Archives de catégorie : Editorial

Edito du 02 avril 2024: Bénin vs Sénégal

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Alors que le nouveau président sénégalais s’installe aujourd’hui, la question que l’on se pose au Bénin est celle-ci : est-ce que cette révolution est possible au Bénin ? Autrement dit, est-ce que ce miracle de Sonko et de son ami Bassirou Diomaye Faye, est possible ici chez nous ?   Je m’en vais vous répondre tout  de suite : c’est non. En tout cas, tant que Talon sera au pouvoir.

Pour une raison simple. Sonko a réussi son coup parce qu’il est crédible. A son poste en tant que fonctionnaire, il a eu sous les yeux les chiffres vertigineux du pillage des finances publiques de son pays. Au prix de sa liberté et de ses droits les plus élémentaires, il a choisi de mener le bon combat. A contrario, au Bénin, la plupart de ceux qui ont dénoncé la mauvaise gestion ces dernières années, émanent de l’opposition, notamment du parti Les Démocrates. C’est là où le bât blesse. Ce parti dirigé par Boni Yayi n’est pas crédible pour parler de bonne gouvernance au Bénin. D’autant plus que ceux qui dénoncent Talon ont tous pris par ici. On les a tous vus à l’œuvre à divers postes. Et les Béninois ne sont pas tous amnésiques. On a vu les ONG il y a quelques années, réclamer à cor et à cri la publication des contrats de marché entre l’Etat et les entreprises, notamment dans le secteur portuaire et des infrastructures.

Dans ce secteur comme dans la plupart des autres, l’opacité est de règle. Mais peu de Béninois croient encore aux ONG encore moins aux médias, quand ceux-ci dénoncent la corruption sous Talon. Il est vrai que la mise en place de la CRIET a notoirement permis de limiter la petite corruption au sein de l’administration et sur les grands axes routiers. Quant à la grande corruption qui a lieu dans les marchés d’infrastructures, l’opacité ambiante ne permet à personne d’avoir des preuves palpables. Et donc, ne rêvez pas d’une révolution à la manière Sonko ici.

Plus encore, sur le plan politique, la situation est plus complexe qu’au Sénégal. Le seul parti d’opposition pouvant faire pièce à la Rupture s’appelle Les démocrates. Est-ce que vous voyez Boni Yayi laisser le leadership de SON parti à quelqu’un d’autre ? Jamais de la vie ! Soit c’est lui ou le parti n’a qu’à disparaitre. Pendant longtemps (peut-être jusqu’à maintenant), il a travaillé à détruire tout leadership proéminent dans son fief que constitue une partie des Collines et du Borgou-Alibori. Tant qu’il vivra, il fera exactement comme le PDG du PRD. Adrien Houngbédji  a préféré voir son parti mourir plutôt que d’accepter céder sa place à de nouvelles têtes qui pourraient lui ravir la première place dans Porto-Novo et sa région. Joël Aïvo avait pensé le dribler en s’attaquant à la forteresse imprenable. Quand il avait commencé son aventure politique, conscient de ce qu’il faut d’abord se construire un fief avant tout, il avait tout fait pour maitriser Porto-Novo. Il en a les ressources. Mais au moment où il avait le plus besoin des manifestants de la capitale pour protester après son arrestation, c’est le PDG en personne qui a désactivé patiemment et rigoureusement tous les mouvements qui pouvaient lui être utiles. Dire que Maitre Houngbédji est très heureux du sort de son ancien directeur de cabinet, est un euphémisme. La condamnation du professeur a beau être la preuve d’une justice aux ordres, vous ne verrez pas les foules de Porto-Novo déferler dans la ville pour réclamer sa libération.

Et puis regardez vous-même ce que le parti Les Démocrates voulait proposer aux Béninois en 2021 : d’élire Réckya Madougou ! Même quand vous y réfléchissez bien, pensez-vous vraiment que les Béninois sont stupides au point d’aller donner leurs voix à une femme dépigmentée ? Toufé toufé….Et tout le monde sait pourquoi Boni Yayi a préféré son ancienne ministre qui n’avait jamais milité au sein du parti.

Le vote massif qu’on a vu le 25 mars dernier au Sénégal est le résultat d’un combat républicain sain. Les jeunes qui se sont lancés contre Macky Sall, savent que Sonko et Diomaye Faye n’appartiennent à aucune des chapelles politiques douteuses ayant déjà fait leurs preuves dans le pays. Ceux qui engagent aujourd’hui la révolte au Sénégal, ce sont  des hommes neufs crédibles et surtout prêts à tous les sacrifices.

Olivier ALLOCHEME

Edito du 25 mars 2024: L’erreur du code

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Le parlement de 2026 sera monocolore. Lisez bien l’article 146 nouveau du code électoral modifié. Cet article dit que pour être éligible au partage des sièges lors des élections législatives, chaque parti doit avoir au moins 20% des voix dans chaque circonscription électorale. Aucun parti n’a pu atteindre ce seuil lors des dernières législatives en janvier 2023. C’est pourquoi, le deuxième alinéa du même article souligne que les partis ayant conclu un accord de coalition parlement avant le scrutin, peuvent être éligibles au partage des sièges,  mais à la condition d’avoir eu au moins 10% des voix au plan national. Autrement dit, si l’un des partis signataires de l’accord de coalition parlementaire n’a pas au moins 10% des suffrages au plan national, la coalition tombe à l’eau.

