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Le triomphe de la vérité

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Entretien avec Sébastien Boko au sujet de sa participation au «Inami International Wooden Sculpture 2019»: « La série Guèlèdè représente bien le Bénin, l’Afrique et tout le monde peut s’y retrouver»


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La ville de Nanto City au Japon a abrité, du 18 au 30 août 2O19, la 8è édition de « Inami International Wooden Sculpture ». Cette rencontre internationale a connu la participation de neuf sculpteurs issus de neuf pays différents dont le sculpteur contemporain béninois Sébastien Boko qui représentait le seul pays d’Afrique à y participer. A cette occasion, un trophée lui a été décerné en guise de reconnaissance grâce à sa série d’œuvres sur le Guèlèdè. Dans cet entretien qu’il a accordé à notre rédaction, le sculpteur béninois revient sur les temps forts de cet événement et attire l’attention des dirigeants sur la nécessité d’accompagner les hommes de la culture.

L’Evénement Précis : Dans quel cadre avez-vous effectué votre dernier voyage sur le Japon ?

Sébastien Boko: La dernière fois, j’étais au Japon pour représenter le Bénin dans le cadre de la 8ème édition de « Inami international Wooden Sculpture » à Nanto City. C’était une rencontre internationale qui se déroule tous les quatre ans. Cette rencontre est organisée par la préfecture de Toyama.

Que peut-on retenir de votre participation à cette rencontre ?
C’est une rencontre internationale de sculpteurs qui, cette année, a regroupé neuf sculpteurs internationaux à savoir la Roumanie, La Hongrie, les Etats-Unis, la Chine, le Portugal, l’Australie, le Mongolie, le Japon et le Bénin, le seul africain. A ce symposium, chaque sculpteur crée son œuvre qui représente son identité, son pays. Parce qu’aujourd’hui, mis à part l’aspect personnel, il y a aussi une autre dimension qui est universelle. Chaque artiste a son identité à travers ce qu’il fait, sa philosophie. En quelque sorte, c’était une rencontre culturelle. Il y avait toute une diversité de création. Ce qu’il faut retenir est que moi, j’ai représenté mon pays, le Bénin, à travers mon travail, surtout grâce à ma série d’œuvres sur le Guèlèdè. C’est un travail que j’ai commencé récemment. Cette œuvre fait 60cm de longueur sur 280cm de hauteur et 55cm de largeur. C’est une œuvre qui a une dimension remarquable. La différence est que chacun a son bois et pendant 9 à 10 jours, chaque sculpteur est censé finir son projet. Les sculpteurs ont été sélectionnés grâce au projet présenté par chacun d’eux afin de participer à cet événement. Après sélection, chaque sculpteur est censé réaliser son projet selon le temps donné. C’est sur cette base là que j’ai travaillé sur la série Guèlèdè.

Pourquoi avez-vous choisi spécialement la série Guèlèdè ?
Je me suis rendu compte que cette série représente bien le Bénin, l’Afrique et tout le monde peut s’y retrouver, parce qu’il y a des masques partout en Afrique. Les masques parlent beaucoup et dans le même temps, ils suscitent des interrogations. C’est-à-dire qu’il y a des masques qui nous font danser, nous présente des spectacles et nous pouvons retrouver cela sur chaque continent. Je trouve que les masques ont un aspect universel. Ils nous questionnent dans la mesure où chaque individu a, à mon avis, un masque, ses réalités, ses intimités. Bref, il y a toujours un masque que nous portons. La question fondamentale est de savoir quel genre de masque nous mettons. J’ai réalisé cette œuvre pour ce symposium, parce que je trouve le Guèlèdè magnifique, je l’adore et je l’aime énormément. Ce que l’on peut remarquer c’est que, mes œuvres sont différentes de ceux que nous voyons toujours. J’ai ma particularité de les représenter. Je suis convaincu que cette série va vraiment représenter mon pays et que, universellement parlant, cela va tenir le coup. Moi-même, je disais que la philosophie que j’ai a développée là-bas irait très bien avec cette représentation.

Avec ce symposium, est-ce possible de dire que c’est un pari gagné pour le Bénin ?
Le Bénin a gagné énormément. Parce que c’est le drapeau du Bénin qui a été hissé lors de cette rencontre. Toutes les affiches, les télévisions qui passent, reconnaissent le Bénin à travers ma présence et c’était le seul pays d’Afrique noire. Du coup, il y a une autre vision sur l’Afrique. Par rapport à ma prestation, il y a des gens qui ont découvert le Bénin à travers ma manière de travailler, d’être, de penser, de faire certaines choses. C’est tout une découverte pour les uns et les autres. Cela a fait déplacer des gens de loin pour venir voir ce que pouvait paraître une sculpture béninoise, venue de l’Afrique. De ce côté, le Bénin a beaucoup gagné.

