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Le triomphe de la vérité

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Réflexion sur les émeutes xénophobes en Afrique du Sud: L’ambassadeur Edon invite les Sud-africains à s’adresser à leurs dirigeants pour la résolution de leurs problèmes


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Ambassadeur Jean-Pierre Adélui EDON

La chasse aux Africains étrangers résidents en Afrique du Sud à laquelle le monde entier a assisté au début du mois de septembre 2019 a été analysée par l’ancien Ambassadeur du Bénin en Afrique du Sud, Jean-Pierre Adelui Edon. De ses réflexions, il ressort que la raison de vol du travail évoqué pour justifier ce crime ne convainc pas au regard des nombreux dégâts humains, matériels et moraux observés lors des émeutes. Mieux, il signale que la raison liée au trafic de drogues et d’êtres humains évoquée par un officiel sud-africain ne suffit pas pour justifier l’acte posé. Pour lui, le comportement des politiciens sud-africains amènent à créditer la thèse selon laquelle, ils sont complices de cette émeute. Il a exhorté par ailleurs, les frères sud-africains à se tourner vers leurs dirigeants pour trouver de solutions à leurs problèmes au lieu de s’en prendre aux étrangers qui participent à la création de richesses dans le pays.

En ce début du mois de septembre 2019, le monde a assisté éberlué à un évènement incroyable : la chasse aux africains étrangers résidant en Afrique du Sud. Comment peut-on arriver à cet excès dans un pays libéré du joug de l’apartheid grâce à la mobilisation de la communauté internationale et à la lutte de toute l’Afrique, et quelles sont les perspectives d’avenir ?
Les actes de xénophobie perpétrés en Afrique du Sud contre les étrangers se répètent sans cesse. Considérés par le passé comme un accident de parcours, ces comportements d’une violence rare deviennent fréquents, voire délibérés au cours de ces dernières quinze années. Devenues cycliques ces émeutes entrainent chaque fois des pillages des biens et boutiques, des blessés graves, des morts par manchettes ou le feu, parmi les indésirables. Pour une fois la répétition de ces faits déplorables a rompu le silence au niveau des chefs d’Etat africains qui se sont rappelés les crises antérieures.
Les raisons souvent évoquées, à savoir le vol du travail des sud-africains, laissent perplexes et insuffisantes par rapport à l’envergure des dégâts humains, matériels et moraux qui s’en suivent. Les manifestants se trompent de cible en tenant les migrants responsables de leurs difficultés d’ordre économique et social. La plupart des travailleurs étrangers se sont installés à leur propre compte en créant leurs emplois, ou en exécutant des travaux sans qualification.
D’autres, bien sûr, sont employés dans des entreprises qui leur paient de modiques salaires que refusent la plupart des sud-africains. Ils sont des diplômés, des ouvriers, des cuisiniers, des mécaniciens d’automobile, des chauffeurs, des artisans ayant un savoir-faire recherché. Or ceux-là croyant que les autres s’approprient leurs emplois, n’ont pas toujours la formation nécessaire pour exercer certains emplois disponibles, ce qui est l’une des conséquences de l’apartheid.
Soucieux de protéger ses compatriotes, un officiel sud-africain évoque une autre raison liée au trafic de drogues et d’êtres humains auquel se livrent de nombreux Nigérians. Si cette déclaration officielle est une justification des actes xénophobes, c’est alors inquiétant. Ceci ne doit d’ailleurs pas surprendre tout observateur averti, lorsqu’on se souvient des propos désobligeants envers les étrangers en situation irrégulière, tenus par les candidats aux élections législatives et présidentielles durant la dernière campagne électorale.
Si certains étrangers s’adonnent au trafic de drogues comme l’a si bien dit ce ministre et pas des moindres, il suffit tout simplement de leur appliquer les sanctions prévues par la loi. Leur agression physique et la destruction de leurs biens ne sont ni une sanction légale, ni une solution au problème. C’est plutôt une infraction à la loi. Mieux toute communauté a des brebis galeuses, on ne saurait donc généraliser les faits isolés à toute la société.
