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Le triomphe de la vérité

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Réflexion de l’Ambassadeur Jean-Pierre Edon: « La guerre autour du parrainage est la conséquence directe du manque de consensus en amont »


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L’INTERET DU CONSENSUS DANS LA SITUATION POLITIQUE NATIONALE

Depuis quelques semaines, à la faveur des préparatifs des élections présidentielles, la question du parrainage des candidats fait couler beaucoup d’encre et de salive. On en vient à se demander les motifs de cette situation, et l’usage qui a été fait du consensus.
Loin d’être l’unanimité, le consensus s’obtient grâce aux concessions faites par toutes les parties en présence, ce qui produit un compromis certes non satisfaisant pour tout le monde, mais acceptable par tous les protagonistes, devenant ainsi un accord.
Le consensus n’a d’intérêt que dans un environnement où des voix divergentes, voire opposées se confrontent pour aboutir finalement à un accord. La confrontation des idées différentes dans la recherche d’une entente est une richesse qui ennoblit et consolide le résultat obtenu. La paix est souvent l’un de ses principaux résultats. Il y a quelques années, l’absence du consensus dans la gouvernance a entrainé la perte de nombreuses vies humaines dans un pays de l’Afrique de l’Ouest et un autre en Afrique centrale.
Ce mode de gestion des affaires publiques, implique l’écoute de tout le monde y compris l’adversaire politique. Prêter attention et oreilles attentives à toutes les opinions y compris celles qui sont différentes des siennes, n’est pas une faiblesse. Bien au contraire c’est la manifestation de l’humilité et l’expression éloquente de la force morale utile à tout gouvernant.
Ce concept pratique n’est pas une vue de l’esprit encore moins une compromission. Il est par contre l’instrument de la sagesse et l’un des moyens efficaces pour la préservation de la paix sans laquelle la gestion du pays devient difficile. Son rejet, sa mise entre parenthèses ou l’ignorance de ses atouts conduit inéluctablement à l’échec et à l’autoritarisme en ce sens que pour imposer son point de vue, on a facilement recours à l’usage de la force et de la répression, alors que le moyen efficace sans risque, est celui du dialogue et de la persuasion.
Très souvent on se trompe croyant que par la force et la confiscation des libertés individuelles et collectives, on peut tout faire et tout avoir y compris la réduction au silence et à l’inaction des citoyens.
La preuve en est par le passé non lointain, l’expérience de la période révolutionnaire où ni la peur, ni l’usage de la force soutenu par des mesures d’intimidation, ni le centralisme démocratique, la pensée unique, les tortures, les célèbres prisons de Ségbana et d’ailleurs, encore moins l’exil forcé des opposants politiques, n’ont pu émousser la ferme détermination du vaillant peuple béninois à se libérer du joug de la dictature. Ainsi toutes les lois iniques ont été abolies.
Il est notoire qu’aucune loi n’est neutre et celles qui sont mues par un objectif quasi personnel, sectaire, débouchent toujours sur une justice de façade qui n’est rien d’autre que l’injustice. Ailleurs, on parle ironiquement de la justice des gagnants.
La Conférence nationale de Février 1990 est un bel exemple de l’intérêt du consensus. Historique et particulièrement importante, cette assise qui a eu l’effet de tâche d’huile en Afrique, a permis de passer pacifiquement, sans effusion de sang, d’un régime révolutionnaire dur à celui de la démocratie pluraliste. C’était une innovation inédite dont le mérite est à l’actif du génie béninois.
Elle est une réussite dans la mesure où la mise en application de ses résultats a pu pacifier le pays pendant près de trois décennies et d’engranger le développement, une tâche de longue haleine qu’accompliront, sans pouvoir l’achever, les régimes politiques successifs à la tête de l’Etat, de façon patriotique et sans auto-satisfaction.
Le secret de la réussite de cet évènement historique réside dans l’adoption du consensus comme mode de décision. Son utilité, sa consistance, sa profondeur morale, son sens de paix, ont amené les conférenciers souverains à en faire un bloc de constitutionnalité. Il va sans dire que désormais les décisions importantes de la Nation devront s’en inspirer. Dès lors les fondamentaux et l’esprit de ce dialogue national couronné de succès, ont valeur de sources d’inspiration pour les dirigeants.