Imaginons que les FCBE et les LD signent un accord du genre. Chacun d’eux doit d’abord avoir 10% des suffrages au plan national avant de pouvoir bénéficier du partage des sièges. C’est mission impossible pour les FCBE qui n’ont fait que 4% lors des dernières législatives. Ainsi, même si les deux formations politiques coalisaient, leur coalition a de fortes chances d’être frappée par le seuil minimal des 10%. Oui, le parti de Yayi pourra s’en sortir, mais il est impossible pour lui d’atteindre 20% dans chaque circonscription électorale. Je vois venir ceux qui chantent déjà : « Allez travailler sur le terrain ». Du bluff !  Ne demandez pas à un parti comme FCBE de plus que doubler ses résultats en trois ans, alors même qu’il n’a pas de leader charismatique en son sein et qu’il a un discours inaudible sur le terrain. Le nouveau code électoral est fait pour créer un effet d’éviction.

Il se passera que l’opposition ne remplira jamais la condition des 10%, encore moins celle des 20% par circonscription électorale. Elle ne sera pas éligible au partage des sièges. Par contre, les partis de la mouvance présidentielle, ont toutes les chances de leurs côtés. Aux législatives de 2023, l’UP-R a totalisé37,56% des suffrages et le BR 29, 17%. Mais ni l’un ni l’autre n’a pu avoir 20% dans chaque circonscription électorale. Par mesure de prudence, les deux formations de la mouvance présidentielle devront conclure un accord de coalition parlementaire. Elles seront donc les seuls partis assurés de remplir les conditions exigées par le code électoral à l’article 146 nouveau. Préparez-vous donc à un parlement sans l’opposition. Préparez-vous aussi à la crise politique qui va en découler. Comme en 2019, le parlement monocolore débouchera sur des violences électorales avec leurs lots de répression.

Dans tous les cas, l’opposition aura son candidat à l’élection présidentielle de 2026. Les candidatures à cette élection devant être déposées depuis fin octobre 2025, l’opposition est assurée d’avoir les coudées franches pour parrainer ses candidats. Alors question : quelle sera la réaction du peuple béninois quand il saura qu’on lui a vendu une assemblée nationale monocolore ?

Il y aura un vote-sanction en  2026. De tout temps, les Béninois n’ont voté à la présidentielle que pour sanctionner le président sortant. Si Boni Yayi a fait le KO de 2011, c’est parce qu’il a réellement fait feu de tout bois face à une opposition divisée. Je le revois encore baignant dans la sueur, épaulé par toute la mouvance, dépensant sans compter partout où il passait. C’était le Papa bonheur tant vanté par certaines voix. L’omniprésence présidentielle dans toutes les localités était de règle. Tout le contraire du style de gouvernance de Patrice Talon qui privilégie la rareté à la présence sur le terrain. Ces dernières années, on a plus vu Patrice Talon  dans les rues de Paris qu’à Parakou, Lokossa ou Adjarra. La plupart des localités ne l’ont accueilli que pour les élections de 2021. Et dans un style qui rappelle le style des gouverneurs coloniaux. On lui dresse tapis rouge au milieu de la broussaille, on badigeonne les arbres et les centres de jeunes pour accueillir le gouverneur noir. Non, j’ai la pleine conviction que le Bénin a dépassé depuis longtemps ce style suranné. Et que les gens  se sont soumis en  attendant de s’exprimer clairement dans les urnes. Et en 2026, l’erreur du code électoral leur en donnera l’opportunité. Enfin !   

Olivier ALLOCHEME

Editorial: La  vraie bataille commence

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Dès le départ, Assan Séibou savait que sa proposition de loi n’allait pas passer. Comme je l’ai dit, cela signifie clairement que les objectifs étaient ailleurs. Et que probablement certains députés sont tombés dans le panneau. Mais les sept députés de la mouvance qui ont voté contre ont eu l’intelligence de ne pas développer un discours anti-Talon. Lorsque j’entends les justifications d’un Malick Gomina endossant les habits d’opposant, il me rappelle un courroux gigantesque de Patrice Talon qui précisément l’a empêché d’être ministre. Volonté de vengeance ? Sans doute oui. Il n’y a pas d’autres explications.  S’il n’avait pas un appui conséquent derrière, ce type d’outrecuidance serait presque un arrêt de mort politique pour lui. Et quand on observe tous les sept, ce sont des pro-Boco.

C’est en cela que le coup de la tentative de révision peut et va semer une cassure. Elle est faite pour identifier clairement ceux qui peuvent être des traitres. Sur ce chapitre, le coup est parfaitement réussi. Bien que le chef de l’Etat ait fait tout ce qu’il a pu pour que  la révision soit acquise, bien qu’un parti comme le BR ait fait signer un accord en bonne et due forme à ses députés afin qu’ils votent pour, certains ont pris la liberté d’aller contre leur propre signature. Ils ont montré leur vrai visage et cela comptera beaucoup pour 2026.  Auréolés de leur succès, ces députés traitres à la mouvance ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Il est bien possible qu’ils s’associent pour créer un nouveau parti politique au nom de leur leader, Olivier Boco. C’est du moins les bruits de coulisse que j’entends depuis quelque temps.