Cette situation malheureuse où les Noirs se livrent à la chasse de leurs frères pendant que les Blancs et les Indiens sud-africains accueillent chaleureusement leurs cousins venus d’Europe et d’Asie et leur créent des conditions de travail et de vie confortables, laisse penser que les sud-africains de race noire ne sont pas reconnaissants. Ils ont trahi les nobles idéaux panafricains défendus par les fondateurs de l’ANC. Ils ont vite oublié les sacrifices consentis par leurs frères pour l’abolition de l’apartheid et la libération du pays.
En effet, après l’arrestation de Mandela en 1962, de celle de Walter Sisulu et d’une soixantaine de dirigeants anti-apartheid, les cadres de l’ANC et du PAC encore en liberté, quittent massivement le pays. C’est à l’étranger et principalement en Afrique que se déroule alors le combat contre le régime. En 1975, l’Angola et le Mozambique accèdent à l’indépendance. Soutenus par l’Union Soviétique, ces nouveaux Etats souverains ont aidé sans réserve les organisations opposées au régime d’apartheid. C’est ainsi que l’ANC et le PAC y ont établi des camps d’entrainement à la lutte armée. La branche armée de l’ANC crée par Mandela en a beaucoup bénéficié. Les pays de l’Afrique australe ont créé un mouvement dénommé « la ligne de front », regroupant la Tanzanie, le Kenya, la Zambie, le Zimbabwe, le Mozambique, le Botswana, la Namibie et l’Angola. La ligne de front a été très active au sein de l’OUA, du Mouvement des pays non-alignés et de l’ONU, ce qui, avec le concours de l’Organisation continentale africaine, a progressivement amené la communauté internationale à s’impliquer davantage dans la lutte contre l’apartheid. Au niveau des Nations-Unies à New-York, le combat se menait au sein du comité anti- apartheid, longtemps dirigé par les représentants permanents du Nigéria près les Nations-Unies.
Cet activisme militant africain a forcé la communauté internationale à condamner de plus en plus le régime sud-africain, surtout après la répression policière des écoliers de Soweto, pour avoir refusé d’étudier l’African, la langue des tenants de l’apartheid. C’est alors que sous l’impulsion des Africains, en Novembre 1977, le conseil de sécurité de l’ONU interdit par une résolution les ventes d’armes à l’Afrique du Sud.
Beaucoup de pays africains y compris l’Algérie ont accordé l’hospitalité et assistance aux exilés politiques de l’ANC qui fuyaient la répression sauvage, surtout après la torture à mort de Stève Biko, un grand combattant anti- apartheid. Le Nigéria, pays leader du continent s’est beaucoup impliqué dans cette lutte. Le Benin, pendant la période révolutionnaire a été actif dans ce combat et a même apporté une assistance à l’ANC, malgré ses moyens modiques.
L’Angola a particulièrement souffert de son soutien aux combattants de l’apartheid, car le régime sud-africain s’est engagé dans le conflit angolais en soutenant matériellement et en hommes les soldats du rebelle angolais Savimbi, contre ceux d’Agostino Neto, président d’Angola. Dans ce combat, le président mozambicain, Samora Machel a trouvé la mort, son avion étant abattu par les militaires du régime d’apartheid. C’est en reconnaissance du lourd sacrifice ainsi consenti par le premier mozambicain dans cette lutte, qu’à sa sortie de prison, et à la suite d’un malentendu aves sa femme winnie, Mandela a épousé Grace, la veuve de Samora.
Avec cet aperçu schématique de l’implication des africains dans le combat contre l’apartheid, on a du mal à comprendre les récents évènements devenus cycliques dans ce pays. Mais il faut reconnaitre que beaucoup de manifestants, jeunes pour la plupart agissent par ignorance des faits historiques récents de leur pays. L’histoire et surtout celle de l’Afrique est l’une des grosses lacunes du système éducatif sud-africain ; l’ANC au pouvoir depuis 25 ans n’en a jamais fait une priorité. Aussi la jeunesse ne connait-elle pas toujours bien l’Afrique ni le rôle que les Africains ont joué dans la libération de leur pays.
