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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le Quitus


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Aucune loi n’aura été aussi utile à la reconfiguration de la classe politique que le Code électoral actuel. Parmi les dispositions de cette loi, la meilleure est sans doute l’article 46 qui instaure le quitus fiscal parmi les pièces à fournir pour être candidat. Il précise que le candidat doit avoir « un quitus fiscal des trois (03) dernières années précédant l’année de l’élection attestant que le candidat est à jour du paiement de ses impôts. » Cette pièce apparait aujourd’hui comme celle qui participera à assainir le Parlement d’une bonne partie des hommes et femmes qui n’ont rien à y faire. Il s’agit de ceux qui ne paient pas leurs impôts.
En dépit des récriminations de ceux qui veulent que le quitus fiscal soit une astuce de Patrice Talon pour éliminer ses adversaires, il y a une cohérence absolue dans cette disposition. Le député est en effet celui qui oblige les autres à payer leurs impôts, puisqu’il vote chaque année la loi des finances. Celle-ci autorise le gouvernement à lever des impôts dont une liste exhaustive est établie. Aucun gouvernement ne lève un impôt sans autorisation obligatoire de l’Assemblée nationale. L’argument de ceux qui en veulent au quitus fiscal se ramène à ceci : le député a le droit d’instituer des impôts pour les autres citoyens, pas pour lui-même. De quel droit ? C’est à lui de montrer l’exemple. Et c’est une faiblesse d’avoir fermé les yeux jusqu’ici sur les parlementaires qui échappent au fisc.
Ceux qui seront le plus touchés par cette disposition sont assurément les hommes d’affaires dont beaucoup ont de nombreux contentieux. J’en connais parmi les députés de la législature actuelle dont les entreprises doivent plus du milliard au fisc. Je ne parle pas des fausses déclarations ou des sociétés écrans créées par certains pour échapper (momentanément) à une imposition régulière. Je parle de ceux dont les entreprises ont pignon sur rue et qui pourtant ne paient pas leurs impôts. Utilisant leurs couvertures politiques, ils échappent au fisc depuis des années et exercent actuellement des pressions énormes sur le gouvernement pour que le quitus fiscal ne figure pas parmi les pièces obligatoires de candidature. Et si ce n’était pas une loi qui en a ainsi décidé, je ne vois pas comment le chef de l’Etat pourrait résister à la hargne des candidats potentiels de son propre camp qui veulent aller au Parlement voter des lois de finances qu’eux-mêmes s’arrangeront pour ne pas respecter.
Non, l’opacité financière dans laquelle une bonne partie des députés a vécu jusqu’ici, est définitivement terminée. A moins que le gouvernement, succombant aux diverses manœuvres qui se multiplient, ne finisse par demander une relecture du Code électoral en procédure d’urgence. Mais une telle perspective est inenvisageable à l’étape actuelle, quand on sait que le gouvernement lui-même en attend beaucoup de l’administration fiscale pour réaliser son Programme d’actions. Curieusement, le quitus fiscal apparait comme une manne non négligeable qui rapportera des milliards de FCFA à l’Etat, sans compter la caution de 3 millions de FCFA que chaque candidat est censé payer.
Finalement, la conséquence immédiate de cette mesure, c’est que des hommes d’affaires louches pourraient se voir obligés de s’éclipser pour laisser place à des jeunes plus représentatifs de ce qu’est un parlementaire. D’ici quelques jours, on y verra plus clair, la fin des dépôts de candidature étant prévue pour la fin de ce mois. Si l’on sait que le quitus fiscal concerne la moindre parcelle de terrain, la moindre maison et plus encore les entreprises et leurs différentes obligations fiscales, il faut imaginer les désistements forcés qui se préparent. Je vois venir ceux qui, emmêlés dans leurs problèmes fiscaux, s’attaqueront à tel ou tel autre pour leur accrocher au cou la responsabilité de leurs désistements forcés. Mais le fond du débat est celui-ci : faut-il que ceux qui ne paient pas leurs impôts continuent à nous écraser d’impôts qu’eux-mêmes ne paient jamais ? L’actuel Code électoral permet de mettre fin à cette aberration.

Par Olivier ALLOCHEME

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