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Le triomphe de la vérité

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Réflexion sur le développement du Bénin: L’Ambassadeur Edon appelle les Béninois à «naître de nouveau»


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La question du développement du Bénin est un défi qui incombe à tous. Mais elle ne saurait être une réalité si certaines attitudes ne changent au Bénin, un pays où tout se passe comme si l’on préfère la médiocrité à l’excellence, où la politique du « Ôte toi que je m’y mette », une conception égoïste et impropre au progrès social, prédomine dans les pratiques quotidiennes et où règnent, le non-respect du bien public, l’incivisme, la violation et l’interprétation tendancieuse des lois, la corruption sous  toutes ses formes, la recherche effrénée de la richesse sans le travail, la négation des valeurs morales, l’achat des consciences à des fins personnelles, le manque d’amour et bien d’autres vices. Des vices qui prennent davantage le pas au sein de la classe intellectuelle pourtant censée combattre ce mal qui gangrène la société béninoise. La réflexion de l’Ambassadeur à la retraite et spécialiste des questions internationales, Jean-Pierre Edon, interpelle sur une prise de conscience de la jeunesse et des acteurs béninois à divers niveaux en vue d’un changement de mentalité et d’idéologie dans les pratiques quotidiennes. Une lutte collective que doivent impérativement mener l’Etat, les confessions religieuses, les ONG, les artistes, les enseignants, les leaders d’opinion, les cellules familiales, les sages et notables dans les villages et quartiers de ville, ainsi que les formations politiques afin de faire renaitre chez le Béninois son esprit de créativité et d’innovation afin de faire de son pays, une terre de paix, de sécurité, de justice, de prospérité, de solidarité nationale où il fait réellement bon vivre.

Lire ci-dessous la réflexion de l’Ambassadeur à la retraite et spécialiste des questions internationales, Jean-Pierre Edon.

Le comportement du citoyen Béninois, un frein au développement

 

Le développement est un objectif que visent toutes les nations pour le bien-être de leurs populations. Les pays ayant déjà accédé à ce stade, continuent de travailler pour l’améliorer, tandis que d’autres très nombreux, déploient encore de grands efforts pour y parvenir. Ce concept socio-économique dont on parle sans cesse, comporte plusieurs dimensions dont entre autres, l’éducation, la culture, le travail, l’économie, l’amour du pays et aussi l’éthique. Cette dernière dimension appliquée au Bénin est celle qui fait l’objet de notre réflexion. L’éthique,d’après le dictionnaire  Petit Robert, est «  l’ensemble des principes de bonne conduite ; c’est la théorie ou système de valeurs morales ». Il s’agit donc des règles morales pour guider les actes et la vie d’une personne. Son importance qui n’est plus à démontrer est reconnue par de nombreux observateurs de par le monde,notamment les anciens fonctionnaires béninois des Nations-Unies.

Le jeudi 26 juillet 2018, l’Association des Anciens Fonctionnaires des Nations-Unies du Benin (AAFNUB), consciente du mal dont souffre notre pays, a eu la bonne inspiration d’organiser dans les locaux de l’ISBA à Cotonou, une conférence- débat sur le thème : Le déficit d’éthique dans la société béninoise. Ce fut une rencontre intéressante, instructive et pleine d’enseignements. Il est heureux de constater à travers les débatsl’unanimité autour du déficit d’éthique dans notre société et  la nécessité de tout mettre en œuvre pour corriger, voire éradiquer ce fléau persistant, devenu l’un des goulots d’étranglement du décollage socio- économique du pays.

Le Benin vient de célébrer le 58e anniversaire de son indépendance .Devenu alors Etat souverain depuis plus d’un demi-siècle, il est dirigé par ses propres fils qui s’adonnent aux tâches  de construction nationale avec des résultats mitigés. Loin de faire ici le bilan de ces années de fonctionnement de l’Etat, nous voulons plutôt sensibiliser l’opinion publique, à l’instar de l’AAFNUB et  d’autres ainés par le passé,  à propos du comportement peu citoyen du Béninois, ensoulignant le frein qu’il constitue pour le développement et son impact sur la situation politique nationale.

