.
.

Le triomphe de la vérité

.

Guerre Russo-Ukrainienne: L’Ambassadeur Jean-Pierre Edon appelle au cessez-le feu


Visits: 4

L’invasion de l’Ukraine par la Russie reste et demeure l’actualité qui anime les débats depuis quelques jours. Mais, quels sont les réels motifs de cette guéguerre entre Poutine et Zelensky ? Deux pays historiquement liés et plongés aujourd’hui dans un affrontement sans faille, en violation d’un accord de principe vieux de 77 ans et réaffirmé depuis 31 ans. Face à cette tragédie dont les conséquences n’épargnent aucun des deux peuples, l’Ambassadeur Jean-Pierre Edon estime que cette guerre pourrait prendra fin que si la Russie obtient l’engagement ferme de l’Ukraine à renoncer à son adhésion au bloc de l’Ouest… Mais, « il vaudrait mieux militer pour un cessez-le-feu et faire usage de la diplomatie en organisant sans délai des discussions entre les deux pays belligérants », préconise l’ancien ambassadeur.

POURQUOI LA GUERRE RUSSO-UKRAINIENNE
L’attaque de l’Ukraine par la Russie est devenue une réalité depuis le 24 Février 2022. Pour une bonne compréhension de cette crise qui peut revêtir une dimension mondiale, il faut chercher à en connaitre les motifs. Dans ce dossier le président Vladimir Poutine a été diabolisé et présenté comme le fauteur de troubles à la paix en Europe, et un violeur du droit international.
Après la deuxième guerre mondiale qui a débouché sur la constitution de deux blocs (Ouest et Est) à la faveur de la guerre froide, il est convenu que chaque camp respecte la zone d’influence de l’autre. La violation de ce deal a créé par le passé, un problème sérieux entre le président américain John Kennedy et Nikita Krouchtchev chef du gouvernement de l’Union soviétique au moment où en 1961, les Etats-Unis ont déployé des missiles en Turquie et en Italie, capables d’atteindre l’URSS.
En réaction à cette provocation, l’Union Soviétique a aussi installé à son tour des missiles de longue portée et des sous-marins à Cuba, situé tout près des Etats-Unis. Cela a failli entrainer une guerre, qui a été de justesse évitée par la signature d’un engagement consistant à démanteler les missiles de part et d’autre.
A la faveur des mutations internationales, cet engagement à valeur d’accord entre les deux blocs a été renouvelé en 1991 avec la chute du mur de Berlin. En vertu de cet accord de principe issu des négociations, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) ne doit se déployer dans aucun des pays ayant des frontières avec la Russie. La réalité aujourd’hui est que beaucoup d’anciens pays de l’Est l’ont intégré grâce à l’appui des Occidentaux. Avec l’adhésion prochaine de l’Ukraine, la Russie sera entièrement encerclée par les pays membres de l’OTAN, ce qui permettra aux Américains d’y installer des armements lourds, mettant en danger la sécurité de ce pays.
Au cours de sa conférence de presse en Décembre 2021, le président Poutine a souligné à plusieurs reprises que pendant les négociations sur l’unification de l’Allemagne, l’URSS s’est vue promettre que l’OTAN ne s’élargirait pas : «Par un pouce vers l’Est nous disait-on dans les années 90. Et alors ? Ils ont triché. Ils ont simplement trompé de manière flagrante ; cinq vagues d’expansion de l’OTAN ont eu lieu…». Effectivement, en 1990 James Baker, secrétaire d’Etat américain en charge des affaires étrangères, rassurait l’autre camp en disant : « la juridiction militaire actuelle de l’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce à l’Est ».
Normalement les pays comme la Pologne, la Hongrie, la Roumanie, la Lituanie etc… devraient s’abstenir d’intégrer cette organisation. En revanche, il s’offrait à eux la possibilité de renforcer leur sécurité et stabilité par des accords bilatéraux avec les pays de la région et dans le cadre de la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en Europe (CSCE).
Or de nos jours, en violation de ce document de 1991, la plupart des anciens pays de l’Est sont membres de cette organisation. L’Ukraine, encouragée par les pays occidentaux, s’apprêtait à y adhérer, d’où la vive réaction de la Russie. En Janvier 2022, Monsieur Jens Stoltenberg, secrétaire Général de l’OTAN niait l’existence de cet accord écrit en coulisses.
Voilà que le journal allemand Spiegel du 23 Février 2022, vient de confirmer l’existence de ce document datant de 1991 sur le non élargissement de l’OTAN vers l’Europe de l’Est, à la suite de l’accord de Moscou sur l’unification de l’Allemagne. Le même journal informe que cet accord vient d’être découvert dans les archives nationales britanniques par le politologue américain Joshua Shifrinson, professeur à l’Université de Boston.
