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Le triomphe de la vérité

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Eglise protestante méthodiste du Bénin: Paulin Hountondji avertit sur la crise supposée ‘’résolue’’ à l’EPMB


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Dans  une   publication, le Professeur Paulin Hountondji est revenu sur la crise qui a secoué depuis plusieurs années l’Eglise protestante méthodiste du Bénin. Titrée « Une Eglise dévoyée ? Ce que les fidèles attendent de l’Etat », l’universitaire a présenté dans cette réflexion, le bien-fondé de ce conflit ayant opposé les fidèles d’une même communauté et rappelle que « Dieu ne saurait cautionner le mensonge et la supercherie ». A en croire le Professeur Paulin Hountondji, cette crise dans laquelle, le Chef de l’Etat était obligé de s’impliquer personnellement suite aux nombreuses sollicitations, est loin d’être résolue. Car, dit-il, « la tricherie a payé, et on croit qu’elle paiera toujours. Mais les vaincus d’aujourd’hui sont capables de surprendre ».

Professeur Paulin Hountondji

 Une Eglise dévoyée ?

Ce que les fidèles attendent de l’Etat

Par Paulin HOUNTONDJI

De quoi je me mêle ?

L’Etat doit s’abstenir. Le Pouvoir doit apprendre à ne pas se mêler de ce qui ne le regarde pas. On imagine mal une autorité politique s’immiscer dans les affaires intérieures d’un ménage en prétendant dicter le menu du jour et en ordonnant par exemple : aujourd’hui vous mangerez du manioc et non de l’igname, demain la patate douce, après-demain du riz, etc. La maîtresse de maison aurait raison de dire à l’autorité : « ô grand chef, de quoi je me mêle ? »[1]

Il en est de même dans les groupements religieux. La maîtresse de maison, ici, c’est la communauté des fidèles. Il peut arriver qu’un chef religieux trahisse ses engagements et oublie sa mission, ou qu’il fasse le contraire de ce qu’il avait promis au départ. Il peut arriver qu’il détourne les deniers du culte, qu’il s’illustre par son immoralité ou par une pratique éhontée du clientélisme et de la corruption. Il peut arriver que pour ces raisons ou d’autres encore, il soit rejeté par la communauté. Le pouvoir politique aurait tort de le soutenir contre vents et marées et de vouloir l’imposer.

Or, c’est exactement ce qui vient de se passer à l’Eglise protestante méthodiste du Bénin (EPMB). Un puissant mouvement de fond s’était formé pour balayer un chef d’Eglise qui se faisait appeler « Eminence », mais qui s’était illustré par toutes sortes d’indélicatesses : détournement des deniers du culte, saignement à blanc des institutions comme les établissements scolaires ou l’hôpital protestant « le bon Samaritain » (HPBS), opacité totale dans la gestion des fonds mis à sa disposition (réfection de Wesley House, apurement des montants dus à la CNSS, subvention destinée à « Radio Hosanna », etc.), tribalisme, clientélisme et favoritisme dans les recrutements, les nominations, les affectations, et pour couronner le tout, une solide réputation d’inconduite sexuelle. Ce mouvement s’était donné pour nom « La Sentinelle ». Initié par des ténors de l’ex-EPMB-Conférence (EPMB-C), il avait vite conquis toute l’Eglise. Les anciens ténors nous ont dit en substance : « C’est nous qui l’avons fait élire. Mais il nous a fait tellement honte que nous allons nous-mêmes le débarquer. Tenez-vous tranquilles et laissez-nous faire ». La jonction était ainsi faite avec le noyau dur de l’ex-EPMB stricto sensu, baptisée par ses anciens adversaires « EPMB-Synode »

La Sentinelle avait demandé audience à « Son Eminence » pour l’entendre elle-même s’expliquer sur les nombreuses accusations portées contre elle et véhiculées par une rumeur de plus en plus ample. L’audience a été accordée sans délai. Rendez-vous a été pris pour quatre « séances de travail » au cours desquelles son « Eminence », entourée de ses amis et de quelques-uns de ses bailleurs de fond, a tenté tant bien que mal, mais plutôt mal que bien, de se disculper. Les conclusions de ces séances ont été consignées dans un rapport conjoint, paraphé et signé par deux rapporteurs dont l’un était désigné par son « Eminence » et l’autre par la Sentinelle. Ce rapport existe, bien qu’il n’ait pas été diffusé jusqu’ici.

De leur côté, un certain nombre de pasteurs honnêtes et courageux avaient initié une action tendant à attraire devant un conseil de discipline leur « éminent » confrère, conformément aux statuts et au règlement intérieur de l’Eglise. Leur lettre était un véritable réquisitoire, d’une clarté et d’une précision exemplaires. Elle a été traitée avec dédain par « son Eminence ». Mais elle existe toujours, et elle est toujours d’actualité.