Les actes de xénophobie remontent au lendemain de la libération du pays. En 1995, le ministre de l’intérieur a lancé une campagne contre les prétendus immigrés illégaux. Il s’agit des travailleurs à la recherche d’emploi qui ont commencé par arriver dans le pays en provenance des Etas voisins, mais aussi du Zaïre (actuel RDC), du Nigéria et de l’Europe de l’Est.
Le ministre de l’intérieur les accuse de « voler le travail des sud-africains ». Il s’est même vanté à l’époque d’avoir rapatrié vers leurs pays d’origine 91000 mozambicains et zimbabwéens ainsi que 3000 ressortissants du Lesotho. En ceci l’Afrique du sud n’est pas différente des autres pays africains et européens célèbres dans le rapatriement des illégaux. Mais en cette année-là, tout s’est passé calmement sans violence, sans casse ni morts. Mais ces dernières années, la violence est intervenue dans ces actes qui se sont accrus et se présentent globalement comme suit :

  • 2000 à 2008 près de 70 morts recensés dont 47 petits commerçants somaliens en 2006.
  • Mai 2008, 62 personnes tuées dont 21 sud-africains.
  • Avril et Octobre 2015, nouvelles attaques xénophobes avec les premiers rapatriements organisés par les gouvernements étrangers.
  • Juin 2016, série d’attaques contre les étrangers à Tshwane(Pretoria).
  • Février 2017, marche anti-immigration à Pretoria, la capitale.
  • 2019, série de nouvelles attaques contre les commerçants étrangers en Mars à Durban et en Septembre à Johannesburg.
    C’est dans ce cadre que s’inscrivent les comportements de certains ministres sud-africains qui, au lieu de condamner fermement ces attaques xénophobes, essaient de les justifier. Il en est de même des langages maladroits tenus par certains officiels en quête de popularité, langages de nature à exposer les étrangers à la vindicte populaire.

On aurait pu dire à la limite que les politiciens sont complices de cette situation d’émeute. Ce n’est peut-être pas le cas, mais leurs réactions maladroites amènent à créditer cette thèse. Par exemple, que peut-on déduire de l’idée d’un ministre chargé des Petites et Moyennes Entreprises (PME ) qui déclare sans gêne que les étrangers ne peuvent pas espérer prospérer et co-exister pacifiquement avec leurs homologues sud-africains, s’ils n’acceptent pas de partager avec ces derniers les secrets de leur réussite dans les affaires.
Il ressort de cette pensée ministérielle le sentiment de jalousie, ainsi qu’un appel au rejet des migrants. Ceci illustre bien la duplicité de la classe politique sud-africaine dans la gestion de ces crises successives qui sont également instrumentalisées par les politiciens locaux. Ces derniers n’hésitent pas à se jeter la balle. En 2008, plusieurs partis se sont mutuellement accusés de contribuer à la fièvre xénophobe.
Le succès des étrangers dans les affaires dont a fait mention le Ministre des PME, a une explication simple. Une étude conduite par le Centre Africain de Migration de Johannesbourg a révélé lesdits secrets de la réussite en indiquant le mode de fonctionnement des petits commerçants étrangers, principales cibles des attaques xénophobes. Ces petits entrepreneurs:
-vendent leurs produits à des prix plus modestes d’où une forte affluence des clients,
-sont localisés dans les zones à forte fréquentation des piétons,
-ouvrent leurs petites boutiques ou baraques plus tôt et ferment plus tard (travaillent donc plus longtemps),
-proposent une plus grande variété de produits.
A cela, il faut ajouter leur esprit d’entrepreunariat ou de créativité.
Telle est la philosophie des affaires des migrants que les enfants de Mandela ont du mal à comprendre à cause de la mauvaise perception qu’ils se font d’eux. En effet selon un sondage conduit en 2018 par l’institut Pew Research, 62% des sud-africains perçoivent les étrangers comme un fardeau social en ce sens qu’ils les privent de leurs emplois et 61% les considèrent comme les principaux responsables de la criminalité. Il est probable que les dirigeants à divers niveaux soient influencés par cette perception.
A l’avenir il s’avère impérieux et vivement souhaitable que les politiciens soignent mieux leurs propos et comportements dans leur vie courante et surtout au cours des meetings de tous genres, car un seul mot mal placé, prononcé par un officiel, a toujours une résonnance lointaine et durable, avec des effets imprévisibles.