Là encore, il ne faut pas sous-estimer la sagacité du chef de l’Etat. Patrice Talon peut visser davantage les conditions de candidature, s’il le veut.  D’autant plus qu’il veut avoir la quasi-certitude que n’importe qui ne sortira pas d’on ne sait où pour être candidat. Et plus encore, que même si les jeux d’argent devraient entrer en ligne de compte, ils auront un impact limité sur les élus capables de monnayer leurs parrainages. Et à ce sujet, Olivier Boco a besoin d’un jeu suffisamment ouvert. Il ne lésinera pas sur les moyens pour imposer sa candidature à son ami qui ne veut surtout pas de lui. Patrice Talon est convaincu que les manœuvres actuelles de l’homme d’affaires sont les signes évidents qu’il ne peut compter sur lui pour assurer ses arrières. Le vote de vendredi a même montré qu’il est capable de monter une partie de l’hémicycle contre lui.

Ce mardi marque une étape importante dans la préparation de 2026. Ceux qui pensaient que le vote de vendredi constitue un échec pour le chef de l’Etat, ont vu le doigt au lieu de regarder la cible qu’il  désigne. J’ai vu les députés Démocrates entonner l’hymne national à l’Assemblée, un peu comme s’ils venaient de remporter la dure bataille d’Atchoukpa. Non ! Vous n’y êtes pas. C’est précisément parce que vous avez bloqué la révision de la constitution que la loi de la majorité vous sera appliquée ce mardi. Et cette fois-ci en réalité, les dispositions qui seront retouchées seront de nature à empêcher que vous ayez plus d’un candidat !

La véritable question est de savoir si Olivier Boco aura la baraka pour faire échec à cette manœuvre. Disons-le clairement : la guerre est ouverte entre les deux hommes. Et si l’enfant de Soclogbo l’emporte mardi, il va s’ouvrir la voie royale pour 2026. Ira-t-il jusqu’à mettre la main à la poche pour acheter des voix au sein du camp présidentiel ? D’abord, qu’est-ce qui vous dit qu’il ne l’a pas fait vendredi ? Tous les coups sont permis.

 Pour ma part, je reste convaincu que les chances de Olivier Boco restent intactes. Même s’il échoue demain, il n’aura aucun intérêt à sortir de l’appareil Talon. Il est vrai que pour lui la tentation est forte de s’allier à l’opposition, si ce n’est déjà fait.  Mais pour le moment, Patrice Talon a administré la preuve vendredi qu’il a encore la haute main sur sa majorité. Pire, ceux qui ont voté contre savent déjà qu’il y aura des représailles.

Olivier ALLOCHEME

Editorial: Du Naira au CFA

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Ce week-end, j’ai effectué un petit tour au village. Premier constat : Tous les villages frontaliers avec le Nigeria vivent l’augmentation des prix de l’essence. Deuxième chose : les marchés frontaliers regorgent de produits nigérians moins chers. Eh oui, actuellement plus que jamais, les boissons, les objets en plastique, les appareils et autres accessoires venant du Nigeria, coûtent très moins cher. Et pour cause, le Naira est à son plus bas niveau depuis plus de dix ans. 1000 Naira qui valaient 3800 FCFA en 2010, ne valent aujourd’hui qu’environ 375 F. La monnaie nigériane a ainsi perdu plus de 90% de sa valeur par rapport au FCFA en quatorze années. Troisième constat : côté nigérian, dans les villages, tous les produits importés coûtent cher. C’est une inflation généralisée qui a déjà amené certains gouverneurs à exiger la démission du président Bola Ahmed Tinubu.

J’ai presque tout dit déjà. Sauf que ceux qui savent lire entre les lignes, savent déjà que cette crise monétaire est comme un cadeau pour les exportateurs nigérians. Et qu’en même temps, elle engendre une inflation remarquable surtout sur les produits importés.

La politique monétaire du Nigeria est notoirement différente de celle en cours dans la zone UMOA. Là-bas, c’est la Banque centrale du Nigeria (la CBN) qui décide de l’essentiel de la politique monétaire, compte tenu de l’état de la réserve de devises du pays. Je vous explique. Le Nigeria a beau être la plus importante économie d’Afrique, il n’en est pas moins tributaire de ses importations. Jusqu’ici, le pays importe tout, y compris le pétrole raffiné. Le problème, c’est que pour importer, tous les pays ont  besoin de devises. Et donc plus vous importez, plus la réserve de devises baisse. Lorsque la baisse est trop importante, on est obligé de procéder à une dévaluation technique de la monnaie. Et c’est pour ne pas en arriver à cette situation que le gouverneur de la CBN est souvent contraint de freiner les importations en publiant une liste de produits interdits d’importation. Autrement dit, si vous voulez importer du riz à travers les ports du pays, et donc utiliser l’euro ou le dollar issu des réserves de la CBN pour régler ces achats extérieurs, la banque centrale peut vous contraindre à des restrictions ou carrément refuser de vous donner le moindre dollar. Je l’ai déjà écrit ici. A cet égard, la place du Bénin à côté du Nigeria permet une réexportation des produits importés au port de Cotonou vers Lagos ou Kano, sans que le Nigeria soit obligé de toucher à ses propres réserves de devises. Il est vrai que pour éviter toute surprise, la meilleure formule pour un Etat digne du nom est de limiter toutes les importations, en encourageant la production locale. C’est ce que l’ancien président Buhari a fait, notamment en ce qui concerne la production agricole.

