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Le triomphe de la vérité

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Réflexion de l’Ambassadeur Jean- Pierre EDON, spécialiste des questions internationales: La crise sanitaire du Covid 19 et ses répercussions sur l’avenir


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Jean-Pierre EDON

Apparue en Chine en décembre 2019, la pandémie du corona virus s’est rapidement répandue dans le monde, engendrant des situations catastrophiques dans tous les domaines, notamment les secteurs de la, santé et de l’économie.
Aujourd’hui, cinq mois après son apparition, la préoccupation principale est la gestion de l’aprèspandémie.
En effet tout comme les crises sanitaires précédentes, en particulier celles de 1720, 1820 et 1920, le covid19, sous une forme ou une autre, disparaitra dans un avenir proche.
A la surprise de tout le monde, cette crise, a bouleversé beaucoup de choses et a révélé les faiblesses et les contradictions internes de l’humanité. Malgré toutes les précautions prises par tous les pays pour combattre cet ennemi invisible, le pic de 200.000 morts a été atteint le samedi
25 Avril 2020. Les pays les plus affectés en termes de malades et de morts sont la France, l’Italie, l’Espagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d’Amérique.
Tout s’est passé comme si le temps s’est arrêté. Les usines, les entreprises, les établissements scolaires et universitaires, sont fermés ainsi que les centres commerciaux, les églises et mosquées, voire les restaurants et autres. Près de 3 milliards de personnes sont restées confinées dans leurs propres maisons pendant des semaines. De nombreuses avenues des grandes villes du monde sont désertes, offrant ainsi un spectacle inhabituel et triste. Le système médical des grands hôpitaux les plus célèbres au monde est déséquilibré et débordé par l’afflux des malades. De grands évènements internationaux ont été annulés ou reportés à une date ultérieure.
La pollution de l’air dans les grandes villes européennes, asiatiques et américaines a considérablement diminué avec un impact sur l’effet de serre atmosphérique, cause des changements climatiques, fléaux de notre siècle. C’est comme si, les résultats souhaités qu’on n’a pas pu avoir au sein des grandes réunions internationales consacrées aux mutations des climats, ont été obtenus en quelques mois, même si ce n’est que temporaire.
Ainsi la pandémie a révélé des constats et enseignements parmi lesquels on peut retenir les suivants :