Aux environs de l’année 1945, l’éminent ethnologue et écrivain Paul HAZOUME, après avoir observé et analysé sa société, a fini par reconnaitre que: «  LeDahoméen n’aime pas que son voisin ait du mérite. Aussitôt détecté, on le craint,on l’isole et on finit par l’abattre ».

L’ambiance ainsi décrite depuis la période coloniale, n’a pas changé. Aujourd’hui encore , celui qui a du mérite et utile à son pays, fait malheureusement l’objet de coups bas, de jalousie, de haine, de critiques non fondées et victime d’actes destructeurs compromettant sa volonté de servir loyalement la Nation. Dans certains cas, l’intéressé déçu de cette mentalité, s’exile involontairementdans un autre pays où il fait des merveilles parce que l’environnement s’y prête.

Tout se passe comme si l’on préfère la médiocrité à l’excellence. En réalité on milite pour le nivellement à la base. Tant que je ne suis pas brillant, il faut que tout le monde soit médiocre comme moi. Il en résulte que  la chose la plus importante à prendre en considération, c’est mon intérêt et non celui des autres. Du moment où je ne suis pas membre d’un groupe de personnes intègres qui posent des actes bénéfiques et épanouissants envers la population, tout ce que fait cette équipe est mauvais, d’où la nécessité de la combattre et se substituer après à elle. Il s’agit de la politique de « Ote toi que je m’y mette », une conception égoïste et impropre au progrès social.

Le Président Emile Derlin ZINSOU a résumé en des termes simples et significatifs ce caractère dégoûtant par la phrase historique ci-après en langue nationale FON : « Gbadétchédjin na bi », ce qui veut dire littéralement parlant « seul mon maïs sera cuit, pas celui des autres ». En d’autres termes, cela traduit l’idée que c’est mon propre intérêt qu’il faut défendre et non l’intérêt général.

Une observation attentive des comportements de nos frères et sœurs depuis des lustres, donne parfaitement raison è nos ainés, Président ZINSOU et  l’écrivain HAZOUME. Cette primauté de l’intérêt égoïste sur l’intérêt général, explique certaines attitudes non patriotes que l’on déplore souvent à savoir : le non-respect des biens publics, l’incivisme, la violation et l’interprétation tendancieuse des lois, la corruption dans toutes ses formes, la recherche effrénée de richesse sans le travail, la négation des valeurs morales, l’achat des consciences à des fins personnelles, le manque d’amour du prochain et du pays et surtout de la crainte de Dieu. Il est particulièrement inquiétant de constater que ces mauvais comportements traduisant la négation des vertus, se développent gravement au sein de la classe intellectuelle censée de combattre ce mal qui gangrène la société béninoise et dont voici une illustration parmi tant d’autres : Animé d’un sentiment de jalousie incroyable,un cadre, enviant la promotion de son frère du village ayant à plusieurs reprises,  occupé des postes de responsabilité sur le plan national, déclarait avec colère ce qui suit : « Pourquoi c’est toujours lui, j’ai le même diplôme universitaire que lui… » Joignant l’acte à la parole, ce grand intellectuel, de surcroît professeur d’université, a tout mis en œuvre pour faire échouer son frère du village à un poste électif l’année suivante. Ce cas n’est pas isolé, il est légion dans notre pays sous diverses formes et se manifeste quelquefois dans des conditions dramatiques. La jalousie et la mesquinerie nous font oublier que les êtres humains y compris des jumeaux, n’ont pas le même destin et que le Tout- Puissant a son plan pour chacune de ses créatures, un plan différent d’un individu à l’autre. Il ne suffit pas d’avoir le même diplôme  qu’une personne  pour prétendre évoluer de la même manière qu’elle. Tous ceux qui pensent et agissent autrement en cherchant à empêcher la promotion ou à ternir l’étoile de leur prochain, finissent par être malheureux parce qu’ils transgressent une loi de la nature.

Cette histoire me rappelle la description peu élogieuse que pendant la période coloniale, Emmanuel MOUNIER, un Administrateur français colon et historien, a faite du Dahomey devenu Bénin, à savoir que « Le Dahomey est le quartier latinde l’Afrique.Mais cet intellectualisme fait de méchanceté et de mesquinerie est de nature à retarder le développement du pays ». Monsieur Mounier a fait, sans en avoir l’air, une prophétie qui demeure valable encore 58 ans après l’accession du pays à la souveraineté nationale et internationale.

