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Le triomphe de la vérité

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Edito: Le régionalisme rampant


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Sabi Sira Korogoné est le dernier avatar d’un mal pernicieux qui sévit dans notre pays depuis la période coloniale: l’instrumentalisation des clivages régionaux et ethniques à des fins politiques. Depuis lors en effet, le repli identitaire est le principal outil de mobilisation électorale connu des acteurs politiques de notre pays.
Il suffit de voir les zones d’ancrage des partis politiques de notre pays, pour se rendre à l’évidence. Il n’y a pratiquement aucun parti à envergure nationale, en dehors des FCBE qui sont restés un conglomérat de partis avant de se transformer en un parti. Les élections prochaines nous situeront sur leur réelle implantation nationale. Mais le fait est là que les Béninois n’ont appris, dans leur immense majorité, à ne voter que pour le fils du terroir. A bien des égards, l’ancien président Boni Yayi a tiré sur les ficelles du régionalisme, en en faisant un levier de son action. Nous l’avons expérimenté à travers les quotas pratiqués lors des concours de recrutement à la fonction publique, les procès sélectifs contre les coupables de mauvaise gouvernance originaires d’une région donnée, ainsi que les propos insoutenables qu’il tint lui-même publiquement, menaçant entre autres, de faire descendre les siens du Bénin profond pour venir régler leurs comptes à ceux qui osaient le critiquer. En juillet 2013, le Père Alphonse QUENUM, Recteur Emérite de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest (UCAO), avait publié une tribune dans un journal béninois pour souligner la gravité du problème. Il y disait, entre autres : « Bon nombre de nos concitoyens observent que pour jouir de l’impunité après des forfaitures graves, il vaut mieux être du Nord qu’avoir le malheur de se lancer dans une telle mésaventure en étant du Sud. D’ailleurs dans ce cas, les commissions confiées à des « spécialistes » de ce genre de chose n’aboutissent presque jamais ou seulement aux dépens des « mal nés ».
Sabi Sira Korogoné, l’un des organisateurs de l’initiative dite de Nikki, est désormais mis aux arrêts. Il pourrait répondre des griefs retenus contre lui par la justice. Au nombre des propos résolument régionalistes tenus lors de ces assises de Nikki, on a pu entendre ceci : « la jeunesse du nord répliquera à toute tentative d’arrestation de ces dignes fils par tous les moyens dans un Etat où la justice prend désormais le manteau d’un fauve qui ne dévore que les ressortissants d’une région. » Les acteurs de ce rassemblement s’en prenaient ainsi au pouvoir Talon accusé de chercher à juger des responsables politiques originaires du Nord pour des faits de malversation. Autre phrase forte de cette initiative dite de Nikki : « allez aussi lui dire que la jeunesse du septentrion n’a plus peur de lui ». Et il y en a d’autres.
La question est ceci : peut-on, au nom de la liberté d’expression, tolérer que ces appels à la haine interrégionale se tiennent sur la place publique ? Doit-on permettre que des Béninois se prévalent d’une certaine liberté d’expression pour appeler à la rébellion d’une partie du pays contre une autre ?
A mon avis, la réponse, catégorique et sans ambages, devrait être administrée par tous : c’est non. Le Bénin est un pays unique et indivisible. Les discours bassement régionalistes qui appellent à l’affrontement devraient, de ce fait, être combattus avec la dernière énergie, quels que puissent en être les auteurs. Il y a quelques années, les propos incendiaires de Yayi avaient provoqué une onde de choc nationale que personne n’a oublié. Ce qu’on a condamné hier pour l’un doit l’être pour l’autre aujourd’hui.
Il est vrai que des acteurs politiques trouvent dans tout ce qui attaque le régime une occasion de réjouissance. Nous en voyons donc qui affichent leur soutien à Sabi Sira Korogoné. C’est un racolage indécent voire honteux qui les rattrapera tôt ou tard. Oui, les effets de manche font partie du jeu politique. Certains politiques sont capables de se réjouir même de la mort pour peu qu’elle leur apporte des dividendes électoraux. Et c’est ce qui fait la célébrité du Front national en France, parti qui fut pendant longtemps, résolument raciste et anti-immigrants. Mais ici, il faut voir que même durant ses heures de gloire, le Front national n’a jamais appelé à la partition de la France. Il faut le dire simplement : nous devrons apprendre à ne pas sacrifier l’unité même de notre pays, au profit d’intérêts lâchement politiques.

Olivier ALLOCHEME

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