Aussi l’actualité béninoise ne serait-elle pas ce à quoi nous assistons aujourd’hui avec les menaces sur la paix, si les lois électorales et la constitution révisée avaient fait l’objet d’une large consultation. Ce mode de décision ne pouvait du moins pas être utilisé dans le contexte actuel où les institutions électorales en général, le parlement en particulier sont monocolores.
Toute la guerre autour du parrainage est la conséquence directe du manque de consensus en amont. Quoique ce système de parrain actuel soit sélectif, limité et peu démocratique, il pourrait néanmoins être toléré et mieux géré s’il avait été consensuel. Encore qu’on pouvait mieux faire comme au Sénégal, en Côte d’Ivoire et ailleurs, en optant pour un parrainage populaire impliquant les électeurs et non uniquement les élus qui ne représentent qu’une frange infime de la population.
Il est vrai que la révision de la constitution et les lois électorales complétant la charte des partis, découlent des résultats du dialogue politique qui s’est tenu en Octobre 2019. La question qui se pose est de savoir si ce dialogue est représentatif et préparé selon les règles de l’art. Pour l’être, il devait regrouper toutes les couches sociales de la société, les syndicats, les partis politiques de la mouvance présidentielle et de l’opposition, les confessions religieuses, les associations de la société civile, les représentants du Gouvernement et des institutions etc…Donc un parterre varié et représentatif.
Les contestations et le rejet de ces lois, de la constitution révisée en urgence en Novembre 2019 et le caractère exclusif du type de parrainage adopté, relèvent entre autres, du manque de consensus. Le peu de crédit qui lui est accordé par les dirigeants de l’Etat, est à revoir dans le sens de la prise en compte de son caractère de bloc de constitutionnalité. Il existe d’autres mesures de nature à limiter les candidatures fantaisistes sans toutefois toucher aux droits civiques des compétiteurs.
En effet, l’élimination de la course présidentielle de certains candidats sérieux ayant un électorat confortable, faute de parrains, dévalorise et discrédite d’ores et déjà les prochaines élections qui de ce fait, ne sauraient se réclamer d’être équitables, justes, et compétitives. Le vainqueur qui en sortira dans cette atmosphère d’exclusion savamment conçue et méthodiquement gérée, triomphera sans gloire ni fierté, la compétition périlleuse n’ayant pas eu lieu.
Par ailleurs, pour éviter des erreurs et faits profitables au camp adverse, l’opposition béninoise actuellement divisée, doit se ressaisir, mieux s’organiser avec une discipline librement consentie, se défaire de la lutte de leadership en son sein et être davantage réaliste. L’unité faisant la force, rien de Beau et de Grand ne peut se construire dans la dispersion des efforts.
On se rappelle que Monsieur François Mitterrand qui, comme le communiste Georges Marchais en France, a connu plusieurs défaites aux élections présidentielles, n’a pu être finalement élu en 1981 que grâce à l’Union de la Gauche. Certes difficile mais vivement recommandable, l’union impliquant la volonté politique, est le résultat ou le dividende d’un sacrifice nécessaire à faire pour atteindre l’objectif commun : la prise du pouvoir. L’oubli de son propre désir et de soi-même au profit de l’intérêt du groupe, amène à mieux maitriser les contradictions internes en vue de sauver l’essentiel.
A cela s’ajoute une précaution non moins importante consistant à l’abandon d’une intransigeance accrue, l’adoption de la culture de concessions et surtout la considération stratégique des rapports des forces à tout moment. En effet certaines exigences et comportements des opposants pendant la période des élections législatives d’ Avril 2019, n’ont pas été compris par les chefs d’Etat de la CEDEAO qui, malgré leur dégoût des mesures d’exclusion, ont dû être sensibles à la version gouvernementale. De cette ambiance découlent à l’époque les rapports mitigés des émissaires de l’Organisation régionale et de l’ONU.
La paix, la concorde, et la cohésion sociale recommandent que les grands actes de la nation s’inspirent de la philosophie ayant favorisé le succès de la conférence des forces vives de 1990. Faire fi ou s’éloigner de l’esprit de ce dialogue national du PLM Aledjo, sera une erreur grave. Aussi pouvait-on faire l’économie des débats et diatribes en cours sur le parrainage et la prolongation du mandat du Président de la République au-delà du 5 Avril 2021, si ces décisions de grande portée politique relevaient du consensus. Nous nourrissons l’espoir qu’à l’avenir les précautions requises seront prises pour mieux faire que par le passé, le souci permanent, majeur devant être la préservation de la paix, la sécurité et la justice.
Jean-Pierre A. EDON
Ambassadeur, spécialiste des questions internationales.

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