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Le triomphe de la vérité

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Victor Topanou au sujet de l’actualité socio-politique au Bénin: « L’élection présidentielle est une «formalité» démocratique et non une «fête» démocratique


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Professeur Victor Topanou, ancien ministre de la justice et maître de conférence en sciences politiques à l’Uac

Le professeur Victor Topanou dans une réflexion sur l’actualité politique nationale, remet notamment en cause les dépenses inutilement coûteuses et appauvrissantes des campagnes électorales y compris la création tous azimuts à la veille de l’élection de partis et mouvements politiques. Contrairement à l’opinion de certains acteurs politiques, l’universitaire ne pense pas que l’élection présidentielle doit être une fête avec ses conséquences de dépenses inutiles.

« L’élection présidentielle est conçue comme une fête de la démocratie et comme toutes les fêtes sociales et culturelles au Bénin (naissance, mariage, décès et autres), elle donne lieu à de folles dépenses.» a affirmé Victor Topanou professeur à l’Université d’Abomey-Calavi. Prenant le contre-pied de cette idéologie qui érode la crédibilité du système démocratique, il est plus qu’impératif d’inverser cette conception au profit d’une nouvelle conception qui fait de l’élection présidentielle une simple « formalité démocratique ». Car, poursuit-il dans une démocratie, choisir ses gouvernants à échéances régulières relève d’une simple formalité. « ll faut les oindre de l’onction suprême à travers les élections qui seules confèrent la sacralité dans une République.» Justifie-t-il. Et pour y parvenir, il faut, d’une part, rationaliser les sources de financement ainsi que les dépenses et, d’autre part, procéder à un reformatage des esprits par de nouvelles pratiques. L’expert dans les questions de politique, s’est ensuite questionné sur la grosse inquiétude de la source du financement des candidats à l’élection présidentielle en République du Bénin. Il a fait donc savoir que ces sources de financement sont au nombre de deux dont la fortune personnelle du candidat et les soutiens que ses amis, parents et autres peuvent lui apporter et, la seconde, les soutiens toujours intéressés des opérateurs économiques, nationaux et étrangers, aux fortunes parfois douteuses.

« Nous analysons ces soutiens des opérateurs économiques en termes d’offres publiques d’achat hostiles (OPA hostiles) »
Selon ses dires, de 1991 à 2011, la fortune personnelle des candidats n’avait jamais suffi à financer l’intégralité d’une campagne présidentielle. C’est avec l’élection présidentielle de 2016 que Patrice Talon et Sébastien Germain Ajavon ont administré la preuve de leur capacité à financer entièrement sur fonds propres leur campagne. En dehors d’eux et depuis 1991, tous les principaux candidats et notamment tous ceux qui ont gagné une élection présidentielle ont été complémentairement financés par des opérateurs économiques. C’est en échange de mise en gage de pans entiers de l’économie nationale de sorte que quand c’est leur candidat qui gagne, tous ces pans de l’économie nationale échappent au contrôle de l’Etat à leur profit, ce qui induisait de facto à l’insu du Peuple souverain, une privatisation progressive de l’Etat.
C’est tellement vrai que si par malheur, un candidat élu décide de tourner le dos à ses soutiens opérateurs économiques en remettant en cause leurs deals de départ, ceux-ci lui promettent une déstabilisation de tous les instants. C’est pourquoi nous analysons ces soutiens des opérateurs économiques en termes d’offres publiques d’achat hostiles (OPA hostiles). Et pourtant, on pourrait imaginer que les candidats acceptent les soutiens des opérateurs économiques, non pas pour investir dans la campagne, mais pour qu’après les élections, ils s’en servent pour réaliser des œuvres sociales (écoles, centres de santé, ponceaux et autres) sur lesquelles il serait mentionné « don de X et de Y » en référence à l’origine des fonds.

Les principales risques des dépenses
Les chiffres régulièrement avancés comme cagnotte à constituer pour espérer gagner une élection présidentielle en République du Bénin informe le professeur, tournent autour de cinquante à soixante milliards de Francs CFA. Il estime que les trois premiers candidats arrivés en tête investissent une moyenne de cinquante milliards chacun, soit cent cinquante milliards et que les trois poursuivants investissent, pour leur part, une moyenne de dix milliards chacun, soit trente milliards, cela signifie que, pour une seule élection présidentielle, les six premiers candidats dépensent à eux seuls, la vertigineuse somme de cent quatre-vingt (180) milliards de FCFA auxquels il faut ajouter les plusieurs dizaines de millions dépensées par les autres candidats, soit plusieurs dizaines, puisqu’il y avait souvent une bonne trentaine de candidats. Ainsi donc, plusieurs dizaines de milliards de francs CFA se volatilisaient au Bénin le temps d’une campagne électorale alors même que les problèmes structurels dont la résolution ne nécessiterait pas autant de milliards subsistent et demeurent non résolus, avant, pendant et après les élections. Ce qui fait la différence principale avec les systèmes américains et européens dans lesquels l’argent sert beaucoup plus à la logistique pour les meetings, aux multiples et couteux déplacements, ainsi qu’à la communication sous toutes ses formes (affiches et publicité à la radio, à la télévision et dans la presse écrite). Si au Bénin l’argent ne servait qu’à cela, il n’y aurait pas eu besoin d’investir autant d’argent dans une campagne présidentielle. Il a également déploré la façon dont se déroule l’opération porte-à-porte et l’achat des grands électeurs que sont les députés, maires et élus communaux.

