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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec Saturnin Allagbé, gardien de but des Écureuils du Bénin: «Je suis bien en Ligue 2. Mais j’en veux plus encore»


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International béninois, Saturnin Allagbé est joueur du Chamois Niortais en Ligue 2 française. Décisif face au Maroc, celui qui a marqué plus les esprits du côté des Écureuils, lors de la CAN Egypte 2019. Né le 22 novembre 1993, celui qui connait une progression depuis son arrivée dans le championnat français revient sur ses débuts dans le football, fait le vœu d’un nouveau challenge ainsi que de disputer un jour, les JO avec le Bénin. Lisez plutôt.

L’Evénement Précis : Comment se passe cette période de coronavirus à votre niveau ?

Saturnin Allagbé : Comme tout le monde, c’est une période inattendue et compliquée. C’était une crise sanitaire mondiale. Avec le confinement j’ai passé beaucoup de temps avec la famille à la maison et ce n’est pas plus mal. J’en ai profité. Aujourd’hui, la vie essaye de reprendre de chaque côté. J’espère que dans les semaines à venir tout ceci sera un lointain et mauvais souvenir.

En France, c’est déjà la fin de la saison. Comment apprécies-tu cette décision ?
C’est déjà acté. On n’y peut rien ! Niort est maintenu en Ligue 2, c’est le plus important en thème d’objectif. Personnellement, je revenais de blessure et je n’ai joué qu’un seul match avant l’arrêt. Ça me fait un peu mal parce que j’envisageais enchaîner les matches sur la fin de saison. Maintenant, c’est mort. Il faut déjà penser à la prochaine saison. Bien préparer la reprise.

Si on doit parler de Saturnin Allagbé, que pensez-vous que le fan béninois doit retenir de lui?
Je suis gardien de but des Chamois Niortais en Ligue 2 française et des Ecureuils du Bénin. J’ai été formé au centre Tanéka et passé également par l’Aspac en première division béninoise. Avec les sélections nationales de mon pays, j’ai disputé une coupe d’Afrique avec les U20 du Bénin en Algérie 2013 et une Can avec les A en Egypte 2019. J’ai été nommé aux trophées UNFP et meilleur joueur des Chamois Niortais en 2019. Voilà de façon brève ce qu’on peut dire. C’est parfois difficile de parler de soi-même. Je laisse souvent les autres le faire. Mais c’est l’essentiel.

Des proches à vous, vous appellent Sofak. Pourquoi ce surnom ?
C’est la somme de mes initiales. Au centre de formation chacun se trouvait un surnom dont j’ai créé un mix avec mes prénoms et noms. Saturnin Owolabi Franck Allagbé Kassifa donc Sofak. C’est resté malgré les années , mes coéquipiers et proches aiment bien m’appeler comme cela.

Racontez-nous d’où est née votre passion pour le football ? Et surtout pour le poste de gardien de but ?
J’ai commencé par jouer dans la rue, au quartier comme tous les jeunes de mon âge. Au début, j’étais un joueur de champ. Et puis, sur un match avec mes amis, on n’avait pas de gardien et comme j’étais le plus grand de taille, je suis devenu gardien du jour et j’ai gardé le poste.
Mais à vrai dire, je pense que je l’avais un peu dans le sang quand même. Parce que mon père a joué à ce poste au niveau communal. Et mon oncle, Charles Ana, fut gardien de but de l’équipe nationale du Bénin.
Sur le terrain après ma reconversion inattendue, j’ai commencé à connaître le poste, m’intéresser de plus près. J’étais et je suis toujours fan d’Edwin Van Der Sar (gardien de but international néerlandais et de Manchester United) même s’il a arrêté. Pour moi c’était un monstre dans les buts. Après il y en a d’autres.

