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Le triomphe de la vérité

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Europe de l’est: Jean-Pierre Edon parle de la réelle cause de la guerre Russie-Ukraine


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L’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN représente-t-elle une menace pour la Russie, restée pourtant muette face à l’intégration massive de plusieurs pays depuis 1991 ? Quel est le sens réel de ce conflit qui oppose la Russie à l’Ukraine ? Comment ces deux nations historiquement liées sont-elles parvenues en 2022 à un conflit sans fin ? Voilà autant de questions élucidées par l’Ambassadeur Jean-Pierre Edon. Dans sa seconde page sur la guerre russo-ukrainienne, le spécialiste des questions internationales explique les raisons de la résurgence tardive de Moscou et ses ambitions, à travers cette invasion, de détruire l’arsenal militaire de l’Ukraine de même que ses laboratoires d’armes biologiques, en vue d’obtenir d’elle la neutralité par rapport à l’OTAN dont elle ne doit pas être membre ; soutenir les Républiques séparatistes du Donbass dont elle vient de reconnaitre l’indépendance ; défaire le pouvoir politique du président Zelenski, considéré comme issu des suites du coup de force de Maidan de 2013 plus ou moins organisé par les Occidentaux. Fidèle à son vœu d’un cessez-le-feu, l’Ambassadeur Jean-Pierre Edon pense que la complication inutile de cette guerre par l’intervention des co-belligérants n’arrangera rien, et ne garantit pas la victoire de la partie soutenue par l’Ouest. « Au contraire elle pourrait étendre le champ de bataille sur d’autres pays européens, et personne ne saura prévoir la suite, car le pire peut se produire, ce qui ne sera à l’avantage d’aucune des parties en présence. A ce stade la Chine qui se sent déjà indexée réagira… », fait-il savoir.

