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Le triomphe de la vérité

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OPINION: La vie d’un « broute- fleur »


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La journée est dure. La semaine est pénible. Le mois est sans cœur (car ses temps sont frappés d’intempéries de tout genre : un soleil fâché qui enflamme la terre, un vent non charitable qui retourne tout sur son passage pour aller fermer la mer, une pluie de grêles inordinaires à déloger nos ancêtres partis en retraite définitive là-haut, chez le Père Ciel-Terre). Qu’importe ! Tout temps est bon et idéal pour travailler et pour faire travailler l’âne. Et ça, à chaque instant de sa vie, l’animal en a eu galamment la preuve. On le charge de tout bagage. On le veut avancer à temps et à contre temps. On l’espère (ou pour être sincère, on l’attend,) parvenir à destination quelle que soit la physionomie des temps. C’est clair. La maison de son maître doit s’épanouir de vivres et de lumière. Alors, il se met au boulot ou son maître l’y met, de toute façon. Celui-ci a même défini à la bête un cahier de charges qu’elle se doit de remplir honnêtement et, surtout, joyeusement. Elle est conçue pour ça. En tête et en physique, sa race et elle ont été programmées pour ça. Pour ça, l’âne s’est engagé à la vie. La vie renouvelée des sacrifices renouvelés auxquels il sert. Son employeur (son maître) s’en fout de ses os, de l’état désagrégé de ses poils, de ses baves, de la couleur alarmante de ses yeux, etc. D’ailleurs, pour quel bout de raisons doit-on se préoccuper de la santé d’un animal, un pauvre sujet ? Le reste est bien du pipeau, du bordel, du vrai bordel, de la salade bourrée, de la salade simplement … Un âne est un âne. (Et) un âne est un animal. Un animal qui n’est point un homme (encore que pour son maître, il y a homme et homme).
Voilà une mince silhouette qui nous sort l’image de l’enseignant et du sort que lui décident puis lui élèvent ses élèves d’hier devenus ses maîtres d’aujourd’hui. Or au fond et de vrai, l’enseignant est un pur esprit béni et venu directement du ciel. Oui, un esprit béni venu directement du ciel. Une âme franche venue sans détour du ciel ! Voyons. Que l’ombre de l’ignorance s’en va sur un mont, l’enseignant y accourt avec sa lumière ! Que l’obscurité de l’ignorance accourt monter une campagne enfouie sous la langue des vallées inaccessibles, l’enseignant y vole avec sa compagne : son faisceau de lumière-vie ! Que les ténèbres de l’ignorance guettent un hameau abandonné du pays, l’enseignant s’y trouve bravement muni de son pylône de lumière. Oui, l’enseignant est là. Oui, le centre inaltéré et inaltérable de la connaissance pure qui fait le peuple et qui fait tout peuple est là. Le chapeau du savoir humble et utile qui bâtit la Nation et toute Nation est là. De la seringue de sa voix et de sa langue, il inoccule le savoir à tous ceux qui en ont besoin. Humblement, il en inoculent également à tous ceux qui pensent en être déjà remplis. Un véritable Simon Bolivar prêt à braver, à calmer et à labourer la mer. Une vraie Harriet Tubman, amazone hors-pair qui touche leurs consciences avec des mots qui portent bonne et forte lumière ; les libère des maux qui saquent et cassent leurs physiques. De son savoir, avec son savoir, par son savoir tout fils du peuple nourri parvient à discerner le vrai du faux, le gondolé du droit et de l’habile, le minutieux du distrait et du bâclé. Il ne mange pas. Il ne veut pas manger. S’il ose manger, la pâte d’hier tombera lourdement de ses mains asséchées de force et de résistance. Il a a été utilisé et essoré quand elles, ses mains, s’agitaient au cours. De ses voix, de ses yeux, de ses mains, de ses jambes, de son cœur, de sa tête, de son être et de son esprit etc., il a été présent dans la salle de classe et dans les autres veines et artères de l’établissement. Pour avoir plusieurs fois humé son odeur, chaque coin