Racontez-nous des anecdotes sur votre formation. Est-ce que tout s’était passé comme vous le vouliez quand vous étiez au centre Taneka ?
C’était des moments inoubliables. On poursuivait tous un rêve, on a vécu trop de choses qui sont encore gravées dans ma tête. Que ce soit pour les matches ou tout ce qui se passaient autour.
Pour l’anecdote, sur le terrain. Je me souviens que nous étions en train de préparer un tournoi U15 qui devait se tenir en France. J’étais le titulaire et l’hors du dernier match de préparation j’encaisse un but. Le coach de l’époque était fâché et m’a remplacé en plein match. Je pensais que c’était juste sur le coup de la colère, mais cela m’a couté aussi le remplacement de mon passeport et je ne suis jamais revenu dans l’équipe qui s’est finalement déplacée en France. A l’époque, j’étais en colère et déçu de n’avoir pas été dans le groupe. Mais aujourd’hui, quand je pense à ça, j’en rigole.
En dehors du terrain, vous savez, on était tous hébergé au dortoir donc chacun avait sa petite réserve de ration de nourriture en plus des mets distribués à la cantine. Moi j’avais souvent du gari dans mon coin et je le fermais à clé. Comme si c’était de l’or parce que j’étais parfois le seul qui en avait et les autres venaient s’approvisionner chez moi (rires).
Aujourd’hui on se rend compte avec du recul qu’on n’avait pas si tant de moyens que cela mais on avait une forte volonté. On rigole de tout ça avec les anciens coéquipiers avec qui je partage un groupe whatsapp où on se rappelle de ces moments.

Votre arrivée au sein de l’Aspac s’est faite comment ? C’était en quelle année ?
En 2009, c’est le coach de l’Aspac Emile Enassouan qui a cru en moi et ma recruté. En ce moment-là, ce n’était pas un choix facile de miser sur un jeune portier. Je le remercie d’ailleurs de m’avoir donné ma chance. Tanéka avait un partenariat avec l’Aspac donc je pense que ça a pesé dans la balance aussi.

Comment vous sentiez-vous en ce moment ?
J’étais content à l’époque. Pour moi, c’était une étape supérieure de jouer en première division. Je quittais le centre de formation, j’allais montrer ce que je valais en compétition. L’Aspac était en train de s’installer en première division et je devais faire mon trou. J’étais motivé par l’enjeu.

Du N°3, vous êtes devenu le N° 1. Cela n’a pas été facile hein ?
Rien n’est facile dans la vie. J’ai été éduqué comme cela. Et au poste de gardien, la hiérarchie est généralement connue et se bouscule très rarement sauf concours de circonstances. J’ai eu la chance sur la saison 2009-2010. Alain Gaspoz, qui était notre coach, a, contre toute attente, instauré un turn over permanent entre les trois gardiens, Mama Karim, Wassiou Salami et moi. Cela m’a permis d’avoir du temps de jeu et de progresser. Au fil des années, j’ai pris ma place. Mais la concurrence était forte. On a été champion du Bénin en 2010 et 2012, et j’ai disputé les matchs des tours préliminaires de la Ligue des champions Africaine avec le club. Franchement, j’ai tout appris avec le club.

Quelques années après vous avez pris la direction de la France. Racontez-nous comment le projet est arrivé ?
Après la Can junior 2013, j’ai eu pas mal de sollicitations en Afrique notamment. Mais j’ai d’abord fait un essai à Bordeaux, la même année et je n’ai pas été conservé. Alors, j’ai repris avec l’Aspac. Un jour, mon agent m’a fait part de l’intérêt d’un club de Ligue 2 où je devais signer une seule saison. Finalement, le club me propose un contrat trois ans avec des objectifs bien clairs. Et c’est ainsi que tout est parti avec Niort.

Et vous devenez à ce jour le seul gardien de but a quitté le championnat béninois pour s’imposer dans un club en Europe…
On ne va pas faire la fine bouche. Je suis fier de mon parcours. J’ai réussi à m’imposer dans la durée. Même si le début n’a pas été du tout facile. J’ai franchi chaque étape. J’ai commencé avec la réserve ensuite N°2 avec l’équipe pro avant de passer N°1. Le poste de gardien de but est très exigeant même quand vous n’êtes pas titulaire. Avec du recul je peux relativiser et être content de mon parcours; mais je ne suis pas minimaliste. J’en veux plus encore. Quand je débutais à Tanéka, si on m’avait dit que je passerai pro dans un club européen, j’aurai signé des deux mains, même si dans ma tête c’était un objectif. Aujourd’hui je suis bien en Ligue 2 et j’ai envie d’aller voir au-delà et repousser mes limites. Écrire encore plus l’histoire et d’abord améliorer mon parcours. Je suis dans un club qui m’a fait confiance dès mon arrivée et qui me permet de progresser chaque saison. Mon entraîneur, Pascal Landais chargé des gardiens à Niort, je lui dois beaucoup, il a toujours été là pour moi.

