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Le triomphe de la vérité

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Edito: Un an de forfaiture


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Le Bénin n’est pas mort un an après la fermeture des frontières avec le Nigeria. Je m’attendais réellement à une récession dans notre pays en fin 2019. Elle n’eut pas lieu. Mais les prévisions de croissance n’ont pas été atteintes en 2019 et ne le seront probablement pas en 2020, surtout du fait des ravages de la pandémie du coronavirus. On peut donc avouer que la fermeture des frontières a un impact négatif sur le trésor public. Non seulement elle a anéanti le commerce de réexportation, mais encore elle a entrainé une crise profonde sur les marchés transfrontaliers de notre pays. Vendeuses de gari, producteurs d’huile de palme, tous ceux qui ont investi dans les fermes piscicoles, les maraichers de Grand-Popo et ailleurs y compris les producteurs d’ananas, tous ont vu leurs activités fortement touchées. Personne ne peut donc soutenir que l’économie béninoise n’en a pas été affectée.

Dans le même temps, il est illusoire de penser que la mesure est restée sans conséquences négatives du côté nigérian. Pas plus tard que le lundi 24 août dernier le National Bureau of Statistics (l’équivalent de l’INSAE au Nigeria) annonçait que le pays a enregistré une récession allant jusqu’à -6,1% au deuxième trimestre de cette année. C’est la pire performance de l’économie nigériane depuis trois décennies, une situation due non seulement à la fermeture brutale des frontières mais aussi à la pandémie de la Covid-19. Pour ce troisième trimestre, les projections les plus optimistes tablent sur une récession. Or, techniquement, une économie entre en récession sur une année lorsqu’elle enregistre deux récessions trimestrielles successives.
Disons clairement que la Covid-19 est venue aggraver la situation économique du Nigeria en une période où il s’est brutalement isolé de ses voisins immédiats. Résultats, même si le pays a pu mettre en place un plan d’urgence de 2300 milliards de naïras, la ministre des finances, du budget et de la planification nationale, Zainab Ahmed, a indiqué jeudi qu’elle s’attend à une récession en fin d’année. Le cabinet CardinalStone Finance, installé à Lagos et spécialisé dans l’investissement, a dit projeter pour sa part une récession d’environ -4,6% à la fin de l’année. On verra bien ce qu’annoncera la Banque Mondiale en octobre prochain, lorsqu’elle fera sa revue de la situation économique du pays.

Ce que tout ce beau monde semble ignorer et que même les techniciens béninois font semblant de ne jamais voir, c’est que depuis une quarantaine d’années le Bénin a toujours servi à résoudre les énormes problèmes de devise que le Nigeria rencontre. Autrement dit, pour ses importations, le pays a besoin de dollar et d’euros. Mais en réexportant sur le Nigeria, le Bénin prend sur lui une partie du fardeau des devises, puisqu’une bonne partie du commerce de réexportation s’effectue en monnaies locales (CFA et Naïra), allégeant ainsi les besoins en devises du Nigeria. La banque centrale nigériane se débat ainsi dans une grave pénurie de devises étrangères, surtout avec la rareté des pétrodollars, rareté consécutive à la baisse drastique des cours du pétrole. Si le Naïra a déjà été techniquement dévalué en mars, en juillet et début août, cette situation récurrente entrainera une dévaluation certaine dans les mois à venir.

Pour le commun des Nigérians, cela se traduit par la flambée des prix des produits de première nécessité. Le mois dernier, l’inflation a atteint 11%, avec les produits alimentaires atteignant une cime de 15% environ. Du coup, n’ayant plus le riz, les pâtes ou les huiles alimentaires réexportés à partir du Bénin, beaucoup de Nigérians ont du mal à se nourrir.

Dans tout cela, c’est l’impuissance de la CEDEAO qui est mise en exergue. Le Nigeria qui représente environ 70% du PIB de la sous-région, se comporte comme un éléphant dans un château de porcelaine. Il brise et brime tous ses voisins. Mais tandis que le Bénin fait la diplomatie du silence pour préserver ses relations de bon voisinage, le Ghana ne se laisse pas intimider. Ce dimanche 30 août 2020, le ministre ghanéen de l’information, Kojo Nkrumah, a tenu une conférence de presse à Accra pour fustiger proprement l’attitude du Nigeria en l’accusant d’empêcher les commerçants ghanéens d’accéder à son territoire par la fermeture des frontières. Comme mesure de rétorsion, le Ghana a mis en place une taxe de 1 million de dollar (environ 500 millions de FCFA) que doit payer tout commerçant ou industriel nigérian désireux de s’installer dans le pays.

Nous assistons ainsi au réveil des vieux réflexes protectionnistes contre lesquels la CEDEAO a été précisément créée. Je continue pourtant de penser que pour régler la crise, ce n’est plus vraiment la responsabilité du seul Bénin. La CEDEAO doit en faire un problème majeur, ce que je ne vois pas jusqu’ici.

Par Olivier ALLOCHEME

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