Il est heureux de constater que le Président de la République, Monsieur Cyril Ramaphosa a condamné ces manifestations xénophobes. Il en est de même d’un autre homme politique de l’opposition, Monsieur Julius Malema qui a notamment déclaré : « Nous pouvons chasser de notre sol tous nos frères africains, mais vous verrez qu’il n’y aura toujours pas de travail en Afrique du Sud. Notre richesse est dans les mains des Blancs qui refusent d’investir pour créer plus d’industries. Il n’y a aucun Nigérian qui a volé une industrie et n’y a employé que des Nigérians. Il n’existe aucun Zimbabwéen qui possède de grandes fermes dans lesquelles il n’a employé que des Zimbabwéens. Les industries sont contrôlées par les Blancs qui emploient des étrangers et leur paient un maigre salaire. C’est ça qui vous pousse à croire que vos frères africains vous volent vos emplois… J’ai honte aujourd’hui qu’on m’appelle sud-africain. Les images atroces qui nous viennent de certaines villes du pays sont insupportables. Vous frappez des Noirs, vous massacrez vos frères africains. Je ne vous ai jamais vu frapper un Chinois, un Blanc, un Indien sous prétexte qu’ils n’ont pas de papiers. Mais regardez ce que vous faites à vos frères africains. Cela prouve que vous ne vous aimez pas vous-mêmes. Cette cruauté appelée xénophobie doit cesser immédiatement. Nous devons être UN avec nos frères africains. »
Au niveau du continent, des chefs d’Etat ont réagi pour la première fois ; c’est le cas du Nigéria, de la République Démocratique du Congo, du Rwanda, du Zimbabwe en deuil, du Mozambique et de la Guinée Conakry. En guise de protestation, le Gouvernement nigérian a boycotté le forum économique en cours à Cape Town, et rappelé en consultation son Ambassadeur à Pretoria. L’organisation du rapatriement de ses citoyens est en cours. Au Nigéria, en RDC et ailleurs les intérêts sud- africains sont attaqués par la population révoltée. Le président du Rwanda est même favorable à une sanction contre ce pays par sa suspension des institutions africaines.
Hué par la foule au Zimbabwe, le président sud-africain venu assister aux obsèques du Président Robert Mugabe le samedi 14 septembre 2019, a dû présenter des excuses aux zimbabwéens en les rassurant que ses compatriotes ne sont pas xénophobes. La récurrence de ces émeutes a fini par rompre le silence. Il le fallait pour que cessent ces violences gratuites.
En réalité, les migrants étrangers ne sont que des boucs émissaires. En les accusant de ce qu’ils ne sont pas, les noirs autochtones se trompent d’analyse et de cible. La question essentielle est qu’à ce jour la plupart des promesses faites aux Noirs par leurs dirigeants ne sont pas tenues. Vingt-cinq ans après la libération, le peuple très impatient, ne voit pas se concrétiser les engagements pris à leur égard par la classe politique au pouvoir, en dehors de l’émergence d’une classe de Noirs prospères dite des « nouveaux riches ». Par exemple, en 1994, dans l’euphorie de la victoire le gouvernement a promis la construction d’un million de logements en cinq ans. Par la suite ce chiffre est passé à 50.000 par an. En 1995, seuls 2000 logements ont été construits.
Comme séquelle de l’apartheid, l’Afrique du Sud est un pays où l’inégalité sociale est très élevée. 20% de la population se partage près de 70% du revenu national et beaucoup d’emplois ont disparu en l’espace de dix ans. Officiellement le taux de chômage est de l’ordre de 30%, ce qui est énorme. C’est une catastrophe sociale qui est à l’origine de la désaffection de l’électorat de l’ANC qui s’exprime d’une élection à une autre. Ce parti historique dont les dirigeants sont accusés de corruption continue de jouir du crédit que les masses populaires ont gardé de l’époque de la lutte contre l’apartheid. Mais les signes qui commencent par apparaitre, indiquent que ce crédit ne durera pas éternellement. La montée fulgurante du parti de l’opposition « Economic Freedom Fighters » (EFF) du jeune Julius Malema, ancien militant déçu du parti de Mandela, en est une preuve.
