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Le triomphe de la vérité

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Réflexion de l’Ambassadeur Jean-Pierre Edon: «Personne ne saurait prévoir que la démocratie des USA pouvait être secouée de cette manière»


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« Que retenir du récent événement politico-électoral aux Etats-Unis ? » est l’intitulé de la nouvelle tribune de l’Ambassadeur, Spécialiste des questions internationales, Jean-Pierre Edon. Il y aborde les enseignements à tirer de la situation que les Etats-Unis ont connue suite au refus de l’ancien Président Donald Trump de reconnaître sa défaite à la présidentielle de 2020. Selon le Diplomate, c’est grâce aux Institutions de contre-pouvoir que l’ordre a été rétabli. A cet effet, il invite les Africains à intérioriser cette leçon de la démocratie en accordant toujours la priorité à l’intérêt général.

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QUE RETENIR DU RECENT EVENEMENT POLITICO-ELECTORAL AUX ETATS-UNIS ?

La première démocratie du monde a toujours organisé dans le calme et la paix les élections présidentielles tous les quatre ans. Mais celles du 3 novembre 2020 ont été spéciales en ce sens que pour une première fois, le perdant n’a pas reconnu sa défaite sous le prétexte de fraudes électorales. Les multiples actions de contestation des résultats entreprises auprès des instances judiciaires et des organes électoraux, ont été infructueuses.
Cela n’a pas suffi pour ramener en de meilleurs sentiments le candidat protestataire. Le paroxysme jamais connu a été la prise d’assaut le 6 janvier 2021 du Capitole (symbole de la démocratie américaine) par ses partisans enragés, en vue d’empêcher la certification par le Congrès, de la victoire du candidat démocrate élu. De cette situation évènementielle inédite découlent des enseignements dont un certain nombre seulement seront évoqués dans cette analyse.
Ebahis et confus, des politologues internationaux n’ont pas hésité à qualifier pour la circonstance les Etats-Unis de République bananière, alors que cette dénomination péjorative a toujours été le lot des pays africains où presque toutes les élections sont déclarées frauduleuses par les perdants. Dans le cas d’espèce, ce n’est pas l’opposition qui proteste, mais plutôt la mouvance présidentielle.
Il y a lieu de rappeler quelques signes précurseurs de cette ambiance. Le président Trump n’a jamais accepté les résultats des sondages d’opinion des firmes américaines qui depuis un an, ont prédit la victoire du candidat démocrate. Son obsession étant le second mandat, il fallait tout faire pour retourner les résultats en sa faveur. Dans ce cadre, à l’approche des élections, il avait brandi déjà le spectre de fraudes et qu’il n’acceptera pas les résultats s’ils ne lui sont pas favorables.
Son ancien conseiller à la sécurité nationale, Mr John Bolton n’a pas manqué d’évoquer dans son livre écrit, après son limogeage du fait des différends sur la politique étrangère, que ce qui compte le plus pour son chef et dont il est obnubilé, c’est le deuxième mandat. Comme appréciation, il a ajouté que« Ce Président est une aberration pour les Etats-Unis». Abondant dans le même sens, nombreux sont ses collaborateurs estimant qu’il n’est pas compétent pour exercer les fonctions présidentielles.
C’est dans ce contexte de ne ménager aucun effort pour être réélu que s’inscrivent certaines actions fortes et sensationnelles telles que le déménagement sur Jérusalem de I’ Ambassade américaine installée à Tel Aviv défiant ainsi les résolutions des Nations-Unies et le droit international, la pression faite sur certains pays arabes pour le rétablissement de leurs relations diplomatiques avec Israël, l’élaboration unilatérale d’un plan de paix au Moyen-Orient qui accorde d’énormes avantages à Israël au détriment de la Palestine. Par ces actes, il cherche à garantir pendant les élections les voix des Juifs américains dont l’influence sur les consultations démocratiques est souvent décisive.
