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Le triomphe de la vérité

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Edito: Une crise de trop


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Je crois que j’ai commis ma pire erreur dans la scolarisation de mes enfants : je les ai sortis du privé pour les amener au public, en pensant que l’Etat prenait enfin l’éducation au sérieux. Deux mois après la rentrée, me voilà à me poser une question terrible : quelle mouche m’a donc piqué ?
J’avais effectivement pensé que les « réformes » étaient en train de frapper aux portes de l’éducation nationale. Plus de grève oui, informatisation de la gestion, financement adéquat des collèges, déploiement des corps de contrôle et surtout présence effective des enseignants de qualité. Pour le commun des Béninois, c’est déjà important. Bien sûr, pour moi, les questions de fond restent encore en marge : quel type de citoyen formons-nous pour développer ce pays ? Jamais aucune réforme n’a touché cette question basique. Mais ce qui enrage le plus, c’est lorsque le minimum qui maintenait un semblant d’équilibre du système s’écroule sous nos yeux.
Le système s’effondre devant nos yeux impuissants de parents ébahis et honteux. Deux mois après la rentrée, la plupart des collèges et lycées publics sont sans enseignants suffisants. Dans un collège, même les terminales scientifiques n’ont pas de professeurs de maths ni de PCT, dans un autre, c’est un enseignant de philosophie qui n’a jamais enseigné le Français qui est obligé de faire dans les terminales littéraires devant des élèves médusés. Ailleurs, ce sont des professeurs de SVT qui enseignent les mathématiques, plus loin ce sont des professeurs d’EPS qui doivent enseigner officiellement dans trois différents collèges de leur commune, etc. L’Etat lui-même se mélange les pinceaux entre les différentes cohortes de personnels aspirants, entre ceux qui sont dans les fameuses bases de données et ceux qui n’y figurent pas…En matière de désordre, le Bénin n’a jamais atteint ce niveau d’approximation et d’improvisation dans la gestion de notre système éducatif. Jamais. C’est bien la première fois depuis une trentaine d’années que deux mois après la rentrée, les cours n’ont pas véritablement commencé dans tous les collèges et lycées, alors qu’il n’y a pas grève. Deux mois après la rentrée, dans presque tous nos collèges et lycées, le manque criard d’enseignants désespère tout le monde et l’on en est à se demander : que s’est-il passé ?
Non, personne ne peut me convaincre qu’il n’y a pas d’enseignant qualifié au Bénin. Et cela pour la simple raison que depuis toujours le système a été organisé pour s’auto-améliorer. 99% de ceux qui détiennent des diplômes d’enseignement au Bénin proviennent de nos universités publiques. Même si quelques-uns ont pu par divers stratagèmes, décrocher des diplômes de complaisance, ils ne forment qu’une très petite minorité. Jeter l’anathème sur la formation de l’immense majorité qui a acquis ses diplômes de haute lutte, c’est reconnaitre que nos universités publiques ne valent pas grand-chose, et que donc les enseignants qui y exercent sont les véritables plaies du système. C’est une absurdité sans nom. Même si nos universités ont aussi leurs tares, elles ne sont pas encore descendues aussi bas.
Le vrai problème, c’est que depuis quelques années, l’Etat s’est refusé à recruter parmi les enseignants qualifiés, suffisamment d’enseignants pour contrôler et encadrer les autres. Et l’Etat le fait pour des raisons purement économiques. Lorsque vous refusez de recruter des inspecteurs et des conseillers pédagogiques, lorsque vous refusez de mettre à la disposition du peu de conseillers pédagogiques en place les moyens nécessaires à leur mission, vous n’avez plus à vous plaindre de la qualité des enseignants. Tout travailleur livré à lui-même fait mal son travail, l’enseignant y compris.
Pendant que l’on jure qu’il n’y a pas suffisamment d’enseignants de mathématiques ou de PCT, beaucoup de ces spécialistes ont été chassés du public par les conditions humiliantes qui leur sont proposées. Ils préfèrent rester dans le privé. D’autres sont laissés sur le carreau du fait des incohérences et improvisations qui menacent leur survie. Car, ce que tout le monde semble perdre de vue, c’est la dégradation du statut social de l’enseignant aujourd’hui. Le métier a perdu de son attractivité et la plupart de ceux qui n’y ont pas encore tous les deux pieds, cherchent des voies et moyens pour y échapper. Et le cafouillage organisé par l’Etat les y contraint.
En un mot, les équipes de malfaiteurs qui amènent Patrice Talon à fournir des justifications totalement loufoques sur la crise, n’échapperont pas aux conséquences dévastatrices qui se préparent pour nous tous.

Olivier ALLOCHEME

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