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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le printemps des minerais


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La mort tragique de l’universitaire guinéen Mamoudou Barry a levé un coin de voile sur la question des concessions minières en Afrique. Spécialiste de la fiscalité minière, cet enseignant à l’université de Rouen en France a été tué probablement par un déséquilibré mental sur des motifs racistes. A l’occasion de sa mort tragique, des vidéos de ces interviews et conférences publiques ont refait surface, montrant l’opacité régnant dans ce secteur. L’émotion soulevée par sa mort tragique, n’a pas caché l’acuité du problème qu’il posait.
Le diagnostic de Mamoudou Barry est celui-ci : les codes miniers sont rédigés en faveur des multinationales qui exploitent ces minerais. Il affirme en effet : « Quand vous faites une lecture panoramique des codes miniers en Afrique, vous êtes étonné de voir que l’Afrique construit des codes extrêmement attractifs à l’investissement étranger…C’est comme si l’Afrique disait aux investisseurs : « venez, c’est pour vous, exploitez… ». Or, 2/3 des réserves de matières premières mondiales se trouvent en Afrique. Le continent dispose de 7,6% des réserves mondiales de pétrole, 7,5% de celles de gaz naturel, 40% des réserves aurifères et entre 80% et 90% du chrome et du platine disponibles aujourd’hui dans le monde. La seule République démocratique du Congo (RDC) abrite 47 % des réserves mondiales de cobalt, 30 % des réserves de diamant, 10 % du cuivre, des quantités très importantes d’or, ainsi que du manganèse et du coltan. Et pourtant, le continent est abonné au sous-développement. Quand on sait en effet que dans les mêmes conditions des pays comme l’Arabie Saoudite, le Qatar ou les Emirats Arabes qui disposent de gisements de pétrole conséquents, sont à des niveaux de développement largement supérieurs à ce qui s’observe dans les pays pétroliers africains comme le Nigeria, l’Angola ou la Guinée Equatoriale, il y a lieu de se poser une question : où va tout cet argent ?
Il y a quelques années, j’avais mené une enquête sur le contrat signé entre l’Etat béninois et la société NOCIBE en mars 2009, pour l’exploitation du calcaire de Massi, dans la commune d’Adja-Ouèrè. Cette enquête m’a permis de découvrir que cette société a le droit de ne payer aucun impôt, aucune taxe ni à l’Etat ni à la commune d’Adja-Ouèrè pendant au moins quinze ans. Pire, toutes les sociétés travaillant avec la NOCIBE, celles qui lui fournissent des biens et services bénéficient des mêmes faveurs pendant la même durée. Bien sûr que l’avènement de la NOCIBE a permis de diminuer le prix du ciment, en faisant jouer la concurrence. Mais alors, que vont devenir les populations pauvres de ces communautés décentralisées ? De quel droit siphonne-t-on les ressources de leur terroir sans aucune contrepartie ?
Des cas similaires existent au Nigeria où les multinationales siphonnent depuis des décennies le pétrole du delta du Niger auquel elles ne paient rien en retour. Ces régions appauvries, aux sols et aux eaux pollués par le pétrole figurent parmi les plus pauvres du pays, au point de provoquer une indignation générale. Deux mouvements armés, le MEND et le Delta Avengers y sévissent depuis quelques années, pour réclamer une justice sociale pour la région. Les Delta Avengers par exemple réclament notamment que 60 % des revenus pétroliers soient attribués aux communautés locales. Si la NOCIBE continue de ne rien payer, si elle continue à faire comme si les régimes qui se succèdent vont continuer à fermer indéfiniment les yeux sur ce contrat inacceptable, il ne faut pas s’étonner que des actes de sabotage ou des révoltes du même acabit s’organisent dans la région contre elle.
Tout cela pose la même problématique : pourquoi les matières premières au Qatar, en Norvège, en Arabie Saoudite ou ailleurs sont une bénédiction alors qu’en Afrique elles sont une malédiction ?
Il faut à la vérité repenser les politiques minières africaines, dans le sens d’un contrôle par les Etats de leurs propres ressources. Il s’agit en l’occurrence de faire jouer aux parlements un rôle de veille, en faisant voter des codes miniers qui allouent aux communautés locales des parts dans les royalties payés par les sociétés minières. Pourquoi ne pas faire également comme la Norvège qui réserve des pourcentages de ces royalties dans un fonds consacré aux générations futures ? Je reste convaincu que nous en sommes capables.

Par Olivier ALLOCHEME

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