Bénin. Est-ce de la méchanceté ?  C’est la conséquence logique des  mésententes diplomatiques engendrées depuis juillet 2023 par le coup d’Etat à Niamey. Le Bénin s’est d’abord enfoncé dans une diplomatie sans vision, avant de se ressaisir. La faute commise par Patrice Talon nous suit jusqu’aujourd’hui.

A la vérité, les assaillants de Banikoara ont profité des mésententes profondes entre les pays de l’AES et le Bénin. Car, même si les défaillances au niveau diplomatique peuvent se comprendre, au plan sécuritaire, les différentes armées devraient pouvoir coopérer. Mais l’attaque de la semaine dernière montre à suffisance que ce n’est pas le cas. A la suite de cette attaque, des drones béninois  ont pu observer la colonne des bandits se déployant du côté burkinabè. Ce n’est pas la première fois que les Béninois ont bien vu des terroristes s’organiser de l’autre côté, sans pouvoir intervenir ni donner l’alerte à leurs homologues du Burkina ou du Niger. Il en est de même pour les deux autres pays. Le diable qui s’est incrusté entre ces Etats a un nom : il s’appelle méfiance outrancière. La question est donc de savoir à quel moment toutes ces personnes qui ne manquent tout de même pas de bon sens, vont s’entendre pour lutter contre le terrorisme.

Pour le moment, il est temps de changer la nature de la riposte béninoise au terrorisme. Il est temps que le dispositif de soutien aux positions avancées de nos forces armées, soit repensé en profondeur. Personne ne peut comprendre qu’une quarantaine d’hommes soient restés sans aucun appui de 16h au petit matin. Les terroristes ont eu le temps de les massacrer tous, de prendre possession du matériel, de faire le ratissage nécessaire pour récupérer les leurs blessés ou morts. Et de repartir tranquillement, comme s’ils étaient venus en vacance. En temps normal, même 15mn de combat auraient suffi pour que des vecteurs aériens (drones ou hélicoptères de combat) soient mis en branle en appui à ceux qui sont au combat face aux hors-la-loi. Je me demande même pourquoi le Bénin refuse d’acquérir certains types de drones, notamment les fameux TP2 turcs dont l’efficacité n’est plus à prouver. Tout compte fait, les matériels saisis sur nos soldats risquent de revenir sur notre territoire.

J’ai suivi ce week-end une vidéo de ces hommes sans foi ni loi regroupés en cercle par centaines, et se vantant de leur tuerie au Bénin. Entre nous : est-ce bien Allah qui demande de faire tout cela ?

Edito du 06 janvier 2025:   Une urgence inéluctable

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Le vent souffle fort sur les réseaux sociaux, et parmi eux, TikTok, cette plateforme aussi enivrante qu’un tourbillon, emporte des millions de jeunes dans son flux incessant de vidéos. Mais si la Chine, berceau de ce phénomène sous le nom de Douyin, a su canaliser cette puissance pour en faire un outil éducatif et culturel, pourquoi le Bénin resterait-il spectateur d’un spectacle débridé ? Il est temps d’établir des garde-fous, de poser des limites à cette marée numérique qui menace de submerger les esprits vulnérables.

En Chine, Douyin n’est pas un océan où tout le monde peut naviguer à sa guise. C’est un lac encadré de digues solides. Les contenus y sont filtrés, orientés pour promouvoir l’éducation, l’art et l’innovation. Mais chez nous, TikTok semble devenu le royaume du n’importe quoi, une scène où certains tiktokeurs, en mal de gloire et de vues, déploient une parade souvent vulgaire, utilisant le sexe sous toutes ses formes comme appât. Pourquoi accepter que cet espace, si prometteur, soit réduit à un terrain de dérives ? Certes, TikTok a démocratisé la création de contenu. Il permet aujourd’hui à chacun, depuis son salon, de devenir un acteur économique. Oui, il a ouvert une voie à l’expression individuelle et a fait émerger de nouveaux talents. A ce titre d’ailleurs, il arrache des parts de marchés substantielles aux médias conventionnels. Et cela ne fait que commencer. Mais ne fermons pas les yeux sur l’autre face de la médaille : une pollution mentale qui s’immisce dans les téléphones et les consciences. Un espace où les valeurs essentielles se noient dans une mer de superficialité.

L’artiste Richard Flash, connu pour son franc-parler, a récemment appelé à fermer TikTok à partir de 22 heures. Une proposition qui, bien qu’ambitieuse, pose la question fondamentale des limites nécessaires pour protéger notre jeunesse. Pourquoi ne pas instaurer un couvre-feu numérique, à l’image de ce que proposent certains pays pour limiter l’exposition des jeunes à des contenus potentiellement nocifs ? Cette idée, loin d’être rétrograde, pourrait constituer une première étape vers une utilisation plus saine et productive de la plateforme.