  • la nécessité et l’utilité de la solidarité internationale. Cuba, un petit pays des Caraïbes tant décrié par le monde occidental, a dépêché des médecins en Italie pour porter assistance aux malades du covid 19. Des médecins chinois sont venus au secours des malades ivoiriens. Les Autorités malgaches ont offert à certains pays africains, le produit de traitement de la pandémie à base de plante que ses chercheurs dans le domaine médical, ont mis au point.
  • l’importance du multilatéralisme ainsi que les limites de l’orgueil et de la souveraineté des Etats.
    L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), une institution du système des Nations-Unies est subitement devenue importante et considérée comme le détenteur du remède au mal. Le chef d’Etat d’un grand pays lui reproche de n’avoir pas averti à temps le monde, de l’arrivée de cette pandémie. Il décide alors de lui suspendre la cotisation de son pays, en cette période de crise.
  • la prise de conscience bien que relative, de l’injustice, de l’imposture et de l’hypocrisie caractérisant la communauté internationale.
  • la fragilité des économies, les limites du néo-libéralisme et la faiblesse de nos Etats, même les plus puissants, de même que les insuffisances incroyables de leur système de santé. Il est alors apparu la primauté de la santé sur l’économie.
  • la reconnaissance de l’importance des petits boulots.
  • la vérité que la planète- terre, est une et indivisible malgré les nombreux Etats qui la composent :
    la preuve en est qu’un évènement qui s’est produit à un endroit précis, a eu des répercussions incroyables à des milliers de kilomètres plus loin. Le coronavirus n’a pas eu besoin de visa pour aller de la Chine vers l’Amérique, l’Europe, l’Afrique et l’Asie.
  • la confirmation une fois encore, de l’extrême fragilité de l’espèce humaine et la nécessité d’avoir la crainte de Dieu.
    La période consécutive à la fin de la pandémie comporte encore beaucoup d’inconnues. Toutefois on peut dire que rien ne sera plus comme par le passé. Des Etats surtout les plus faibles seront confrontés à quelques difficultés. Si, l’on y prend pas garde, une grande famine avec de graves conséquences aura lieu. Des allocations ou subventions de l’Etat vont connaitre une réduction drastique, pendant que des taxes diverses apparaitront pour renflouer les caisses de l’Etat et renforcer la mobilisation des ressources internes. Il est à craindre aussi l’accroissement de l’insécurité et des difficultés pour les ménages de faire face aux frais de scolarité de leurs enfants, le panier de la ménagère étant quasi vide.
    Des projets de développement risquent d’être abandonnés, faute d’investissements nécessaires.
    De nouvelles disparités entre les salaires vont intervenir, et le fossé entre les émoluments et le niveau de vie ne cessera de s’approfondir etc… Il se pose alors la question de savoir, que faire, face à ces difficultés probables variant d’un pays à l’autre, qui peuvent entrainer des troubles sociaux et politiques ?
    Les pays riches en sont conscients et prennent déjà des dispositions pour se repositionner sur l’échiquier national et international après le coronavirus. Aussi les Etats-Unis ont-ils prévu une somme de 2500 milliards de dollars pour relancer l’économie nationale déséquilibrée par la crise sanitaire, entrainant des millions de chômeurs en quelques semaines. Des dispositions de même genre sont déjà prises ou envisagées par les pays européens comme la France et autres, ainsi que par la Chine.
    En Afrique, des Gouvernements ont fait des efforts pour débloquer des fonds destinés à combattre la pandémie et soulager les populations souffrant des conséquences du confinement.
    Dans certains de ces pays, l’Etat a prévu des ressources financières pour assister les grandes entreprises, les PMI ET PME en difficultés du fait de la pandémie. Tout ceci est louable, mais largement insuffisant.
    D’après le FMI, tous les pays connaitront une baisse importante des taux de croissance économique. Une chute de 4 à 6% du PIB est même prévue pour la Chine, ce qui serait inédit pendant ces dernières décennies. Les pays africains n’y échapperont pas. Une baisse d’au moins 2% est envisagée pour les pays de la CEDEAO, par exemple. Il en sera ainsi pour ceux des autres régions d’Afrique.
    Soucieux de contribuer à l’allègement de ces impondérables, le Président français Emmanuel Macron milite en faveur de l’annulation massive de la dette africaine. Dans le même ordre d’idées, les ministres des finances du G20, ont décidé le 15 Avril 2020 de la suspension partielle du service de la dette des pays les plus pauvres, donc un moratoire.
    Ces différentes initiatives sont appréciables et opportunes, mais elles sont insuffisantes dans la mesure où la procédure de l’annulation des dettes est longue, et le moratoire n’est que le report à plus tard du service des dettes. Or ces pays ont besoin dans l’immédiat des liquidités en vue de mieux gérer la crise et poursuivre leurs programmes de développement. Cette liquidité peut être obtenue à travers l’émission par le Fonds Monétaire International (FMI) des Droits de Tirage Spéciaux (DTS).
