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Le triomphe de la vérité

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Edito: La société du spectacle


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Et puis le scandale n’est pas celui des filles cacavores à Doubaï. Il y a longtemps que ces pratiques sont connues. On savait bien que beaucoup  y vont à des fins de prostitution. Je ne mettrai jamais tout le monde dans le même sac. Il y a beaucoup de femmes qui vont à Doubaï pour acheter des produits qui sont revendus sur nos marchés. On les rencontre sur les vols, souvent en classe économique, entre la Turquie, le Brésil et la Chine, ces économies émergentes dont l’essor industriel permet d’avoir des marchandises bon marché de qualité relativement acceptable. Il y en a. Il y a dans ce Bénin beaucoup de femmes qui sont dans le commerce international, mais qui n’ont jamais eu les pratiques scatophiles aujourd’hui décriées.  Pour faire ces affaires, Doubaï est l’une des meilleures places commerciales au monde. J’y ai personnellement un ami qui y travaille depuis plusieurs années dans une multinationale, et qui n’est pas milliardaire (soit dit en passant). Et ces pratiques ne sont pas l’apanage des seules filles africaines. Il y en a qui sont américaines, françaises, philippines, brésiliennes ou vénézuéliennes. Nos filles n’ont pas le monopole du dégoûtant. Mais le scandale, c’est bien le but de tout cela : l’argent facile, le luxe à tout prix, le voyeurisme de marché.

L’étalage du luxe et du clinquant est l’une des maladies de nos sociétés.  Nous vivons dans un monde où il ne suffit plus de posséder. Il faut encore montrer que l’on possède. Le paraitre est plus important que l’être. A l’ère des réseaux sociaux, dans la tête de la plupart des jeunes, vivre c’est se fabriquer une identité numérique. Le personal branding comme on dit, c’est-à-dire cette culture de soi et de son image que l’on donne sur les médias. L’écrivain français Guy Debord l’a appelé la société du spectacle,  une société dans laquelle a lieu « une     immense            accumulation    de spectacles». Le but de cette société de la monstration est le spectacle.

Consommer des matières fécales pour montrer les iPhone de dernière génération sur les réseaux sociaux, se prostituer avec des chiens pour pouvoir prendre de belles photos dans les jolis palaces de Doubaï, se faire uriner dessus dans les toilettes pour s’acheter des voitures, pavoiser dans les boutiques et restaurants de classe. Cette société du spectacle est la survivance hyperbolique de ce qui prédomine partout en réalité. Elle aime frapper les esprits faibles pour montrer qu’on a réussi. Vous n’existez pas si vous n’avez pas enterré vos parents (père et mère par exemple) avec le plus de panache que possible. On ne fera pas attention à  vous si à la messe ou à la mosquée, vos vêtements ne respirent pas le luxe. Peu de gens vous prendront au sérieux si votre voiture n’est pas d’un certain standing. C’est ce qui montre que vous existez, que vous avez réussi. Les jeunes ont internalisé ces pratiques jusqu’à l’extrême, jusqu’à la caricature. Ils préfèrent mourir à Doubaï, à Koweït City ou à Beyrouth que de vivre la petite vie à laquelle les prédispose notre misère d’ici.

Il faut quand même dire que la plupart des milliardaires béninois ne sont pas sur les réseaux sociaux. Il y a une dizaine d’années, lorsque l’affaire Talon s’était déclenchée, aucun média n’avait sa photo. Et pourtant, Patrice Talon était déjà à l’époque, et depuis plusieurs années, l’homme le plus riche du pays. On a compris qu’il fait un culte de la discrétion, aussi bien de ses affaires que de lui-même et de sa famille. L’argent n’aime pas le bruit. Et les jeunes esprits qui papotent à longueur de journée sur les réseaux sociaux ont de la peine à le comprendre.

 Société du spectacle, société de névrose, maladivement livrée au virus du paraitre. Nous y sommes désormais et rien ne semble pouvoir l’arrêter. Un confrère me le disait encore hier : « ça ne fait que commencer ! » A y voir de près en effet, nous ne sommes qu’à l’aube de ces tendances. Le creusement inexorable des inégalités dans notre société va aggraver la folie de ceux qui se sentent frustrés et humiliés en permanence. C’est eux qui sont prêts à tous les excès pour prendre leur revanche sur le destin.  Face à cela, que faut-il faire ? Je connais une fille de pasteur qui est prostituée et droguée. L’éducation seule ne suffira plus. Il faudra que les pouvoirs publics s’interposent pour arrêter la saignée, pour obliger notre société à la sobriété.

Par Olivier ALLOCHEME

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