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Le triomphe de la vérité

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Edito: Enseigner la traite négrière


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La traite négrière est constamment l’objet de méprises, mais désormais elle fait l’objet de commerce. Oui, après la mise en place du projet de la Route de l’esclave, c’est un mémorial qui est en construction à Ouidah pour attirer les touristes vers ce segment de notre histoire. Les esprits chagrins y verraient une deuxième vente de nos ancêtres, après celle qui a eu lieu pendant 400 ans. Ce n’est pas le moindre des paradoxes.
J’ai toujours été choqué par la façon dont nous avons appris à prendre notre histoire, qu’elle soit récente ou ancienne. Nous parlons de 400 ans de déportations massives, dans des conditions infrahumaines. Mais tout ce que nous en tirons, c’est un nouveau commerce appelé tourisme. L’une des aberrations qui sont alors créées, c’est la statue de Victor Schœlcher présenté à Ouidah comme celui qui a aboli l’esclavage. L’idéologie Schoelchériste répandant le mythe du sauveur blanc, celui d’une France décidée au XIXème siècle à libérer enfin les Noirs, s’enseigne jusqu’aujourd’hui dans nos écoles. Or, depuis mai dernier, avec le mouvement Black Lives Matter et la vague de destruction de statues de Victor Schœlcher notamment dans les Antilles, nous savons désormais que cette idéologie a été savamment élaborée pour nous endormir. La France n’a pas aboli l’esclavage par humanisme, mais parce que la révolution industrielle en Amérique avait rendu ce commerce désormais peu rentable, les Américains n’ayant plus vraiment besoin de main-d’œuvre noire. Voilà la vérité.
L’autre vérité, c’est que les esclavagistes européens avaient été ruinés et devaient trouver de nouvelles sources de revenus. D’où l’idée d’utiliser les territoires africains comme débouchés des produits manufacturés, mais aussi pour produire des matières premières comme le coton, le palmier à huile, le cacao, le café, les arachides, etc. destinés aux métropoles. C’est le point de départ de la colonisation. Quand vous regardez bien, vous verrez que les mêmes produits de rente continuent encore aujourd’hui d’être cultivés et d’être convoyés vers l’extérieur. Autrement dit, les Africains, depuis des siècles ont été amenés à ne cultiver que les produits qui sont bons pour les pays occidentaux, et pas ceux qui devraient les rendre riches. On a convaincu nos chercheurs, nos agronomes, nos universitaires que les produits qui enrichissent les paysans et les industriels en France, en Angleterre ou en Allemagne, ne sont pas bons pour nos terres. Il s’agit entre autres des raisins, des pommes de terre, du blé, etc. Toutes nos économies depuis lors sont orientées vers la satisfaction des besoins des puissances colonisatrices qui nous inondent alors de produits industriels vendus à prix d’or. Tant que ce schéma colonialiste perdurera, tant qu’un dirigeant fou ne décidera pas d’inverser la tendance, tous les plans de développement élaborés chez nous, serviront à perpétuer cette dépendance.
En célébrant hier la journée internationale de la traite négrière et de son abolition, nous avons fermé les yeux sur ces vérités basiques. On préfère le folklore des exhibitions touristiques fabriquées, à la prise en compte des données réelles de l’histoire. On développe la théorie du pardon, en utilisant la fausse histoire des Noirs qui auraient vendu d’autres Noirs. Lorsque le Président Kérékou lançait au début des années 2000 le festival international Gospel et Racines, des ouvrages de chercheurs béninois et africains ont pu distiller également cette idée. L’objectif était bien sûr de montrer que les Noirs sont si cupides et sauvages qu’ils sont les seuls peuples au monde à vendre les leurs pour des « pacotilles ». Nous continuons d’enseigner ainsi à nos enfants à haïr leurs ancêtres, alors que la vérité est ailleurs. Les peuples africains se sont farouchement opposés au commerce esclavagiste, ce qui a contraint les négociants blancs à user de divers subterfuges pour arriver à leurs fins. Les guerres esclavagistes faisaient partie de ces méthodes. Ces guerres ont déstructuré jusqu’aujourd’hui les bases sociologiques de nos pays, en opposant des peuples appelés à vivre ensemble.
Je soutiens toujours que l’enseignement de ce pan de notre histoire doit mettre l’accent sur son impact sociologique, économique et politique, pour enfin déboucher sur ce qu’il faut faire pour ne plus subir d’autres formes d’esclavages. Je soutiens que le Bénin n’a que faire des célébrations folkloriques visant un tourisme immoral et inacceptable. Chaque enfant de ce pays doit être habité du vaste désir d’une saine vengeance contre la plus grande conséquence de ce commerce honteux : le sous-développement.

Par Olivier ALLOCHEME

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