Ce que je veux dire, c’est qu’ici et malgré l’inflation subséquente, le gouverneur de la CBN n’a pas daigné limiter les importations, contrairement à son prédécesseur. Et cette politique est pour une bonne part à la base de la crise actuelle, à savoir qu’il a préféré encourager les exportations qui rapportent des devises, en créant la rareté de ces mêmes devises pour les importations.  La promotion des exportations est une politique purement industrielle. Elle contribue à renflouer les caisses des groupes industriels qui vendent beaucoup moins cher. A titre d’exemple, les prix des boissons en provenance du Nigeria ont clairement baissé de prix ces derniers jours. A côté, les produits de notre Sobebra ne peuvent soutenir aucune concurrence. C’était déjà ainsi, mais ces jours-ci, l’écart est encore plus impossible à rattraper. Est-ce à dire que ce sont les autorités elles-mêmes qui créent la situation actuelle ? C’est fort probable.

Tout compte fait, je préfère cette politique de promotion industrielle à notre statut dans la zone CFA. Notre monnaie est adossée  à une devise forte, l’euro, qui rend nos produits industriels incapables de soutenir la concurrence venant de pays à faible monnaie. Globalement, dans la zone UMOA, l’inflation et les fluctuations monétaires sont vues comme des catastrophes à éviter à tout prix. D’autant plus qu’elles empêchent les industries étrangères installées ici, de rapatrier leurs avoirs en Occident, sans craindre les fluctuations que l’on voit aujourd’hui. Mais en même temps, cette stabilité rend les produits de nos usines peu compétitifs sur le marché international ou même national.Et puis vive la pauvreté…

Par Olivier ALLOCHEME

Edito du 12 Février 2024: UNE PATATE PAS SI CHAUDE

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 L’Honorable Assan Séibou ne retirera pas sa proposition de loi sur la révision de la constitution. C’est ce qu’il n’a de cesse de clamer depuis la conférence de presse du Chef de l’Etat. Patrice Talon a laissé entendre qu’il ne soutiendra aucune initiative allant dans le sens d’une quelconque révision. Soit, mais cette proposition en elle-même est une initiative du député avant d’être celle de son parti ou même de la mouvance présidentielle. Et le résultat, c’est qu’elle sera programmée dès cette semaine et sera examinée par la commission des lois avant de passer en plénière.

Les deux partis de la mouvance présidentielle ont déjà apporté leur soutien à cette proposition. Mais des oppositions internes s’observent au sein de la mouvance. Il y a ceux qui comme Lazare Sèhouéto le disent ouvertement, mais il y a ceux qui le murmurent lors des réunions ou qui se taisent carrément, attendant le dernier moment pour sortir leurs griffes. Le Chef de l’Etat lui-même connait cette versatilité du personnel politique qui forme sa majorité. L’élément nouveau ici, c’est la variable Olivier Boco. En disgrâce auprès de Patrice Talon, l’homme d’affaires est fortement soupçonné de le combattre en utilisant les députés qui lui sont proches. La guéguerre actuelle entre les deux anciens amis a déjà provoqué des dégâts collatéraux que sont : la dissolution de l’ABERME qui lui a fait gagner quelques  milliards par le passé ainsi que les retraites d’office des forces de défense et de sécurité. Patrice Talon a les preuves que son ancien allié entretient des relations trop poussées avec des hauts gradés de l’armée et de la police.  Sous Yayi, il sait comment et par qui il était parvenu à contrôler certains hauts gradés, au point de tenter un coup d’Etat en son temps. Depuis le vote de la loi portant statut particulier des forces de défense et de sécurité, il a la possibilité de se débarrasser de tous ceux qui pouvaient lui causer de mauvaises surprises.

En dehors de ces tensions internes, Patrice Talon sait que l’opposition ne soutiendra pas la proposition de révision. Non pas forcément parce qu’elle a des raisons objectives de le faire, mais parce qu’elle tient à se démarquer du pouvoir. Le problème c’est qu’en l’espèce, les députés eux-mêmes ont leurs intérêts en jeu. Ne pas réviser, c’est courir le risque de ne pas pouvoir parrainer pour les prochaines présidentielles. Dans la constitution actuelle, ce sont les députés élus aux prochaines élections législatives qui auront à parrainer les candidats aux présidentielles. Il y a en fait deux risques, celui de ne même pas être candidat et celui d’être candidat mais de ne pas du tout être réélu. Ce que la proposition Séibou fait, c’est de permettre aux députés actuels d’échapper à toutes ces incertitudes. Dès maintenant. Il est probable que sa proposition soit retoquée. Et là, malgré les assurances de Patrice Talon qui a écarté toute volonté de profiter des virgules ou des points placés de-ci ou de-là dans la constitution, pour se maintenir au pouvoir.

   Dans tous les cas, la proposition n’ira nulle part si l’opposition dans son ensemble vote contre. Maintenant, regardez-moi très bien : nous sommes au Bénin, pays où on peut être pour le matin et contre le soir. C’est pourquoi, je reste convaincu qu’Assan Séibou  a dû avoir pris toutes les précautions avant de se lancer dans cette aventure périlleuse. Malgré tout, si elle ne passait vraiment pas, celui qui aura tiré son épingle du jeu, c’est Patrice Talon. Premièrement, il n’est plus parrain de cette proposition de loi, ce qui lui donne l’image d’un président soucieux de sauvegarder la constitution. Il sort indemne de la défaite annoncée, avec une image rehaussée. Deuxièmement, il a obligé ses adversaires tapis au sein de la mouvance à se dévoiler, même contre leur propre volonté. Qu’ils soient au sein des deux partis de la mouvance représentés à l’Assemblée nationale ou en dehors,  il sait désormais qui est qui.