Classé auparavant «secret», ce document a été par la suite déclassifié, ce qui a permis d’y avoir accès aujourd’hui par ce chercheur. Il en ressort que les Britanniques, les Allemands et les Français ont convenu à l’époque que l’adhésion à l’OTAN des candidats de l’Europe de l’Est est inacceptable.
A la différence des autres anciens pays de l’Est et des anciennes républiques de l’URSS, l’Ukraine a une affinité et une histoire particulière avec la Russie, comme vient de le souligner éloquemment une personnalité politique américaine ayant marqué les relations internationales en son temps.
Il s’agit de l’ancien secrétaire d’Etat américain, Henri Kissinger, qui se prononçant sur cette guerre, disait : «L’occident doit comprendre que pour la Russie, l’Ukraine ne peut jamais être considérée comme un simple pays étranger. Pendant des décennies, l’Ukraine a été partie intégrante de la Russie et leurs histoires étaient communes. Certains combats importants pour la liberté de la Russie, ont commencé par la bataille de Poltava en 1709 et ont eu lieu sur le sol ukrainien…» D’après lui, l’Union Européenne qui suscite des relations avec l’Ukraine pour des questions de politique intérieure, doit savoir que cette négociation entrainera inévitablement une crise.
Il découle de cette déclaration que ces deux pays sont historiquement liés, et la Russie n’entend pas perdre l’Ukraine au profit des Occidentaux. A cela s’ajoutent trois autres considérations à savoir :
La préparation de la Russie pour un retour à la guerre froide,
La crainte de l’émergence en Ukraine d’un nationalisme qui se définirait par son opposition à la Russie,
L’obsession personnelle du Président Vladimir Poutine nostalgique de l’URSS, et son rêve de reconstituer une entité forte capable de forcer le respect des Etats-Unis. Il milite pour un monde bipolaire et non unipolaire.
Son désir est de former autour de la Russie un cordon de sécurité constitué de pays non hostiles. C’est l’une des raisons pour lesquelles il combat tout élargissement de l’OTAN vers les pays de l’Est. Il préfère que l’Ukraine, une nation historiquement liée au pays de Staline dont le sous-sol regorge d’importantes ressources minières, rejoigne ses projets d’intégration comme l’Union Economique Euro Asiatique (UEEA) ou l’Organisation du Traité de Sécurité collective (OTSC).C’est une façon pour lui de reconstituer une autre alliance militaire, à l’instar du Pacte de Varsovie dissoute le 1er Juillet 1991 du fait de l’éclatement de l’URSS.
Déclenchée le 24 Février, cette guerre ne prendra fin que si la Russie obtient l’engagement ferme de l’Ukraine à renoncer à son adhésion au bloc de l’Ouest. Pour y parvenir, le renversement du gouvernement du président Volodymyr Zelensky peut être provoqué pour laisser place à un autre favorable à Moscou.
Tout laisse croire que cette guerre a été bien préparée par la Russie, prête à riposter contre tout pays qui va s’y interférer. Quelques jours avant les hostilités, Poutine lançait une mise en garde en ces termes : « Tous ceux qui tenteraient d’interférer avec nous, doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et conduira à des conséquences que vous n’avez encore jamais connues »
L’intervention étrangère dans ce conflit armé peut y conférer une dimension mondiale. Car la Chine viendra certainement au secours de la Russie, et probablement l’Iran, la Corée du Nord devenue une puissance nucléaire. Une fois encore l’Europe risque de devenir le champ de bataille. Ce continent qui s’allie sans conditions à la position américaine, n’a pas intérêt à l’aggravation de la situation déjà explosive.
L’avenir de l’Europe n’est pas forcément lié au bon vouloir des Etats-Unis, mais plutôt à une coopération franche avec la Russie. La preuve en est la politique protectionniste de l’ancien président Donald Trump qui ne reconnaissait plus l’Europe comme une alliée traditionnelle et historique. Il avait créé des taxes jamais connues sur les produits européens.
Estimant l’OTAN trop cher pour son pays, il avait pris des mesures qui l’affaiblissaient et mettaient mal à l’aise ses alliés européens. Mieux son mépris pour le multilatéralisme est notoire et grave. Il n’est pas exclu que les prochains chefs d’exécutif américain, partagent la vision Trumpiste. Le récent détournement par les Etats-Unis du marché des sous-marins australiens initialement attribué à la France, en est un autre signe et la preuve que seuls les intérêts guident le monde.
Dans ces conditions, une autre corde s’avère nécessaire à l’arc européen, et cette corde c’est le rapprochement avec la Russie et aussi la Chine. Les sanctions économiques sévères contre Moscou gêneront un peu l’économie russe dont la monnaie connaitra une dépréciation, mais son impact ne sera pas aussi fort qu’on pouvait le croire. Mieux elles ne pourront pas amener Poutine à cesser la guerre sans avoir atteint ses objectifs, ou à changer ses ambitions politiques, géo-stratégiques et sécuritaires. De ce point de vue, lesdites sanctions seront inefficaces.