Sur le plan interne, par son populisme et sa volonté d’agrandir son électorat, il a nié les changements climatiques et favorisé les activités des mouvements racistes. De cette situation découlent des enseignements pour le monde, en particulier l’Afrique dont les processus démocratiques en cours sont récents et très fragiles.
Le premier enseignement réside dans le fait qu’au 21ème siècle, avec toutes les luttes qui ont été menées par le passé pour les droits civiques, l’égalité, les libertés et le rôle d’avant-garde que joue Washington sur le plan international dans la défense des droits de l’homme, on s’étonne qu’existent encore avec tant de force dans ce pays, les mouvements racistes dont la gouvernance Trumpiste a favorisé l’émergence. C’est le cas des suprématistes blancs, nostalgiques du passé ségrégationniste et esclavagiste qui se réclament américains purs à cause de la couleur de leur peau, alors que beaucoup de Noirs y sont arrivés bien avant la plupart de ceux-là qui dénient aujourd’hui à tort, l’appartenance de certaines races à cette patrie. Or tous les Américains sont des descendants des immigrés venus d’ailleurs pour diverses raisons. Les Autochtones, malheureusement décimés par les envahisseurs, sont les Indiens aborigènes.
On ne peut s’empêcher d’évoquer aussi le cas de QAnon, un mouvement conspirationniste aux Etats¬ Unis en phase avec l’ancien chef de la Maison Blanche dont les membres ont violemment manifesté au Capitole le 6 Janvier 2021, à visage découvert avec des pancartes portant cette appellation. Ceci fait dire que la liberté est une bonne chose, mais elle a des limites, et la lutte contre le racisme, le nationalisme étriqué n’est pas encore gagnée. Elle devient une tâche permanente à poursuivre.
Le second constat est la fragilité de la démocratie. Personne ne saurait prévoir que celle des Etats¬ Unis, très ancienne et expérimentée pouvait être secouée de cette manière. Il s’en dégage la leçon que ce système de gouvernement, comme toutes choses, doit être entretenu en permanence. Il n’est pas acquis une fois pour toutes, on doit y veiller à tout moment en combattant la faiblesse des institutions. L’une des faiblesses à éviter est de disposer de structures monocolores. L’existence de diverses sensibilités politiques opposées au sein des organes d’un Etat de droit comme le parlement, est à la fois une force, un gain de l’esprit critique, un gage de paix, de sécurité.
Il est alors important que les organes de contre-pouvoir soient forts. C’est grâce à cette force qu’ils ont pu résister aux actions déstabilisatrices du Président américain et de ses partisans. C’est elle qui a permis à Mr Mitch McConnell, leader des Républicains au sénat de désavouer son candidat en reconnaissant la victoire de l’opposant démocrate Joe Biden. De son côté le Vice-Président Mike Pence s’est opposé le 6 Janvier à l’exécution des ordres illégaux de son chef. Il a adopté alors en sa qualité de Président du Senat un comportement digne, conforme à la constitution.
En Afrique où les institutions sont aux ordres de l’Exécutif, leurs présidents auraient exécuté les instructions du chef au mépris de la constitution, ce qui entraine souvent les troubles à la paix, voire des conflits violents. Malgré toutes les agitations et stratégies pour empêcher l’alternance au pouvoir, l’investiture du nouveau Président a eu lieu comme prévu le 20 Janvier dans une ambiance pacifique. Il s’ensuit, comme l’avait dit Obama, que partout au monde et surtout en Afrique, ce qu’il faut, ce sont des institutions fortes et non des hommes forts au pouvoir.
Mais la force des institutions dépend des acteurs chargés de les animer. Ces derniers doivent s’illustrer par leurs valeurs morales et compétences, la résistance à la corruption et le respect scrupuleux des lois régissant le fonctionnement de l’organisme.