Comment appréciez-vous cette expérience par rapport aux anciennes que vous aviez connues ?
C’était génial. Certes, j’ai participé à beaucoup d’événements et ce, dans plusieurs pays, mais le Japon est une culture à part. J’ai aimé la simplicité des gens, le travail en équipe. J’ai compris que l’individualité n’est pas une bonne chose en matière du travail. Je ne suis pas dans leur quotidien, mais en matière d’organisation, les Japonais s’y mettent. Ils ont une humilité que j’ai beaucoup aimée. J’ai eu des assistants d’âge différent (jeunes et vieux) qui cherchent à connaître plus. Il n’y a pas d’indifférence, pas d’égaux entre eux et l’on se sent à l’aise comme chez soi. La culture est différente et cela n’a rien à avoir avec l’Occident. Il y a tout une différence et j’ai été séduit par leur manière de faire. Il y a une différence par rapport à ce que j’ai toujours vu. Je peux dire que, pour cette édition, j’ai beaucoup gagné en matière d’expérience personnelle et de connaissance. Je crois que je vais m’appuyer, désormais, sur ces choses-là pour avancer.

Selon vous, le Bénin se porte-t-il bien au plan culturel ?
Non ! Pour moi, le Bénin ne se porte pas bien. Le Bénin peut se porter beaucoup mieux. Il suffit de faire les choses dans les normes et valoriser beaucoup plus notre culture. C’est vrai que nous faisons des efforts, mais je crois que nous pouvons mieux faire encore. Nous n’avons même pas encore un seul symposium spécialement pour la sculpture. Aujourd’hui, nous remarquons que, lorsqu’on va au Centre de Promotion Artisanale (Cpa), l’on voit toujours les mêmes choses. Il n’y a pas assez d’innovations. Or, nous pouvons organiser des événements qui pourront motiver les sculpteurs à sortir d’autres choses, même si cela est artisanal, traditionnel. Ils pourront travailler sur autres choses et il pourrait y avoir des idées qui leur permettront de faire autres choses pouvant représenter le Bénin. Il y a des idées, mais il y a la monotonie au Cpa. Moi, je suis artiste et je suis censé faire des choses uniques et c’est ce que je fais, mais une rencontre internationale qui se déroule ici et qui met en valeur la sculpture peut susciter le désir de mieux faire au sein de ces sculpteurs qui travaillent dans ce centre.

Entant qu’acteur culturel, que pensez-vous apporter de plus pour que ce domaine puisse décoller comme vous le souhaiter ?
La première des choses est de bien faire ce que je fais. Cela permettrait pour qu’il n’y ait pas de différence lorsqu’on voit mes œuvres quelque part. La deuxième chose est que je reçois des étudiants en stage et j’enseigne la sculpture. Dans cette mesure, je pense que je fais déjà de mon mieux et le peu que je peux. Certes, je peux encore faire plus lorsque j’ai beaucoup de moyens, mais c’est ma capacité pour le moment.

Quel est votre mot de fin ?
J’ai aimé cette expérience. J’ai adoré ce voyage pour le Japon. C’est vrai qu’il est très épuisant, mais arrivé sur place, il y a tout une satisfaction. Ce que je souhaiterais est que le Bénin réfléchisse un peu dans ce sens. Qu’il arrive à organiser des événements artistiques qui pourront amener les artistes, acteurs culturels et tout le monde à aller au-delà de nous-mêmes. Parce que, lorsque l’on fait toujours ce qu’on sait faire, l’on ne peut jamais être meilleur par rapport à ce qu’on est. Il faut que nous allions au-delà de nous-mêmes et que nous ayons des responsabilités qui vont nous amener à aller beaucoup plus loin, à chercher plus loin. Je crois que l’Etat béninois doit être à l’écoute et poser des actes qu’il faut. C’est vrai qu’en participant à des événements du genre, j’ai l’impression que les dirigeants de la culture sont complètement sourds à nos appels. J’espère que tout cela va changer et qu’ils vont nous écouter désormais.

Propos recueillis par Laurent D. Kossouho

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