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Le triomphe de la vérité

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Edito: La paix par la peur


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Il ne faut pas rêver. Rékya Madougou et Joël Aïvo n’ont aucune chance de sortir de prison avant la fin du mandat de Patrice Talon. Je m’explique.

L’avalanche d’appels à amnistier ou gracier les deux opposants n’a pas ému le Chef de l’Etat outre mesure. En fin décembre, il a offert sa grâce à 499 prisonniers. Parmi ceux-ci, il y en avait qui étaient même en procédure d’appel et donc n’étaient pas demandeurs de cette faveur. La générosité présidentielle a fait fi des deux  opposants pour qui une bruyante campagne de libération avait pourtant été menée. Là-dessus, la cause est entendue. Patrice Talon a fait la sourde oreille sur ces appels du pied, pour rester conforme à ce qu’il avait dit lors de sa dernière interview accordée aux médias internationaux début août. Au fond, avait-il dit en substance, les violences de 2021 montrent que l’amnistie accordée aux responsables des violences de 2019 a été mal perçue. Désormais, chacun devra répondre de ses actes devant la justice. Il avait ainsi annoncé à mots couverts, le traitement qu’il s’apprêtait à réserver à la condamnation par la justice de tous ceux qui étaient impliqués dans les tensions électorales de 2021.  Car il faut bien le dire, cette action judiciaire apporte un éclairci dans le paysage politique.

Comme je l’ai déjà écrit ici, une frange de l’opposition est bien contente du sort de Rékya Madougou. Ce fut une erreur de l’avoir parachutée. Et les langues qui se sont déliées après coup, ont fustigé le recours constant de Yayi à un messie extérieur chaque fois qu’il est question de candidature à la présidentielle. En 2016, c’était « le venu de France », Lionel Zinsou. En 2021, la « venue de Lomé ». Toujours avec le même échec. En 2021, comme d’ailleurs en 2016, ils étaient très nombreux ceux qui ne digéraient pas d’avoir travaillé ferme pendant cinq ans pour affronter le régime de la Rupture, pour se faire arracher leur place au dernier moment par une inconnue au bataillon, Rékya Madougou.  Malgré les condamnations du bout des lèvres, son incarcération et sa condamnation apparaissent comme une délivrance pour ceux dont elle était venue arracher la place au sein de l’opposition même radicale.

Quant à Joël Aïvo, c’est le PRD qui se frotte clairement les mains.  Et pour cause, le professeur d’université avait entrepris d’éroder à petits coups la base électorale des tchoco-tchoco, Porto-Novo et sa région. L’avoir derrière les barreaux donne à Adrien Houngbédji moins de souci pour les prochaines élections, même s’il ne le dira jamais ouvertement. C’est un adversaire en moins. La méthode est scandaleuse du fait de la décision judiciaire polémique. Mais ici le professeur d’université jouait à quitte ou double : il a perdu, du moins pour le moment.

Au sein de la mouvance, une évidence s’impose : l’incarcération des deux opposants a calmé le front politique. Tétanisée par ce coup de massue, l’opposition est devenue silencieuse depuis décembre. En réalité, Patrice Talon a proprement terrorisé tout le monde en coupant ces deux têtes rebelles. Ceci s’ajoute aux blessures profondes issues des violences de 2019. Il faut désormais être très courageux pour participer aux rassemblements de contestation. Maintenir Joël Aïvo et Rékya Madougou permet au Chef de l’Etat de maintenir cette paix par la peur qu’il a obtenue à la hache. Et il sait que s’il veut troubler encore son mandat, il lui suffirait de libérer les deux trublions qui se feront fort de se présenter désormais comme des héros. C’est d’autant plus facile que ces deux acteurs, malgré leur visibilité politique, ne disposent pas réellement de machines de mobilisation au sein du pays réel. Tout l’arbitraire qui s’abat actuellement sur eux, ne rencontre aucune opposition populaire venant de leurs fiefs…

Non, Patrice Talon ne libèrera pas Rékya Madougou et Joël Aïvo de si tôt. Du moins, il ne le fera qu’après avoir obtenu des garanties claires qu’ils ne feront plus aucune manifestation ni activité politique de nature à saper son régime. S’il lui arrivait en tout cas de prendre la décision de la grâce ou de l’amnistie, ce ne sera pas pour obtenir une quelconque paix.

                Un seul exemple peut édifier à ce propos : Laurent Mètongnon. Bientôt cinq ans que cet artisan de première heure de la démocratie au Bénin est derrière les barreaux. Cinq ans, pour un retraité dont on a même coupé la pension et qui n’a bénéficié d’aucune grâce présidentielle. Depuis cinq ans ! Comparez vous-même et regardez la suite !

Par Olivier ALLOCHEME

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