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Le triomphe de la vérité

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Edito : La pédagogie de la réforme


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Tout le monde attend désormais l’évaluation des enseignants du supérieur. La crise des universités béninoises est tout aussi profonde que celle des autres ordres d’enseignement, avec des taux d’échec alarmants dans la plupart des facultés et écoles, ainsi qu’un taux d’abandon largement au-dessus de ceux de l’enseignement secondaire. Si la méthode d’évaluation en vogue actuellement est maintenue, elle devrait impacter aussi ce secteur qui concentre la plupart des tares de l’éducation au Bénin. Reste à savoir si les enseignants accepteront de se faire évaluer.

Pour le moment, l’évaluation des enseignants du secondaire n’a pas vraiment prospéré. Comme leurs collègues du primaire, ils se sont mobilisés pour faire échec à cette forme d’évaluation, en la boycottant. C’était déjà prévisible dans les menaces de boycott agitées par les syndicats qui ont pointé des failles de la décision gouvernementale. Comme au primaire, ils n’ont pas été écoutés, avec les mêmes résultats : l’échec. Le gouvernement a beau expliquer que personne ne sera licencié après cette évaluation, l’écrasante majorité des enseignants, comme au primaire, ont soupçonné des manœuvres punitives. Assurément, il faut écouter les enseignants eux-mêmes pour savoir que le mode d’évaluation proposé pose effectivement problème. Là où 90%  des travailleurs ont dit un non unique, dans tous les départements et toutes les communes du pays, il faut réellement appréhender les raisons de ce rejet massif, clair et sans ambigüité.

Il faut maintenant revoir la pédagogie de la réforme. Sinon, avec ce qui a été vu au primaire comme au secondaire, les résultats seront les mêmes au supérieur. Il faut même se demander si le gouvernement osera demander aux professeurs d’université de venir passer une évaluation, fût-elle diagnostique. Je vois mal les professeurs de la Faculté des sciences de la santé, ou encore ceux des sciences agronomiques accepter de se faire évaluer, par qui on ne sait. S’ils acceptaient le principe, il faut encore trouver un modus operandi pour faire composer des corps aussi disparates et des compétences aussi diversifiées de la même manière. En tentant de le faire samedi, le gouvernement a proposé une épreuve dans laquelle les professeurs de philosophie pourront être confortés, puisqu’ils enseignent la notion de vérité à leurs apprenants. Il ne saurait en être d’ailleurs autrement. On n’évalue pas un enseignant en situation de classe, en lui faisant passer un examen sur table. On le met en situation de classe, pour évaluer des aptitudes précises mobilisées au cours de l’acte pédagogique.

Et c’est pourquoi les textes ont prévu une évaluation presque quotidienne assurée par les conseillers pédagogiques et les inspecteurs qui sillonnent les classes durant toute l’année. C’est eux que l’Etat paie depuis des décennies à cet effet. L’évaluation de l’enseignant ne saurait même s’encombrer de dogmatisme : chaque contexte d’apprentissage génère sa propre pédagogie. L’attitude d’un enseignant de Za-Kpota devant ses apprenants ne sera jamais la même devant d’autres apprenants de Cotonou ou de Gogounou. Dans deux classes différentes, les contextes changent, et l’enseignant bien formé est tenu de s’adapter pour atteindre les objectifs fixés. C’est pourquoi, les vrais enseignants acceptent rarement des prêt-à-porter pédagogiques. Ils sont maîtres de leurs classes et seuls, ils connaissent leurs apprenants qu’ils pratiquent au quotidien. Tous ceux qui sont chargés d’évaluer un enseignant en situation de classe sont tenus de l’écouter pour comprendre ses motivations afin de lui proposer des solutions adaptées. Aucun dogmatisme ne marche dans l’enseignement.

Curieusement, depuis une quinzaine d’années que l’approche dite par compétence est mise en application dans les collèges et lycées du Bénin, les enseignants ont toujours accepté toutes les contorsions pour plaire à leurs autorités. Et pourtant, au moins 90% d’entre eux étaient opposés à cette méthodologie dès le départ. Heureusement, leurs cris de détresse ont été progressivement entendus. Aujourd’hui encore, dans la plupart des matières, il est rare de trouver des enseignants prêts à adopter entièrement les méthodes dictées par les autorités politiques. Si donc ils en arrivent à faire front avec fermeté aujourd’hui contre les réformes proposées, c’est qu’il y a des limites qui ont été franchies.

Il faut améliorer la compétence des enseignants. Les premiers repères dont l’avis est presque souverain et obligatoire, ce sont les corps de contrôle, c’est-à-dire les conseillers pédagogiques et les inspecteurs. Mais au départ, il y a d’abord une vision qui doit être définie, partagée, discutée pour aboutir à un consensus. Sans cela, sans cette nécessaire pédagogie de la réforme, nous irons d’échec en échec.

Par Olivier ALLOCHEME

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