Au Bénin, nous devons apprendre de l’exemple chinois. Nous devons imaginer un TikTok où la créativité rime avec responsabilité, où la liberté s’accompagne de respect. Ce n’est pas un appel à la censure, mais à la responsabilité. L’État pourrait imposer une charte éthique, collaborer avec les créateurs locaux pour encourager des contenus enrichissants et punir les débordements nuisibles. Imaginez un TikTok qui devient une scène où éclatent les talents artistiques béninois, une bibliothèque virtuelle où s’éduquent les jeunes à travers des contenus inspirants. Imaginez un espace où la beauté de notre culture remplace les spectacles dégradants. Pourquoi ne pas rêver d’un TikTok béninois au service de la jeunesse et de la société ?

Il faut dire à TikTok ce que la Chine dit à Douyin : voici la voie, suivez-la. Il faut marteler aux utilisateurs qu’une plateforme de cette ampleur n’est pas un champ de bataille pour les regards, mais un jardin à cultiver avec soin. Il faut rappeler que la liberté d’expression ne signifie pas liberté de corruption. Et pour cela, les institutions publiques ont encore un rôle à jouer. Qu’elles s’appellent CNIN, HAAC, ARCEP ou encore APDP, il est temps que l’Etat mette en place des digues contre le chaos que l’on voit.

TikTok, à l’image d’un fleuve, peut irriguer nos esprits ou les inonder. Tout dépend des berges que nous construirons. Il est temps pour le Bénin de réglementer cette plateforme, de la transformer en un outil de développement plutôt qu’en une arène de débauche. Car en fin de compte, cette plateforme peut être le meilleur ou le pire. Et le choix nous appartient.

Olivier ALLOCHEME

Edito du 16 décembre 2024:  Récompenser les recalés

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Le collège des ministres-conseillers pose plus de problèmes qu’il n’en résout. La nomination de ces acteurs politiques dont la plupart sont des recalés des législatives de 2023, laisse des impressions mitigées. Soit cette institution vise à trouver un strapontin à des fidèles alliés n’ayant pas vraiment trouvé leur place, soit elle vise à préparer 2026. Une chose est sûre, elle ne sert pas à renforcer l’efficacité des ministères. Rares sont les ministres conseillers qui sont des experts avérés de leurs domaines.

Prenons donc le deuxième bout de ce qui semble probable : préparer 2026. Mais alors une question se pose : Comment peut-on prétendre à une renaissance politique en réutilisant des figures déjà désavouées par le suffrage populaire ? Ce choix de casting ne fait-il pas fi de la volonté exprimée par le peuple béninois lors des dernières élections ? En 2024, alors que la démocratie béninoise est à un carrefour, la nomination des ministres-conseillers  ressemble à un coup d’épée dans l’eau. Les Béninois ayant déjà voté contre certains de ces personnages, voient dans cette nomination un affront, un pied de nez aux urnes. On pourrait dire que Talon joue aux échecs avec des pions déjà tombés, espérant peut-être un miracle ou une réhabilitation par la force du temps. Mais l’histoire nous enseigne que le temps n’efface pas toujours l’encre des votes.

Les critiques fusent de toutes parts. Ce que nous entendons de-ci de-là, ce sont les métaphores faisant état de “recyclage politique” où les déchets électoraux sont transformés en conseillers. C’est un procédé qui, loin de purifier l’air politique, semble plutôt l’encrasser davantage. Ces nominations sont perçues non pas comme un pas vers la modernisation ou la réforme, mais comme un retour en arrière, une tentative de recréer l’ancienne garde sous un nouveau titre. Il suffit de regarder l’âge moyen des personnalités nommées. Les jeunes acteurs politiques qui s’attendaient à être positionnés, sortent déçus et dégoûtés.

Si l’objectif de Talon était de former une équipe robuste pour les échéances de 2026, on peut donc dire que c’est un coup dans le vide. Les Béninois ont de la mémoire  et les échecs électoraux marquent les esprits. Nommer des ministres-conseillers qui n’ont pas su incarner les espoirs et les rêves du peuple, c’est comme essayer de construire une maison avec des briques déjà fissurées. La fondation de ce projet pour 2026 semble déjà vaciller sous le poids de l’incompréhension et de la déception publique.

C’est donc la première hypothèse qui semble tenir la route. Récompenser ceux qui se sont distingués par leur fidélité au régime, même s’ils ont subi un revers électoral en 2023. Vu sous cet angle, le procédé employé par Patrice Talon est beaucoup plus compréhensible. Seulement, il laisse dubitatif au moment où les sacrifices les plus rudes sont demandés au bas-peuple. Au moment où l’on ferme des entreprises et offices publics sous le couvert de la bonne gouvernance, c’est-à-dire, au moment où l’on met des centaines voire des milliers de citoyens au chômage au nom de la bonne gouvernance, comment expliquer aujourd’hui à ces mêmes Béninois que l’on érige des postes ministériels juste pour récompenser une certaine fidélité politique ?  C’est une pratique qui défie tous les discours auxquels la Rupture nous a habitués jusqu’ici. Ce n’est pas le Patrice Talon que nous connaissons, celui qui traque dans les administrations les moindres gaspillages.

Mais alors aujourd’hui, si ce n’est pas du gaspillage organisé, c’est quoi ?