  • Le Patron du pays

C’est à ce point précis qu’intervient, au dernier trimestre 2022, le Patron du pays. Il reçoit coup sur coup dans sa résidence, d’abord son « Eminence », puis son « Eminence » entourée de ses prédécesseurs, anciens présidents de l’Eglise, puis les membres de l’ancien « organe transitoire de gestion » (OTG), puis le bureau du conseil du synode dit biennal, puis une délégation de la Sentinelle en présence de ce beau monde.

Les réunions se multiplient, mais de l’une à l’autre, le discours change. La demande était au départ : ne le destituez pas, laissez-le terminer son mandat, mais obtenez de lui qu’il ne soit pas candidat à sa propre succession. Puis, à l’étape suivante : j’ai reçu l’intéressé, il tient à être candidat. Qu’allez-vous faire ? Vous ne pouvez pas l’en empêcher ! Puis : s’il est élu, qu’allez-vous faire ? La solution-miracle est aussitôt trouvée : la mise en place d’un « comité ad hoc de veille » chargé de l’encadrer et de le contrôler, et qui serait une garantie contre les abus qui lui sont reprochés. Après les élections, s’il arrivait qu’il soit élu, ce comité ad hoc se transformerait en conseil de veille et d’éthique.

De concession en concession, nous nous sommes laissé berner. Les plus avisés d’entre nous avaient beau prévenir : vous ne pouvez prétendre encadrer et contrôler un homme qui a montré par une longue pratique qu’il ne se laissait ni encadrer, ni contrôler. Rien n’y fit : le Patron du pays avait parlé et on n’avait pas le choix. La composition même du comité ad hoc était hétéroclite : trois de ses sept membres étaient des partisans inconditionnels de « son Eminence ». Et ça n’a pas raté. Sitôt ce comité installé en grande pompe, le 7 janvier 2023, au temple « Béthanie » d’Akpakpa, « son Eminence » prend la route, sans consulter ni même informer ledit comité, pour sillonner les 19 régions synodales, s’arroger la présidence des synodes régionaux et procéder lui-même à une première identification des délégués des régions au synode qui se préparait.

Qu’à cela ne tienne ! Le comité resté sur place se met au travail avec optimisme et détermination, en liaison avec son président, le pasteur Nicodème ALAGBADA qui avait rejoint son poste à Yaoundé. Un code électoral est élaboré. Une souscription est lancée à la Sentinelle pour financer les premières actions urgentes du comité ad hoc, notamment une tournée que l’on jugeait indispensable dans les régions synodales pour laisser celles-ci former librement des délégations véritablement représentatives. ALAGBADA revient de Yaoundé. Nouvelle réunion à la résidence du Patron. C’est là que le ton change :

  • Une tournée dans les régions, ce n’est pas dans votre mandat. Jetez-moi ce code électoral, ce n’est pas non plus dans votre mandat.

C‘était la ruse jusque-là. C’est désormais la rage, pour reprendre la belle expression d’un porte-parole du régime, qui annonçait dès 2017 que le pays serait gouverné par la ruse et la rage.

  •  Et puis, ne suscitez pas d’autres candidatures, il faut qu’il soit candidat unique.
  • Non, Patron, ça ne se passe pas ainsi chez nous. La session pastorale recense tous les pasteurs éligibles et en dégage au moins deux qui sont proposés au vote de la session plénière.

Mais le masque était tombé et les choses étaient claires. Son « Eminence » elle-même n’en espérait pas tant. Elle s’était crue obligée de signer le 5 janvier 2023, pour sauver la face, une décision dans laquelle elle précisait les attributions du comité ad hoc, deux jours avant de l’installer elle-même. Et voilà que le Chef lui-même dépouillait allègrement ce comité de ses attributions.

  • Un synode pour rien ?

La suite, c’est ce que nous venons de vivre au dernier synode tenu à Cotonou du 28 février au 4 mars 2023.

D’abord, la session pastorale lui était acquise. Les pasteurs recrutés en grand nombre depuis son installation en juillet 2017 et formés à la hâte dans l’Institut de théologie de Dowa, banlieue de Porto-Novo, institut où il fait lui-même la  pluie et le beau temps, quelques-uns parmi eux sont bons, c’est sûr, mais beaucoup doivent tout au Pasteur Amos Kponjesu HOUNSA. Il n’est pas sûr qu’ils aient tous la vocation ni le niveau d’instruction nécessaire, et il a pris soin de les emmurer dans divers logements confortables pendant tout le synode, empêchant tout contact véritable entre ces ouailles innocentes et le reste du corps pastoral. Il n’est donc pas étonnant qu’il ait été élu à une majorité écrasante (103 voix sur 198 votants) à la session pastorale. Un code électoral équilibré nous aurait épargné cette tragi-comédie.