Quelque chose me dit pourtant que tout cela est trop beau pour être vrai. Et qu’il y a autre chose qui a motivé cette proposition de révision. Que ce soit Assan Séibou ou Patrice Talon, ces deux acteurs politiques sont trop futés pour ne pas avoir anticipé les déboires actuels. J’ai ma petite idée sur le sujet. La patate de la révision avait seulement l’air chaude. 

Editorial: Non à une révision

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D’abord, même si la mouvance le voulait, elle ne pourra pas réviser la constitution sans l’opposition. Et pour une raison toute simple. Examinons à ce sujet l’article 154 de la constitution qui dit ceci : « Pour être pris en considération, le projet, ou la proposition de révision, doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale. » Autrement dit, pour que même le projet ou la proposition de révision de la constitution puisse être examiné par le parlement, il faut 82 députés qui soient d’accord. Actuellement, la mouvance dispose de 81 députés. Où trouvera-t-elle la voix manquante ? Auprès de l’opposition, si elle le veut.

Laissons même cet article 154. Car l’article 155 est plus contraignant. Il dit ceci : « La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée parréférendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a étéapprouvé à la majorité des quatre cinquièmes des membrescomposant l’Assemblée nationale. ». Ainsi, il faut qu’au moins 87 députés l’acceptent pour qu’il y ait une révision. Là encore, ce ne sera pas possible sans l’opposition. Bien entendu, si la mouvance n’y parvient pas, elle peut recourir au référendum, c’est-à-dire passer au suffrage universel. Et à ce niveau, chaque Béninois aura la capacité de dire directement s’il accepte ou non le projet ou la proposition.

Dans un cas comme dans un autre, si la mouvance veut une réforme constitutionnelle, elle est obligée de parvenir à un compromis avec les 28 députés de l’opposition. Et compromis veut dire négociation sur la libération des prisonniers politiques, ce dont le chef de l’Etat ne veut pas entendre parler. Aller jusqu’à même parler de référendum, serait un pur suicide pour la mouvance. Ce serait offrir une revanche à l’opposition pour préparer 2026. Si vous avez regardé  la mobilisation autour de Boni Yayi  ce dimanche 14 janvier 2024 à Dogbo, sur les terres mêmes de la mouvance, vous comprenez qu’un référendum sera totalement contreproductif pour la mouvance aujourd’hui. Il se transformerait facilement en un référendum pour ou contre Talon, avec le risque  ultime de se faire Hara Kiri.

Pour toutes ces raisons objectives, je ne vois pas Patrice Talon s’engager sur la voie d’une révision constitutionnelle aujourd’hui. Mais il ne faut rien exclure. Les acteurs politiques nous ont déjà prouvé par le passé leur sens de la volteface. L’égotisme, ce venin de la superpuissance de ceux qui gouvernent, peut raffluer à tout moment.

Seulement, à quoi servirait aujourd’hui une éventuelle révision de la constitution ?  A un troisième mandat ? Pensez-vous franchement, je dis bien franchement, que s’il voulait un troisième mandat, Patrice Talon aurait mis des verrous à toute révision allant dans ce sens ?  La constitution révisée indique que nul, de sa vie, ne peut faire plus de deux mandats. Or, au moment où il avait un boulevard devant lui pour amender le texte constitutionnel à la hauteur de ses rêves d’éternité, il ne l’avait pas fait. Alors question : Pourquoi le ferait-il aujourd’hui  où il ne dispose pas d’une majorité qualifiée ?

Je suis donc convaincu que le chef de l’Etat ne tentera pas le coup d’un troisième mandat. Par contre, il a tout intérêt à ce que le pouvoir ne tombe entre les mains de l’opposition. Mais ça, c’est un autre débat.

Par Olivier ALLOCHEME

Éditorial: Pour affronter 2024

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Il y a quelques jours, je revenais de mon jogging matinal à la plage quand je suis tombé sur un homme à qui il manquait un bras. Oui, il conduisait sa moto Mate 60 de sa main gauche, le bras droit étant simplement inexistant. Une amputation ? Peut-être. Mais ce qui m’avait impressionné ce n’était pas son physique, mais ce qu’il pouvait faire de son deuxième bras : conduire une moto dans la ville. Apparemment, il était très connu dans le quartier. Il prenait le temps de blaguer avec les riverains tout en continuant son chemin. Et puis me sont revenus des noms célèbres tels que Jessica Cox, qui pouvait conduire un hélicoptère, alors même qu’elle n’avait aucun bras. Ou encore l’Australien Nick Vujicic, pratiquement sans aucun membre, ni inférieur ni supérieur, devenu pourtant chef d’entreprise et coach. Le chemin a peut-être été long pour eux, mais ils sont parvenus à des niveaux de réalisation élevés, en tournant les moqueries des autres en leur faveur, en se focalisant sur ce qu’ils voulaient.

         Les pouvoirs les plus importants de notre esprit se libèrent lorsque nous restons concentrés sur nos objectifs, qu’ils soient modestes ou surtout …fous. L’esprit mobilise des énergies cachées pour les atteindre lorsque l’on y croit à fond. Lorsque l’on s’y jette à fond, sans regarder derrière, sans même faire attention à ceux qui disent qu’on n’y arrivera jamais. La différence fondamentale entre ceux qui réussissent de grandes réalisations et les autres, ce n’est pas seulement la discipline dans l’effort, mais surtout cette capacité à ne se laisser distraire par rien ni personne sur le chemin que l’on veut suivre. Bien entendu, cela n’est pas possible sans « la foi sauvage du sorcier », comme dirait Aimé Césaire, cette espérance-vision qui voit au-delà du temps, le bénéfice qu’on est assuré de tirer des efforts d’aujourd’hui. On tombe mille fois, on se relève mille et une fois pour continuer la marche. Vous n’obtiendrez rien en lâchant prise lorsque surviennent les difficultés. En 2023, il y a une phrase qui est fréquemment venue à ma bouche, chaque fois que je vois des gens ordinaires parvenir à des résultats inattendus à force d’abnégation : il y a du génie dans la persévérance.

