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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le piège du mandat unique


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L’interview de Jeune Afrique n’a pas permis de lever l’équivoque. Une fois de plus, Patrice Talon fait planer un doute épais sur sa volonté d’être candidat pour 2021. Bien sûr, pour des raisons de leadership, il ne doit jamais laisser entendre qu’il n’est pas candidat, au risque de semer le désordre au sein de l’administration publique. Un chef qui est partant n’est plus à craindre. Et bonjour les dégâts !
Néanmoins, la posture ambiguë de Talon a entrainé des conséquences politiques impossibles à contrôler actuellement. Dans la posture du mandat unique, le Chef de l’Etat a tenté une gestion comparable à celle de Kérékou II. Comme je l’ai déjà dit ici à plusieurs reprises, en se retranchant derrière les murs de la présidence pour gérer un pays de presque 12 millions d’habitants, Patrice Talon commet une erreur de communication politique dont la solution ne viendra que de lui-même. Buhari avec 200 millions d’habitants, Trump avec 300 millions d’habitants et même Xi Jinping avec 1,4 milliards d’habitants donnent tous la preuve qu’un Chef d’Etat, que ce soit dans un régime de démocratie libérale ou en pleine dictature communiste, qu’un Chef d’Etat donc a besoin d’avoir les pieds solidement ancré dans son peuple. Il ne doit jamais laisser le terrain politique. En dehors du Cameroun où depuis 1981 Paul Biya mène une gouvernance similaire, je ne vois pas d’autres modèles de gouvernance ailleurs dans le monde. Mais il ne faut pas oublier que le président camerounais a d’abord été premier ministre, avant de prendre les rênes du pays. Et même alors, il a mis en place des courroies de transmission entre les grands électeurs, les têtes couronnées et le palais d’Etoudi. Si Kérékou II a appliqué la même méthode, j’aime toujours à rappeler qu’il a d’abord fait 17 ans de pouvoir révolutionnaire avant d’être élu en 1996. Et qu’alors même que la grande masse pense qu’après 2001 il était resté dans son palais, Kérékou avait instauré une tradition de rencontres régulières avec les têtes couronnées, les grands électeurs et autres voix autorisées qu’il allait visiter dans leurs villages et leurs maisons. Ces visites nocturnes et très souvent solitaires étaient couplées avec les rencontres au palais où il recevait des visites plus solennelles de délégations venues de l’intérieur du pays. Sans compter la lourde armada de ses services de renseignements distribués aux quatre coins du Bénin et qui comptaient des gens insoupçonnés, des prostituées aux simples vulcanisateurs, des paysans aux plantons…C’était la méthode Kérékou qui lui a permis de gagner toutes les élections et de garder une place exceptionnelle dans le cœur des Béninois, malgré la longue liste de ses turpitudes.
Nous sommes en politique et il s’agit de conquérir le cœur des citoyens de tous les horizons, où qu’ils soient. Or, depuis 2016, Patrice Talon n’a fait qu’une seule vraie tournée dans le pays. Depuis lors, on ne l’a jamais vu à Malanville, à Kétou, à Djakotomey ou Bantè. Le Président de la République se contente de ses rencontres avec les acteurs politiques déjà acquis à son camp. La méthode a montré ses limites. Aux dernières élections, un parti comme le PRD a fait comme un raz-de-marée dans ses fiefs traditionnels, même sans faire campagne. Malgré les dissensions internes et l’absence notoire de leur leader charismatique, les FCBE ont tenu leurs fiefs. Il ne faut plus se leurrer outre mesure : l’élection présidentielle ne sera pas une sinécure pour Talon.
Si même le PRD soutenait le Chef de l’Etat, une bonne partie du pays réel lui échappe. Sa distance ostentatoire avec le bas peuple est une véritable catastrophe stratégique. Elle laisse penser à l’opposition que même un mouton positionné contre lui, finira par le battre.
Nous ne faisons pas de politique-fiction. La dernière élection a montré clairement que la posture du mandat unique adoptée jusqu’ici est une illusion. Elle laisse penser que Talon n’aura pas besoin de l’électorat en 2021 et qu’il suffit d’asphaltage, d’autonomie énergétique ou de couverture suffisante en eau potable pour être porté en triomphe. On oublie facilement que ces réalisations n’ont touché qu’une infime partie du pays et que surtout l’électeur béninois vote toujours contre quelqu’un. En 2016, il a voté contre Yayi et son Zinsou. En 2021, il votera contre Talon, si rien n’est fait pour corriger le tir.

Par Olivier ALLOCHEME

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