Pareil pour la session plénière dite « session représentative ». Le moyen le plus sûr de gagner une élection est de composer soi-même la liste électorale. C’est ce qui vient de se passer. Il était prévu que le comité ad hoc contrôlerait la procédure. Son « Eminence » elle-même l’avait écrit dans sa décision n° 1 du 5 janvier 2023. Mais il n’en a rien été. Son « Eminence » avait fait campagne du nord au sud et de l’est à l’ouest en distribuant de l’argent, en corrompant sans vergogne comme pour sa première élection en 2017. Et comme elle est remarquablement astucieuse, elle avait tiré leçon du passé. Un pasteur méticuleux avait dénoncé la fraude électorale en 2017  en montrant qu’il y avait eu plus de votants que d’inscrits. Cette fois, son « Eminence » ne se laissera pas prendre. Aucune liste n’est publiée à l’avance. Elle est seule à savoir qui doit voter, ayant gardé par devers elle la liste des électeurs et modifiant cette liste jour après jour, dans le plus grand secret.

La question lui a été posée au synode : le comité ad hoc a-t-il été associé à la procédure ? Après avoir esquivé la question une première fois, son « Eminence » finit par répondre : « oui, puisque nous avons tenu quatre réunions ». Mensonge insoutenable. Le comité ad hoc avait reçu la liste le lundi 7 février, veille de la session pastorale, et s’était bien gardé de la valider. Cette liste n’était même pas définitive, puisque de nouveaux badges ont été distribués la veille de l’élection. Mais comme son « Eminence » présidait le synode, la parole a été refusée à toute personne susceptible de la contredire.

Qu’on ne s’étonne donc pas que ce chef décrié pour son immoralité ait été réélu par 295 voix sur 442. La suite allait de soi. Le même secrétaire général a été réélu, et le même vice-président laïc. La même équipe est aux commandes pour cinq ans, peut-être pour six ans.

Un synode pour rien, est-on tenté de dire. Pas tout à fait exact. Un semblant de synode pour consolider, à la tête de l’église, le pouvoir du mensonge et de la corruption. La ruse et la rage faisant irruption en un lieu où l’on est censé cultiver le sens du bien et du mal et s’exercer à faire le bien plutôt que le mal, un lieu censé être le sanctuaire des valeurs.

La session pastorale aura été particulièrement houleuse. Un groupe de 25 pasteurs parmi les plus anciens jouissant d’une solide réputation d’intégrité avait rédigé un mémorandum qu’il voulait faire lire en début de session comme préalable au démarrage des travaux. Il s’est heurté à l’opposition farouche de 4 ou 5 jeunes loups, soutiens inconditionnels du président sortant, qui étaient prêts à en découdre avec ces sages. Voulant calmer le jeu, deux des trois anciens présidents présents auraient demandé que cette lecture soit renvoyée à la fin des travaux, ce qui revenait, en fait, à prendre le parti des jeunes loups.

Pauvre Nicodème ALAGBADA ! Le défunt président confiait à ses proches, nous dit-on, qu’on ne se servirait pas de lui pour asseoir, à l’Eglise, le « culte de la personnalité » et qu’il préférait, tant qu’à faire, que son Seigneur le rappelle. Le Seigneur l’a rappelé le 6 février 2023. Perte immense ! Mais il est clair qu’un homme de cette droiture aurait difficilement supporté ce spectacle de la honte. Ancien président de l’EPMB, puis de l’Organe transitoire de gestion (OTG), président de cet organe trompe-l’œil, le comité ad hoc inventé pour la circonstance et qui venait d’être dépouillé de ses attributions, il annonçait à ses proches le soir du 1er février, veille de son retour au Cameroun, qu’il ne viendrait pas au synode. Après son brusque décès et par respect pour sa mémoire, la famille, voulant faire son deuil avec le maximum de sérénité, a écrit à son « Eminence » pour lui « interdire » (sic) de se présenter aux obsèques prévues pour le 26 février 2023 à Takon. Pensez-vous que son « Eminence » ait respecté cet interdit ? Que non ! Se sachant protégée, elle se croit au-dessus des familles endeuillées.

Mais est-elle au-dessus de Dieu ? Le dernier mot n’est pas dit. Une nouvelle crise est ouverte, plus sévère que la précédente. Entre l’église officielle et l’Eglise réelle, le fossé se creuse jour après jour. L’église officielle est une église aux ordres, une église dévoyée, détournée de son droit chemin, conduite par un homme qui, dès avant sa première élection en 2017, avait déjà, au dire d’un synodal, «  la réputation d’être un grand voyou ». Dans le camp des vainqueurs, comme on pouvait s’y attendre, c’est l’euphorie. La tricherie a payé, et on croit qu’elle paiera toujours.

Mais les vaincus d’aujourd’hui sont capables de surprendre. Certains, las de se battre, se sont vite résignés, arguant que la « fumée blanche » est sortie et que c’était la volonté de Dieu. Ils oublient que le pape n’est jamais élu dans ces conditions. Ils oublient surtout que Dieu ne saurait cautionner le mensonge et la supercherie. Les autres, cependant, restent fermes. Ce n’est pas une minorité agissante, c’est cette majorité difficilement corruptible qui croit encore que le bien vaut mieux que le mal et qui, au-delà des élucubrations savantes, au-delà des pressions de toutes sortes,, choisit d’écouter, en silence, la voix de la conscience.


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