Au lieu de s’en prendre aux étrangers qui participent à la création de richesses dans le pays, les frères noirs feraient mieux de s’adresser à leurs dirigeants pour avoir des réponses à leurs préoccupations. En vouloir violemment aux migrants est une fuite en avant. Comme l’a si bien dit le chef du parti EFF, on a beau renvoyer tous les étrangers, le problème d’emploi continuera de se poser, si la politique nationale ne prend pas en compte la majorité noire pauvre, sans emploi, ni qualification.
Il faut toutefois reconnaitre que de 1994 à nos jours, les Autorités ont assez fait pour le bienêtre des habitants. Mais l’ampleur des difficultés héritées de l’apartheid est telle que les nombreuses actions entreprises par le pouvoir ont peu d’impact sur les citoyens, pressés de voir s’améliorer leurs conditions de vie. Comment comprendre qu’aujourd’hui encore, nombreuses sont les localités des Noirs, sans eau, ni électricité et dépourvues de routes praticables. Or à dix kilomètres à peine d’un Township du genre se trouve un centre urbain habité en majorité par les Blancs, qui n’a rien à envier aux villes européennes ou américaines. C’est encore là une illustration des séquelles de l’apartheid que le pouvoir n’a pas encore pu réparer. Cet état de choses est à l’origine des frustrations que ressent la population noire. Le fond du problème est que depuis la libération nationale, les dirigeants de Pretoria n’ont pas pu créer suffisamment d’emplois aux jeunes.
Pour y parvenir, il faut une meilleure collaboration avec les Blancs sud-africains qui détiennent encore le levier économique du pays. Ils sont dorénavant des partenaires sociaux et économiques avec qui il faut composer.
Les violences xénophobes qui se sont produites en ce début du mois de septembre 2019, ont terni l’image de la première puissance industrielle du continent et discrédité le pays de Mandela. Depuis son accession à la souveraineté internationale, l’Afrique du Sud met tout en oeuvre en vue de se faire passer pour le leader de l’Afrique au détriment du Nigéria, ce qui donne l’impression d’une compétition. Elle doit cette ambition légitime à son poids économique. Aussi discute-t-elle avec le géant économique de l’Afrique de l’Ouest, la place de représentant africain de membre permanent du conseil de sécurité élargi de l’ONU. Dans un passé récent, ce pays a présidé pendant cinq ans la commission de l’Union Africaine, grâce à l’estime que le continent lui témoigne.
Avec les récents évènements xénophobes, le pays perd sa valeur et considération aux yeux des Africains, ce qui met le Nigéria ou l’Egypte en bonne position pour représenter le continent au conseil de sécurité le jour où interviendra la démocratisation de cet organe, vivement souhaitée par la majorité des pays membres de l’ONU.
Mais tout n’est pas perdu si les dirigeants sud-africains prennent dès aujourd’hui les mesures appropriées pour mettre définitivement fin à ce drame. A cette fin, entre autres précautions, les dispositions ci-après peuvent être prises :

  • Le retour à l’Ecole de Mandela : il s’agit de rappeler à la population les valeurs défendues par l’icône nationale à savoir la tolérance, la patience, l’amour du prochain, la sagesse, la gratitude et surtout le pardon. Universellement reconnues, ces valeurs dignes d’un Grand Homme, sont les raisons pour lesquelles le 15 décembre 2013, les obsèques de Madiba ont été marquées et honorées par la présence des grandes personnalités de ce monde, notamment tous les anciens présidents américains encore vivants et celui qui à l’époque était en exercice, Monsieur Barack Obama. C’est une première dans l’histoire contemporaine.
  • Faire savoir à la population noire, en particulier la jeunesse que tous les Africains ont soutenu la lutte contre l’apartheid. Ils ont accueilli dans leurs pays respectifs les exilés politiques sud- africains ayant bénéficié des aides matérielles et financières. C’est le cas de la combattante Mariam Makeba très célèbre qui a eu un exil doré en Guinée Conakry avec le président Sékou Touré. Le devoir de reconnaissance incombe donc aux sud-africains. L’importance de cette suggestion relève du fait que les citoyens de ce pays, aujourd’hui âgés de 25 à 30 ans n’ont pas connu l’apartheid et ignorent la contribution africaine à ce combat de libération nationale.