Les ministres-conseillers, censés épauler le président, apparaissent comme une cour d’opportunistes, plus attachés à leurs privilèges qu’à une quelconque mission de service public. Sur le plan symbolique, ces nominations envoient un message glaçant : l’avis du peuple importe peu. Ce qui compte, c’est le bon vouloir du chef, qui fait fi des rejets exprimés dans l’isoloir. Ces pratiques s’apparentent à une monarchisation rampante du pouvoir, où le président distribue faveurs et titres à sa convenance, ignorant les règles fondamentales de la démocratie. 

La préparation de l’élection présidentielle de 2026 devrait s’appuyer sur des personnalités porteuses d’espoir et de dynamisme. À la place, miser sur une armée de recalés politiques, plombe toute tentative de mobiliser une base électorale élargie. Cette stratégie produit déjà un effet boomerang : la colère et le ressentiment d’un peuple qui attend de s’exprimer.

Olivier ALLOCHEME

Edito du 09 décembre 2024: Le jeu de l’amour

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Il y a deux ans, j’étais au mariage de l’un de mes amis. Paillettes, tapis rouge, voitures, cortège, réception en bordure de mer…Tout était beau. Ils avaient déjà trois enfants. C’était une régularisation. Et la semaine dernière, Monsieur m’annonce que le couple s’est séparé depuis quelques mois. « Elle m’a dit que je n’ai pas suffisamment d’argent pour ses ambitions », me dit mon ami. J’étais abasourdi.

Malgré mon choc, je me suis mis à la place de cette dame. Travaillant dans une grande société de la place, elle a probablement subi les assauts des hommes. Ce ne sont pas les propositions alléchantes qui manquent, lorsque la femme a quelques atouts physiques. Ceux qui ont suivi le scandale Balthazar savent que nos administrations ne sont pas des lieux saints. Dans notre société où le sexe est omniprésent, il est difficile pour une femme qui a de grands rêves de résister aux hommes qui veulent goûter au fruit défendu et qui ont les moyens d’impressionner leurs proies.

Cette histoire me rappelle une autre, plus tragique. Lorsque j’entre à l’université dans les années 90, j’avais un ami, presque un frère, dont la petite amie cheminait avec lui depuis la troisième. Je les ai vus tourtereaux au lycée Béhanzin. Quand nous entrons à l’université, j’ai vu mon ami acheter la petite Piagio de l’époque à sa dulcinée. Seulement, avant la fin de nos études, le père de mon ami était décédé. La source de ses revenus avait donc tari. L’amour de la fille aussi. Après sa maitrise en droit, il a tout fait pour récupérer sa belle. De son côté, l’autre avait été engagée dans une grande société d’ici à une bonne position. La rupture qui s’en est suivie a été tragique pour mon ami. Et pour la dame elle-même. Son collègue devenu son mari s’est révélé un brutal et intrigant personnage. Maladie, divorce, déchirures au sein des familles…Le mari meurt. La femme elle-même, percluse d’un mal aux origines inconnues, tente de vivre aujourd’hui en appelant de temps en temps son ex pour lui dire ses regrets. « Je suis à l’origine de tout ce qui s’est passé », lui a-t-elle dit il y a quelques années, après les drames successifs.

Notre société s’est américanisée. Définitivement. Les relations amoureuses n’y sont solides et vraies que lorsque le matériel les accompagne. Il y a les femmes qui ajoutent au matériel la célébrité, la réputation professionnelle de leur homme. Quant à celles qui veulent à tout prix un homme riche, il y a une variable que j’ai pu observer : les familles vraiment riches acceptent rarement que leurs enfants se marient à des gens moins riches. Autrement dit, l’homme a beau accepter une belle aux yeux revolver, le jour où elle entre dans la famille riche, si elle n’a vraiment pas grand-chose à offrir (un métier, des revenus stables ou une position sociale déjà consolidée), on lui rappellera régulièrement qu’elle n’est qu’une profiteuse. Et dans la plupart des cas, la rupture suivra. Tôt ou tard. Je le répète encore une fois : quand vous regardez bien autour de vous, vous vous rendez compte que les riches se marient généralement entre eux. Sauter l’échelle sociale pour voir plus haut que son nombril, réserve des malheurs.

Je retourne à l’université. Quand je finissais ma quatrième année, l’un de nos professeurs nous racontait qu’il s’était entêté pour épouser une fille de médecin, lui qui n’était qu’un fils de paysan, malgré les avertissements de ses propres parents. Il nous confiait à l’époque qu’il a fini par conclure que chercher à épouser une femme qui n’est pas de votre rang social est un suicide. Il est décédé depuis quelques années, mais bien avant son décès, le couple s’est brisé.

Oui, l’argent est primordial dans un couple qui veut aller loin. Et je le dis toujours à mes étudiants : un pauvre sans qualification professionnelle n’a pas droit à l’amour.  Fonder une famille n’est pas un jeu d’enfant et l’amour est une raison insuffisante pour se marier.      