Pour garder cette foi inébranlable, il y a tout un état d’esprit à construire. Parfois, il faut interroger les conditions même de notre naissance pour comprendre pourquoi même les plus petites adversités nous effraient et nous déroutent, pendant que les autres les bravent et vont de l’avant. Mais il faut apprendre malgré tout à nos enfants, que les obstacles font aussi partie de la réussite. Et que nul ne réussit tant qu’il n’a pas échoué d’abord. Dans son ouvrage The obstacle is the way (L’obstacle est le chemin) publié il y a dix ans, l’écrivain américain Ryan Holliday a dégagé dix leçons permettant de surmonter les difficultés avec foi. Je m’en vais les résumer très schématiquement :

1. Notre perception façonne notre réalité : La façon dont nous percevons les obstacles peut avoir un impact significatif sur la façon dont nous les abordons et les surmontons. En changeant notre perspective, nous pouvons transformer les obstacles en opportunités.

2. L’action plutôt que l’inaction : Au lieu d’être paralysé par l’adversité, agissez. Même de petits pas peuvent faire la différence pour surmonter les défis.

3. Le pouvoir de la persévérance : La résilience et la persévérance sont la clé du succès. Continuez même lorsque vous êtes confronté à des revers ou à des difficultés.

4. Adoptez le processus : Le parcours pour surmonter les obstacles est aussi important que la destination. Acceptez les difficultés et apprenez-en.

5. Préparez-vous à l’inévitable : anticipez les obstacles et mettez en place un plan. Cette approche proactive peut minimiser leur impact.

6. Concentrez-vous sur ce que vous pouvez contrôler : Concentrez-vous sur les choses sous votre contrôle, car dépenser de l’énergie sur ce que vous ne pouvez pas changer est contre-productif.

7. Adaptabilité : Soyez flexible et prêt à ajuster vos stratégies en cas de besoin. La rigidité peut entraver le progrès.

8. Maintenez votre calme : Dans les situations difficiles, maintenir le contrôle émotionnel et son sang-froid est essentiel pour prendre des décisions rationnelles.

9. Transformez les revers en avantages : utilisez les échecs comme des opportunités de croissance et d’amélioration.

10. Apprendre de l’histoire : Étudiez les expériences et la sagesse de ceux qui ont été confrontés à des obstacles similaires dans le passé. L’histoire est un professeur précieux.

Editorial: La mémoire et l’oubli

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A partir des années 1830, les Britanniques et les Français ont imposé à la Chine des guerres violentes. C’étaient les guerres dites de l’opium, un conflit né de la volonté des Occidentaux d’ouvrir coûte que coûte le marché chinois à leurs produits. Et pour le faire, ils n’ont rien trouvé d’autre à faire que de  déverser des tonnes de drogue, notamment de l’opium, dans le pays. Le but avoué était d’abêtir la population chinoise avec la consommation massive d’opium pour conquérir le pays et exploiter ses richesses. L’empereur de Chine s’y oppose et la guerre se déclenche. La Chine perd et est obligée de s’ouvrir aux influences étrangères. Des églises s’ouvrent dans le pays, au grand mécontentement des nationalistes. En 1900, des révoltes populaires ont lieu pour chasser les étrangers de Chine. C’est la guerre des Boxers. Elles débouchent sur le massacre de 30.000 chrétiens chinois. Plus jamais les autorités chinoises n’auront de relations stables avec le Vatican.  Et jusqu’aujourd’hui, le simple fait pour le pape (y compris le pape François) de survoler le ciel chinois lors de ses voyages dans d’autres pays, est considéré comme un événement.

Autre chose. En 1945, le monde entier découvre abasourdi les horreurs de l’Allemagne nazie contre les juifs. Après six ans de guerre, l’Allemagne nazie a éliminé principalement dans ses chambres à gaz, environ six millions de juifs. Depuis lors, les peuples juifs à qui un lopin de terre nommé Israël a été concédé, ont conservé jalousement la mémoire douloureuse de cet épisode traumatique. Il n’arriverait jamais à l’idée de qui que ce soit en Israël de demander l’oubli de l’holocauste.

A partir du XVIème siècle et jusqu’au XIXème siècle, l’Afrique a été victime de la pire tragédie de l’histoire humaine. Des dizaines de millions de Noirs sont déportés de force vers l’Amérique. A la fin de la tragédie, on s’est mis à réécrire l’histoire en jouant sur les mots. A la place des rapts ou des déportations forcées, on a écrit dans tous les livres d’histoire qu’il s’agit de traite, c’est-à-dire de commerce. Et pourtant, on sait par exemple que les navires négriers étaient des navires de guerre. Le premier navire négrier britannique, dénommé le « Liverpool Merchant », était un navire de guerre. Et jusqu’aujourd’hui, si vous allez au fort portugais de Ouidah où les Noirs étaient parqués avant leur départ pour les Amériques, vous verrez que c’est un ouvrage fortifié entouré de canons.  Et pourtant, on disait que nos ancêtres ont vendu leurs enfants, leurs cousins, leurs neveux. Qu’ils étaient tellement méchants qu’ils ont vendu les leurs pour des miroirs ou des perles. Les ancêtres des Africains sont les seuls de toute l’histoire humaine à être des démons. Pendant près de quatre siècles.

