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Le triomphe de la vérité

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Edito: Requiem pour la grève


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La loi sur le droit de grève modifiée ce mardi 04 septembre 2018, est l’un des plus importants textes législatifs de ces vingt dernières années. Elle ne permet qu’un total de dix jours de grève par an, limitant ainsi la jouissance d’un droit qui est jusqu’ici l’un des freins les plus redoutables à des réformes sérieuses dans des secteurs clés de notre société.

Oui, il y a des injustices sans nombre dans l’administration publique. et il faut en être victime pour comprendre comment cela fait mal d’avoir des avancements en retard, des rappels oubliés, des pertes volontaires de dossier ou encore un salaire bas, alors que l’on fait le gros du travail de ceux qui sont payés à millions pour ne rien faire…Et il y a dans ce pays, beaucoup de cadres, militaires et civils, que l’on a rangés pour le simple fait qu’ils ont été obligés de défendre leurs droits. Et c’est précisément à ce niveau que les syndicats interviennent pour faire entendre la voix du travailleur maltraité.

Nous sommes d’accord en définitive que tous les corps de métiers de la fonction publique béninoise ont des revendications spécifiques qui méritent d’être prises en compte par l’Etat. Mais la question que l’on manque toujours de se poser, c’est celle de la responsabilité de l’usager, lorsqu’en dernier ressort c’est lui qui est pénalisé dans les mouvements de grève. Autrement dit, quelle est la responsabilité de la veuve sans argent lorsque l’audience qui doit lui permettre de faire avancer son dossier de pension est reportée à répétition à cause de la grève des greffiers ou des magistrats? Quelle est donc ma responsabilité lorsque malade et transporté d’urgence à l’hôpital je dois être laissé sans soin parce que des infirmiers ou des médecins réclament un supplément de salaire que l’Etat reste leur devoir ? Une autre question : quelle est la responsabilité de mes enfants que l’on abandonne sans cours de maths ou de SVT parce que les professeurs sont en grève, alors que les enfants de la plupart de ces enseignants sont dans le privé où ils suivent paisiblement les mêmes cours et viendront concurrencer les miens pour l’entrée aux grandes écoles et surtout sur le marché du travail?

Non, la grève n’est pas inutile, mais sa forme doit évoluer. Et c’est en cela que le vote d’hier vient précisément à point nommé. En réduisant le nombre de jours à dix par an, c’est une avancée majeure qui est offerte. Mais une loi sociale doit aussi prendre en compte les voies de recours en vue d’une solution négociée.

Nous sommes aujourd’hui nombreux à reconnaître que le galvaudage du droit de grève n’a pas servi la cause des travailleurs. Il a ligué une bonne partie de l’opinion publique contre eux, sur ce sujet précisément. Avec la nouvelle loi votée, on verra de moins en moins de grèves politiques employées par des partis politiques ayant échoué dans l’arène politique et qui utilisent les syndicats pour exister. Cette prise en otage s’est réalisée avec le consentement des travailleurs qui apprécient fortement la collusion incestueuse entre le parti communiste et certaines centrales  syndicales. Ce faisant, peu d’entre elles n’en imaginaient nullement l’impact à long terme que nous voyons aujourd’hui.

Récemment, les mêmes acteurs ont trouvé le moyen de créer le Front pour le sursaut patriotique dont la plupart des activités se déroulent  à la Bourse du travail. Outre le Parti communiste, il regroupe des partis politiques comme les FCBE ainsi qu’une centrale syndicale comme la CSTB. Curieusement, il ne s’est trouvé personne pour leur rappeler qu’un syndicat, à moins de vouloir saborder sa crédibilité et son efficacité dans les négociations, ne devrait jamais se permettre de telles outrances ostensiblement exposées à la face de tout le monde.

L’excès dans l’imposture a conduit à la banalisation du droit de grève. Mais le déclic qui a sonné la fin de la crédibilité de certains syndicats aura été l’échec des grèves perlées de janvier à avril dernier. Cet échec aura radicalisé la position du gouvernement qui a donné le coup de grâce d’hier.

Il faudra désormais réinventer le mouvement syndical et lui trouver d’autres moyens d’action. Et ce n’est pas trop tôt.

Par Olivier ALLOCHEME

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