Edito du 02 avril 2024: Bénin vs Sénégal

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Alors que le nouveau président sénégalais s’installe aujourd’hui, la question que l’on se pose au Bénin est celle-ci : est-ce que cette révolution est possible au Bénin ? Autrement dit, est-ce que ce miracle de Sonko et de son ami Bassirou Diomaye Faye, est possible ici chez nous ?   Je m’en vais vous répondre tout  de suite : c’est non. En tout cas, tant que Talon sera au pouvoir.

Pour une raison simple. Sonko a réussi son coup parce qu’il est crédible. A son poste en tant que fonctionnaire, il a eu sous les yeux les chiffres vertigineux du pillage des finances publiques de son pays. Au prix de sa liberté et de ses droits les plus élémentaires, il a choisi de mener le bon combat. A contrario, au Bénin, la plupart de ceux qui ont dénoncé la mauvaise gestion ces dernières années, émanent de l’opposition, notamment du parti Les Démocrates. C’est là où le bât blesse. Ce parti dirigé par Boni Yayi n’est pas crédible pour parler de bonne gouvernance au Bénin. D’autant plus que ceux qui dénoncent Talon ont tous pris par ici. On les a tous vus à l’œuvre à divers postes. Et les Béninois ne sont pas tous amnésiques. On a vu les ONG il y a quelques années, réclamer à cor et à cri la publication des contrats de marché entre l’Etat et les entreprises, notamment dans le secteur portuaire et des infrastructures.

Dans ce secteur comme dans la plupart des autres, l’opacité est de règle. Mais peu de Béninois croient encore aux ONG encore moins aux médias, quand ceux-ci dénoncent la corruption sous Talon. Il est vrai que la mise en place de la CRIET a notoirement permis de limiter la petite corruption au sein de l’administration et sur les grands axes routiers. Quant à la grande corruption qui a lieu dans les marchés d’infrastructures, l’opacité ambiante ne permet à personne d’avoir des preuves palpables. Et donc, ne rêvez pas d’une révolution à la manière Sonko ici.

Plus encore, sur le plan politique, la situation est plus complexe qu’au Sénégal. Le seul parti d’opposition pouvant faire pièce à la Rupture s’appelle Les démocrates. Est-ce que vous voyez Boni Yayi laisser le leadership de SON parti à quelqu’un d’autre ? Jamais de la vie ! Soit c’est lui ou le parti n’a qu’à disparaitre. Pendant longtemps (peut-être jusqu’à maintenant), il a travaillé à détruire tout leadership proéminent dans son fief que constitue une partie des Collines et du Borgou-Alibori. Tant qu’il vivra, il fera exactement comme le PDG du PRD. Adrien Houngbédji  a préféré voir son parti mourir plutôt que d’accepter céder sa place à de nouvelles têtes qui pourraient lui ravir la première place dans Porto-Novo et sa région. Joël Aïvo avait pensé le dribler en s’attaquant à la forteresse imprenable. Quand il avait commencé son aventure politique, conscient de ce qu’il faut d’abord se construire un fief avant tout, il avait tout fait pour maitriser Porto-Novo. Il en a les ressources. Mais au moment où il avait le plus besoin des manifestants de la capitale pour protester après son arrestation, c’est le PDG en personne qui a désactivé patiemment et rigoureusement tous les mouvements qui pouvaient lui être utiles. Dire que Maitre Houngbédji est très heureux du sort de son ancien directeur de cabinet, est un euphémisme. La condamnation du professeur a beau être la preuve d’une justice aux ordres, vous ne verrez pas les foules de Porto-Novo déferler dans la ville pour réclamer sa libération.

Et puis regardez vous-même ce que le parti Les Démocrates voulait proposer aux Béninois en 2021 : d’élire Réckya Madougou ! Même quand vous y réfléchissez bien, pensez-vous vraiment que les Béninois sont stupides au point d’aller donner leurs voix à une femme dépigmentée ? Toufé toufé….Et tout le monde sait pourquoi Boni Yayi a préféré son ancienne ministre qui n’avait jamais milité au sein du parti.

Le vote massif qu’on a vu le 25 mars dernier au Sénégal est le résultat d’un combat républicain sain. Les jeunes qui se sont lancés contre Macky Sall, savent que Sonko et Diomaye Faye n’appartiennent à aucune des chapelles politiques douteuses ayant déjà fait leurs preuves dans le pays. Ceux qui engagent aujourd’hui la révolte au Sénégal, ce sont  des hommes neufs crédibles et surtout prêts à tous les sacrifices.

Olivier ALLOCHEME

Edito du 25 mars 2024: L’erreur du code

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Le parlement de 2026 sera monocolore. Lisez bien l’article 146 nouveau du code électoral modifié. Cet article dit que pour être éligible au partage des sièges lors des élections législatives, chaque parti doit avoir au moins 20% des voix dans chaque circonscription électorale. Aucun parti n’a pu atteindre ce seuil lors des dernières législatives en janvier 2023. C’est pourquoi, le deuxième alinéa du même article souligne que les partis ayant conclu un accord de coalition parlement avant le scrutin, peuvent être éligibles au partage des sièges,  mais à la condition d’avoir eu au moins 10% des voix au plan national. Autrement dit, si l’un des partis signataires de l’accord de coalition parlementaire n’a pas au moins 10% des suffrages au plan national, la coalition tombe à l’eau.