Et donc il y a un mois, Patrice Talon est allé inaugurer une œuvre d’art installée au Conseil économique, social et environnemental (CESE) de France. « Pour nous le passé est loin » disait-il devant son auditoire séduit avant d’ajouter que les relations franco-béninoises « ne sont pas polluées par les affres de l’histoire à cause des compétitions entre les communautés humaines. Que ce qui a pu se passer il y a 200 ans, 100 ans ou 60 ans, que tout cela est bien derrière nous parce que nous voulons qu’il soit derrière nous, et qu’il n’est pas utile de se cramponner au passé pour polluer les relations actuelles qui sont indispensables au développement communautaire. » A l’époque, j’avais trouvé qu’il est bien difficile de diriger un pays victime à la fois de l’esclavage et de la colonisation. Parce qu’il prenait là la responsabilité de banaliser un crime contre l’humanité reconnu comme tel même en France à travers la loi Taubira votée en mai 2001. Même les Français n’en demandaient pas tant.

Mais voilà que la semaine passée, il tient presque le même discours, cette fois en Martinique même, devant les victimes directes de ce crime et principalement dans la résidence même de l’un des bourreaux d’hier, à la Fondation Clément. Arguant de sa volonté, en tant que responsable « de construire quelque chose » malgré les douleurs du passé, il a minimisé les cris et pleurs des associations antillaises demandant un peu de respect pour la mémoire de leurs aïeux. Je me demande si Benyamin Netanyahou peut oser un jour tenir de tels propos sur l’un des sites de la Shoah, par exemple à Birkenau où des milliers de juifs ont été gazés. Tout le monde, sauf lui. Et surtout pas là. C’est à lui de veiller à notre identité et à notre histoire. Mais on voit bien qui les galvaude selon les besoins du business.

Par Olivier ALLOCHEME

Editorial: L’entourloupe de Faure

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Il  y a un projet d’assassinat en vue contre les dirigeants actuels du Mali, du Niger et du Burkina-Faso. En tout cas, les services secrets russes ont donné l’alerte depuis quelques jours, laissant penser que les jours d’Abderahmane Tiani, Ibrahima Traoré et Assimi Goïta sont comptés. Et si le coup réussissait, ces trois pays vont entrer dans une nouvelle ébullition.

La semaine écoulée, l’actuel homme fort de Niamey a fait un pied-de-nez non seulement à la CEDEAO, mais surtout à Patrice Talon. Sa visite à Lomé sanctionnée par des accords bilatéraux,  n’a fait qu’embarrasser davantage le chef de l’Etat béninois roulé dans la farine par ses pairs de la CEDEAO. Aujourd’hui, le Bénin apparait comme le seul pays qui subit les affres des sanctions contre le Niger. Et comme si cela ne suffisait pas, le Togo en profite pour arracher des contrats au profit du port de Lomé. Remarquez bien que pendant que le Niger est sous sanction, Faure Gnassingbé ne s’est pas embarrassé pour recevoir le général Tiani avec tous les honneurs d’un chef d’Etat. Et mieux, ce dimanche, lors du sommet des chefs d’Etat de la CEDEAO, le même Faure s’est arrangé pour se retrouver dans le trio choisi par l’institution pour servir de médiateur de la même CEDEAO avec les nouvelles autorités de Niamey, au même titre que Patrice Talon et Julius Maada Bio de la Sierra-Leone. J’appelle ça du grand art ! Faure a beau être le dictateur sanguinaire qu’on connait, en matière de géostratégie, il a une très grande longueur d’avance sur ses pairs de la sous-région. Il sait simplement où se trouvent les intérêts de son pays.

Le résultat c’est qu’actuellement le port de Cotonou enregistre une baisse drastique de son trafic. Les autorités portuaires de Cotonou ont cru participer à la lutte anti-Niger en décidant unilatéralement de ne plus traiter les marchandises allant à Niamey. Une connerie historique ! Voilà que Faure a décidé de tirer les larrons du feu, raflant toute la mise jusqu’à se positionner dans la médiation à la CEDEAO. Vous allez faire quoi maintenant ? Vous suicider ? Allez-y seulement.

En fait, le Bénin est victime de la décision prise par Talon dès le début de son premier mandat de fermer la plupart des ambassades du Bénin. Seule une petite dizaine a trouvé grâce à ses yeux, là où il a positionné des parents et amis. Tout le reste a été fermé. Par exemple, l’ambassade de Niamey a été fermée, les locaux abandonnés dans un état lamentable. Lorsque le projet de pipeline Niger-Bénin a pris corps, l’on s’est ravisé. L’ex-député Gildas Agonkan a été nommé mais n’a jamais eu le temps de s’installer, avant les événements du 26 juillet dernier. La conséquence immédiate, c’est que le chef de l’Etat n’a pas pu écouter les  avis des diplomates en poste à Niamey sur la situation réelle de nos intérêts là-bas avant de sauter dans le premier avion venu pour aller annoncer au pied de Tinubu fraichement venu au pouvoir, que le Bénin et la CEDEAO feront tout ce qu’il faut pour déloger les putschistes. Je répète que Patrice Talon a un profond mépris pour les diplomates et que même s’ils lui avaient demandé de tempérer ses ardeurs, il les aurait probablement ignorés. Qu’à cela ne tienne, ce qui s’est passé encore hier à Abuja, montre qu’il a en face de lui des chefs d’Etat qui sont de véritables artistes en géostratégie, pendant que le Bénin joue encore à la crèche en cette matière.