En effet, au cours de ces dernières années, en prévision des contentieux qui pourraient l’opposer à l’Occident, la Russie a engagé d’énormes dépenses pour l’achat de l’or. Aujourd’hui ses réserves en devises sont presqu’au même niveau que celui de la France et estimées à environ 630 milliards de dollars.
Cette accumulation du métal jaune vise aussi un autre objectif, celui de la dé-dollarisation à moyen terme des transactions commerciales internationales, au profit du Rouble qui, à l’avenir pourrait jouer le même rôle que le dollar américain dans le domaine des échanges commerciaux. C’est en fonction de ces précautions et aussi de la puissance militaire énorme de la Russie d’aujourd’hui, que le président Poutine s’est permis d’attaquer l’Ukraine en dépit des soutiens occidentaux à Kiev.
Par ailleurs, les actualités font état de ce que ni les Occidentaux, ni les anciens pays de l’Est ne se reconnaissent plus aujourd’hui dans l’accord interdisant l’élargissement de l’OTAN vers l’Est. Le secrétaire général de cette organisation semblait même ignorer, de bonne ou mauvaise foi, l’existence d’un tel document. Dans ce cas, ne faudrait-il pas organiser une consultation pour aboutir à la révision dudit accord de façon consensuelle ?
Il est clairement apparu que beaucoup d’anciens pays du bloc de l’Est préfèrent aujourd’hui coopérer avec l’Union européenne dont certains d’entre eux sont membres. C’est une évolution qu’il faut prendre en compte et en discuter avec la Russie, au lieu de prendre unilatéralement des décisions qui violent un accord en vigueur.
L’Ukraine, autrefois sous influence de l’Union soviétique dont elle était l’une des 15 républiques, est devenue depuis la chute du mur de Berlin en 1990, un Etat souverain. A ce titre, on ne doit rien lui imposer, elle est libre de décider de son avenir et de satisfaire à sa manière aux aspirations légitimes de sa population. Par un dialogue franc et libre, un accord pourrait être trouvé avec la Russie qui de toute façon, n’acceptera pas l’adhésion ukrainienne à l’OTAN.
De la même manière que pour les Etats-Unis, l’installation d’une base militaire russe dans un pays des Caraïbes, est inacceptable et non négociable, l’Amérique centrale et du Sud étant sa zone d’influence qui, de surcroit, est proche de son territoire.
La tendance à vouloir encercler la Russie par des pays hostiles à la solde des Occidentaux, est préoccupante et pose un sérieux problème de sécurité au pays de Vladimir Poutine. Il faudra plutôt établir avec Moscou une franche coopération procurant des avantages réciproques. La fourniture par la Russie du gaz à l’Allemagne, du blé, du pétrole et divers produits aux pays européens, est un élément appréciable de coopération. Ces échanges commerciaux sont à encourager parce qu’ils sont le gage de la paix et de la sécurité.
L’invasion russe de l’Ukraine est une réaction appropriée de Moscou à la violation d’un accord de principe vieux de 77 ans et réaffirmé depuis 31 ans. De ce point de vue, il n’est pas juste de dire que le Président Poutine a enfreint au droit international. Toutefois, il est important pour la paix et la sécurité internationale qu’aucun effort ne soit ménagé en vue de mettre fin dans l’immédiat à cette guerre qu’on pouvait éviter.
Pour y parvenir le rôle des pays occidentaux est primordial. La fourniture des armes à l’Ukraine, comme vient de le décider l’Allemagne et peut-être d’autres pays européens et américains dans les jours à venir, ne fera que compliquer la situation. Cette attitude reviendra à attiser un feu qu’il fallait éteindre pour éviter son expansion à d’autres milieux. Désormais, ce n’est plus une guerre entre deux pays voisins, mais plutôt entre la Russie et l’Occident. Ce n’est pas pour rien que Poutine menace de mettre en alerte son armement nucléaire.
A l’étape actuelle, il vaudrait mieux militer pour un cessez-le-feu et faire usage de la diplomatie en organisant sans délai des discussions entre les deux pays belligérants. On espère que par la volonté politique et la contribution de tout le monde, un compromis consensuel sera trouvé dans les meilleurs délais. Confrontée aux défis du changement climatique, du terrorisme et de la pandémie Covid 19, l’humanité n’a pas besoin d’une guerre locale qui peut devenir mondiale à l’heure des armes nucléaires.

Jean-Pierre A. EDON
Ambassadeur, spécialiste des questions internationales

Reviews

  • Total Score 0%



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You cannot copy content of this page