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Le triomphe de la vérité

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Edito: La France et l’Afrique


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Le Bénin n’a pas été invité au sommet sur l’économie africaine qui s’ouvre demain en France. Bien sûr, la polémique du moment, ce sont les critères qui ont servi au choix des présidents africains devant participer à ces échanges. Si en Guinée Conakry ou au Bénin certains opposants supputent sur la désapprobation voilée de Paris par rapport aux récentes élections, on comprend suffisamment le message derrière la mise à l’écart d’Ali Bongo du Gabon, un pays en passe d’entrer dans la rivale Commonwealth. Malgré ce vent de polémique (inévitable en ces occasions), ce qui intéresse les économistes africains, c’est bien comment sortir de la crise créée par la pandémie actuelle.
C’est du moins le thème principal de ce sommet qui se veut préparatoire aux mutations engendrées par la pandémie au plan économique. Aux premières heures de la crise, en avril 2020, la France a lancé une initiative dénommée « Santé en commun » pour soutenir les systèmes de santé des pays fragiles, et notamment en Afrique. C’est environ 1,2 milliard d’euros qui a permis de contribuer aux plans nationaux de réponse au Covid-19 et de renforcer des réseaux régionaux de surveillance épidémiologique. Mais aujourd’hui le problème n’est plus conjoncturel : il est structurel. Faut-il annuler la dette africaine et dans quelle proportion ? Faut-il au contraire accorder de nouveaux types de financement pour favoriser le décollage effectif de l’Afrique ? Disons-le clairement, faut-il un plan Marshall pour l’Afrique ?
La dernière question est pour moi la plus importante. Car, ne soyons pas dupes, les formules d’endettement, quelles qu’elles puissent être, ne pourraient qu’alourdir l’ardoise des pays africains. Pour sortir des destructions liées à la deuxième guerre mondiale, l’Europe a bien eu besoin du financement massif des Etats-Unis dénommé Plan Marshall. Ce financement non-remboursable a permis aux économies dévastées par la guerre de se relever quelques années plus tard. Ce qui du reste a permis aux Etats-Unis eux-mêmes de disposer d’alliés solides face à l’URSS dans le cadre de la guerre froide. A défaut du plan Marshall, l’Amérique a utilisé les mêmes leviers du financement massif pour Taïwan (anciennement appelé île de Formose) ainsi que la Corée du Sud. L’objectif de Washington en ces temps de guerre froide était principalement de créer des poches de prospérité capitaliste aux portes même des Etats du Bloc de l’Est que sont la Chine communiste de Mao et la Corée du Nord de Kim Il Sung. Accessoirement, ce déversement de dollars est la raison pour laquelle j’ai du mal à accepter les comparaisons douteuses que bon nombre d’intellectuels africains font entre les pays africains sortis de la nuit coloniale et les pays d’Asie du Sud-Est qui ont réussi à se développer en l’espace d’une ou deux générations. L’objectif, comme toujours, est de montrer que les Africains sont congénitalement incapables de s’en sortir sans l’aide des occidentaux. Et donc de dire qu’il est nécessaire de pérenniser la présence néocoloniale et ses pratiques prédatrices. On oublie toujours d’ajouter que ces pays asiatiques n’auraient jamais pu s’en sortir sans la volonté affichée des Américains d’en faire des vitrines du capitalisme dans le cadre de la guerre Est-Ouest.
Le fait est que les solutions d’endettement n’ont jamais marché. Des pays comme le Bénin ont fait preuve de courage en ayant recours à de nouveaux créanciers, notamment le secteur privé commercial, mais avec le risque d’alourdir le service de la dette. La preuve, c’est que malgré les annulations de dette dont beaucoup de pays ont bénéficié dans les années 2000, une autre spirale de réendettement s’est installée. Parce que nos Etats n’ont pas d’autres solutions pour financer leurs infrastructures afin d’attirer des investissements.
Conséquence, la dette publique cumulée du continent est passée de 650 milliards de dollars en 2010 à 1 400 milliards en 2019, avec 19 pays en situation de surendettement. Avec la Covid, en 2020, la dette a augmenté en pourcentage du PIB dans 44 pays d’Afrique. Aujourd’hui, avec la crise sanitaire, l’Afrique a besoin de financements colossaux que l’endettement extérieur pourra difficilement permettre, notamment pour les dépenses sociales induites par la pandémie. Or, contrairement à l’Europe ou aux Etats-Unis, l’Afrique n’a pas bénéficié de plans de relance chiffrés à des milliers de milliards de dollars offerts par les banques centrales. Notre continent a été livré à lui-même, obligé de tendre la main, là où les autres ont juste eu besoin de leurs banques centrales pour se relancer.
Contrairement à ce que l’on pense, si l’Europe et l’Amérique ou même l’Asie laissent l’Afrique se débrouiller seule, elles devront affronter tôt ou tard les conséquences de leur égoïsme.

Par Olivier ALLOCHEME

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