Imaginons que les FCBE et les LD signent un accord du genre. Chacun d’eux doit d’abord avoir 10% des suffrages au plan national avant de pouvoir bénéficier du partage des sièges. C’est mission impossible pour les FCBE qui n’ont fait que 4% lors des dernières législatives. Ainsi, même si les deux formations politiques coalisaient, leur coalition a de fortes chances d’être frappée par le seuil minimal des 10%. Oui, le parti de Yayi pourra s’en sortir, mais il est impossible pour lui d’atteindre 20% dans chaque circonscription électorale. Je vois venir ceux qui chantent déjà : « Allez travailler sur le terrain ». Du bluff !  Ne demandez pas à un parti comme FCBE de plus que doubler ses résultats en trois ans, alors même qu’il n’a pas de leader charismatique en son sein et qu’il a un discours inaudible sur le terrain. Le nouveau code électoral est fait pour créer un effet d’éviction.

Il se passera que l’opposition ne remplira jamais la condition des 10%, encore moins celle des 20% par circonscription électorale. Elle ne sera pas éligible au partage des sièges. Par contre, les partis de la mouvance présidentielle, ont toutes les chances de leurs côtés. Aux législatives de 2023, l’UP-R a totalisé37,56% des suffrages et le BR 29, 17%. Mais ni l’un ni l’autre n’a pu avoir 20% dans chaque circonscription électorale. Par mesure de prudence, les deux formations de la mouvance présidentielle devront conclure un accord de coalition parlementaire. Elles seront donc les seuls partis assurés de remplir les conditions exigées par le code électoral à l’article 146 nouveau. Préparez-vous donc à un parlement sans l’opposition. Préparez-vous aussi à la crise politique qui va en découler. Comme en 2019, le parlement monocolore débouchera sur des violences électorales avec leurs lots de répression.

Dans tous les cas, l’opposition aura son candidat à l’élection présidentielle de 2026. Les candidatures à cette élection devant être déposées depuis fin octobre 2025, l’opposition est assurée d’avoir les coudées franches pour parrainer ses candidats. Alors question : quelle sera la réaction du peuple béninois quand il saura qu’on lui a vendu une assemblée nationale monocolore ?

Il y aura un vote-sanction en  2026. De tout temps, les Béninois n’ont voté à la présidentielle que pour sanctionner le président sortant. Si Boni Yayi a fait le KO de 2011, c’est parce qu’il a réellement fait feu de tout bois face à une opposition divisée. Je le revois encore baignant dans la sueur, épaulé par toute la mouvance, dépensant sans compter partout où il passait. C’était le Papa bonheur tant vanté par certaines voix. L’omniprésence présidentielle dans toutes les localités était de règle. Tout le contraire du style de gouvernance de Patrice Talon qui privilégie la rareté à la présence sur le terrain. Ces dernières années, on a plus vu Patrice Talon  dans les rues de Paris qu’à Parakou, Lokossa ou Adjarra. La plupart des localités ne l’ont accueilli que pour les élections de 2021. Et dans un style qui rappelle le style des gouverneurs coloniaux. On lui dresse tapis rouge au milieu de la broussaille, on badigeonne les arbres et les centres de jeunes pour accueillir le gouverneur noir. Non, j’ai la pleine conviction que le Bénin a dépassé depuis longtemps ce style suranné. Et que les gens  se sont soumis en  attendant de s’exprimer clairement dans les urnes. Et en 2026, l’erreur du code électoral leur en donnera l’opportunité. Enfin !   

Olivier ALLOCHEME

Editorial: La  vraie bataille commence

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Dès le départ, Assan Séibou savait que sa proposition de loi n’allait pas passer. Comme je l’ai dit, cela signifie clairement que les objectifs étaient ailleurs. Et que probablement certains députés sont tombés dans le panneau. Mais les sept députés de la mouvance qui ont voté contre ont eu l’intelligence de ne pas développer un discours anti-Talon. Lorsque j’entends les justifications d’un Malick Gomina endossant les habits d’opposant, il me rappelle un courroux gigantesque de Patrice Talon qui précisément l’a empêché d’être ministre. Volonté de vengeance ? Sans doute oui. Il n’y a pas d’autres explications.  S’il n’avait pas un appui conséquent derrière, ce type d’outrecuidance serait presque un arrêt de mort politique pour lui. Et quand on observe tous les sept, ce sont des pro-Boco.

C’est en cela que le coup de la tentative de révision peut et va semer une cassure. Elle est faite pour identifier clairement ceux qui peuvent être des traitres. Sur ce chapitre, le coup est parfaitement réussi. Bien que le chef de l’Etat ait fait tout ce qu’il a pu pour que  la révision soit acquise, bien qu’un parti comme le BR ait fait signer un accord en bonne et due forme à ses députés afin qu’ils votent pour, certains ont pris la liberté d’aller contre leur propre signature. Ils ont montré leur vrai visage et cela comptera beaucoup pour 2026.  Auréolés de leur succès, ces députés traitres à la mouvance ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Il est bien possible qu’ils s’associent pour créer un nouveau parti politique au nom de leur leader, Olivier Boco. C’est du moins les bruits de coulisse que j’entends depuis quelque temps.