Telle est la leçon de la démocratie que les Africains doivent intérioriser en accordant toujours la priorité à l’intérêt général, en votant des lois favorisant l’épanouissement social, les libertés et l’amélioration constante des conditions de vie et de travail ainsi que les droits de la personne. Aussi est-il impérieux d’éviter toutes mesures d’exclusion, de règlement de compte et de traitement inégalitaire des citoyens selon leurs opinions politiques. Il faut s’abstenir de l’instrumentalisation de la justice, du musellement de la presse et bannir les dispositions légales prises à la tête du client, car la durabilité et l’utilité des lois relèvent de leur caractère général, objectif, juste et équitable.
Sinon il se passe ce à quoi le monde a assisté dans l’après-midi du 20 janvier 2021 où dès sa prise de fonctions, le Président Joe Biden a signé 17 décrets pour annuler certaines décisions impopulaires, injustes de l’administration précédente. De cette situation il ressort une autre leçon, celle de savoir choisir son dirigeant.
Le choix du dirigeant est d’une grande importance. Les séductions de tout genre, l’injection massive de l’argent dans le processus électoral en vue de l’achat des consciences, les promesses démagogiques sont autant de maux à combattre pour opérer un choix objectif et saint. Les expériences malheureuses de nombreux chefs d’Etat comme Trump à travers le monde, permettent de souligner la nécessité d’éviter à l’avenir des choix portant sur un homme qui déçoit ou trompe son peuple, lui rend la vie dure et prend le contre-pied de ses engagements électoraux.
Il est souhaitable que le choix des dirigeants porte sur de véritables politiciens et non des parvenus en politique ,sur des citoyens connus pour leur respect de l’éthique et des valeurs morales, des gens ayant un passé politique et militant édifiant, animés de soucis de l’intérêt général, de la justice, de la sensibilité aux inégalités sociales, des libertés démocratiques et de la crainte de Dieu.
Le dirigeant à choisir doit avoir un minimum d’expérience politique et chercher à être en phase avec son peuple. Car la démocratie est, à ce jour, le meilleur régime politique qui fait du peuple souverain, le vrai détenteur du pouvoir. Etre donc en symbiose avec lui devient important et nécessaire. Le chef au pouvoir doit prêcher d’exemples et éviter les conflits d’intérêt au sommet.
La préoccupation majeure d’un bon dirigeant est de subvenir aux besoins de sa population sans s’embarrasser de la rentabilité des services publics tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, l’Etat n’étant pas une société privée à la recherche du profit. Ce comportement mercantile inadapté aux affaires publiques, est apparu dans la gouvernance de l’ancien chef de Washington et s’est manifesté, entre autres, par la remise en cause unilatérale de certains acquis sociaux et des accords internationaux, difficilement conclus par le passé à la suite de longues et fastidieuses négociations.
Aussi son départ du pouvoir, favorise-t-il désormais, le renforcement du multilatéralisme, la cessation des guerres économiques inutiles, l’affaiblissement du populisme et de l’extrémisme, la poursuite de la lutte contre les changements climatiques, la réduction des tensions liées à la course aux armements nucléaires, le retour sur la bonne voie ainsi que le recadrage de la politique étrangère des Etats-Unis etc. …
Il est nécessaire de souligner que ce qui est en cause ici, c’est la personnalité intrinsèque du Président Trump, et non sa formation politique dont il représente l’extrême droite. Le monde a connu avant lui de brillants et dignes présidents issus du parti républicain. A cause de sa conception rétrograde des faits de société, il est parti, malgré son coup de force pour se maintenir au pouvoir, laissant derrière lui un parti républicain déshonoré et un pays divisé. Conscient de ces défis, le nouveau patron Joe Biden s’est engagé à réaliser l’unité de la population en sa qualité de Président de tous les Américains quel que soit leur vote durant les dernières élections. Dans l’accomplissement de cette tâche il réussira pour le bonheur de ses compatriotes et la quiétude de la communauté internationale.

Jean-Pierre A. EDON
Ambassadeur, spécialiste des questions internationales

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