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Le triomphe de la vérité

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Edito du 17 avril 2023: La tentation rwandaise


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Patrice Talon, on le sait, ne pourra pas vraiment implémenter le modèle rwandais au Bénin. Mais ce n’est pas la tentation qui lui manque. Paul Kagamé qui vient de conclure une visite de deux jours au Bénin, est pourtant le modèle absolu du Chef de l’Etat. Visite régulière de hauts fonctionnaires béninois  et de militaires à Kigali, nomination de hauts fonctionnaires rwandais à Cotonou, présence de rwandais dans sa garde  rapprochée, imitation de l’économie touristique rwandaise, sans oublier la mise en place d’une justice en coupe réglée, lutte féroce contre la corruption au sein de l’administration publique,  le Chef de l’Etat a montré tous les signes d’une quasi soumission au maître de Kigali. Et ce n’est pas pour rien qu’il est l’un des rares chefs d’Etat africains à venir à Cotonou principalement pour des raisons d’amitié.

Pour le moment, l’opposition béninoise n’a pas encore saisi l’occasion pour dénoncer cette visite qui annonce de mauvaises augures. Sur le front démocratique, ce n’est vraiment pas la peine : Paul Kagamé dirige l’un des régimes les plus durs du continent. Son label, ce n’est pas seulement l’emprisonnement des opposants, mais leur assassinat pur et simple. Même l’exil n’est pas un obstacle à sa méthode. Ils sont poursuivis jusqu’à l’étranger, avec des méthodes dignes de James Bond. C’est le cas de Patrick Karegeya et Seif Bamporiki assassinés en Afrique du Sud respectivement en 2014 et 2021. Quant à l’ancien chef d’état-major de l’armée rwandaise et grand rival de Paul Kagamé, Faustin Kayumba Nyamwasa, il a échappé à plusieurs  tentatives d’assassinat.  On n’oubliera pas non plus le cas de l’opposante Diane Rwigara emprisonnée alors qu’elle tentait de se porter candidate contre Kagamé. Les services secrets sont parvenus à obtenir ses photos nues qui ont été distribuées sur les réseaux sociaux et les blogs…L’humiliation suprême.

  Mais ici, si la communauté internationale ferme les yeux sur les actes du maitre de Kigali, c’est essentiellement en raison du contexte de guerre. Le génocide de 1994 a fait plus de 800.000 morts dans le pays. Les tensions interethniques enflammées au Rwanda, ont convaincu les dirigeants du monde qu’il faut une main de fer pour maintenir le pays dans une certaine stabilité. Il s’agit surtout de ne pas envenimer la situation déjà très volatile dans la région des Grands Lacs. La situation rwandaise a allumé une longue guerre en R D Congo, semé des tensions au Burundi, occasionné une crise de réfugiés en Ouganda. Jusqu’aujourd’hui, ce pays est un volcan en ébullition.  Parvenir en dépit de tout à stabiliser le Rwanda post-génocide, revient à user de méthodes non conventionnelles. Et dans ce contexte, la démocratie multipartite constitue un leurre.  

Ce qui attire surtout l’indulgence de tout le monde sur Kagamé, ce sont ses résultats flatteurs dans tous les domaines. Que ce soit au plan économique, éducatif, touristique, technologique, écologique ou même diplomatique,  son leadership est cité en exemple. S’inspirer de ce modèle n’est pas mauvais, lorsqu’on voit la propreté caractéristique de Kigali, l’ordre et la discipline instaurés dans les services publics, la rigueur presque militaire dans la gestion des biens publics, la redevabilité (reddition des comptes) instaurée comme règle au sein de l’administration publique…Le Rwanda est devenu en quelques années un laboratoire de la bonne  gouvernance en Afrique.   Comment dans ces conditions ne pas le prendre en modèle ?

La tentation est en effet forte dans les conditions actuelles où 2026 pointe à l’horizon. Oui, Talon et ses proches le savent très bien. Si jamais l’opposition prend le pouvoir dans trois ans, il faut qu’ils aient les jambes suffisamment rapides pour pouvoir s’exiler. Et donc noyauter toute succession démocratique est la seule solution pour ne pas devoir affronter cette vengeance. Déjà, les échafaudages ont commencé. Avez-vous écouté Vlavonou jeudi dernier parlant de possible révision de la constitution ? Bien sûr, il ne s’agira pas de toucher aux fondamentaux. Mais à l’heure où les dernières élections ont prouvé que la population ne porte pas vraiment le régime dans son cœur, toutes les options sont sur la table pour préparer 2026. Joseph Djogbénou qui était pressenti pour prendre la succession a été laminé dans sa propre circonscription électorale, Romuald Wadagni, Olivier Boco, Johannes Dagnon sont dans les starting-blocks, mais avec chacun ses faiblesses…

Si faire comme Kagamé ne sera pas légalement     possible au Bénin, imposer un successeur  devient presque un impératif.   

Olivier ALLOCHEME

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