Analyse, signification et implications de la crise ukrainienne

Notre dernière analyse de la guerre en Ukraine a suscité une interrogation : il s’agit de la question de savoir pourquoi l’adhésion à l’OTAN de plusieurs anciens pays de l’Est depuis 1991 n’a provoqué en son temps aucune réaction de la Russie, et c’est en 2022 au moment où l’Ukraine s’apprête à le faire que Moscou s’y oppose avec fermeté et violence ? Et quel est le sens réel de ce conflit ?
Le silence de Moscou auparavant s’explique par sa faiblesse militaire et économique pendant ces périodes et aussi le fait que les liens historiques des deux pays frères revêtent un caractère spécial.
En effet la chute du rideau de fer en Novembre 1989 et l’effondrement de l’Union Soviétique en 1991, ont rendu le pays humilié et faible. L’économie était fragilisée, les populations peinaient à joindre les deux bouts. Plus personne ne respecte les Russes dont le président Boris Eltsine, successeur de Gorbatchev, est un alcoolique reconnu. La Fédération de la Russie est devenue presque un non-Etat.
Les industries passèrent entre les mains des gens sans scrupule et la population crevait pratiquement de faim. L’armée rouge n’était plus que l’ombre d’elle-même, après avoir évacué la totalité de l’Europe Orientale anciennement occupée. La grande Russie était à terre et les Américains ainsi que leurs alliés la frappaient du pied. Aucune aide financière ne fut faite. Le plan Marshall promis à Gorbatchev n’a plus eu lieu.
La deuxième raison est la spécificité historique de l’Ukraine pour Moscou. La Russie fut créée à Kiev au IXe siècle après les invasions des mongoles. On parla alors d’abord de « Russie Kievienne » pendant des siècles avant de parler de « Russie moscovite ». Un Ukrainien est chez lui en Russie et vice versa. C’est un fait indéniable dont Poutine comme tout Russe pénétré de patriotisme est convaincu. Ce sentiment d’attachement du peuple russe à l’Ukraine, est très fort en Russie, mais très peu perceptible en Occident.
Vu de Moscou, Kiev n’est pas une capitale nationale, mais plutôt la capitale de la première Russie et celle d’une sorte d’Etat-province intrinsèquement liée à elle. De ce point de vue l’Ukraine n’est pas comparable aux autres pays de l’Est. Elle constitue la ligne rouge à ne pas franchir par l’Occident.
Profitant de l’état de faiblesse extrême de la Russie de 1991 à 2000, les alliés occidentaux ne tinrent pas parole, et non contents de leur victoire due à l’effondrement de l’URSS, ils allèrent jusqu’à humilier gravement leur ancien adversaire et en quelques années presque tous ces pays de l’Est, rejoignent l’Alliance Atlantique. A ce sujet, Monsieur Robert Gates, ancien directeur adjoint de la CIA à l’époque disait : « A une époque de grande humiliation et de difficultés pour la Russie, continuer l’expansion de l’OTAN vers l’Est, alors que l’on a amené Gorbatchev et d’autres à croire que cela n’arrivera pas, a globalement aggravé les relations entre les USA et la Russie… »
Il faut reconnaitre que la dislocation de l’Union Soviétique fut vécue par tous les patriotes soviétiques qui pour la plupart n’étaient en fait que des patriotes russes, comme la plus grande catastrophe du siècle. La deuxième puissance mondiale, militairement et diplomatiquement parlant, était rayée de la mappemonde et ne comptait plus sur l’échiquier mondial. Cela a créé un sentiment de revanche qui se manifeste aujourd’hui en Russie, et qu’incarne bel et bien le Président Poutine, nostalgique du passé glorieux de l’URSS dont il est un pur produit.
C’est dans ces conditions difficiles d’une Russie affaiblie, désorganisée, qu’en 2000, Vladimir Poutine, ancien officier du KGB accéda au pouvoir en succédant à Boris Eltsine. Ce dernier a failli être victime entre temps, d’une tentative de coup de force d’une partie de la garnison de Moscou, excédée par la faiblesse de l’Etat et sa corruption, et aussi par l’incapacité du premier Russe à diriger correctement le pays dont l’image était ternie.
Avec Poutine, les anciens membres des « organes de force » de l’ex-URSS prirent donc en main les destinées du pays. Il s’en est suivi une remise en ordre lente mais méthodique, menée sans pitié pour certains oligarques qui s’étaient visiblement enrichis au détriment du bien public.
Malgré les finances encore précaires, mais s’appuyant sur ses grandes ressources en gaz, pétrole et métaux rares, la Russie, après la remise en ordre de ses forces armées, commença à mettre en œuvre un ambitieux programme de réarmement. Une nouvelle classe de sous-marins nucléaires lanceurs d’engins fut mise au point, de même que des avions de combat de cinquième génération. Les forces terrestres équipées de matériels de haute qualité et innovants, sont en état d’ordre. C’est le cas du système de défense anti-aérien S-400, actuellement sans équivalent dans le monde.
Tout ceci a permis à Poutine d’avertir le monde en 2007 en disant dans un discours solennel, que la Russie avait terminé de reculer et qu’il faudrait de nouveau compter avec elle. Il l’a effectivement prouvé en 2015 en Syrie lorsque par la puissance de ses missiles et avions, il a renversé en quelques jours la situation à Damas et sauvé le président Bachar al-Assad dont le régime était à bout de souffle. Le monde en fut stupéfait.
En attaquant l’Ukraine qu’elle n’a pas l’intention d’occuper, la Russie vise les objectifs suivants :
Détruire l’arsenal militaire de l’Ukraine, de même que ses laboratoires d’armes biologiques, en vue d’obtenir d’elle la neutralité par rapport à l’OTAN dont elle ne doit pas être membre.
Soutenir les Républiques séparatistes du Donbass dont elle vient de reconnaitre l’indépendance.
Défaire le pouvoir politique du président Zelenski, considéré comme issu des suites du coup de force de Maidan de 2013 plus ou moins organisé par les Occidentaux.
Dans ce cadre, il veut procéder à une dénazification de l’appareil politique de Kiev, car certains activistes proches de Zelenski se réclameraient de «l’extrême droite à sympathies nazies». Cette nazification du pays constitue un danger pour la Russie qui tient les Occidentaux responsables de ce fléau socio-politique et fasciste qu’on croyait enterré avec la fin d’Hitler et la victoire des alliés pendant la deuxième guerre mondiale.
Cette situation inspirée de la puissance de domination, amène les Autorités russes à perdre confiance aux pays occidentaux, qui progressivement et avec fermeté, influencent gravement les dirigeants naïfs de Kiev. Moscou a toujours dénoncé l’hypocrisie de l’Ouest qui, à plusieurs reprises, a procédé par deux poids deux mesures.