En effet, l’un des freins au développement du Benin  est bien, le déficit d’éthique dont l’une des manifestations est cet intellectualisme évoqué plus haut. Déplorant les comportements indécents des cadres, le président Kérékou, pendant la période révolutionnaire, exprimait à sa manière la même idée en qualifiant de tarés les cadres béninois. A l’époque c’était offusquant et inadmissible, mais avec le recul, on s’aperçoit que le grand camarade de lutte n’avait pas exagéré dans ses propos. En le disant avec son humour habituel, il ne niait pas la grande capacité intellectuelle de l’Elite, mais déplorait et regrettait plutôt que cet atout important ne soit pas mis au service du bien pour le pays. En effet le manque d’éthique amène nos intellectuels à des compromissions incroyables et bizarres de nature à bloquer le développement. Nous sommes dans une société où l’on ne fait pas attention à ce qui est dit, mais seulement à celui qui dit. Et quand il n’est pas de votre cercle politique ou autres, « il n’a rien dit de bon ». Voilà pourquoi on préfère confier de grandes responsabilités nationales aux gens sans expériences, ni compétences au détriment de ceux qui, par leur savoir-faire et efficacité, en sont plus méritants, mais ont commis le crime de ne pas appartenir au cercle politique des décideurs. Cette attitude fait douter de la communauté de destin que nous devrions constituer, et de l’amour patriotique qu’il convient d’entretenir pour éviter des compromissions suicidaires à court et à moyen termes.

Parlant d’ailleurs de la compromission des intellectuels africains à laquelle n’échappent pas ceux du Benin, mus par leurs propres intérêts,  Norbert ZONGO journaliste burkinabé, les classait en trois catégories. J’évoquerai ici la première catégorie que d’après cet homme de presse talentueux lâchement assassiné il y a quelques années, est « constitué d’intellectuels opportunistes qui se servent de leurs connaissances livresques pour aider les dictateurs à donner un contour idéologique et politique à leur tyrannie. Le tyran peut voler, tuer, emprisonner, torturer, il ne sera pas moins défendu et intellectuellement réhabilité par des cerveaux au nom de leurs propres intérêts. Résultat, la plupart de ces intellectuels finissent par s’exiler, sont froidement exécutés ou se suicident en prison. Les plus heureux sont dépouillés de leurs biens et privilèges avant d’être jetés en pâture au peuple. Un tyran n’a pas d’amis éternels ». Voilà où conduit le comportement des intellectuels attachés à leurs propres intérêts, oubliant celui du peuple qu’ils sont supposés représenter et défendre. Ils utilisent mal leurs connaissances académiques pour opprimer le peuple à cause de leurs ambitions égoïstes. Heureusement que tous les intellectuels béninois ne sont pas de cette catégorie. Il y en a qui rappelle ceux du pays de Mandela.

En effet, l’histoire récente d’Afrique du Sud nous a montré le rôle positif que les intellectuels regroupés au sein de l’ANC et des mouvements alliés, ont joué dans la libération du pays. Madame Marianne Sévérin, politologue, chercheuse associée au laboratoire de recherche « Les Afriques dans le monde », sciences Po Bordeaux, résumait dans Jeune Afrique no 3002 du 22 au 28 Juillet 2018, l’expérience sud-africaine en ces termes : « Digne héritier des fondateurs de l’ANC de 1912, Mandela s’est forgé une conscience politique en se fondant sur la valeur et la force du collectif, s’est modelé grâce à l’histoire de son pays et de son parti. Créé six ans avant sa naissance, l’ANC est issu de la volonté collectivedes élites africaines d’Afrique du Sud de représenter le peuple noir et de défendre ses intérêts face à la construction d’une Afrique du Sud blanche, l’Union act de 1910 faisant des Africains des étrangers dans leur propre pays… »Il ressort de ce qui précède que c’est l’alliance de l’intelligentsia sud-africaine qui a créé l’instrument de lutte qu’est l’ANC sous l’impulsion idéologique et militante que lui a insufflé Nelson Mandela. Les intellectuels sud-africains ont donc fait le travail attendu de leurs homologues africains en mettant en avant l’intérêt du peuple. Ils ont compris que c’est en s’oubliant qu’on travaille pour soi. C’est ce genre de tâche qui classe en second rang l’intérêt personnel que les intellectuels béninois doivent accomplir pour favoriser le développement et préparer la jeunesse à la relève avec un code d’éthique approprié.