  • Aider les jeunes à mieux se former pour être aptes à exercer des emplois nécessitant un certain niveau de qualification. Il est utile de leur faire comprendre que l’apport, la connaissance et le savoir-faire des étrangers ont toujours été bénéfiques aux pays d’accueil, notamment leur pays. Ce n’est pas pour rien que toutes les nations de ce monde sont à la recherche des investissements étrangers pour consolider leur développement.
  • Sensibiliser les habitants autour de la vérité que la disponibilité d’emplois en leur faveur, n’est nullement liée à la chasse des migrants. La solution est ailleurs et le pouvoir politique y veille. C’est le moment d’accélérer le processus de réforme agraire en vue de faire des jeunes, de véritables fermiers bénéficiant de l’aide financière et matérielle de l’Etat.
  • Revoir la politique économique du pays en l’orientant davantage vers la création massive d’emplois et la satisfaction des besoins d’ordre social de la population pauvre, essentiellement noire et majoritaire. Cela implique entre autres moyens, l’accroissement des investissements dans les secteurs industriel et des services notamment les nouvelles technologies de l’information et des communications, l’Afrique du Sud étant la première puissance industrielle du continent.
  • Faire traduire en justice les exécutants et commanditaires de ces horribles actes. Par les sanctions qui leur seront infligées, on découragera à jamais ce genre de crime gratuit.
    Les récents évènements malheureux en Afrique du Sud font regretter la mort de Madiba. De son vivant, il peut y avoir le rapatriement des migrants illégaux comme en 1995, mais il ne sera pas accompagné de violences, d’actes inhumains incroyables dépassant l’entendement. Il fallait appliquer la loi aux illégaux et aux trafiquants de drogue évoqués par un Ministre, au lieu de les molester. Ainsi on aurait pu prouver que c’est un pays de droit où l’être humain est au centre de tout.
    Grande Nation émergente, l’Afrique du Sud est une puissance économique admirable, un pays dont l’histoire récente est très instructive avec un héros qui, au lieu de se venger et de procéder aux règlements de comptes, a préféré se mettre au-dessus de la mêlée, en accordant le pardon à ses bourreaux et tortionnaires. De cet acte de grande portée morale, il en est sorti victorieux. Vivant ou mort, Mandela est la figure emblématique à sauvegarder.
    L’ANC aurait échoué en trahissant les idéaux de l’icône nationale. La récurrence des actes xénophobes constitue déjà une trahison.
    La lutte pour le développement doit être comprise comme un travail complexe induisant tous les aspects de la vie. L’éducation politique par exemple doit être permanente tant au niveau individuel que collectif. L’ANC doit revoir son travail en ce qui a trait à l’éducation politique de ses membres, surtout les plus jeunes. La victoire sur l’apartheid est une réalité, mais la lutte continue car il reste celle des droits de l’homme, de la justice sociale, du développement et de l’épanouissement social de toute la population.
    Les compatriotes de Mandela gagneront à faire de lui, une source d’inspiration, une référence dans leur conduite quotidienne de façon à éviter à l’avenir la résurgence de violences xénophobes de cette envergure. Il revient à la classe politique en général, aux dirigeants actuels en particulier de faire enterrer définitivement cette hache de guerre contre des frères. Tout comme l’homme de la prison de Robben Island, il faut faire prévaloir l’amour du prochain, la paix, la sécurité et la tolérance qui constituent le socle du bienêtre social. Le vrai développement dans un pays qui a tant souffert de la ségrégation raciale et économique, implique la prospérité partagée, le respect des droits de la personne et la réduction sensible des inégalités sociales. Cette tâche incombe aux Autorités de Pretoria capables de l’exécuter avec succès et garantir ainsi l’avenir radieux de leur pays qui fait la fierté de toute l’Afrique.

Jean- Pierre Adelui EDON
Spécialiste des questions internationales,
Ancien Ambassadeur en Afrique du Sud.

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