Là encore, il ne faut pas sous-estimer la sagacité du chef de l’Etat. Patrice Talon peut visser davantage les conditions de candidature, s’il le veut.  D’autant plus qu’il veut avoir la quasi-certitude que n’importe qui ne sortira pas d’on ne sait où pour être candidat. Et plus encore, que même si les jeux d’argent devraient entrer en ligne de compte, ils auront un impact limité sur les élus capables de monnayer leurs parrainages. Et à ce sujet, Olivier Boco a besoin d’un jeu suffisamment ouvert. Il ne lésinera pas sur les moyens pour imposer sa candidature à son ami qui ne veut surtout pas de lui. Patrice Talon est convaincu que les manœuvres actuelles de l’homme d’affaires sont les signes évidents qu’il ne peut compter sur lui pour assurer ses arrières. Le vote de vendredi a même montré qu’il est capable de monter une partie de l’hémicycle contre lui.

Ce mardi marque une étape importante dans la préparation de 2026. Ceux qui pensaient que le vote de vendredi constitue un échec pour le chef de l’Etat, ont vu le doigt au lieu de regarder la cible qu’il  désigne. J’ai vu les députés Démocrates entonner l’hymne national à l’Assemblée, un peu comme s’ils venaient de remporter la dure bataille d’Atchoukpa. Non ! Vous n’y êtes pas. C’est précisément parce que vous avez bloqué la révision de la constitution que la loi de la majorité vous sera appliquée ce mardi. Et cette fois-ci en réalité, les dispositions qui seront retouchées seront de nature à empêcher que vous ayez plus d’un candidat !

La véritable question est de savoir si Olivier Boco aura la baraka pour faire échec à cette manœuvre. Disons-le clairement : la guerre est ouverte entre les deux hommes. Et si l’enfant de Soclogbo l’emporte mardi, il va s’ouvrir la voie royale pour 2026. Ira-t-il jusqu’à mettre la main à la poche pour acheter des voix au sein du camp présidentiel ? D’abord, qu’est-ce qui vous dit qu’il ne l’a pas fait vendredi ? Tous les coups sont permis.

 Pour ma part, je reste convaincu que les chances de Olivier Boco restent intactes. Même s’il échoue demain, il n’aura aucun intérêt à sortir de l’appareil Talon. Il est vrai que pour lui la tentation est forte de s’allier à l’opposition, si ce n’est déjà fait.  Mais pour le moment, Patrice Talon a administré la preuve vendredi qu’il a encore la haute main sur sa majorité. Pire, ceux qui ont voté contre savent déjà qu’il y aura des représailles.

Olivier ALLOCHEME

Editorial: Du Naira au CFA

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Ce week-end, j’ai effectué un petit tour au village. Premier constat : Tous les villages frontaliers avec le Nigeria vivent l’augmentation des prix de l’essence. Deuxième chose : les marchés frontaliers regorgent de produits nigérians moins chers. Eh oui, actuellement plus que jamais, les boissons, les objets en plastique, les appareils et autres accessoires venant du Nigeria, coûtent très moins cher. Et pour cause, le Naira est à son plus bas niveau depuis plus de dix ans. 1000 Naira qui valaient 3800 FCFA en 2010, ne valent aujourd’hui qu’environ 375 F. La monnaie nigériane a ainsi perdu plus de 90% de sa valeur par rapport au FCFA en quatorze années. Troisième constat : côté nigérian, dans les villages, tous les produits importés coûtent cher. C’est une inflation généralisée qui a déjà amené certains gouverneurs à exiger la démission du président Bola Ahmed Tinubu.

J’ai presque tout dit déjà. Sauf que ceux qui savent lire entre les lignes, savent déjà que cette crise monétaire est comme un cadeau pour les exportateurs nigérians. Et qu’en même temps, elle engendre une inflation remarquable surtout sur les produits importés.

La politique monétaire du Nigeria est notoirement différente de celle en cours dans la zone UMOA. Là-bas, c’est la Banque centrale du Nigeria (la CBN) qui décide de l’essentiel de la politique monétaire, compte tenu de l’état de la réserve de devises du pays. Je vous explique. Le Nigeria a beau être la plus importante économie d’Afrique, il n’en est pas moins tributaire de ses importations. Jusqu’ici, le pays importe tout, y compris le pétrole raffiné. Le problème, c’est que pour importer, tous les pays ont  besoin de devises. Et donc plus vous importez, plus la réserve de devises baisse. Lorsque la baisse est trop importante, on est obligé de procéder à une dévaluation technique de la monnaie. Et c’est pour ne pas en arriver à cette situation que le gouverneur de la CBN est souvent contraint de freiner les importations en publiant une liste de produits interdits d’importation. Autrement dit, si vous voulez importer du riz à travers les ports du pays, et donc utiliser l’euro ou le dollar issu des réserves de la CBN pour régler ces achats extérieurs, la banque centrale peut vous contraindre à des restrictions ou carrément refuser de vous donner le moindre dollar. Je l’ai déjà écrit ici. A cet égard, la place du Bénin à côté du Nigeria permet une réexportation des produits importés au port de Cotonou vers Lagos ou Kano, sans que le Nigeria soit obligé de toucher à ses propres réserves de devises. Il est vrai que pour éviter toute surprise, la meilleure formule pour un Etat digne du nom est de limiter toutes les importations, en encourageant la production locale. C’est ce que l’ancien président Buhari a fait, notamment en ce qui concerne la production agricole.