Une nécessaire rationalisation de la vie politique
L’expérience en cours de rationalisation de la vie politique est structurée autour de deux axes à savoir le financement public des activités politiques et la réduction du nombre des candidats à l’élection présidentielle. En ce qui concerne le financement public de la vie politique, il s’agit d’un acte de souveraineté qui permet de libérer les acteurs politiques de leur dépendance vis-à-vis des opérateurs économiques et, ce faisant, de rétablir l’autorité du Peuple souverain sur la gestion des ressources nationales. Il permet aussi de recentrer les valeurs démocratiques en faisant des seuls sujets en débat, non plus combien d’argent donne tel ou tel candidat, mais ce qu’il propose pour conduire le Peuple vers un mieux-être collectif, c’est-à-dire son programme. Le financement public a été mis en place au Bénin l’année dernière et pour ne prendre que l’exemple des FCBE, ce parti touchera à partir de cette année 2021, grâce à leurs élus communaux, un peu plus de trois cents millions de FCFA. Il gagnera un peu moins d’un milliard en trois ans de 2021 à 2023 et même en consacrant cent millions par an pour le fonctionnement du parti, il restera au moins six cents millions pour aller aux élections législatives de 2023. En obtenant des députés en 2023, le contribuable Béninois lui versera encore plus d’argent ce qui leur permettra de voir venir sereinement les élections générales de 2026. Aujourd’hui le Bloc Républicain et l’Union progressiste sont beaucoup mieux lotis, mais les équilibres pourraient être substantiellement modifiés en 2026 avec les élections générales. S’agissant de la limitation du nombre des candidats, elle est pour l’essentiel le fait du parrainage. En fixant à 10% le pourcentage du collège des parrains, soit seize (16) Députés et/ou Maires, dont tout candidat doit se prévaloir, le constituant dérivé a voulu limiter le nombre de candidats à la présidentielle à dix au strict maximum. A la pratique, nous nous retrouvons avec trois duo candidats pour l’élection de 2021, mais l’on pourrait en avoir un peu plus pour l’élection de 2026. Non pas que la limitation des candidats rende nécessairement plus démocratique une élection présidentielle, mais dans le contexte béninois et pour tirer des enseignements des trente dernières années d’expérience démocratique, on peut gager que cette limitation des candidatures réduira de facto l’offre et l’impact de l’argent dans la campagne ce qui contribuera à assainir les mœurs politiques. En effet en limitant de façon aussi drastique le nombre de candidats (10 maximum), on assainit les conditions concurrentielles du milieu politique et dès lors, on est en droit d’exiger des candidats et de leurs partis qu’ils aient des comportements vertueux. Par exemple, on pourrait exiger d’eux qu’ils se passent de l’achat des grands électeurs et ils pourront le faire sans craindre d’être victimes d’une concurrence déloyale. On pourrait également exiger d’eux qu’ils se passent des services des mouvements politiques opportunistes et intéressés. Ces grands électeurs n’auront plus d’autre choix, à terme, que d’adhérer à un parti et d’y travailler tandis que les mouvements politiques, eux, n’auront d’autre dessein que de se fondre dans les partis politiques. Il ne serait pas superflu dans ces conditions, d’interdire, à moyen terme, les mouvements politiques. On pourrait enfin exiger d’eux qu’ils ne fassent plus le « porte-à-porte », ce qui ne serait qu’une invitation à respecter la loi. La conséquence immédiate d’une telle initiative serait une forte abstention conjoncturelle, mais qui pourrait rapidement devenir, si rien n’est fait, une abstention structurelle. Mais à choisir entre la suppression du porte-à-porte et un fort taux d’abstention, le choix est vite fait, il faut opter pour la suppression du « porte-à-porte ». Ce risque mérite d’être pris, d’abord parce l’électeur imprévisible peut ne pas réagir par l’abstention ; il mérite d’être pris ensuite parce que dans tous les cas, le politique aura tout le temps derrière, de rééduquer les électeurs sur le sens du vote et les motivations de la suppression du porte-à-porte ; il mérite enfin d’être pris parce que c’est la seule condition pour l’électeur de reconquérir son droit d’exiger des comptes à ses gouvernants en matière de bonne gouvernance économique. Néanmoins, il faut avoir conscience que cette réforme n’atteindra pleinement ses objectifs que dans quelques années lorsque tous les acteurs politiques y adhèreront et mettront l’intérêt collectif au cœur des débats de la vie politique. C’est à cette condition, que l’on passera de la conception de la « fête démocratique » à la conception de la « formalité démocratique ».

Alban Tchalla (stag)

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