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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le mois du folklore


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Le mois du consommons local s’achève comme il a commencé : sans grand-chose. Il y a eu de grands discours, de grandes démonstrations de patriotisme économique, quelques expositions de produits béninois et point. Il n’y a pas eu des mesures fortes à même de contenir les importations massives. On n’aura aucune annonce de mesure de contrôle même des produits alimentaires de qualité douteuse qui ruinent notre santé. On ne verra pas comme au Nigeria ou en Côte-d’Ivoire des mesures de protection de l’élevage national ni des industries de chez nous. Après le folklore, tout reprendra comme jadis, comme si de mois du consommons local il n’y en a jamais eu.
Au fait, il ne faut pas moins d’une révolution pour changer nos habitudes de consommation. Tout le monde dans ce pays préfèrera les chaussures venant d’Italie ou de France à celles fabriquées par nous-mêmes, par nos frères cordonniers, malgré leur dextérité et leur savoir-faire. On fera de grands discours sur le kanvo, festivals sur festivals pour en faire la promotion, mais dès qu’il s’agira de convertir nos antiques kakis ou nos treillis qui rapportent si gros à des milliardaires importateurs, ce sera impossible de prendre les bonnes décisions. On parlera bien du «consommons local», mais dès qu’il s’agira de construire ici au Bénin une ou deux usines de production d’engrais, personne ne saura prendre sa responsabilité. La préférence ira toujours à l’importation.
Les lobbys d’importateurs sont à la manette, plus puissants que jamais. Les bonnes décisions qui permettront de produire des carreaux ici, viendront toujours des contraintes extérieures. Produire, pas seulement : produire et vendre. A ce sujet, le marché béninois demeure un paradis pour les importateurs, un enfer pour les industriels. Rien ou presque n’est fait pour obliger nos administrations à consommer du mobilier made in Bénin. Rien ou presque n’est fait pour réduire la facture des vins de table massivement importés. Rien ou presque n’est fait pour encourager la production de jeans, de tee-shirts ou de pagnes…Dans un tel environnement d’importation massive, toute industrie qui s’installe est appelée à sombrer, face à une concurrence étrangère suffocante.
Certes, les importations permettent de renflouer les caisses de l’Etat. Sans elles, les douanes béninoises auraient beaucoup de mal à atteindre leurs objectifs. Et l’Etat pourrait affronter de graves ennuis de trésorerie. Mais contrôler les importations permettra la naissance de la petite industrie qui donnera naissance à la grande. Il permettra l’éclosion de l’industrie textile ainsi que la création de milliers d’emplois locaux. Mais cela passe par une volonté politique, lorsque l’Etat renoncera momentanément à une partie de ses ressources fiscales.
Ceux qui demandent au peuple le patriotisme économique, c’est-à-dire d’exercer la préférence nationale dans leurs achats, ne se rendent pas compte d’une chose : le marché béninois est très sensible aux prix. Même 10 F de différence dans les prix d’un produit de grande consommation, peuvent faire basculer des décisions d’achat dans un sens ou dans un autre. C’est d’ailleurs pour cela que les magasins et boutiques qui se sont installés sur le modèle du «consommons local» ont connu un succès limité. Face à des produits étrangers largement moins chers, le consommateur béninois n’hésite pas. L’un des cas les plus emblématiques reste notre bon vieux palmida que de malins esprits ont trouvé le moyen de contrefaire. Mais le palmida contrefait est moins cher que le vrai, ce qui lui attire plus de clients.
Dans un tel environnement, le rôle de l’Etat est central. Il se doit, comme partout ailleurs dans le monde, de protéger son marché pour éviter l’envahissement de toute la pourriture du monde. L’avènement dans les mois prochains de la zone de libre-échange africaine (ZLEC) constitue à cet égard une véritable source d’inquiétude pour moi. Ce serait une concurrence supplémentaire, dans un contexte où l’Etat fait si peu en leur direction.
Pour être clair, ce n’est pas en multipliant les «mois du consommons local» que l’Etat développera l’artisanat local ou l’industrie nationale. C’est en prenant des décisions politiques fortes pour refuser le statu quo actuel.

Par Olivier ALLOCHEME

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