Révélation béninoise lors de la dernière Can en Égypte, comment vivez-vous ce statut ?
Je vais être honnête, cela a changé ma vie. Mais je suis quelqu’un de posé et discret à la base donc ça contraste un peu. Mais je le vis bien. Les gens me suivent plus sur les réseaux sociaux et j’ai beaucoup de sollicitations. Je ne passe plus inaperçu. Ça fait partie aussi des exigences du métier public que l’on fait. Après, il ne faut pas se prendre pour quelqu’un d’autre et continuer de répondre aux attentes. Passé d’un discret numéro à ce statut, c’est waouh !

Racontez-nous un peu votre CAN. A votre avis, Les Écureuils ne pouvaient-ils pas mieux faire ?

J’étais déjà reconnaissant et heureux d’être parmi les 23. Sincèrement, c’est un rêve qui devenait réalité. J’étais numéro 2. C’était clair dans ma tête. Mais je restais concentré au cas où, en plus j’ai joué le dernier match contre le Togo. Donc, je me suis mis en tête que ça pouvait arriver qu’on me fasse appel. L’équipe partait pour au moins gagner un match. Et puis, au déjeuner du match contre le Cameroun, le coach m’annonce que je vais jouer. Je me prépare et j’ai vécu des moments incroyables sur les trois matches disputés contre le Cameroun, le Maroc et le Sénégal. On a réalisé quelque chose de grand pour un pays modeste comme le Bénin. L’engouement sur les réseaux sociaux nous démontrait déjà l’amour et la motivation du public. Mais quand nous sommes rentrés de l’aéroport au stade de l’amitié, l’accueil était digne des champions d’Afrique.
Je profite pour remercier encore nos supporters et tout le peuple béninois. Ils nous ont donné une force incroyable. On ne serait rien sans eux. Rien qu’à penser à ces moments, j’ai les yeux pleins d’étoiles, et je revois des images avec beaucoup de frissons.

Parlez-nous de votre meilleur moment en tant que footballeur ?
Euh je dirai, le jour de la signature de mon contrat pro. Tout est parti de là. C’est un jour crucial dans ma carrière. C’est un peu comme l’accomplissement, la récompense de tous vos efforts d’amateur ou centre de formation.

Qu’est-ce qui vous a marqué négativement dans votre carrière en équipe nationale qu’en club ?

Euh, en juin 2011, c’était lors des qualifications des Jeux Olympiques de Londres 2012. On disputait l’avant dernier tour contre l’Afrique du Sud. Nous avions gagné le match aller 3-1, à Porto-Novo. J’étais titulaire avec les U23. Et puis deux semaines plus tard, lors du match retour à Johannesburg, j’ai été écarté le jour du match sans explication. Je n’étais même pas sur la feuille de match, j’étais en tribunes. J’avoue que je l’ai mal vécu parce que nous avons perdu 5-1. J’étais frustré même si je n’avais rien contre la concurrence. Et je crois que c’est la manière qui m’a vraiment choqué. Parce que je rêvais des JO. Ça me tenait à cœur. C’est un évènement mondial, c’est un rassemblement de meilleurs sportifs du monde.Quand on était c’était grandiose et le tournoi de foot est très suivi. D’ailleurs je rêve toujours d’en disputer une si l’opportunité se présente dans le futur.

Nous tendons vers la fin de cet entretien. Des conseils aux plus jeunes ?

Si. Je voudrais leur dire ceci. Si vous avez un rêve, battez-vous pour. Travaillez en toute honnêteté. Entourez-vous de bonnes personnes pour le bien de votre carrière. Priez et vous aurez votre chance. Priez que Dieu vous ouvre toujours les bonnes portes.

Pour finir, s’il y a une chose que vous ne souhaitez pas revivre ce serait quoi?
Euh ! Mes deux blessures à la cheville.

Entretien réalisé par Anselme HOUENOUKPO

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