de l’établissement connait et reconnait sa présence. Lui, l’enseignant, il ne boit pas, il ne peut plus boire. S’il tente, le verre d’eau cheoira de ses mains allourdies de fatigue pesante et se brisera. Ce verre d’eau. Son pauvre verre d’eau qu’il a payé à la suite du tonneau de sueur coulant de son front et de son torse. Il est à peine rentré que le devoir lui fait encore appel. Oui le même devoir de classe à continuer à la maison. Dès que sa table à copies et à cahiers de devoirs flairent son arrivée, elle le réclame énergiquement. Aussi sa famille en souffre activement et passivement. Surtout quand le sort tente sa moitié à aussi aspirer à la mission enseignante, c’est Dieu seul qui intervient pour conduire leur vie de couple. L’un est envoyé au Nord et l’autre au Sud. Puis les enfants se retrouvent au centre à apprendre à vivre contre le froid, la pluie, le vent, la chaleur, le soleil, la nuit, les rues et leurs usagers (véhicules et hommes), etc. Terrible. C’est atroce. Alors dire que l’enseignant est rentré à la maison signifie simplement qu’il est rentré travailler (s’activer et actualiser ses fiches et connaissances pour les classes du lendemain). Sa famille se contente de sa présence quand lui, il se contente de sa nuit auprès des copies et lot de cahiers. C’est ce que l’on nomme une présence absente. Pour se trouver un peu de force afin de veiller au travail, il va prendre une bonne douche, lorgne la table à manger et va s’affilier à la table à corriger les devoirs et à soigner les fiches (c’est mieux pour lui car dans le cas contraire, l’employeur ne le comprendra encore lui aussi du compte à rendre à son supérieur, ainsi de suite). Alors, il se met à fond au boulot. Tout le monde lui fausse compagnie sauf la lune, les étoiles et les oiseaux des champs, leurs cousins de la maison ainsi que les batraciens. Du pupitre de leur soprano, les grillons invitent l’alto de la basse-cour. Et celle-ci incite le ténor des oiseaux des champs qui se mêle à la bass des crapauds et grenouilles. Ce concert du concret emballe et ragaillardit l’enseignant. Et hop, il continue son boulot jusqu’à 4 h du matin. Il s’envole dans un sommeil de deux heures qui le vole pour le faire atterri à 6 h. Et dès qu’il est descendu des rêves agités où il continuait à supporter et à calmer héroïquement les bavardages de ses apprenants, le voilà reparti sous la douche. Il sort puis le cycle de vie reprend. Il repart joyeusement former des élèves qui s’élèvent rageusement contre lui. Ils prennent quand même soin de lui dire qu’il est un sauveur et non un sauvage. Ces fleurs, on l’en couvre souvent. Surtout quand viennent les moments où l’enseignant veut exprimer son ras-le-bol après des années où l’employeur l’a exploité, l’a torturé et l’a rasé de son peu d’honneur, on le console avec le chant : « Enseignant, tu es un noble travailleur. Tu restes les reins, le cœur, les poumons, etc. du peuple ! ». Et ça, l’enseignant les broute jusqu’à digérer sa colère au nom d’un sacrifice sans nom. Il reprend le chemin des classes. Malgré le chemin pénible et les états chaotiques des salles de classe, il s’engage parce que son rêve lui tient à cœur : former des apprenants qui puissent devenir des élites acclamés de son monde. Dieu aidant, ce rêve se réalise. Et qu’est-ce qu’il vit en retour ? Ces élèves formés, une fois au perchoir, lui crachent qu’il est mal formé, non formé, désinformé et qu’il n’a jamais été leur sauveur mais leur sauvage… Que de scandales et d’injustices brillamment inhumaines ! Père aux oreilles alertes, entends-tu ce que les hommes disent à ton fils bien aimé ? Ô Dieu- Lumière, vois- tu ce que les hommes font à ton petit Imonlè ? Sublime nature aux lois incorruptibles à l’image du cœur du Créateur Unique, qu’au nom de la vérité aussi pure que la neige, viens être juge entre l’enseignant et son employeur. Viens, viens, viens…

Emmanuel S. F. HOUNGUIA

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