Et pourtant, de tous les pays de la CEDEAO, le Bénin est le seulfondé à dire et clamer partout qu’une fermeture des frontières avec le Niger est un danger pour toute son économie. Même en dépit des sanctions de la CEDEAO, le Bénin devrait ouvrir unilatéralement les frontières et se proposer comme médiateur dès qu’il était devenu clair que l’armée française se retirait du Niger. Mieux, qu’est-ce que cela coûte au gouvernement d’organiser les têtes de pont de la communauté nigérienne au Bénin pour aller plaider la cause de notre pays auprès des hommes forts de Niamey ? Avec l’accord de Lomé la semaine dernière, seule la mort de Tiani pourrait faire revenir Niamey au port de Cotonou.

Je ne vois aucune stratégie visible du Bénin dans la crise nigérienne. On se laisse mener en bateau.

Olivier ALLOCHEME

Edito du 13 novembre 2023: Un Rawlings béninois ?

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Trois ans après la disparition de Jerry John Rawlings, l’Afrique s’est souvenue hier de l’homme d’Etat exceptionnel qu’il fut. S’il devait sa réussite à son charisme extraordinaire, l’ancien président ghanéen fut aussi et avant tout un panafricaniste exigeant.

Il fut un temps où l’on comparait Patrice Talon à ce bâtisseur d’avenir. Et il faut dire que les deux ont des méthodes presque similaires. L’un, Rawlings, a passé par les armes des officiers dont trois anciens chefs de l’État  avant d’organiser une purge sévère de l’armée et de la haute fonction publique. L’autre, Talon, a adopté une stratégie plus soft, mais tout aussi redoutable : contraindre à l’exil ou enfermer une bonne partie de l’opposition radicale. Rawlings a osé la lutte contre la corruption, a organisé des déguerpissements (un peu comme Talon), la destruction des débits de boissons, la confiscation des biens mal acquis de nombreuses personnalités et de nombreux entrepreneurs laissant derrière eux des bâtiments inachevés que l’on voit encore à Accra ou à Tema. Beaucoup parmi eux ont dû fuir le pays. Jerry John Rawlings, c’était une discipline militaire  avec l’interdiction formelle des costumes et cravates dans les bureaux, l’obligation faite aux femmes  de porter de pagne sous peine parfois de vindicte populaire. Avec Patrice Talon,  il y a les déguerpissements, la discipline de fer instaurée dans la fonction publique avec l’interdiction (ou presque) des grèves, les syndicalistes mis au pas et surtout un système partisan rigoureusement contrôlé.

Tel que cela se passe actuellement au Bénin, il ne pourra plus y avoir plus de 4 partis politiques représentés au parlement. Les autres peuvent bien animer la vie politique nationale, mais accéder au parlement relève pour eux du rêve. Sauf à se fondre dans les grands partis pour y exister en tant que tendance interne. 

 La grande différence de Rawlings avec Talon, c’est le panafricanisme catégorique affiché par le président défunt. Cité par les panafricanistes comme un modèle, l’ancien président laisse un héritage idéologique qui lui a survécu. Question : Verra-t-on un jour une idéologie estampillée Talon ? J’en doute beaucoup. Interpellé il y a quelques années sur la question, le chef de l’Etat avait sobrement répondu qu’il est pragmatique. Il n’a donc aucune idéologie. Sinon, s’il en avait une, ce serait celle de l’efficacité de la gouvernance. Le président béninois est abonné absent aux grands débats idéologiques africains. Pas de grands idéaux sur la culture africaine, sur l’unité africaine encore moins sur le développement du continent.  Jerry John Rawlings était connu pour être un grand pourfendeur de la CEDEAO, Patrice Talon s’est illustré ces derniers mois par des prises de position en faveur d’actions inqualifiables de la même institution au Niger. L’un a laissé un nom dans les annales de l’histoire africaine, l’autre s’apprête à partir incognito.

                Au fond, entre le pilote militaire impulsif et l’homme d’affaire calculateur froid et rusé, il y a une opposition de styles, mais des résultats économiques similaires. Le Ghana laissé par Rawlings après 19 ans de pouvoir est un pays transformé et redressé. Celui que conduit actuellement Patrice Talon aligne des chiffres macroéconomiques flatteurs, avec un assainissement marqué des finances publiques. Bien sûr, la pauvreté ne recule en rien. Un voile épais d’incertitude frappe le coton. On s’attend à la campagne 2023-2024, à 550.000 tonnes de coton, le plus faible tonnage enregistré depuis sept ans. La chute est, pour ainsi dire, brutale.  

Plus de deux décennies après la fin du régime Rawlings, les conséquences heureuses de son passage à la tête du Ghana ont été vendangées. Nana Akuffo-Ado, l’actuel président ghanéen, multiplie les contreperformances économiques. L’économie ghanéenne est aujourd’hui citée comme de celles qui croulent actuellement sous la dette publique, l’inflation incontrôlable, la corruption et une grave crise monétaire.  Héritage économique plus que jamais en souffrance. Mais il reste que ce militaire singulier aura laissé une conscience nationale ghanéenne plus forte que jamais. Et, selon vous, quel sera le plus bel héritage de Patrice Talon ?   

Olivier ALLOCHEME

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