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Le triomphe de la vérité

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Edito : Le dopage économique


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Derrière leur masque social, les mesures mises en place la semaine dernière contre l’impact du Covid-19 sont une réponse très claire du gouvernement aux risques de chute de la croissance économique. Soyons clair cependant. Ces mesures comportent une bonne touche sociale. Il s’agit notamment de la subvention de 5,76 milliards destinée à l’eau et à l’électricité. Pour l’électricité surtout, l’Etat prendra en charge l’augmentation tarifaire qui devrait prendre effet depuis mars. Cela risque de mécontenter les acteurs sociaux qui pensaient que, comme dans certains pays de la sous-région, l’Etat prendrait sur lui les factures d’eau et d’électricité de deux ou trois mois, pour tous les ménages. Il n’en est rien.

                A cela s’ajoute la subvention qui sera octroyée aux pauvres et extrêmes pauvres. C’est une mesure en cours depuis quelques années déjà dans les pays de la sous-région. Aux Etats-Unis, Donald Trump a par exemple octroyé aux ménages des classes moyennes une subvention de plus de 1200 dollar (un peu plus de 600.000 FCFA) pour contrer l’érosion du pouvoir d’achat de cette frange de la population.  Nous reviendrons sur cette politique qui s’est répandue dans le monde depuis quelques années et qui remet en cause les bases même du capitalisme néolibéral. Le Bénin semble ainsi emboiter le pas à des pays comme le Nigeria, la Côte-d’Ivoire, le Sénégal, la Namibie, le Kenya, etc. Nous y reviendrons.

                En réalité, le gros lot de ces mesures dites sociales va aux entreprises. Il s’agit d’un pactole de 63,38 milliards de FCFA qui vont directement aux entreprises, soit environ 85,5% des 74,12 milliards prévus par le programme gouvernemental. Ces fonds touchent aux véritables problèmes qui frappent aujourd’hui les entreprises dans le contexte de la pandémie : paiement des salaires (l’Etat prend 70% en charge), factures d’eau et d’électricité (pour les agences de voyage et les hôtels), fonds de bonification pour faciliter le crédit auprès des institutions bancaires…L’Etat en profite pour résoudre au passage l’une des difficultés les plus cruciales des entreprises, c’est-à-dire l’accès au crédit bancaire en ouvrant une ligne de financement à taux zéro pour 100 milliards de FCFA. Autrement dit, pour ce que j’ai cru comprendre, les entreprises peuvent s’endetter à taux zéro jusqu’à hauteur de 100 milliards (bien sûr en respectant les critères de solvabilité connus de toutes les banques), l’Etat prenant sur lui le paiement des agios que les banques devraient récupérer auprès des entreprises. 

Cette dernière mesure à elle seule constitue une avancée incontestable pour les PME par exemple. Alors que dans la plupart des pays les banques sont tenues de prêter de l’argent au secteur productif, les banques béninoises, si elles ne font pas de la thésaurisation (en stockant l’épargne de leurs clients), investissent très peu dans l’activité économique. Au Nigeria par exemple, toutes les banques sont tenues de prêter jusqu’à 65% de leurs avoirs aux entreprises. « Tenues », cela veut dire que si elles ne le font pas, elles sont sanctionnées par la banque centrale qui veille au grain. Il n’en est rien au Bénin où les banques ont peur d’aider les entreprises. « Aider » est bien un vocable provocateur pour ce secteur habitué à une gestion prudentielle.  

                Au fond, tout ce déploiement des ressources de l’Etat sert à doper l’activité économique, en misant sur les entreprises pour les inciter à consommer et à prendre de l’initiative. Au finish, même si le gouvernement ne le dit pas (à bon droit d’ailleurs), ces fonds doivent à  terme doper la croissance économique. Car, si le Bénin continue d’être premier producteur africain de coton (avec 714.000 tonnes cette année encore), et que les grands travaux d’infrastructure font injecter d’autres dizaines de milliards dans l’économie, ajouté à différents appuis des institutions financières internationales, il n’y a pas de raison que le Bénin se situe à 3% de croissance à fin 2020. Nous irons probablement à un minimum de 5%.

                Dans un contexte de pandémie, ce serait un résultat plus qu’honorable pour l’économie béninoise. Bien sûr, la grande question est de savoir si les entreprises ainsi chouchoutées saisiront la chance qui leur est offerte pour prendre des risques. Malgré toute la stratégie du gouvernement, là réside la grande interrogation.

Par Olivier ALLOCHEME

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