Ce que je veux dire, c’est qu’ici et malgré l’inflation subséquente, le gouverneur de la CBN n’a pas daigné limiter les importations, contrairement à son prédécesseur. Et cette politique est pour une bonne part à la base de la crise actuelle, à savoir qu’il a préféré encourager les exportations qui rapportent des devises, en créant la rareté de ces mêmes devises pour les importations.  La promotion des exportations est une politique purement industrielle. Elle contribue à renflouer les caisses des groupes industriels qui vendent beaucoup moins cher. A titre d’exemple, les prix des boissons en provenance du Nigeria ont clairement baissé de prix ces derniers jours. A côté, les produits de notre Sobebra ne peuvent soutenir aucune concurrence. C’était déjà ainsi, mais ces jours-ci, l’écart est encore plus impossible à rattraper. Est-ce à dire que ce sont les autorités elles-mêmes qui créent la situation actuelle ? C’est fort probable.

Tout compte fait, je préfère cette politique de promotion industrielle à notre statut dans la zone CFA. Notre monnaie est adossée  à une devise forte, l’euro, qui rend nos produits industriels incapables de soutenir la concurrence venant de pays à faible monnaie. Globalement, dans la zone UMOA, l’inflation et les fluctuations monétaires sont vues comme des catastrophes à éviter à tout prix. D’autant plus qu’elles empêchent les industries étrangères installées ici, de rapatrier leurs avoirs en Occident, sans craindre les fluctuations que l’on voit aujourd’hui. Mais en même temps, cette stabilité rend les produits de nos usines peu compétitifs sur le marché international ou même national.Et puis vive la pauvreté…

Par Olivier ALLOCHEME

Edito du 12 Février 2024: UNE PATATE PAS SI CHAUDE

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 L’Honorable Assan Séibou ne retirera pas sa proposition de loi sur la révision de la constitution. C’est ce qu’il n’a de cesse de clamer depuis la conférence de presse du Chef de l’Etat. Patrice Talon a laissé entendre qu’il ne soutiendra aucune initiative allant dans le sens d’une quelconque révision. Soit, mais cette proposition en elle-même est une initiative du député avant d’être celle de son parti ou même de la mouvance présidentielle. Et le résultat, c’est qu’elle sera programmée dès cette semaine et sera examinée par la commission des lois avant de passer en plénière.

Les deux partis de la mouvance présidentielle ont déjà apporté leur soutien à cette proposition. Mais des oppositions internes s’observent au sein de la mouvance. Il y a ceux qui comme Lazare Sèhouéto le disent ouvertement, mais il y a ceux qui le murmurent lors des réunions ou qui se taisent carrément, attendant le dernier moment pour sortir leurs griffes. Le Chef de l’Etat lui-même connait cette versatilité du personnel politique qui forme sa majorité. L’élément nouveau ici, c’est la variable Olivier Boco. En disgrâce auprès de Patrice Talon, l’homme d’affaires est fortement soupçonné de le combattre en utilisant les députés qui lui sont proches. La guéguerre actuelle entre les deux anciens amis a déjà provoqué des dégâts collatéraux que sont : la dissolution de l’ABERME qui lui a fait gagner quelques  milliards par le passé ainsi que les retraites d’office des forces de défense et de sécurité. Patrice Talon a les preuves que son ancien allié entretient des relations trop poussées avec des hauts gradés de l’armée et de la police.  Sous Yayi, il sait comment et par qui il était parvenu à contrôler certains hauts gradés, au point de tenter un coup d’Etat en son temps. Depuis le vote de la loi portant statut particulier des forces de défense et de sécurité, il a la possibilité de se débarrasser de tous ceux qui pouvaient lui causer de mauvaises surprises.

En dehors de ces tensions internes, Patrice Talon sait que l’opposition ne soutiendra pas la proposition de révision. Non pas forcément parce qu’elle a des raisons objectives de le faire, mais parce qu’elle tient à se démarquer du pouvoir. Le problème c’est qu’en l’espèce, les députés eux-mêmes ont leurs intérêts en jeu. Ne pas réviser, c’est courir le risque de ne pas pouvoir parrainer pour les prochaines présidentielles. Dans la constitution actuelle, ce sont les députés élus aux prochaines élections législatives qui auront à parrainer les candidats aux présidentielles. Il y a en fait deux risques, celui de ne même pas être candidat et celui d’être candidat mais de ne pas du tout être réélu. Ce que la proposition Séibou fait, c’est de permettre aux députés actuels d’échapper à toutes ces incertitudes. Dès maintenant. Il est probable que sa proposition soit retoquée. Et là, malgré les assurances de Patrice Talon qui a écarté toute volonté de profiter des virgules ou des points placés de-ci ou de-là dans la constitution, pour se maintenir au pouvoir.

