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Le triomphe de la vérité

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Emission d’un mandat d’arrêt international contre Vladimir Poutine: Le diplomate Jean Pierre EDON dénonce une « justice à deux vitesses » à la CPI


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Jean-Pierre A. EDON, Ambassadeur, spécialiste des questions internationales vient de réagir sur le mandat d’arrêt international émis par la Cour Pénale Internationale contre  Vladimir Poutine,  le président de la Fédération de  Russie pour crime de guerre en Ukraine. Dans une analyse,  le diplomate béninois  a essayé d’évoquer quelques cas d’injustice internationale parmi tant d’autres, ce qui, selon lui  donne l’impression d’une justice à géométrie variable ou d’une justice à deux vitesses. «Ceci interpelle la communauté internationale, notamment l’ONU et les puissances occidentales » dit-il. Lire ci-après l’intégralité de son analyse.

LA COUR PENALE INTERNATIONALE ET LA JUSTICE A DEUX VITESSES

Le vendredi 17 Mars 2023 a été rendue publique la condamnation du président Poutine par la CPI pour crimes de guerre en Ukraine. Un mandat d’arrêt international a été alors émis contre lui. Comment en est-on arrivé à ce verdict et quelle est sa valeur par rapport à un citoyen russe dont le pays n’a pas ratifié le traité et ne reconnait pas la compétence. Mieux la commission de crimes de guerre est-elle uniquement propre à la crise en Ukraine ?

 Rôle de la CPI et les appréciations diverses de sa décision

Créée le 17 juillet 1998, la CPI est devenue fonctionnelle le 1e juillet 2002 avec l’entrée en vigueur de son traité. C’est un tribunalinternational permanent fondé pour mener des enquêtes, engager des poursuites et juger les personnes accusées d’avoir commis les crimes qui touchent à l’ensemble de la communauté internationale : le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre, les crimes d’agression. Entité indépendante, la CPI juge les affaires criminelles relevant de sa compétence sans avoir besoin d’un mandat spécial de l’ONU.

C’est donc cette institution qui vient d’accuser le président russe d’avoir commis des crimes de guerre en Ukraine, notamment par la déportation illégale des enfants ukrainiens vers la Russie. Comme il fallait s’y attendre, cette décision a suscité des réactions diverses et controversées de par le monde.

Pour les Etats-Unis qui n’est pas partie au traité de Rome créant la CPI, ce mandat d’arrêt est justifié car «la Russie a commis des crimes de guerre et des atrocités en Ukraine ».  Pourtant les Etats-Unis ne reconnaissent pas la compétence de la CPI et n’accepte pas qu’elle juge ses citoyens. En 2020 le président Trump avait menacé de sanctions les membres de ce tribunal qui tenteraient de juger les militaires américains accusés d’exactions en Afghanistan.

Par contre Moscou estime que ce mandat d’arrêt n’a aucune valeur juridique, ce que Monsieur DmitriPeskov, porte-parole du président russe a exprimé comme suit : « La Russie comme un certain nombre d’Etats, ne reconnait pas la compétence de ce tribunal. Par conséquent, du point de vue de la loi, les décisions de ce tribunal sont nulles et non-avenues ».

Avec ces positions contrastées, commence une guerre juridique avec des développements et implications imprévisibles. Voilà que la Russie n’est pas un petit pays aux moyens militaires faibles où l’on peut se permettre d’aller enlever par la force un citoyen pour le présenter devant ce tribunal.

A ce niveau se pose la question de savoir si toutes les guerres ont fait l’objet d’enquêtes par la CPI pour déterminer les crimes commis, en dehors de quelques cas africains et des génocidaires rwandais ? Qu’avait-il fait, ce tribunal international au cours des récentes guerres auxquelles le monde a assisté ?

La CPI face à certaines guerres du passé et d’autres cas de crimes

En guise de réponse à cette question, l’animateur sur RFI Monsieur Claudy SIAR s’interroge sur ce qu’il appelle ‘’ cette justice à géométrie variable’’. Il dit attendre alors un mandat d’arrêt contre George Bush et Tony Blair. Il en est de même des dirigeants occidentaux au pouvoir en 2011.

Il s’agit en effet, de l’implication de ces personnalités dans la guerre en Irak en Lybie et Syrie. Dans ces récents conflits armés, peut-on croire qu’il n’y a pas eu de crimes, alors qu’en dehors des bombardements des populations innocentes, les chefs des Etats irakien et libyen, ont trouvé la mort provoquée et délibérée dans des conditions atroces et inhumaines. Pourtant il était possible de leur sauver la vie et les traduire en justice en bonne et due forme, au besoin.Pourtant à ce jour aucune enquête n’a été diligentée.

Mieux, tout près de nous au Moyen-Orient, des crimes de guerre sont commis tous les jours contre le peuple palestinien avec un silence incroyable de ce tribunal international. Il en est de même des milliers de Rohingyas maltraités par les colonels birmans, sauvagement et violemment chassés de leur pays, il y a environ quatre ans.

Pour tous ces cas et d’autres comme au Kosovo, Afghanistan, Yémen, Liban, Soudan du Sud, Haïti où les gangsters font actuellement leur loi de terreur etc…, la CPI est restée muette et immobile, comme si de rien n’était.

Par ailleurs, dans des affrontements violents entre deux armées, des actes criminels sont courants de la part des forces armées au combat. Aussi peut-on affirmer avec certitude que des soldats russes capturés par l’armée ukrainienne, n’ont subi aucun traitement inhumain et dégradant ? Et qu’en dit la CPI ?