Or aujourd’hui le déficit d’éthiqueconnait un développement nouveau très préoccupant au sein de la jeunesse, devenue très matérialiste et pressée de s’enrichir, ignorant que c’est du travail que découle la richesse. Tous les moyens sont bons pour vite y parvenir et on n’hésite même pas à prendre des raccourcis dangereux et immoraux tels que le banditisme, la cybercriminalité, le trafic des stupéfiants, l’adoration  des idoles entretenus par l’usage du sang humain, la recherche et le commerce illicite des organes humains, la disparition suspecte des enfants, voire des adultes.

Il y a quelques semaines j’échangeais avec un jeune travailleur en quatrième année de service dans la fonction publique. Grande était ma surprise de l’entendre se plaindre sérieusement de ce qu’il ne dispose pas encore  d’une voiture pour ses déplacements. A ma réaction, qu’au début de ma carrière au Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération, je n’avais qu’une mobylette pour aller au travail et que j’en étais fier, le jeune fonctionnaire me répondait tout simplement que c’était mon temps. De cette conception des choses, j’étais offusqué en ce sens que cet agent en début de carrière comme beaucoup de Jeunes béninois, veut disposer en 4 ans de fonction seulement, de ce que ses aînés ont mis 10 à 15 ans de travail à avoir. Contrairement à sa réponse, la question n’est pas une affaire de temps, il s’agit ici de l’éthique qui a déserté le forum, car à voir son attitude, il serait capable de se livrer à un sale besogne pour acquérir ce matériel avec de l’argent sale, or le bien mal acquis ne profite pas. Je n’ignore pas qu’en 4 ans ou moins de travail, c’est possible d’acquérir un véhicule quand on est issu d’une famille aisée ou si onjouit d’un bon salaire, ce qui n’est pas le cas dans la fonction publique béninoise. Lorsque les conditions n’en sont pas favorables, il ne faut pas en faire un souci. Le temps dont parle le jeune agent n’est pas l’élément essentiel dans ce cas de figure. Ce qui compte et est en jeu, ce sont les valeurs morales qui sont les mêmes hier, aujourd’hui et demain. Les temps changent certainement et tout évolue, mais l’éthique demeure la même et est valable pour tous les temps.

En réalité, il faut reconnaitre que la jeunesse béninoise manque de repères. La béninoiserie que d’aucuns appellent encore la béninité, ne permet pas  aux ainés de servir de repères en ce sens qu’ils ne prêchent pas suffisamment d’exemples. Comment peut-on parler de repères, lorsqu’en voyant par exemple une Autorité apparaitre à la télévision, le chef de famille, assis à côté de ses enfants au salon, se met à proférer des injures contre cette personnalité. On peut ne pasl’aimer, mais l’éthique voudrait qu’on respecte l’autorité qu’elle incarne surtout en présence des enfants. En se comportant ainsi, ce père de famille enseigne consciemment ou non à sa progéniture l’art et la possibilité d’insulter tout le monde y compris les Autorités. Or l’injure n’est rien d’autre que la projection sur autrui de ce que l’on est. Le professeur Jean Pliya exprimait la même idée à travers cette pensée : « Nemenace personne, mon fils, pas même ton pire ennemi, car lorsque tu pointesl’index vers lui, trois doigts sont tournés vers toi-même pour t’accuser, te juger. Ainsi pour une flèche que tu lui décroches, trois t’atteignent en pleincœur… »L’injure gratuite devient à ce chef de famille, la distraction, comme elle l’est aussi pour les conducteurs de taxi-motos qui n’hésitent pas à s’en servir dans les rues pour un rien. On ne voit même pas le lien entre ce comportement et la cupidité dont ils font montre.