   Dans tous les cas, la proposition n’ira nulle part si l’opposition dans son ensemble vote contre. Maintenant, regardez-moi très bien : nous sommes au Bénin, pays où on peut être pour le matin et contre le soir. C’est pourquoi, je reste convaincu qu’Assan Séibou  a dû avoir pris toutes les précautions avant de se lancer dans cette aventure périlleuse. Malgré tout, si elle ne passait vraiment pas, celui qui aura tiré son épingle du jeu, c’est Patrice Talon. Premièrement, il n’est plus parrain de cette proposition de loi, ce qui lui donne l’image d’un président soucieux de sauvegarder la constitution. Il sort indemne de la défaite annoncée, avec une image rehaussée. Deuxièmement, il a obligé ses adversaires tapis au sein de la mouvance à se dévoiler, même contre leur propre volonté. Qu’ils soient au sein des deux partis de la mouvance représentés à l’Assemblée nationale ou en dehors,  il sait désormais qui est qui.

Quelque chose me dit pourtant que tout cela est trop beau pour être vrai. Et qu’il y a autre chose qui a motivé cette proposition de révision. Que ce soit Assan Séibou ou Patrice Talon, ces deux acteurs politiques sont trop futés pour ne pas avoir anticipé les déboires actuels. J’ai ma petite idée sur le sujet. La patate de la révision avait seulement l’air chaude. 

Editorial: Non à une révision

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D’abord, même si la mouvance le voulait, elle ne pourra pas réviser la constitution sans l’opposition. Et pour une raison toute simple. Examinons à ce sujet l’article 154 de la constitution qui dit ceci : « Pour être pris en considération, le projet, ou la proposition de révision, doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale. » Autrement dit, pour que même le projet ou la proposition de révision de la constitution puisse être examiné par le parlement, il faut 82 députés qui soient d’accord. Actuellement, la mouvance dispose de 81 députés. Où trouvera-t-elle la voix manquante ? Auprès de l’opposition, si elle le veut.

Laissons même cet article 154. Car l’article 155 est plus contraignant. Il dit ceci : « La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée parréférendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a étéapprouvé à la majorité des quatre cinquièmes des membrescomposant l’Assemblée nationale. ». Ainsi, il faut qu’au moins 87 députés l’acceptent pour qu’il y ait une révision. Là encore, ce ne sera pas possible sans l’opposition. Bien entendu, si la mouvance n’y parvient pas, elle peut recourir au référendum, c’est-à-dire passer au suffrage universel. Et à ce niveau, chaque Béninois aura la capacité de dire directement s’il accepte ou non le projet ou la proposition.

Dans un cas comme dans un autre, si la mouvance veut une réforme constitutionnelle, elle est obligée de parvenir à un compromis avec les 28 députés de l’opposition. Et compromis veut dire négociation sur la libération des prisonniers politiques, ce dont le chef de l’Etat ne veut pas entendre parler. Aller jusqu’à même parler de référendum, serait un pur suicide pour la mouvance. Ce serait offrir une revanche à l’opposition pour préparer 2026. Si vous avez regardé  la mobilisation autour de Boni Yayi  ce dimanche 14 janvier 2024 à Dogbo, sur les terres mêmes de la mouvance, vous comprenez qu’un référendum sera totalement contreproductif pour la mouvance aujourd’hui. Il se transformerait facilement en un référendum pour ou contre Talon, avec le risque  ultime de se faire Hara Kiri.

Pour toutes ces raisons objectives, je ne vois pas Patrice Talon s’engager sur la voie d’une révision constitutionnelle aujourd’hui. Mais il ne faut rien exclure. Les acteurs politiques nous ont déjà prouvé par le passé leur sens de la volteface. L’égotisme, ce venin de la superpuissance de ceux qui gouvernent, peut raffluer à tout moment.

Seulement, à quoi servirait aujourd’hui une éventuelle révision de la constitution ?  A un troisième mandat ? Pensez-vous franchement, je dis bien franchement, que s’il voulait un troisième mandat, Patrice Talon aurait mis des verrous à toute révision allant dans ce sens ?  La constitution révisée indique que nul, de sa vie, ne peut faire plus de deux mandats. Or, au moment où il avait un boulevard devant lui pour amender le texte constitutionnel à la hauteur de ses rêves d’éternité, il ne l’avait pas fait. Alors question : Pourquoi le ferait-il aujourd’hui  où il ne dispose pas d’une majorité qualifiée ?

Je suis donc convaincu que le chef de l’Etat ne tentera pas le coup d’un troisième mandat. Par contre, il a tout intérêt à ce que le pouvoir ne tombe entre les mains de l’opposition. Mais ça, c’est un autre débat.

Par Olivier ALLOCHEME