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Le triomphe de la vérité

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Edito: La malédiction du second mandat


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Nous sommes en avril 2011. Le Président Boni Yayi vient d’arracher son second mandat au prix d’un K.O historique. Pendant que ses adversaires crient à la fraude, ses supporters savourent leur victoire. Distribution de postes ministériels, répartition des postes au sein des sociétés et offices d’Etat et surtout partage des contrats aux hommes d’affaires ayant financé cette précieuse victoire. La grande ripaille pouvait commencer. Un peu plus d’un an plus tard, en août 2012, par une interview incendiaire, Boni Yayi mettait le feu à sa propre mouvance. Il disait vouloir faire affronter les Béninois du « Bénin profond » avec ceux qui «l’insultaient» à Cotonou. Quelque temps après, Rosine Soglo révéla qu’il avait menacé de mettre le pays à feu et à sang si on continuait à le critiquer. Ce fut une succession de crises dans lesquelles le Chef de l’Etat perdait visiblement toute lucidité. Du Changement à la Refondation, il se perdait en bavardages incessants, en sorties incongrues et finit par faire la promotion de Patrice Talon, sans le savoir. Le régime finit par faire élire son pire ennemi en 2016.
Nous voici en 2021. Comme en 2011 et même comme en 2001 sous le Général Kérékou, les clignotants sont au vert pour le régime Talon. Mais ceux qui connaissent la malédiction du second mandat savent que cette seconde manche ouvre souvent la porte à la perte de contrôle du locataire de la Marina. Parce que celui-ci est vite grisé par la perspective de ne plus avoir à se présenter à nouveau, parce qu’il a le sentiment que le second mandat constitue une victoire définitive sur ses adversaires, il se prive des précautions élémentaires qui lui ont permis d’être élu et réélu. Cela d’autant plus que ceux qui ont « mouillé le maillot » pour sa réélection attendent normalement un retour d’ascenseur pour rentabiliser les investissements qu’ils ont consentis.
Last not the least, la lutte pour la succession fait rage. Les potentiels successeurs rivalisent de croc-en-jambe, tandis qu’ils s’activent sur tous les fronts pour récolter les fonds utiles à leurs futures campagnes. Il faut au Président une bonne dose de leadership pour rester au-dessus de la mêlée. Toute fin de règne est un chaos.
C’est du moins ce qui s’est passé jusqu’ici. La question qui se pose aujourd’hui est de savoir si l’histoire va bégayer. Patrice Talon va-t-il échouer dans son second mandat comme ses prédécesseurs ?
A y voir de près, l’actuel locataire de la Marina est parti pour réussir. Pour une raison toute simple : contrairement à Kérékou et Yayi, il n’a pas la pression des partis politiques qui l’ont soutenu au cours de la campagne. Il s’est en effet ménagé les coudées franches pour échapper à leurs chantages. Mieux, il a fait de la bonne gouvernance son cheval de bataille dès le premier mandat. Dans son discours d’investiture ce dimanche à Porto-Novo, il a même suggéré que la devise du Bénin devienne désormais Liberté-Démocratie-Bonne gouvernance. Une façon tout à fait claire d’indiquer qu’il n’entend point baisser la garde sur ce front de la bonne gouvernance. C’est-à-dire qu’il continuera à réduire le train de vie de l’Etat et à lutter contre le gaspillage et la corruption au sein de l’administration publique. Pour l’y aider, un instrument de choix vient d’être installé : il s’agit de la Cour des Comptes. Si la CRIET n’a pas vraiment vocation à enquêter au sein des administrations pour y relever d’éventuels manquements, la Cour, elle, a théoriquement les pleins pouvoirs pour le faire. Lui permettra-t-on réellement de faire son travail ? C’est un autre défi.
Plus que ses prédécesseurs, Patrice Talon dispose donc de tous les atouts pour ne pas être frappé par la malédiction du second mandat. Mais au plan politique, il a un gros caillou dans ses chaussures : il s’agit de la réconciliation nationale. La fronde violente qui a éclaté en 2019 et s’est poursuivie en 2021, ne risque pas de s’estomper de si tôt. Tout porte à croire que les rebelles n’ont pas encore dit leur dernier mot. Ceux qui sont aujourd’hui derrière les barreaux finiront par être condamnés, s’ils sont reconnus coupables d’atteinte à la sûreté de l’Etat, d’association de malfaiteurs ou autres crimes attentatoires à la sécurité publique. Mais il appartient au Chef de l’Etat de ne pas laisser la justice seule régler ce problème éminemment politique.

Par Olivier ALLOCHEME

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