La cupidité gagne aujourd’hui toutes les couches sociales et on a tendance à croire que l’argent passe avant l’être humain. En 2013, un mini bus de transport en commun a fait un accident grave en brisant les garde-fous du pont de Porto-Novo pour tomberdans la lagune en présence des pêcheurs. Alertées, les Autorités locales et préfectorales se sont rendues immédiatement au lieu de l’accident. Elles ont demandé aux pêcheurs de secourir d’éventuels survivants et récupérer les personnes déjà éteintes. Les intéressés qui ont l’habitude de ce genre de sauvetage, ont exigé d’abord de l’argent avant leur descente dans la lagune. Pendant ces discussions qui prenaient du temps,tous les survivants qu’on pouvait sauver par une intervention rapide, ont fini par perdre la vie.

L’argent a tout perverti dans notre pays, ce qui est préoccupant et dangereux. Plus rien ne se fait gratuitement et nous avons perdu le sens du volontariat, du bénévolat et de la compassion. L’assistance à personne en danger n’a plus de sens lorsqu’elle n’est pas accompagnée d’espèces sonnantes. On croit que l’argent peut tout faire, ce qui n’est pas vrai, comme l’a confirmé depuis longtemps le poète et grand écrivain français J.J. Rousseau en disant : « On a detout avec l’argent, hormis des cœurs et des bons citoyens ». On peut alors dire sans risque de se tromper que le comportement de ces pêcheurs est celui des mauvais citoyens sans cœur. Aussi l’attitude actuellement en développement chez nous, relative à l’amour excessif de l’argentest-elle une mauvaise chose qu’il faut corriger pour doter le pays de bons citoyens et limiter les répercussions du déficit d’éthique sur la situation politique et économique du pays.

En effet, par le passé, on a assisté au blocage des investissements étrangers au Benin à cause de la cupidité des cadres qui privilégient leurs intérêts par rapport à celui du peuple. Aussi à cause des 10% réclamés avec insistance avant d’autoriser les investisseurs à s’installer, beaucoup de ces bailleurs de fonds privés, déçus par cette attitude incorrecte et dénuée de patriotisme, ont-ils préféré diriger leurs investissements vers les pays voisins tels que le Togo et le Burkina Faso où l’accueil est plus amical et encourageant.Mieux pour des raisons strictement personnelles, et en vue de rendre la tâche difficile au régime en place dont on ne souhaite pas le succès, certains compatriotes utilisent leurs relations à l’étranger pour empêcher l’assistance  au développement de leur pays. C’est là une autre illustration de la pensée de M. Mounier.

Tout ce qui précède, permet de comprendre que de 1960 à nos jours, aucun régime ayant nouvellement accédé au pouvoir ne reconnait  le travail abattu par son prédécesseur et se comporte comme si avant lui, le pays n’existait pas. La conséquence de ce comportement, négation de l’éthique en politique, est que notre pays n’avance pas comme il le faut, il tourne en rond. On fait abstraction de la sagesse selon laquelle  c’est sur l’ancienne corde qu’on tisse la nouvelle et que le principe de continuité de l’Etat s’impose à tout dirigeant.

Chaque régime se comporte comme s’il a la science infuse et est par conséquent seul à détenir la solution aux problèmes de développement du Benin, or la construction nationale est une tâche de longue haleine qu’on ne peut jamais finir d’accomplir. Il manque aux Béninois l’humilité, la tolérance, l’amour du prochain, le courage politique et l’honnêtetéintellectuelle.

Cette appréciation me rappelle un évènement qui remonte à 2009 au cours de l’audience que le premier magistrat du pays a accordée à un opposant politique. L’entretien a porté entre autres, sur les actions du Gouvernement que le chef de l’Etat a pris soin d’expliquer  avec force détails. Son interlocuteur, satisfait de ces informations détaillées, a alors reconnu qu’il fait du bon travail.Mais il a ajouté qu’en sa qualité d’opposant, il déclarera à la presse en sortant de cette salle d’audience que le  Président de la République ne l’a pas convaincu du sérieux de son travail. Celui-ci réagit vivement en disant que vous venez pourtant d’apprécier à sa juste valeur les actions de mon gouvernement. Son hôte lui répond que s’il reconnait publiquement la qualité de son travail, il n’aura plus de raisons valables pour chercher à occuper un jour son fauteuil présidentiel.