En effet en 1999, l’OTAN est intervenue au Kossovo sans l’accord des Nations-Unies. En 2011 ce fut le cas de la Lybie autorisé par le conseil de sécurité certes, mais juste pour protéger la population qu’on prétendait maltraitée par son chef, et détruire les bases militaires. Mais les forces armées occidentales sont allées plus loin que le mandat de l’ONU jusqu’à l’assassinat du guide Libyen, comme celui du président Saddam Hussein en Irak attaqué pour de fausses accusations montées de toutes pièces, sans qu’aucun pays occidental n’ait condamné l’acte. C’est pour éviter sa répétition sous le prétexte fallacieux du printemps arabe que la Russie est intervenue en Syrie en vue de sauver le président Al Assad.
Mieux, d’après Moscou, les Occidentaux ne tiennent pas parole. La preuve en est l’expansion de l’OTAN vers les pays de l’Est, malgré leur engagement ferme signifié à Gorbatchev de ne jamais le faire. Celui-ci a manqué de vigilance en n’exigeant pas un engagement écrit en bonne et due forme et signé. Il leur faisait évidemment confiance. Or cette expansion a bel et bien eu lieu et c’est l’une des raisons fondamentales de l’opération spéciale russe en cours en Ukraine depuis le 24 Février 2022. Par cet empiètement sur la zone d’influence de l’ex-URSS, Moscou considère que l’objectif visé est la destruction de la Russie et la domination du monde.
En réalité les Russes ne sont pas les seuls à craindre et s’opposer de plus en plus à la domination occidentale du monde. Les Africains, les Asiatiques et les Latino-américains qui ont longtemps souffert de cette domination étrangère, éprouvent le même sentiment. La preuve en est le grand nombre de pays qui se sont exprimés par l’abstention au cours du vote de la résolution de l’Assemblée Générale des Nations-Unies condamnant l’invasion russe de l’Ukraine. Des 35 pays abstenus, une vingtaine sont africains dont le Sénégal. Le sens de ce vote n’est rien d’autre que le rejet de la perpétuation de la domination du monde par l’Ouest.
De ce point de vue, la guerre en cours en Ukraine n’est pas aussi simple que l’on puisse croire. Cet évènement malheureux est le signal d’un grand bouleversement à venir, qui remettra en cause l’ordre international actuel pour céder la place à un nouvel ordre mondial plus juste, d’ordre sécuritaire, économique et institutionnel.
En Occident même des signes qui ne trompent pas commencent par apparaitre. Rappelons-nous un fait inédit qui s’est produit le 6 Janvier 2021 à Washington dans la première démocratie du monde, où des éléments incontrôlés ont pris d’assaut le Capitole pour empêcher la confirmation de la victoire du président Biden.
Tout récemment au cours du mois de Février 2O22, des manifestants canadiens contre « le pass sanitaire » du covid 19, ont bloqué pendant plusieurs jours des ponts menant aux Etats-Unis, et placé des barricades par des camions impressionnants dans des quartiers de Toronto et Ottawa, mettant ainsi en difficultés le Premier Ministre Trudeau. Cette forme de protestation a fait tache d’huile à Paris et Bruxelles dans des proportions moindres.
On ne saurait non plus oublier le mouvement des gilets jaunes en France en 2018-2019 que seul le corona virus a eu la force d’arrêter, ainsi que le retrait précipité des forces américaines de , l’Afghanistan en fin 2021. La situation au Sahel où pendant 9 ans les forces étrangères bien équipées d’armes sophistiquées et de grands moyens de renseignements, n’ont pas pu venir à bout du terrorisme djihadiste. En Afrique la résurgence des coups d’état militaires est assez parlante ; elle mérite une attention particulière et de profondes réflexions.
Ces réactions ne sont pas anodines. Elles annoncent des évènements qui se produiront dans le futur dont on ne cerne pas encore bien les contours. Le moins que l’on puisse dire aujourd’hui, est que le monde occidental doit se remettre en cause, et adopter de nouvelles méthodes de gestion équitables qui s’adapte à l’évolution du monde, à l’éveil des peuples dont il faut prendre en considération les aspirations.
Le maintien des stratégies actuelles de gestion de l’humanité, l’érection de l’homosexualité en règle, l’animalisation de l’homme, la résurgence du nazisme et la tolérance d’autres actes immoraux, présentent le risque de précipiter l’apogée de l’Occident, après laquelle commencera le déclin.
La situation en Ukraine ne doit pas être analysée comme une simple invasion russe, car elle prend l’allure d’une confrontation par procuration entre la Russie et les Etats-Unis. Le monde entier est concerné et les premiers effets négatifs de ce conflit se font déjà sentir partout. La complication inutile de cette guerre par l’intervention des co-belligérants n’arrangera rien, et ne garantit pas la victoire de la partie soutenue par l’Ouest. Au contraire elle pourrait étendre le champ de bataille sur d’autres pays européens, et personne ne saura prévoir la suite, car le pire peut se produire, ce qui ne sera à l’avantage d’aucune des parties en présence. A ce stade la Chine qui se sent déjà indexée réagira.
Il s’avère donc important de reconnaitre que le monde unipolaire connu et vécu par l’humanité depuis 1991, suite à la chute inattendue de l’Union Soviétique, tire vers sa fin. Il faut désormais compter avec la Russie qui était le cœur de l’ex-URSS, et aussi avec la Chine, nouvelle puissance mondiale. A ce sujet l’homme politique français, Alain Peyrefitte ne s’était pas trompé lorsqu’il prophétisait en 1973 à travers son livre que : «Lorsque la Chine s’éveillera, le monde tremblera». Nous y sommes presque aujourd’hui avec la nouvelle route de la soie. Aussi les pays ayant dominé le monde pendant longtemps, doivent-ils en tenir compte dorénavant.
La contribution des pays de l’Ouest est nécessaire et primordiale pour une issue honorable et rapide de cette crise. Ce serait la preuve de leur attachement à la paix et la sécurité internationales. Il ne s’agit pas de faire pression sur la Russie par des moyens militaires, économiques, psychologiques et médiatiques, mais de négocier tout simplement avec elle, en accordant du crédit à ses soucis et ses préoccupations d’ordre sécuritaire, car elle devient une force qui peut faire mal. Le déséquilibre des rapports de force en faveur de l’OTAN, provoqué par les évènements de 1989 et 1991, est de nos jours sujet à caution. Il est souhaitable que la sagesse prévale sur les raisons d’Etat.

Jean-Pierre A. EDON
Ambassadeur, spécialiste des questions internationales.

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