    C’est alors à juste titre que Monsieur Dominique Strauss Kahn, ancien Directeur Général du FMI défend l’idée de l’émission des DTS qui sont « un levier sur lequel on peut jouer pour aider les pays en difficulté ; il avait été utilisé et avec beaucoup de succès pendant la crise de 2008 et 2009 »
    L’ancien patron du FMI a évoqué les avantages des DTS qui permettraient de renflouer les Etats africains « et sans même qu’ils aient à s’endetter puisqu’il ne s’agit pas d’un prêt qu’il faut rembourser. En outre cela améliorerait la situation des changes et permettrait de financer des importations, notamment en matière sanitaire et alimentaire. »
    Ce grand économiste français bien connu des milieux financiers et des affaires internationaux, suggère aussi une autre alternative consistant à la conversion de la dette intérieure de nos pays en une dette moins chère, à une maturité plus longue, par l’intermédiaire de la BCEAO en Afrique de l’Ouest et de la BEAC en Afrique Centrale.
    Conjointement à ces actions, les Etats africains en particulier, gagneraient à considérer désormais comme une préoccupation majeure, la transformation sur place de leurs matières premières, la renégociation de certains accords, notamment ceux relatifs à l’exploitation et la commercialisation des ressources agricoles et minières. Dans ce cadre il y a lieu de se saisir de l’instrumentalisation des principes de la mondialisation pour construire leur développement, par la transformation industrielle et la création d’unités de production à dimension mondiale. Il s’agit de construire le développement autocentré du pays, dans le cadre du système économique international actuel et prenant en compte la mondialisation de l’économie.
    C’est ce qu’a fait pour émerger et devenir un exemple de développement à suivre, un petit pays comme la Malaisie, ayant à peu près les mêmes conditions naturelles, agricoles et minières que la Côte d’Ivoire. Producteur de pétrole, ce pays asiatique gère cette ressource, non pas par une société étrangère, mais par un organe national comme BP, ESSO, SHELL de Malaisie. Cette structure s’en occupe horizontalement (production du brut) et verticalement (transformation industrielle).
    Dans le même ordre d’idées, une attention particulière sera accordée à la vieille question du transfert de technologie dont l’Asie a pourtant bénéficié, par le biais de la délocalisation des usines et autres infrastructures économico-industrielles des pays du Nord.
    Ils devront par la même occasion donner un cadre approprié à la pharmacopée africaine et cesser de défendre la vision des autres, définie à leur insu et soutenue par des lois internationales qu’eux-mêmes bafouent éperdument lorsqu’elles ne servent plus leurs intérêts. C’est ce comportement, renforcé par l’orgueil et l’instinct de puissance dominatrice qui met aujourd’hui en danger le multilatéralisme.
    La crise sanitaire en cours qui s’ajoute aux difficultés financières des pays producteurs du pétrole du fait de la chute drastique du prix du baril, n’est pas un évènement isolé. Elle vient compléter d’autres faits mondiaux auxquels on assiste depuis ces vingt dernières années. Si rien n’est fait pour renverser la tendance, cette métamorphose de l’humanité avec des mutations imprévisibles, couplées de crises de tout genre, sont les signes annonciateurs de la remise en cause, voire la décadence proche de la puissance et de la domination de l’Occident.
    Ce déclin occidental entrainera du coup, l’émergence de la Chine et probablement la véritable libération de l’Afrique ainsi que l’affirmation de la puissance militaire de la Russie. L’histoire nous enseigne que les changements de grande envergure sont toujours précédés de crises multiples et multiformes. La présente pandémie rentrerait-elle dans ce cadre ?
    Avec cette crise sanitaire, la science, considérée comme une chose capable de solution aux difficultés de l’humanité, a montré ses limites. Il serait dorénavant souhaitable que le monde s’inspire des valeurs de justice, de paix et de solidarité dans sa gouvernance en vue d’un mieux-être de l’homme.
    Quant à l’Afrique en particulier, elle a intérêt à affirmer et consolider son indépendance, à consommer ce qu’elle produit et compter sur ses ressources internes financières et humaines. Le mode de gouvernance est à revoir, et de nouveaux modèles économiques adaptés à ses réalités sont à définir. Il s’agit de la remise en cause des paradigmes qui, soixante ans après l’accession à la souveraineté internationale, n’ont pas donné les résultats escomptés. Ce n’est pas une transformation qui va plus loin que les reformes qu’il faut, mais plutôt une révolution remettant en question les habitudes, les mentalités, les conceptions rétrogrades et inadaptées qui sont un goulot d’étranglement au développement.

Jean- Pierre Adelui EDON
Ambassadeur, spécialiste des questions internationales

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