Cette petite histoire illustre bien la politique de « Ote toi que je m’y mette ». C’est aussi la preuve qu’il manque à cet opposant, comme à beaucoup d’acteurs politiques, le courage attendu d’un patriote. Ce comportement dénué d’éthique ne permet pas aux politiciens d’user de leur bon sens pour la distinction à faire entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas pour le pays. Un opposant politique n’est pas un ennemi, mais plutôt un adversaire sur le plan des idées. La mouvance présidentielle et l’opposition ont des ambitions pour leur patrie, la différence réside dans la manière et les moyens à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs visés. Ces moyens découlent évidemment de l’idéologie de chaque partie et de son idéal.

Malheureusement, la mesquinerie que nous déplorons tous ne permet pas d’y voir clair. Pire on met en place des arsenaux juridico-politiques pour entrainer l’exclusion, ce qui est dangereux pour la paix et remet en cause la démocratie dont l’une des caractéristiques essentielles est l’acceptation des idées différentes et plurielles par opposition à l’idée unique. En Côte d’Ivoire, pays resté pacifique pendant plusieurs décennies, l’exclusion d’une frange de l’élite de la gestion des affaires publiques par le biais d’une constitution élaborée à la tête du client, a suffi pour déclencher une longue guerre civile de cette ampleur.Le redressement relativement rapide et admirable de ce pays après les atrocités est dû à la solidité de son économie, or une Nation comme la nôtre ne dispose pas d’atouts économiques lui permettant de vite se reconstruire à la suite d’une guerre civile à ne pas souhaiter.

On entend souvent dire que Dieu aime le Benin à cause de la paix dont il jouit, mais il aime aussi les autres pays y compris ceux qui sont en guerre. Le facteur déterminant de la paix durable et de l’amour divin pour un pays donné, dépend des comportements de ses habitants, et surtout de ceux de la classe dirigeante. Il suffit de reconnaitre dans la société la place des valeurs morales pour que l’amour divin se manifeste avec des grâces. Cette reconnaissance est possible et se fait déjà avec certains citoyens béninois exemplaires qui font de l’éthique un principe de base dans leur vie.

Il est en effet  heureux de  constater que tous les compatriotes ne souffrent pas du déficit d’éthique. Il existe une minorité dont le comportement est conforme aux valeurs morales, et se bat pour étendre son champ d’application. Notre vœu est que l’exemple prêché par elle,gagne progressivement tout le monde ou tout au moins la majorité.Lesouhait commun est que désormais nos compatriotes fassent de l’éthique un principe de base et renforcent leur patriotisme ainsi que l’amour du prochain actuellement insuffisants. Dès lors les actes et pensées non vertueux n’auront plus droit de cité et  le changement de mentalité dont on parle depuis la période coloniale deviendra enfin une réalité. Cette mentalité constitue un frein puissant au progrès national.

Cette lutte pour le développement incombe à tout le monde, notamment l’Etat, les confessions religieuses, les ONG, les artistes,les enseignants, les leaders d’opinion, les cellules familiales, les sages et notables dans les villages et quartiers de ville ainsi que les formations politiques. Tout ira mieux si chacun de nous peut méditer et faire sienne l’ exhortation ci-après, tirée de l’Ecriture Sainte : « Au reste ,frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable,tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l’approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l’objet de vospensées. » (Philippiens 4 :8)

Le Béninois qui a toujours étonné par son esprit de créativité et d’innovation, est capable de mettre en branle son génie pour se conformer à cette exhortation et faire de son pays, une terre de paix, de sécurité, de justice, de prospérité, de solidarité nationale où il fait réellement bon vivre. Il en sera ainsi grâce à la volonté et aux efforts de tous les enfants du Benin.

 

Fait à Cotonou, le 08 Septembre 2018

 

 

 

Jean-Pierre EDON

Ambassadeur à la retraite, spécialiste

des questions internationales.

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