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La réforme du système partisan mise en branle depuis peu n’y peut rien pour le moment. Pas de jetons à distribuer, pas de mobilisation. La pratique prend davantage d’ampleur en cette veille d’élections législatives dans tout le pays.
Samedi 19 janvier 2019. Le terrain du Ceg de Godomey grouille déjà de monde en cette mi-journée ensoleillée. Des leaders du parti Union progressiste, y sont attendus pour une séance de restitution des actes du congrès du 1er décembre 2018. Des groupes de jeunes, de femmes, de conducteurs de motos « Zém » et autres catégories sociales s’y amènent, en délégations, en provenance de plusieurs quartiers de Godomey. A leur tête, des « chefs » avec à portée de main des listes qui se remplissent au fur et à mesure que les retardataires rejoignent le groupe. Chacun s’empresse de vérifier si son nom y est réellement inscrit avant que le fameux papier ne disparaisse dans les poches du « chef », en attendant la fin du meeting, où il sera véritablement opérationnel. Pourquoi une liste ? Pour vérifier des présences ? Non. Il y aura de l’argent à partager aux noms qui y sont inscrits. C’est un secret de Polichinelle. Sans cette contrepartie, fut-elle insignifiante (entre 500F et 1000F par personne), il n’y aura pas de monde. Les lieux ne seront pas remplis. D’aucuns tentent de justifier ces jetons par des frais de déplacement, d’autres parlent de frais d’entretien. Des mini-bus sont pourtant affrétés par les organisateurs pour assurer leur déplacement aller-retour.
La rencontre de Godomey n’est pas un cas isolé. C’est une mode aussi vieille que la démocratie béninoise. L’argent se distribue toujours, peu importe la méthode. Que cela soit au vu et au su de tout le monde ou en catimini, l’argent doit sortir. Tous les politiciens béninois le savent et en sont définitivement avisés. Mêmes les plus résistants finissent toujours par lâcher. Ce sont des dizaines et même des centaines de millions de francs CFA qui sont ainsi déversés dans le circuit électoral pour gagner la sympathie des « militants» et in fine des suffrages.
L’achat de conscience, pour ne pas le qualifier, est pourtant combattu par une kyrielle de lois déjà adoptées au Bénin. La dernière en date, la Charte des partis politiques qui instaure légalement le système partisan est la plus édifiante. Ils sont nombreux, ces députés, leaders politiques et autres acteurs publics qui ont vaillamment soutenu ce courageux chantier entrepris par le président Talon dès son avènement au pouvoir. Mais ce sont les mêmes qui continuent de le boycotter en conservant les pratiques anciennes, conscients de leurs incapacités à s’approprier les nouvelles aptitudes qu’induit cette réforme.
Les Béninois le savent et en sont convaincus. Le militantisme réel, débarrassé de toute motivation pécuniaire, exigé à travers le système partisan demeure encore une utopie, en ceci que ce sont les leaders politiques assoiffés de pouvoir-prêts à tout pour y parvenir- qui peinent à faire les premiers pas. S’il est vrai que la réforme est encore à ses débuts et ne peut déjà mettre hors d’état de nuire cette pandémie qui gangrène le modèle démocratique béninois, il est à souhaiter que des prémices d’un réel changement apparaissent plus tôt pour lui assurer une longue vie.
Christian TCHANOU