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Le triomphe de la vérité

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Portrait: Emile Amadji, de la plomberie au commerce, un exemple d’entrepreneur


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Emile Amadji, DG PVP dans son bureau

Il n’a pas fait de longues études. Sans le soutien d’un quelconque bailleur, Emile Amadji a entrepris et a réussi. Pleins feux sur le parcours atypique d’un jeune plombier devenu grand chef d’entreprise.

Assis derrière un bureau taillé dans du verre, le téléphone à l’oreille, Emile Amadji discute avec un client. Il ne quitte pas des yeux l’écran de contrôle qui enregistre les allées et venues à l’intérieur de son magasin. Sur le bureau, une calculatrice électronique côtoie une pile de dossiers bien rangés. Après plusieurs minutes de conversation, il dépose son téléphone, répond aux sollicitations d’un de ses employés. Mais le répit est de courte durée car le téléphone sonne presqu’aussitôt. Il en sera ainsi toute la journée pour Emile Amadji, PDG de l’« Etablissement Plomberie vouloir c’est pouvoir » (Ets PVP), société spécialisée dans la vente de matériel de plomberie qui emploie aujourd’hui une vingtaine de personnes et réalise un chiffre d’affaires estimé en dizaines de millions FCFA par mois.
Et pourtant, rien ne prédisposait ce jeune homme à ce destin. La quarantaine à peine entamée, Emile Amadji n’a pas fait de longues études. Après l’obtention de son Certificat d’études primaires (Cep) à Sodohomey, un arrondissement de Bohicon à environ 130 kilomètres de Cotonou, il est contraint de rompre avec le système éducatif.
« Après mon Cep que j’ai obtenu à l’âge de 14 ans, l’un de mes grand-frères, Valentin Amadji m’a amené à Cotonou pour servir dans une boutique de vente de pièces détachées appartenant à André Djahoui. La boutique était située au grand marché de Dantokpa », raconte-t-il. Il y passe 5 années. Son patron ayant abandonné la vente de pièces détachées pour la plomberie, Emile Amadji est amené à l’aider à vendre des articles de plomberie. « Jusque-là, je ne savais pas clairement ce que j’allais faire de ma vie. Mais à force de voir l’affluence qu’attiraient les articles de plomberie, j’ai commencé à aimer ce métier ». Conscient qu’ «on ne s’aventure pas sans formation » dans la plomberie, Emile Amadji entame, en 2004, une formation en plomberie. Barnabé Gohoungo se chargera de sa formation. Quatorze ans après, il n’a pas oublié les débuts de son poulain. « J’ai pris Emile comme apprenti. J’avais même peur vu son âge avancé (24 ans), qu’il soit indiscipliné ou qu’il me crée des problèmes sur les chantiers ». Très vite, Barnabé Gohoungo se ravise : « Durant les trois années qu’a duré sa formation, j’avoue qu’il ne m’a créé aucun problème. Aucun client n’a eu à se plaindre », témoigne avec fierté Barnabé Gohoungo.

Du plombier au commerçant
Fin 2008, Emile reçoit son parchemin. C’est le couronnement de trois années d’efforts, trois années au cours desquelles tout n’a pas été rose pour lui. «Je ne peux pas dire que j’ai passé les trois ans d’apprentissage sans difficultés. » Derrière son bureau, il se souvient de cette période, et surtout des moments où il devait descendre dans les fosses septiques pour les déboucher. Une tâche peu ragoutante pour laquelle il était « très utile » à cause de sa petite corpulence. Son diplôme efface très vite ces mauvais souvenirs. Avec l’expérience acquise dans la vente des pièces détachées et des matériels de plomberie, Emile Amadji désormais diplômé en plomberie, décide de prendre son destin en main. « Après ma libération, j’ai commencé à faire tout ce qu’il faut pour avoir de l’argent. J’étais sur les chantiers de maçonnerie, j’aidais les menuisiers pour des charpentes et beaucoup plus la plomberie que j’ai appris à faire. Mais, avec l’aide des amis et des connaissances, j’ai commencé par avoir mes propres chantiers ». A force de courage et d’abnégation, il se fraie son propre chemin, trace les lignes de son destin. Il ouvre sa première boutique à Tokan dans la commune d’Abomey-Calavi. La mévente le contraint à la fermer peu de temps après. Il ne se décourage pas pour autant. Convaincu que les gagnants ne sont pas ceux qui n’ont jamais chuté, mais plutôt ceux qui ont su se relever après chaque chute, Emile Amadji ouvre une deuxième boutique. Toujours à Calavi, mais cette fois-ci à Calavi Kpota. Il faut dire qu’il a eu le temps d’étudier le marché. « Je suis remonté vers Calavi Kpota réinstaller la boutique puis, d’un quartier à un autre, j’ai fini par identifier la zone d’où venaient la majorité de mes clients ». Aujourd’hui, il a installé le siège de son établissement à Parana et a ouvert une annexe à Tokan. « C’est alors pour me rapprocher de mes clients que j’ai inauguré le siège de mon établissement à Parana en août 2015 et ouvert l’annexe de Tokan en avril 2016 ». Sa volonté de réussir réside dans sa détermination. « Quand tu veux quelque chose, tu le peux » dit-il, pour montrer à tous, et surtout aux jeunes qu’il faut d’abord la volonté en toute chose pour y arriver. Acteur de premier rang dans la mise en place de l’Association des plombiers de la commune d’Abomey Calavi, Emile Amadji est aussi engagé dans la vie associative. « L’idée de l’association des plombiers existait depuis des décennies mais ça n’a jamais été concrétisé. Avec certains collègues, nous avons fait ce qu’il faut pour concrétiser l’idée » explique-t-il.
« Nous étions en début d’année lorsqu’Emile Amadji et deux de ses collègues m’ont rencontré pour solliciter mon soutien pour la mise sur pieds de ce creuset. Je leur ai dit la démarche à suivre et en quelques semaines seulement, les choses se sont concrétisées », confie le président de la fédération des artisans d’Abomey Calavi, Léonard Agbossou. « Emile n’avait rien de particulier. J’ai juste lu en lui une certaine détermination depuis son début d’apprentissage. Ce qu’il a gardé jusque-là et c’est ça qui, selon moi, lui vaut ce qu’il est aujourd’hui » note avec fierté Barnabé Gohoungo. « Emile est celui qui a le plus réussi parmi mes apprentis. Il est le symbole d’une relève assurée » ajoute-t-il.