La vérité est qu’il n’y a pas de guerre sans crimes. Le droit humanitaire appliqué aux conflits armés, ne saurait empêcher complètement les crimes ; mais il a le mérite d’en atténuer l’ampleur lorsqu’il est respecté. L’histoire nous apprend que l’usage de la force au cours des conflits armés au XX et XXIe siècles, y compris les conquêtes coloniales, étaient émaillées de crimes dont on ne parle pas.

La seule manière d’empêcher les crimes de guerre, est d’éviter le déclenchement des conflits armés et privilégier le dialogue. Une fois que le combat est ouvert, personne, ni aucune institution ne peut maitriser tous ses contours liés aux atrocités et aux actes inhumains, violant les droits de l’homme.C’est alors que deviennent importantes les initiatives relatives à la prévention des conflits et le rejet de l’usage de la force.

Le rejet de l’usage de la force et les motifs de l’invasion

Il est vrai que la charte des Nations-Unies appuyée par d’autres instruments internationaux rejette et condamne l’usage de la force dans les rapports entre Etats. De ce point de vue l’attaque russe du 24 Février 2022, viole le droit international et ne saurait par conséquent être soutenue. Mais s’est-on accordé un instant de réflexion pour analyser les raisons évoquées par la Russie ?

Parmi elles, deux retiennent particulièrement l’attention à savoir le massacre de plus de 10.000 ukrainiens russophones en 2014, ainsi que l’expansion vers l’Est de l’OTAN, en s’approchant lentement et surement des frontières de la Russie, ce qui pose un problème de sécurité.

Le protocole et les accords de Minsk qui ont calmé le massacre des populations russes dans le Donbass en 2014 devaient être suivis par l’Allemagne et la France. Voilà qu’au cours du dernier trimestre 2022, on apprend de la part d’une personnalité européenne et pas des moindres, qu’en réalité, ces accords permettaient à l’Ukraine de gagner du temps pour s’armer. Effectivement certaines sources non confirmées ont fait état de ce qu’après2014, des pays européens auraient vendu beaucoup d’armes à l’Ukraine.

Quant à l’alliance militaire occidentale, a-t-elle respecté l’engagement pris en présence de Gorbatchev en 1991 que l’OTAN ne s’étendra pas aux pays de l’Est qui demeurent la zone d’influence de la Russie ?

La justice voudrait qu’en même temps qu’on condamne l’invasion russe, on prête aussi attention aux raisons évoquées par l’envahisseur. Toute négociation qui n’en tiendrait pas compte sera d’office vouée à l’échec.

Tout se passe aujourd’hui comme si la Russie est par nature, un pays belliqueux qui se plait à attaquer sans raisons valables et par plaisir, un pays voisin. Or l’injustice internationale, l’hypocrisie, la parole non-tenue, la volonté de puissance et de domination, sont à l’origine de ce qu’on déplore en Ukraine depuis un an.

Un autre acte d’injustice remarquable, est relatif à l’assistance massive économique et militaire des pays occidentaux à l’Ukraine. C’est une bonne chose de venir en aide à un pays en difficulté, mais il est incompréhensible que ces mêmes puissances donatrices s’opposent radicalement à tout secours d’un pays tiers à la Russie. C’est le cas du tollé général soulevé par la prétendue livraison à Moscou des drones iraniens.

La présente analyse a essayé d’évoquer quelques cas d’injustice internationale parmi tant d’autres, ce qui donne l’impression d’une justice à géométrie variable ou d’une justice à deux vitesses. Ceci interpelle la communauté internationale, notamment l’ONU et les puissances occidentales.

Le rôle attendu des membres permanentsdu conseil de sécurité, de l’Europe et une formule de paix

Il urge alors que les pays membres permanents du conseil de sécurité de l’ONU sacrifient un petit brin de leurs intérêts au profit de la paix et de la sécurité dans le monde sur un fond de justice absolue applicable à tous les pays sans discrimination.

A l’avenir il faudrait tout mettre en œuvre pour éviter les conflits armés, au lieu d’attendre leur déclenchement pour accuser les uns et les autres d’avoir commis des crimes. Aucun verdict de la CPI ne saurait réparer les dégâts humains causés par la guerre, les morts ne pouvant plus revenir à la vie.

L’Europe qui a été le champ de bataille des deux guerres mondiales et celle actuellement en cours, a un rôle important à jouer, celui de médiateur pour la fin de cette guerre et la restauration de la paix. Son alignement systématique sur les Etats-Unis n’est pas la bonne formule, surtout que ce conflit lui coûte plus cher qu’à Washington, sur le plan économique et social.

Rien n’est encore tard, des initiatives européennes sont encore possibles et opportunes. L’idéal serait de prendre des dispositions de nature à sauver la face aux parties en conflit, de manière qu’il n’y ait ni perdant, ni gagnant. Une formule de ni défaite, ni victoire pourrait favoriser la fin rapide des hostilités et la restauration de la paix.

 Cela pourrait se faire par l’instauration d’un long cessez-le feu durant lequel seront entamées les négociations. Tant que le conflit dure et s’enlise, il y aura inévitablement des crimes de guerre, un fléau inhérent à la nature de tout conflit armé.Mettre la CPI aux trousses de Vladimir Poutine n’arrange rien, complique une situation déjà difficileet ressemble plutôt à une fuite en avant, un signe de désespoir.

Jean-Pierre A. EDON

Ambassadeur, spécialiste des questions internationales.

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