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Le triomphe de la vérité

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Edito: La réconciliation, oui, mais à quel prix ?


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Si vous étiez à la place de Patrice Talon pardonneriez-vous pour une deuxième fois à des gens qui ont brûlé et pillé ? La question se posera dans quelques semaines lorsque les premières condamnations tomberont. Selon les informations livrées de-ci de-là, environ 700 personnes sont recherchées par la police dans le cadre de la crise pré-électorale qui a ensanglanté une partie du pays. Parmi tous ces suspects, bon nombre rentreront probablement chez eux. Mais ceux qui, pour une deuxième fois, ont été pris dans les actes de vandalisme aux motifs politiques, risquent de payer pendant longtemps le prix de leurs passions aveugles.
Un peu d’histoire. Lorsqu’il arriva au pouvoir en 1972, Mathieu Kérékou, alors Commandant, eut un réflexe militaire. Il mit en prison tous les anciens politiciens, notamment les trois grands leaders que sont Apithy, Maga et Ahomadégbé. Ils avaient en effet pensé que, passé la période transitoire, les militaires allaient leur remettre le pouvoir comme ce fut le cas en 1963, 1968 et 1970. Non. La junte militaire choisit la solution radicale en jetant en prison une bonne partie de la classe politique. Ceux qui le pouvaient prirent le chemin de l’exil. Cela dura 17 ans, mais eut le mérite d’éloigner les anciens leaders des arcanes du pouvoir. Leur absence de la scène politique permit au régime de garder sa stabilité jusqu’au basculement de 1989. Tous les historiens s’accordent sur le fait que sans ces emprisonnements et ces exils forcés, la junte militaire n’avait aucune chance de rester aussi longtemps au pouvoir.
Un autre pays a suivi cet exemple, mais en pire. Il s’agit du Ghana de John Jerry Rawlings. Lors de son premier avènement au pouvoir, Rawlings fit exécuter en 1980 des acteurs qu’il juge responsables de l’état du pays : 8 officiers militaires, ainsi que les 3 anciens chefs d’État : Akwasi Afrifa, Ignatus Acheampong et Fred Akuffo. Ce fut une méthode expéditive, extrême même.
Revenons au cas béninois. Lors de son interview avec Rfi et France 24 fin avril dernier, le Chef de l’Etat n’a pas hésité à dire qu’il n’envisage aucune impunité. « Il n’est pas envisageable qu’une fois encore, les gens soient graciés de quelque chose qui devient récurrent », avait-il dit. Patrice Talon tient là un excellent moyen de contrecarrer les ambitions politiques de ceux qui pourraient nuire à son régime. Il suffit que Reckya Madougou ou Joël Aïvo soient condamnés pour que leurs ambitions présidentielles soient anéanties. Quant aux exécutants et autres petites mains qui auraient été associés aux projets de déstabilisation de l’Etat, il ne faut pas s’attendre à une quelconque mansuétude du Chef de l’Etat.
Mais il ne faut pas se tromper non plus. Autant le musèlement des anciens leaders a occasionné l’attaque des mercenaires du 16 janvier 1977, autant la chasse à l’opposition (même radicale), pourrait engendrer d’autres cas de subversion. Il est illusoire de croire que la justice servira durablement à endiguer toute voix discordante. Je reste persuadé que ceux qui tentent de convoyer des dizaines de milliers de munitions (et probablement d’armes) à Bantè mijotent et mijoteront d’autres coups, tant qu’ils n’ont pas d’issue à leur contestation.
Ceci d’autant plus que nous sommes dans une sous-région de plus en plus volatile marquée par la circulation des armes de guerre issues des conflits qui sont à nos frontières. Nigeria, Niger, Burkina-Faso font face à la pression islamiste. Et les groupes de salafistes ne rêvent que d’avoir un accès direct à la mer pour leur sale besogne. Fragiliser le Bénin en fournissant des armes à des groupes organisés ou en profitant des faiblesses de nos forces armées, quoi de plus normal pour eux dans ce contexte.
C’est pourquoi, le Chef de l’Etat, en tant que garant de la paix et de la sécurité dans notre pays, se doit de trouver des voies de recours en vue d’une paix véritable. A mon avis, il faut punir pour donner l’exemple, mais aussi et surtout travailler à l’apaisement du jeu politique.

Par Olivier ALLOCHEME

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