Très croyant et sociable
Originaire de Bohicon et précisément de l’arrondissement de Sodohomey, Emile Amadji est né dans le catholicisme. A Cotonou, il est devenu pentecôtiste comme son premier tuteur et maitre qu’il aidait dans la vente de pièces détachées. Régulier au culte et amoureux de musique religieuse, il affectionne Gildas Zinsou un chantre de l’éternel qu’il a décidé d’accompagner depuis bientôt deux ans. « Je ne sais pas comment il a eu mon numéro mais c’est lui qui m’a appelé le premier. Après une séance d’échanges dans son bureau, j’étais ressorti le sourire aux lèvres parce que j’ai compris ce jour-là que Dieu, le père céleste que je chante et que je loue venait de m’envoyer un sauveur » témoigne Gildas Zinsou. Gagnant de l’édition 2018 de la Coupe nationale du vainqueur des artistes du Bénin (Conavab 2018), ce dernier ne tarit pas d’éloges sur l’homme : « J’ai fini par comprendre que Emile Amadji est un prophète. Lorsqu’il dit quelque chose et qu’il s’y met, ça marche. Je le dis parce que l’idée de participer au concours Conavab est venue de lui. J’ai déposé le dossier et il m’a soutenu jusqu’à la fin. Il réfléchit à ta place, il pense à ta carrière pendant que toi tu dors. Je n’ai jamais vu un homme aussi sociable et bon », témoigne l’artiste. Les employés et apprentis d’Emile Amadji sont unanimes sur les qualités de leur patron. Pour eux, il est l’homme qu’il fallait pour les sortir de la précarité. « Moi, je n’ai jamais vu quelqu’un comme lui. Il agit comme un prophète et tout ce qu’il entreprend réussit », souligne Herman Vigan, l’un de ses proches collaborateurs. Alphonse Daanon, le gérant de la boutique de Parana n’en dit pas moins : « ça fait cinq ans que je travaille avec lui mais, je n’ai jamais eu mon salaire en retard, même pas une seule fois. De plus, il est disposé à vous soutenir dans toutes les situations, aussi bien heureuses que malheureuses que vous vivez. Moi, je ne sais pas ce qui va me faire partir de de chez lui », ajoute Alphonse.

De l’ambition, encore et toujours
Marié et père de quatre enfants, Emile Amadji ne pense pas s’arrêter en si bon chemin. « Mon ambition, c’est d’acquérir des domaines, les morceler, vendre les parcelles et en même temps les construire. C’est-à-dire, lorsque vous achetez votre parcelle chez mois ou ailleurs, je me charge de vous le construire selon votre plan, jusqu’à la finition. De sorte que vous ne viendrez prendre que la clé de votre maison », développe Emile Amadji. Ambitieux, il investit déjà dans la quincaillerie et entend mettre en place une grande succursale dans la commune de Calavi. « Au départ, c’était les libanais ou d’autres étrangers qui étaient maîtres de la filière plomberie. Moi je trouve qu’il est temps que nous, nationaux, conquérions notre place », estime M. Amadji qui lance un appel à la jeunesse béninoise. « Je voudrais inviter les jeunes à se prendre au sérieux. Moi je ne regrette pas d’avoir arrêté les classes après le Cep, d’abord parce que mes parents n’avaient pas les moyens mais aussi parce que j’aime beaucoup plus ce qui est pratique ». Conscient des difficultés auxquelles les jeunes sont confrontés, il pense que rien n’est impossible et que les jeunes peuvent s’en sortir en entreprenant. Il en veut pour exemple, son propre parcours. « J’ai appris un métier certes, mais je ne me suis pas contenté de ça. Il est vrai que tout le monde ne peut pas faire les mêmes choses mais je crois que l’entreprenariat est la meilleure solution au chômage des jeunes. Car tu t’auto-emploies et tu emploies d’autres personnes ». Pour montrer qu’au-delà du système classique de l’enseignement, apprendre un métier et savoir le faire nourrit très bien son homme et rend prospère.

Yannick SOMALON

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